L’Union européenne face à l’immigration illégale (14/10/2005)
Confrontés aux peurs de leurs opinions publiques, les états européens ont adopté des normes de contrôle et de répression de l’immigration clandestine qui se veulent plus dissuasives, ce qui n’exclut pas des régularisations au coup par coup des clandestins déjà entrés. Mais le problème de l’immigration ne peut pas être réglé au seul plan national, comme le montrent les drames qui se déroulent dans les enclaves de Ceuta et Melilla, aux frontières extérieures de l’Union. Des africains tués lors d'un assaut de Melilla, plusieurs centaines de réfugiés abandonnés par les autorités marocaines en plein désert : les méthodes expéditives et brutales des espagnols et des marocains ont été condamnées par les ONG humanitaires , mais les états de l’Union et la Commission européenne se sont montrés plus réservés même si la Commission a demandé des réactions « proportionnées ». Des émissaires de l’Union ont été dépêchés sur place pour faire un rapport au Conseil des ministres « Justice et affaires intérieures » qui s’est réuni le 12/10 sur le thème de la lutte contre l’immigration clandestine. La conclusion unanimement admise est que le problème est l’affaire de toute l’Union et qu’il faut « renforcer la coopération" et "travailler plus efficacement avec les pays tiers », selon les termes employés par le Ministre britannique des affaires étrangères, M.Douglas Alexander, le 12 octobre, lors d’un débat au Parlement européen consacré à l’immigration.
Encore faut-il savoir ce que l’on entend par là car il existe plusieurs façons de s’y prendre.
La première consiste à demander aux pays tiers qu’il soient d’origine ou de transit de jouer le rôle de « gendarmes » pour l’Union en contrôlant et en refoulant les migrants illégaux. Ainsi par exemple, des accords sont conclus ou en voie de l’être, avec ces pays pour organiser la réadmission. Mais ils achoppent sur une difficulté majeure, celle du financement de la prise en charge des immigrés. L’Union européenne voudrait partager la charge financière avec les pays de transit et elle lie l’aide au développement qu’elle leur octroie à la façon dont ils jouent leur rôle de « gendarmes », ce qui a pour effet pervers d’encourager de la part de ces pays des comportement plus soucieux de résultats quantitatifs que de respect des êtres humains. Dans cette optique de coopération avant tout policière et répressive, l’Union européenne s’honorerait donc de prendre des mesures pour garantir le respect des droits de l’homme et le traitement humain de ceux qui sont « coupables » de vouloir une vie meilleure.
La seconde façon d’aborder le problème est de considérer que les solutions ne peuvent se limiter au renforcement des contrôles aux frontières, à la surveillance policière, à l’édification des murs. Tant que des hommes et des femmes dénués de tout seront prêts à risquer leur vie pour tenter de se construire un autre avenir, la « forteresse » Europe sera indéfendable, à la fois en pratique, et sur le plan moral, compte tenu des valeurs humanistes que prônent les pays de l’Union. Il faut agir sur le long terme.
Dans cette optique, la coopération passe par une aide pour que les pays pauvres se développent. La politique européenne de coopération au développement n’a-t-elle pas pour objet « le développement économique et social durable des pays en développement et plus particulièrement des plus défavorisés d'entre eux » ? (article 177 du traité instituant la Communauté européenne). Présentant le 12/10, sa proposition de « stratégie de l’Union Européenne pour l’Afrique », la Commission a rappelé cet objectif, faisant le parallèle entre sa proposition et les événements de Ceuta et Melilla. La « stratégie » s'articule autour d’un certain nombre d’axes pour assurer le développement durable, telles que le maintien de la paix et la sécurité et l'application des principes d'une bonne gouvernance (dont on espère qu’ils incluent la lutte contre la corruption). L’accent est également mis sur la construction de grandes infrastructures dans le domaine des transports, de l'eau, de l'énergie, des télécommunications et sur l'éducation. Un programme d'échanges, de type Erasmus en Europe, sera mis en place. Ceux qui en bénéficieront s'engageront à contribuer au développement de leur pays d'origine. L’aide européenne à l’Afrique devrait augmenter, passant de 17 milliards d'euros par an à environ 25 milliards d'euros d'ici 2010, conformément aux engagements pris par les états de l’Union d’augmenter l’aide publique au développement afin d’atteindre 0,56% du revenu national brut (RNB) d’ici 2010, et 0,7% d’ici 2015. En 2003, l’aide de l’Union européenne (Union plus états membres) s’est élevée à 17053,5 millions de dollars soit 60% de l’aide à L’Afrique (18% de l’aide provient des Etats-Unis), selon les chiffres de l’Organisation Européenne pour la Coopération et le Développement (OECD) rapportés par la Commission européenne ( Memo 05/370, « Questions and Answers: The European Union Strategy for Africa”, 12/10/2005). La question est de savoir si les efforts futurs porteront plus de fruits que les efforts passés. Autrement dit, la stratégie annoncée le 12 sera-t-elle plus efficace que les actions précédentes?
La stratégie pour l’Afrique et les autres propositions doivent être approuvées par le Conseil, c’est-à-dire par les états, ainsi que par le Parlement européen.
Pour en savoir plus : la page de la Commission Européennes sur la politique d’immigration
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