Union européenne et privatisation des établissements publics (19/03/2007)

Dans des notes précédentes (voir le thème : Concurrence/ Service public),  j’expliquais comment certaines aides d’Etat  accordées à des entreprises ou des organismes publics peuvent être incompatibles avec les règles du droit communautaire de la concurrence et supprimées. Faut-il en conclure, comme on l’entend souvent, que le droit communautaire suppose la libéralisation tous azimuts et le démantèlement du secteur public auquel nous sommes en France très attachés ? Mardi 13, France inter consacrait l’émission matinale « service public » à la libéralisation de la Poste. Si les intervenants ont précisé à plusieurs reprises que libéralisation et privatisation étaient des notions différentes, les appels de certains auditeurs montraient que la confusion est encore réelle sur cette question et sur les responsabilités respectives des états et de l’Union européenne.

 

Pour tenter de comprendre, retour donc sur une affaire emblématique et exemplaire, celle de la transformation du statut d’EDF d’EPIC en société anonyme détenue majoritairement par l’Etat. Les arguments mis en avant par le Gouvernement pour justifier ce changement de statut sont assez révélateurs des divergences  entre les autorités françaises et la Commission européenne, divergences souvent entretenues par opportunisme politique.  Selon le Gouvernement, le changement juridique de statut d’EDF était inévitable pour satisfaire aux « exigences » de Bruxelles (pour reprendre une formule éculée) car, la garantie illimitée étant intrinsèquement liée au statut d’EPIC, demander sa suppression comme le faisait la Commission, équivalait à demander la fin de ce statut.

 

 

Le problème, c’est que le commissaire européen alors chargé de la concurrence, M.Monti, bien placé pour savoir de quoi il parlait en sa qualité de gardien des tables de la loi européenne, avait une toute autre analyse. Ainsi qu’il l’expliquait aux députés français le 10 juin 2003, l’octroi d’une garantie de l’Etat ne posait pas de problèmes de principe, puisque seul était en cause son caractère illimité. Interrogé sur la nécessité de changer le statut alléguée par le gouvernement, M.Monti se livrait à une petite leçon de droit communautaire en soulignant que le statut public ou privé des entreprises est une question qui relève de la compétence du législateur national et non du droit communautaire : « L'article 295 du Traité C.E. » disait-il «  précise clairement que le Traité ne préjuge en rien du régime de la propriété des entreprises dans les Etats membres. Il n'appartient donc pas à la Commission de demander la privatisation des entreprises ou, inversement, leur nationalisation. La décision de privatiser une entreprise relève de la seule responsabilité des Etats membres ». Un an plus tard, il tenait devant les sénateurs, cette fois, des propos encore plus explicites : « la transformation du statut d'EDF, telle qu'elle est prévue par le projet de loi, va au-delà des exigences de la Commission européenne et [qu'] elle répond au libre choix du gouvernement français. Bien évidemment, la Commission européenne ne critique pas ce choix. Mais il faut être conscient qu'elle ne l'impose pas non plus ». Et pour preuve, il rappelait que la suppression en 2002 de la garantie dont bénéficiaient des banques publiques allemandes n’avait pas conduit à modifier leur statut public.

 

Conclusion qui s’impose à la lecture de ces propos : invoquer la suppression de la garantie illimitée pour justifier une transformation d’EDF en société anonyme relevait au minimum d’une confusion, au pire d’une manipulation du Gouvernement français pressé de faire endosser à l’Union européenne la responsabilité d’un choix qu’il n’assumait pas. La CGT, hostile à ce choix,  ne s’y était pas trompée. Dans une déclaration du 21 juin 2004, son secrétaire général Bernard Thibaut se fondait sur les propos du commissaire Monti pour proposer  une solution « euro compatible »  qui permettait également à EDF et GDF de conserver leur statut d’établissements publics : il suffisait qu’ils rémunèrent l’Etat en contrepartie de la garantie qu’il  leur accordait de manière à ce qu’il n’y ait plus de distorsion de concurrence.

On le sait, une autre conception a prévalu.

Mais quelles que soient les raisons qui ont motivé le changement de forme juridique, manifestement, elles avaient en définitive peu à voir avec le droit communautaire qui avait joué  le rôle d’un écran de fumée. C’est ainsi que le cas EDF est devenu exemplaire de la confusion entretenue sur la portée  des décisions de l’Union européenne dans notre vie quotidienne. Parions que ce n’est pas le dernier, ce qui nous ramène au débat actuel sur la Poste. Et, une fois n’est pas coutume je renverrai à un média, à savoir l’émission citée au début de la note qui traitait plutôt bien du sujet: France inter, Service public, émission du 13 mars,   « Les Services Publics en Europe…Faut-il s’inspirer de nos voisins ? : la Poste ».

Domaguil

  

11:30 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Union européenne, libéralisation, privatisation, EDF, La Poste, service public, quoi de neuf en europe |  Imprimer