La justice européenne censure une réglementation française sur le temps de travail (06/12/2005)

Un arrêt de la Cour de Justice des Communautés européennes rappelle une jurisprudence déjà établie selon laquelle le temps de garde doit être décompté  comme temps de travail (CJCE, 01/12/2005, affaire C-14/04, Abdelkader Dellas e. a. / Premier ministre e. a.). Une réglementation nationale (en l’espèce un décret français)  qui ne respecte pas ce principe est contraire au droit communautaire.


M.Dellas, éducateur spécialisé dans un  établissement pour handicapés avait été licencié en raison de divergences avec son employeur notamment sur la durée de travail qu’il effectuait et sur sa rémunération au titre des heures de surveillance nocturne. Début 2002, il avait saisi le Conseil d’Etat d’un recours en annulation du décret 2001-1384 qui réglementait les conditions de décompte et de rémunération des heures supplémentaires du personnel des établissements similaires à celui dans lequel il travaillait . Ce décret  instituait un système de pondération pour le calcul de la rémunération et prenait en compte l’existence de périodes d’inaction des personnels  pendant ces services de garde pour établir entre les heures de présence et les heures de travail effectivement décomptées un rapport de 3 à 1 pour les neuf premières heures, puis de 2 à 1 pour les heures suivantes. Des syndicats s’étaient joint à ce recours. Leur argument était que le décret violait le droit communautaire et plus particulièrement la directive communautaire  93/104/CE du 23/11/1993 (codifiée par la directive 2003/88) concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail.

Le Conseil d’Etat a préféré surseoir à statuer pour saisir la Cour de justice des Communautés européennes afin de lui demander si les dispositions du décret étaient contraires à la directive.Celle-ci prévoit  que les travailleurs doivent bénéficier de périodes minimales de repos journalier et hebdomadaire et de périodes de pause adéquates. Elle fixe également  la durée maximale hebdomadaire de travail à 48 heures, heures supplémentaires comprises.  Pour le décompte des heures de travail, la directive  distingue entre "temps de travail" et "temps de repos". En vertu d’une jurisprudence initiée en 1998, la Cour de justice  des Communautés européennes s’est fondée sur le fait que la notion de temps de travail est indépendante de l’intensité du travail accompli pour considérer que des temps de garde effectués sur le lieu de travail par des médecins, du personnel infirmier des services d’urgences, des secouristes et des pompiers, sont, dans leur intégralité, du temps de travail.


Dès lors, le  mécanisme de pondération prévu par le décret 2001-1384 qui ne tient pas compte de toutes les heures de présence des travailleurs est contraire à la directive communautaire. Il permet des temps de travail hebdomadaire de 60 heures ou plus, donc bien supérieurs à la durée maximale prévue par la législation communautaire.

Il n’appartient pas à la Cour d’annuler un texte législatif ou réglementaire national, mais l’arrêt lie la juridiction qui l’a interrogée. Ajoutons que, dans cette affaire, le Gouvernement français a pris les devants puisque, sans attendre l'arrêt de la Cour, ni la décision du Conseil d'Etat, il a abrogé le décret litigieux en octobre 2004.

Quant à la directive communautaire, elle a fait l’objet d’une proposition de révision actuellement en cours d’examen par le Conseil et le Parlement européen .

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