Trissotin et le traité de Lisbonne (25/01/2008)
Dans "les femmes savantes" de Molière, il est un personnage brocardé pour sa prétention et son piètre mérite. Il s’appelle Trissotin.
Ledit Trissotin a une abondante descendance comme le prouve encore ces temps ci le "débat" sur le traité de Lisbonne et sur la nécessité d’un referendum pour le ratifier, faute de quoi, c’est entendu, foi de trissotin, nous serons face à un viol de la démocratie, à une haute trahison (j’en passe et des moins bêtes …). Il suffit de surfer sur le web pour se régaler de leur inlassable mauvaise foi et/ou ignorance érigées en vertu par eux-mêmes . Car bien entendu, ces trissotins sont férocément opposés à l' "élite" , concept vague qui en fait regroupe... tous ceux qui ne sont pas d'accord avec eux et qui leur permet de vouer aux gémonies tout téméraire qui s'avise de leur démontrer, preuves à l'appui, qu'ils débitent des aneries (ou des mensonges selon les cas). En bons démocrates qu'ils sont, certains d'entre eux vont jusqu'à censurer systématiquement sur leurs blogs ou forums tout commentaire un tant soit peu argumenté qui s'avère embarrassant pour leurs thèses fantaisistes.
Ces trissotins s’époumonent à hurler leur démocratique indignation devant le déni que constitue la ratification parlementaire d’un texte qu’ils prétendent identique à celui que le peuple français a rejeté en 2005. Et comme ils ne craignent pas le ridicule ils invoquent la caution de Valery Giscard d’Estaing, devenu le « sage » dont on écoute les avis, après avoir été copieusement vilipendé par les mêmes en 2005 en sa qualité de « père » de l’odieux traité constitutionnel.
Car le traité de Lisbonne est le copier coller du traité constitutionnel, coco, c’est VGE lui-même qui le dit !
Merveilleuse aptitude à faire feu de tout bois et à conclure des alliances de circonstance avec ses ennemis de la veille.
Après nous avoir répété à satiété que le traité de Lisbonne n’est que le retour du traité constitutionnel sous un autre emballage, les trissotins caquettent à n’en plus finir sur l’insupportable forfaiture que constitue le passage en force auquel s’apprêtent à procéder des élus que certains, dans leur grande modération, n’hésitent pas à comparer aux parlementaires qui donnèrent les pleins pouvoirs à Pétain en 1940. Ces trissotins-là, aussi odieux que ridicules, sont, oh surprise, incapables d’expliquer en quoi le traité de Lisbonne est la copie du traité constitutionnel. Et pour cause : une telle analyse à la truelle est pour le moins discutable.
Mais les trissotins n’en ont cure. Bien que de piètre mérite, ils sont convaincus de détenir la vérité et s’imaginent qu’en hurlant bien fort et en excommuniant tous ceux qui ne partagent pas leur avis non éclairé, ils peuvent étouffer les voix dissidentes. Cela leur évite d’avoir à argumenter, c'est pratique.
A la fin de la pièce de Molière, Trissotin est démasqué. La morale est claire : les trissotins ne triomphent que lorsque nous abdiquons notre esprit critique.
10:55 | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : Trissotin, traité de Lisbonne, traité constitutionnel, ratification, quoi de neuf en europe | Imprimer
Commentaires
Très bien!
Merci!
Et merci également pour les commentaires du traité de Lisbonne. Pour le moment, c'est ce que j'ai trouvé de plus compréhensible, complet et objectif.
Écrit par : Philiippe | 25/01/2008
D'accord avec le commentaire précédent. J'ai trouvé ce post drôle et pertinent. J'avais aussi beaucoup aimé le billet sur Swift et "parlons Europe avec la France".
Dommage que vous ne laissiez pas plus souvent libre cours à votre verve satirique car vous avez un sacré style!
Écrit par : opiumdupeuple | 25/01/2008
J’aime bien cet article sur les trissotins, comme beaucoup d’autres de votre blog d’ailleurs.
Mais tout de même : vous ne pouvez pas nier que le fait de ne pas organiser un referendum sur la ratification du nouveau traité pose un problème. Si, comme vous l’écrivez, le traité est un progrès par rapport aux traités actuels, s’il est différent du traité constitutionnel (et j’avoue que vos arguments sont convaincants, car c’est vrai on peut de plus vérifier textes à l’appui), pourquoi avoir peur du débat ? Pourquoi ne pas consulter le peuple alors qu’il y a des transferts de souveraineté ?
Écrit par : Alain Lacaze | 28/01/2008
Je suis d’accord avec un referendum. Comme je l’explique dans ma réponse au commentaire de Pericles, j’avais voté dans ce sens à la présidentielle en choisissant au premier et second tour, le candidat qui proposait un referendum pour ratifier le nouveau traité européen. Mais, comme je le rappelle également à Périclès, une majorité d’électeurs a voté NS qui avait annoncé qu’il y aurait ratification par voie parlementaire s’il était élu (et compte tenu de la participation, il est évident que d’anciens nonistes ont été nombreux à voter pour NS). Donc, c’était clair et il ne fallait pas voter pour lui si on voulait un referendum.
A partir de là la question à se poser est la suivante : NS a-t-il menti en parlant de traité simplifié et s’agit-il en fait du même traité, auquel cas, effectivement, on bafoue le vote des citoyens exprimé en 2005 et en 2007 (sur la foi de la présentation d’un traité « simplifié ») . Il y a là alors de quoi signer toutes les pétitions possibles et imaginables.
Ou bien s’agit-il d’un texte différent, et finalement on revient à la tradition antérieure qui a souvent consisté à faire ratifier les nouveaux traités européens par voie parlementaire quand bien même il y avait des transferts de souveraineté. Tous simplement parce que nous sommes dans une démocratie représentative et que, contrairement à ce que prétendent certains, les parlementaires sont à fait légitimes pour se prononcer sur cette question. Même si, encore une fois, sur un plan politique, il est déplorable que l’Europe se construise sans plus de participation des citoyens.
Ma position sur cette question, vous la connaissez, je pense : il s’agit d’un traité différent du traité constitutionnel. Certes, il n’est pas simplifié (mais est-ce possible vues les questions traitées?) mais il est différent, dans la mesure où les dispositions les plus contestées en France en 2005 ont disparu du texte, qu’il s’agisse des éléments de fédéralisme et des rapports UE/Etats, de l’inclusion des politiques, des objectifs (ex : « concurrence libre et non faussée »), des services publics .Tout cela est expliqué dans le dossier sur le traité de Lisbonne sur le site www.eurogersinfo.com
Et dans différents billets de ce blog. Je n’y reviens donc pas.
Dès lors, je suis en désaccord TOTAL avec ceux qui réclament un referendum en criant à la forfaiture et en accusant de haute trahison tous ceux qui prônent la ratification parlementaire ou se bornent comme moi à constater qu’à défaut d’être souhaitable elle n’est pas illégitime. C’est pourquoi je n’ai pas signé la pétition du comité pour un referendum car les arguments des promoteurs de cette initiative me semblent biaisés. Ils favorisent un regain d’antiparlementarisme qui me fait penser aux ligues factieuses de 1934. Il y a à l’évidence, une instrumentalisation de la question européenne qui n’est que l’écran de fumée derrière lequel se dissimulent d’autres objectifs plus ou moins avouables. Et je n’ai pas l’intention d’y apporter mon concours.
En résumé : je suis favorable a à un referendum que je pense nécessaire pour des raisons politiques. Mais je ne veux pas que ma voix soit utilisée à d’autres fins des leaders démagogues.
Écrit par : domaguil | 28/01/2008
Vous jouez sur les mots. Le traité de Lisbonne est peut-être un peu différent, mais sur l’essentiel c’est la copie du TCE. Point.
Et vous dites que vous êtes pour un referendum mais en vous abstenant d’agir, en refusant de signer la pétition du CNR, vous laissez le champ libre à la ratification parlementaire.
Écrit par : Candide | 28/01/2008
« Point »: c’est un peu court comme argument.
Je n’ai pas écrit que le traité de Lisbonne est totalement différent du traité constitutionnel. Il y a bien sûr de nombreuses dispositions qui reprennent celles du traité constitutionnel. On pourrait faire la même remarque pour celui-ci qui reprenait des dispositions des traités aujourd’hui en vigueur et pour ces traités eux-mêmes qui ont repris des dispositions des traités qu’ils ont remplacés. Ce qui est logique puisqu’il s’agit de modifier certains aspects d’institutions et de procédures qui existent déjà. On ne fait pas table rase.
Ce que j’écris c’est que le traité de Lisbonne est différent du traité constitutionnel sur des points qui n’ont rien de secondaire et que de ce fait, c’est bien un nouveau texte, pas une « copie ».
"en refusant de signer la pétition du CNR, vous laissez le champ libre à la ratification parlementaire".
J’en suis bien consciente, mais je ne considère pas la ratification parlementaire comme un déni de démocratie. Donc, sans être d’accord, ça ne me choque pas. Par contre, si le traité avait été le même que celui rejeté en 2005, j’aurais signé une pétition pour un referendum, car dans cette hypothèse, ç’aurait aux citoyens de se prononcer. Ca me paraît clair.
Écrit par : domaguil | 28/01/2008
Je pense que Domaguil a suffisamment développé sur ce sujet, avec une argumentation dont la documentation n'est pas anecdotique.....
Candide, point...ça ne va pas très loin.
Bien sûr, "tout n'est pas pour le mieux dans le meilleur des mondes", mais je suis bien heureuse, moi qui connait si peu les textes européens, de pouvoir grâce à ce site, me dégager de tous les fils très emmêlés que nous tissent les médias, et les trissotins de tous bords.
Écrit par : falbala | 30/01/2008