Edith Cresson coupable…mais pas sanctionnée
Les commissaires européens ne sont pas à l'abri d'être rattrapés par le droit communautaire.
Saisie par la Commission d’un recours contre l’ancienne commissaire européenne française Edith Cresson pour violation de ses obligations de commissaire (en l'occurrence, favoritisme), la Cour de Justice des Communautés européennes a tranché le litige dans un arrêt du 11/07/2006 (CJCE, 11/07/2006, C-432/04, Commission des Communautés européennes / Édith Cresson).
On peut y lire qu’ « en faisant procéder au recrutement d’une connaissance proche, M. Berthelot, en qualité de visiteur scientifique, alors qu’il n’allait pas exercer les activités correspondantes, cela afin de permettre à l’intéressé d’occuper des fonctions de conseiller personnel à son cabinet, quand bien même celui-ci était déjà complet et que, de surcroît, M. Berthelot avait dépassé l’âge limite autorisé pour assurer de telles fonctions, Mme Cresson s’est rendue responsable d’un manquement d’un certain degré de gravité ». Les termes peuvent paraître modérés mais ils interviennent au terme d’un raisonnement dans lequel la Cour a rappelé que les membres de la Commission doivent respecter des « obligations d’honnêteté et de délicatesse » et « l’ensemble des devoirs qui découlent de la charge de membre de la Commission, parmi lesquels figure l’obligation d’agir en pleine indépendance et dans l’intérêt général de la Communauté, ainsi que d’observer les normes les plus rigoureuses en matière de comportement ». Pour être condamnable, un manquement à ces obligations doit revêtir un certain caractère de gravité. Ce qui est donc le cas des faits reprochés à madame Cresson.
En revanche, alors que des sanctions telles que la déchéance des droits à pension ou d'autres avantages peuvent être décidées, la Cour refuse de les prononcer, jugeant que, « vu les circonstances de l’espèce, il y a lieu de considérer que le constat du manquement constitue en soi une sanction appropriée et de dispenser par conséquent Mme Cresson de sanction sous la forme d’une déchéance de son droit à pension ou d’autres avantages en tenant lieu ».
Ce faisant elle ne suit pas les conclusions de l’avocat général qui s’était prononcé en faveur de sanctions en admettant cependant qu’elles puissent être réduites pour tenir compte de certaines circonstances « atténuantes » : le temps écoulé entre les faits et le recours, l’atteinte importante à sa réputation déjà subie par madame Cresson du fait de la couverture médiatique de l’affaire, et enfin, dernier élément et non le moindre : le fait que le comportement de madame Cresson avait « apparemment trouvé un certain appui dans la culture administrative qui prévalait à l ‘époque au sein de la Commission » ! Une façon élégante de dire que madame Cresson n’avait sans doute pas été la seule commissaire à vouloir « caser » un proche dans un emploi rémunérateur ?