Accord au Conseil pour suspendre partiellement les négociations avec la Turquie (12/12/2006)
Le Conseil des ministres de l’Union européenne a décidé, hier, 11/12, de suspendre partiellement les négociations d’adhésion avec la Turquie suivant ainsi la recommandation présentée par la Commission le 29/11. Il s’agit de la réponse de l’Union européenne au refus de la Turquie d’appliquer le principe de libre circulation aux avions et bateaux chypriotes, contrairement à l’engagement qu’elle avait pris l’an dernier dans le protocole additionnel à l’accord d’union douanière (dit protocole d’Ankara).
La suspension concerne les chapitres des négociations portant sur des matières concernées par les restrictions imposées par la Turquie touchant la République de Chypre : chapitre 1: libre circulation des marchandises; chapitre 3: droit d’établissement et libre prestation de services; chapitre 9: services financiers; chapitre 11: agriculture et développement rural; chapitre 13: pêche; chapitre 14: politique des transports; chapitre 29: union douanière et chapitre 30: relations extérieures. Les négociations dans ces domaines ne reprendront pas tant que la Turquie refusera l‘accès des ses ports et le survol de son territoire à Chypre. De plus, aucun chapitre en négociation ne devra être provisoirement clôturé avant que la Commission européenne n’ait vérifié que la Turquie respecte pleinement ses engagements.
Les états ont préféré ne pas prolonger l’attente et régler un dossier qui, si aucune décision n’avait été prise, risquait d’empoisonner le prochain Conseil européen des 14 et 15 décembre dont le programme est particulièrement copieux (stratégie future d’élargissement, politique d’immigration, innovation, énergie et changement climatique, relations extérieures, sans compter un débat sur le traité constitutionnel et le futur de l’Europe). Bref, un sommet très attendu et au cours duquel l’étalage de divergences sur la candidature turque aurait été de plus mauvais effet. D’où la décision d’hier qui suit la recommandation en demi teinte de la Commission (ni gel total des négociations ni poursuite à l’identique), recommandation inspirée par le souci de concilier deux objectifs : ne pas se déjuger en ignorant les manquements de la Turquie à ses engagements vis à vis d’un état membre, et d’autre part, éviter une crise de grande ampleur qui aurait résulté de mesures de rétorsion plus importantes.
La Turquie avait essayé d’éviter cette décision en proposant, le 7 décembre, d'ouvrir un de ses ports et un de ses aéroports aux bateaux et aux avions de la République de Chypre, ce qui aurait pu diviser les états sur la conduite à tenir (certains comme le Royaume-Uni et l’Italie étant partisans de faire preuve de « souplesse », d’autres comme l’Autriche, la Finlande, la France, la Grèce et bien sûr, Chypre, plaidant pour le respect intégral par la Turquie du protocole d’Ankara). En définitive, la proposition (manoeuvre ?) de dernière minute du gouvernement turc n’a pas convaincu les 25 dont la décision montre la volonté de faire taire leurs dissensions.
Le communiqué du Conseil prend soin de préciser que le processus d’élargissement lui-même n’est pas remis en cause. La balle est dans le camp de la Turquie à présent. Mais comment vont réagir les nationalistes turcs face à ce qu’il considèrent comme un camouflet de l’Union européenne ? La position du gouvernement risque d’être fragilisé par cet incident diplomatique puisque la concession prudente qu’il avait faite a été repoussée, ce qui sera sans doute vu comme une humiliation supplémentaire par les opposants turcs à l’adhésion à l’Union européenne.
11:21 | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : Union européenne, gel, négociations d'adhésion, Turquie, libre circulation, protocole d'ankara, quoi de neuf en europe | Imprimer
Commentaires
Oui... L'humiliation n'est jamais une bonne chose. J'ai l'impression que l'Union est en train de faire une bourde magistrale....
Écrit par : Philippe | 12/12/2006
Pourquoi une Bourde ? On demande tout simplement à la Turquie de tenir ses engagements... Cette dernière a signée un protocole. Si la turquie n'est pas capable de respecter ses engagements et contribue à créer des divisions, alors ce pays n'a pas vocation à rentrer dans l'U.E.
Écrit par : CHIOS | 13/12/2006
La bourde concernait l'éventuel refus de l'Union de faire entrer la Turquie, quelles que soient les avancées turques. Oui, je suis d'accord pour dire que la Turquie doit tenir ses engagements mais il faudrait, pour cela, qu'elle soit sûre d'être accueillie dans l'Union à la fin. En France, il y a tout de même des voix qui disent que la Turquie n'est pas un pays européen et qu'il ne doit pas entrer dans l'Union. Je me trompe?
Écrit par : Philippe | 05/01/2007