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A propos de la concurrence libre et non faussée

Ces derniers jours, je suis allée squatter le blog la lettre volée dont Edgar, l’animateur, a une verve polémiste que j’aime bien, tout en étant en désaccord avec ses opinions.

 

 

Donc, alors que je prenais mes aises là-bas, commentant  avec entrain un article sur le traité de Lisbonne écrit par une énième sommité universitaire, voilà que revint sur le tapis le sujet  de « la concurrence libre et non faussée ». Car, tel le furet de la chanson, il passe par ici et repasse par là.

 

 

Je reprends ici une partie de mes commentaires pour faire le point sur ce principe, ses implications et sa place dans le traité de Lisbonne. Sera-ce un point final ? Rien n’est moins sûr.

 

 

En préalable, je n’ai toujours pas compris pourquoi la concurrence faussée serait souhaitable, car il est évident qu’elle conduit à la domination de quelques entreprises. Donc,  je ne vois pas en quoi le fait de contrôler les phénomènes de  concentration ou de position dominante est néfaste.

 

 

Posons cependant comme hypothèse -absurde - que la concurrence non faussée soit très très nuisible. La question suivante  est alors : y sommes nous inéluctablement condamnés ?

 

 

Un visiteur remarque que si la concurrence libre et non faussée n’apparaît plus comme un objectif général de l’Union européenne, il s’agit là, selon lui, d’une disparition en trompe l’œil car un protocole annexé et ayant la même valeur juridique que le traité précise que le marché intérieur  "comprend un système garantissant que la concurrence n’est pas faussée". De plus, les institutions européennes ont, sous certaines conditions, la possibilité d’adopter des mesures non prévues par le  traité pour atteindre les objectifs fixés par ce dernier. Et comme le marché intérieur est un objectif, qu’il repose sur la concurrence libre et non faussée, celle-ci loin d’avoir disparu reste bien d’actualité dans le traité de Lisbonne et s’imposera comme objectif sacro saint de l’Union, conduisant, comme c’est le cas aujourd’hui, à remettre en cause les services publics, y compris des services sociaux comme la santé.

 

 

Cette opinion n'est pas la mienne.

 

 

Dans le traité de Lisbonne , la concurrence non faussée  (le « libre » a disparu) est ramenée à la  sphère dans laquelle elle s’exerce logiquement dans une économie libérale : le  marché intérieur. Si on conteste cela, on conteste l’économie libérale,  c’est-à-dire la liberté d’entreprendre et de commercer dans le cadre des règles  posées par les lois et les règlements. C’est une option qui conduit à remettre  en cause le marché intérieur (et, au passage, également le système économique  qui prévaut dans la plupart des pays dont la France). Mais alors, pourquoi ne pas le dire clairement et demander la sortie de la France de l’Union européenne pour incompatibilité idéologique au lieu de couper les cheveux en quatre et de présenter comme une vérité absolue ce qui est une interprétation des textes ?. Pourquoi, par exemple, passer sous silence les objectifs généraux de l’Union qui sont notamment : la promotion de la paix, du bien être de ses citoyens, le  développement durable, la cohésion économique et sociale, etc…Pourquoi penser  que forcément ils seront oubliés au profit de la seule concurrence, alors qu’ils ont un champ d’application plus large ?

 

 

A ces questions que je posais à mon interlocuteur, celui-ci a répondu notamment : « parce que c'est ce qui se passe dans les faits ».

 

 

Il n’a pas tort. Il est vrai que depuis le début des années 1990, l’Union européenne s’est engagée dans une politique de libéralisation de secteurs qui jusque là relevaient du secteur public en France. Mais était-ce imposé par les dispositions sur la concurrence non faussée?

 

 

Non.

 

 

Les traités européens et c’est aussi le cas du traité de Lisbonne n’impliquent pas automatiquement le démantèlement des services publics. La preuve :  la France est membre depuis 1957  de l’Union européenne ou plus exactement de sa « grand-mère », la  Communauté  Economique Européenne que l’on connaissait aussi sous le nom de marché commun  car la principale réalisation était un marché intérieur où la concurrence

était…non faussée. Le traité de Rome de 1957 disposait que l’action de la Communauté comportait pour l’accomplissement de ses missions «l’établissement d’un régime assurant que la concurrence  n’est pas faussée dans le marché commun », (article 3-f du traité de Rome). Or, cet article n’a pas empêché que la France de fonctionner avec un  secteur privé majoritaire et un secteur public important pendant des décennies. Comment ce qui a fonctionné alors ne fonctionnerait-il   plus aujourd’hui alors que la règle  du jeu est la même ? Comment la France a-t-elle pu vivre une période prospère, préserver et développer ses services publics alors que la concurrence non faussée était de mise ?

 

 

On le voit bien,  l’argument selon lequel le traité est un texte ultralibéral car il prônerait la concurrence non faussée au détriment de toute autre finalité et signerait le démantèlement des services publics, est un argument …« bidon ».

 

 

C’est l’application des règles européennes en fonction des options politiques du moment qui a conduit à la libéralisation à partir du début des années 90 (acte unique européen négocié par M.Fabius qui ensuite s’est reconverti en leader  anti-libéral, cherchez l’erreur). Les idées de marché et de libéralisme économique sont  dominantes en Europe, depuis que même des partis  de gauche s’y sont ralliés. Logiquement, l’application faite des traités reflète cette orientation.

 

 

Bref, il y a les textes et il y a leur application. Mais c’est une nuance qui échappe aux contempteurs les plus zélés de la concurrence non faussée. Elle est pourtant importante.

 

Domaguil

   

Commentaires

  • Encore une mise au point indispensable ! Décidément, vous êtes en forme :-) et vos analyses du traité de Lisbonne sont vraiment excellentes.

    En ce qui me concerne, j’ignorais que la concurrence non faussée était inscrite dans le traité d’origine. J’ai suivi des débats sur le traité constitutionnel pour me faire une idée et essayer d‘y voir clair dans ce fatras de textes. Pour autant que je me souvienne, ce point n’a pas été soulevé.

    Ce qui pose deux questions : celle de l’honnêteté des tenants du non qui prétendaient que la concurrence non faussée était la source de tous les maux et m’ont incité à penser qu’il s’agissait d’une disposition nouvelle ou tout au moins récente (je suis peut-être particulièrement idiot, mais d’autres ont compris comme moi). Deuxième problème : l’incompétence des partisans du oui qui n’ont pas été fichus d’expliquer ce traité (et qui ont également menti : exemple, la soi disant « avancée » du droit d’initiative populaire alors que la Commission européenne peut ne pas en tenir compte). Je ne parle pas de vous, mais des politiques qui sont venus à la télé ou battre les estrades, des journalistes qui ont écrit souvent n’importe quoi.

  • Je vois que madame domaguil a ses admirateurs…
    Moi, j’aimerais avoir une précision.
    Quand vous écrivez : « Le traité de Rome de 1957 disposait que l’action de la Communauté comportait pour l’accomplissement de ses missions «l’établissement d’un régime assurant que la concurrence n’est pas faussée dans le marché commun », (article 3-f du traité de Rome). Or, cet article n’a pas empêché que la France de fonctionner avec un secteur privé majoritaire et un secteur public important pendant des décennies ». A quelle version vous référez-vous ? Ne s’agit-il pas d’une version consolidée du traité après modification par les révisions qui se sont succédées depuis 1957 ? La concurrence non faussée figurait-elle bien dans le traité de 57 ou a-t-elle été ajoutée après ce qui expliquerait bien des choses et notamment que pendant un certain temps on ait pu préserver nos services publics?
    Merci de me répondre, sans parti pris puisque telle est votre prétention.

  • A opiumdupeuple

    C’est vrai il y a eu des mensonges ou des approximations ou des erreurs dans les commentaires des défenseurs du traité constitutionnel comme dans ceux des partisans du non.

    Il est vrai aussi que la campagne du oui a été particulièrement mauvaise et je m’inclus dans le lot. Non pas parce que j’ai menti mais parce que je ne me suis pas assez impliquée. Or il faut savoir défendre les idées auxquelles on croit. Et j’ai été aussi désarçonnée par la mauvaise foi de certains de mes contradicteurs. Je me disais : « ce n’est pas possible, c’est trop gros, les gens ne vont pas croire cela tout de même » et j’ai passé un certain temps à m’étonner (manque d’expérience du débat, je me rattrape depuis). Bref, quand j’ai démarré à mon tour, les nonistes avaient une longueur d’avance et certains avaient fait leur travail de propagande (ex : la pseudo analyse d’etienne chouard diffusée largement). Je crois que c’est vrai pour d’autres tenants du oui, tellement persuadés que la ratification ne poserait pas de problème qu’ils ont oublié que tout le monde ne partageait pas leur avis.

    Sur le droit d’initiative législative, personnellement je ne l’ai jamais présenté comme une avancée décisive déjà à l’époque.
    En fait, même, il existe déjà un droit de pétition qui peut être aussi efficace. Par exemple, le règlement européen qui vient d’être adopté (en décembre 2007) pour interdire le commerce de fourrure de chiens de chats faisait suite à des campagnes et à pétitions envoyées à la Commission et au Parlement européen par des consommateurs. Ce serait un paradoxe que les défenseurs des animaux soient plus actifs ou plus écoutés que ceux des humains.


    A Candide
    Sans parti pris et en quelques mots, voici le lien vers la version d’origine du traité de Rome qui vous permettra de vérifier vous-même (l’article 3-f se trouve dans la 1ère partie : les principes)
    http://eur-lex.europa.eu/fr/treaties/dat/11957E/tif/11957E.html

  • Point n'est besoin de l'Europe pour défendre la libre entreprise, et le Conseil d'état l'avait déjà fait en 1930 (chambre syndicale du commerce de nevers).

    Nous ne serions donc pas voués au bolchevisme si l'Union européenne devait disparaître demain matin.

    Bon, je dois avouer que vos interventions sont un degré au dessus de celles de mes ouistes habituels, même si, bien évidemment, elles ne m'ont pas convaincu.

    Au plaisir !

  • Pourquoi ne pas dire plus simplement qu'une concurrence parfaitement libre peut elle aussi conduire à des situations de monopole ? Il n'est pas non plus nécessaire d'être bolchévique pour le constater. Une économie totalement dérégulée est-elle réellement souhaitable ? Quelles que soient les actuelles dispositions législatives par ailleurs...

  • edgar,
    « même si, bien évidemment, elles ne m'ont pas convaincu ».
    Non ? Comme c’est étrange…

    James Becht,
    En fait la concurrence non faussée est un objectif. Dans la réalité cela n’existe pas, le monde des affaires le montre tous les jours avec des constitutions de monopoles, des ententes et cela alors même qu’il existe des règles. Que serait-ce donc s’il n’y en avait pas! Non, une économie totalement dérégulée n'est pas souhaitable, du moins pas à mon avis.

  • Comme vous le soulignez si justement, le principe de la libre concurrence non faussée fait partie des premiers textes et notamment du traité de Rome (1957). J. Monnet, rédacteur avec quelques autres (dans le groupe Spaak) du coeur du projet de Traité s'en explique dans ses Mémoires: il faut se mettre dans la situation de l'Europe du début des années cinquante, d'une économie encore très cloisonnée, protégée par des droits de douane exorbitants, une circulation monétaire contingentée. Les équipes qui ont mené la reconstruction dans les pays dévastés par la guerre -notamment en Allemagne- sont libérales, et le "miracle allemand", qui commence à poindre, apparait comme la preuve que "ça marche". Le Marché Commun repose sur la théorie libérale des économies d'échelle, des grands marchés. C'est de cela que l'Union Européenne est l'héritière. Franchement, ça n 'a pas si mal fonctionné...Toutes les structures administratives sont conservatrices et la C.E. ne fait pas exception. La "concurrence libre et non faussée", c'est toute une histoire qui est derrière, qu'il faut comprendre. C'est aussi un enjeu de pouvoir pour la Commission, qui tient là une de ses politiques les plus dynamiques -et intrusives- (avec des pouvoirs considérables pour le Commissaire en charge de ce domaine, qui accepte ou non les concentrations/fusions d'entreprises dans l'espace du marché unique). L'introduction de nouveaux concepts (comme la vraie prise en compte des services publics), déjà en cours, prendra du temps. Elle dépendra surtout de l'évolution des mentalités - et des "modes dominantes" au sein des équipes dirigeantes dans les pays leaders- et notamment en Allemagne (qui a toujours poussé avec la force qu'on connait aux négociateurs allemands dans le sens du démantèlement des services publics étatiques), au Royaume-Uni (n'oublions pas que l'Acte unique, qui a lancé la grande vague de privatisations des années 90' est une offre de Delors pour "allécher Mme Thatcher et la remettre dans le jeu européen), et en France.
    Mais le grand problème des "opposants" vient de leur difficulté à intégrer le fait massif que le jeu européen n'est plus un jeu national...Et que pour modifier un cours des choses, dans une telle configuration, il faut convaincre les autres, être persuasif...et fort!

  • Après lecture des mêmes Mémoires de Jean Monnet, j'ai l'impression que même lui aurait du mal à accepter l'orientation ultra libérale de la Commission. Il ne faut pas oublier que c'est aussi l'homme du Plan en France...

  • A n.mettra

    D’accord avec vous. Merci d’avoir complété mon article par votre commentaire qui éclaire les raisons économiques des règles communautaires de concurrence.

    Aujourd’hui, la question de la « coexistence » des SP avec la politique de concurrence communautaire est posée avec acuité et est très débattue car il y a de fortes divergences. La Commission européenne, ce n’est pas un mystère est plutôt acquise à l’idée que la concurrence est l’alpha et l’omega du marché intérieur et elle a l’appui de nombreux états membres.

    Mais il y a des arguments contraires et la discussion est ouverte, car encore une fois, les traités permettent de la souplesse.

    De plus, les directives d’ouverture à la concurrence reconnaissent un certain nombre d’obligations dans le fonctionnement de ces services comme celle de « service universel » (droit de chaque citoyen à avoir accès à certains services jugés essentiels , sur l’ensemble du territoire, à un prix abordable et avec un maintien et une amélioration de la qualité du service. A comparer à « nos » obligations de service public : égalité d’accès, continuité, adaptation, « gratuité » ou prix raisonnable).

    la Commission elle-même fait parfois entendre une "musique" différente. A l’occasion de la communication sur les services publics sociaux, le commissaire européen à l’emploi, aux affaires sociales et à l’égalité des chances, M. Vladimír Špidla rappelait que s’ils constituent un secteur d’activité « majeur et dynamique » créateur d’emplois, et sont, à ce titre, une composante de la stratégie européenne de croissance, ils sont aussi, un « élément fondamental du modèle social européen ».

    En l’absence d’un cadre communautaire des services publics, l’articulation du droit communautaire et des services publics est assurée sur le fondement des articles du traité, comme par exemple, l’article 86, § 2, du traité de la Communauté européenne. La jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés européennes a précisé le sens et la portée de ces dispositions, en particulier, s'agissant du financement des services publics. Par exemple, l’arrêt Altmark précise les conditions dans lesquelles les aides publiques accordées à des entreprises gérant des services publics sont légales au regard des règles du droit communautaire de la concurrence
    (arrêt : CJCE, 24 juillet 200, aff. C-280/00, Altmark Trans disponible à partir du lien
    http://curia.eu.int/fr/content/juris/index_form.htm


    Le démantèlement des SP n’est donc pas une fatalité imposée par l’ « Europe »,comme on peut l’entendre.
    Enfin, il faut rappeler que le traité de Lisbonne contient un Protocole sur les SP qui affirme « le large pouvoir discrétionnaire des autorités nationales, régionales et locales pour fournir, faire exécuter et organiser les services d'intérêt économique général d'une manière qui réponde autant que possible aux besoins des utilisateurs ». Le Protocole affirme aussi la diversité de ces services en fonction de situations géographiques, sociales ou culturelles différentes, et la nécessité d’assurer un service universel de qualité. Enfin, l’Union européenne se voit interdire toute action portant atteinte à la compétence des états dans la fourniture, la mise en service et l'organisation de services non économiques d'intérêt général.

  • bonjour,

    ne posez-vous pas un bien étrange paradoxe en affirmant conjointement :

    "la concurrence non faussée est un objectif"
    et
    "une économie totalement dérégulée n'est pas souhaitable, du moins pas à mon avis"

    c'est donc l'objectif qui n'est pas souhaitable ???

  • Mais la concurrence s'exerce dans un environnement réglementaire et législatif (ex: droit du travail, lois fiscales, etc...). C'est cela la régulation. Et c'est l'objectif souhaitable à mon avis : la concurrence, le marché, mais dans un cadre régulé.

    Je suis contre un moins disant réglementaire destiné à ce que la seule loi du marché s'impose comme facteur de "régulation", car le risque est de conduire selon selon la formule célèbre à "la liberté du renard libre dans le poulailler libre".

  • La "concurrence libre et non faussée" fait partie des principes fondateurs du Traité de Rome (1957). On n'y peut rien, c'est ainsi. Ce n'est donc pas nouveau. Les rédacteurs du traité avaient en ligne de mire, avant tout les aides de l'Etat (art.92/93 du T.de R. qui encadrent strictement les conditions d'attribution de ces aides) au secteur économique.
    La question des services publics n'a été posée que sous un angle défensif auprès des instances européennes (= "comment préserver un secteur public?"), résultat, il n'y a pas eu de véritable stratégie "offensive" de la part des services publics concernés pour défendre leur rôle (chemins de fer, postes, télécoms). Les Allemands ont été à la pointe de l'offensive pour la "privatisation" des services publics d'intérêt général. Cela dit, "Bruxelles " a permis de développer des concepts qui m'apparaissent utiles pour une meilleure régulation, comme de séparer dans un service public, l'administration du réseau de l'exploitation du service, et de prévoir la création systématique d'autorités indépendantes de régulation, qui ont beaucoup de pouvoirs (théoriquement), d'imposer des réprésentations des usagers à tous les niveaux. L'ennui, c'est que ces autorités de régulation ne jouent pas du tout, chez nous en tout cas, leur vrai rôle, qu'elles servent surtout à réguler les domaines qui intéressent les industriels. En fait, il n'y a pas assez de supervision de "Bruxelles" sur l'effectivité du cadre mis en place par des directives européennes...
    Il y a aussi une erreur majeure de vouloir prétendre établir la concurrence d'entreprises du secteur privé dans des secteurs à investissement lourd et non rentable à court terme comme les infrastructures de transport rapide ou les réseaux d'energie ou le nucléaire..Mais la doctrine évolue là dessus, et la décison de la Commission d'intervenir sur fonds propres du budget européen pour lancer le programme Galileo est une "première" qui espérons-le fera beaucoup d'enfants...

  • Bonjour à tous,

    J'apprécie le fait - qu'enfin, les origines de « la concurrence libre et non faussée » soient mises en perspective (historique). Cela explique pourquoi en 1957 ce principe était nécessaire et même salvateur. On peut rappeler qu'à l'époque, l'Europe et le monde sont en pleine guerre froide et que le communisme coupe mentalement l'Europe en deux et bientôt même la coupera physiquement en deux.

    Idéologiquement, en 1957, on ne fait pas dans la nuance et le monde est simplement noir ou blanc.

    Ce qui fait qu'aujourd'hui ce principe de concurrence libre et non faussée ne recouvre pas le même sens, c'est simplement parce qu'il est en usage depuis 60 ans, non théoriquement, mais pragmatiquement et qu'il a façonné profondément nos sociétés.

    Aujourd’hui, bizarrement, beaucoup se cantonne encore à une appréciation idéologique, dogmatique, théorique. Dans certains cas, cela frise même le théologique. Et cela, dans les deux camps, anti et pro (1).

    Que se passe t'il ? Une menace ancienne tente elle de contrôler à nouveau la moitié de l'Europe et des Kolkhozes et des Comités de Travailleurs ou quelques dictatures du peuple fleurissent ils aux portes du monde libre ?

    Je n’en ai pas entendu parler, je trouve même que c’est le contraire, et qu’un capitalisme assez débridé agite le monde.

    En ce qui me concerne, je vis les conséquences de la concurrence tous les jours, au quotidien, dans mon métier. Je suis à la tête de ma petite entreprise. Dans le cadre de mon activité, il m’arrive par exemple de répondre à des appels d’offres publics pour des biens d’équipements. Quel rapport avec la concurrence ? Dans 100 % des cas, le prix est le critère dominant pour justifier le choix de tel ou tel fournisseur. « Et alors, quels autres critères prendre en compte ? C’est tout de même de l’argent public ! » pourriez vous me rétorquer avec raison.

    Je ne vous ai pas dis. Tous mes produits sont fabriqués en France dans un cadre d’une éco conception : encres végétales pour les impressions, cartons non blanchis, bois provenant de forêts gérées durablement, implication de producteurs locaux, cycles courts de transport.

    Le seul critère de prix ne favorise qu’un seul critère économique : la baisse des prix d’achat et leurs compression.

    Et alors ? La Chine, notamment, en ce qui concerne mon domaine d’activité et ce dans la droite ligne de la mondialisation dans son aspect le plus négatif. Car je fais partie de ceux qui sont convaincu que la mondialisation a de multiples aspects positifs.

    Et mes produits éco conçus sont plus chers, en termes de prix, que les produits proposés par beaucoup de concurrents. Par contre, mes produits sont beaucoup moins chers, en termes écologiques, que les produits proposés par beaucoup de mes concurrents.

    Tout cela pour dire : qu’est-ce qu’une concurrence faussée et non libre ?

    Non libre, c’est facile : c’est l’étatisme, les professions réglementées, les monopoles d’État, l'absence de marchés. C’est un autre débat.

    Une concurrence faussée, est-ce :
    1 - Un critère de choix de produits qui se focalise sur le prix et non sur les coûts (environnementaux et humains) ?
    2 - Des entreprises géantes qui fusionnent encore et assoient des positions dominantes voire sont en état de monopole ? (informatique avec Microsoft ou compagnies minières dont il ne va peut être resté qu’une seule entreprise sur le marché mondial, traders géants qui se partagent la fixation du prix des matières premières alimentaires et qui sont au nombre de 4 dont 1 français).

    Pour le point 2, la Commission fait son boulot, ou a peu près, selon que l’on soit anti ou pro (1).

    Mais pour le point 1, voir à mon petit niveau que la concurrence libre et non faussée soit élevé au rang d’objectif (TCE) puis que ce ne soit plus indiqué qu’en annexe (Lisbonne) - ce qui ne change rien, sans que personne ne prenne le temps de définir tous les aspects d’une concurrence faussée, cela me hérisse.

    La seule chose que je demandais, c’est que l’on prenne en compte un développement durable dans le cadre de la construction de l’UE.

    Or, à chaque fois qu’un anti ou qu’un pro (1) met en question le concept de 1957 de la concurrence libre et non faussée et actualisée en 2008, il est taxé de pro ou d’anti (1). C’est une aberration. Je voudrais juste rappeler aux anti et aux pros (1) que la guerre froide est finie et qu’il est temps de raisonner avec ce qui nous reste de repères tangibles : les conditions d’un développement durable.

    Merci à Dominique pour son formidable travail et désolé d'avoir été aussi long.

    Cordialement,

    Stéphane

    (1) Lassé de la guéguerre des mots qui couve depuis le référendum, je vous laisse mettre derrière « pro » et « anti » ce qui vous fait plaisir : Europe, traité, marché, libéral, Union européenne, fédéraliste, mondialisation

  • Bonjour Stéphane,

    Et bienvenu ! Depuis le temps :-)

    « Je n’en ai pas entendu parler, je trouve même que c’est le contraire, et qu’un capitalisme assez débridé agite le monde ».

    C’est pourquoi j’ai insisté sur la nécessité d’une régulation. Sinon, il y a précisément concurrence faussée et dumping.

    J’ai évoqué des systèmes encore peu connus pour rétablir plus de loyauté dans les échanges commerciaux (j’avais fait par exemple un billet sur le système européen des préférences généralisées et le fait de subordonner des avantages tarifaires au respect d’exigences en matière sociale, mais d’autres critères peuvent être pris en compte , tels les critères environnementaux, voir par exemple les pistes envisagées dans le cadre du plan de lutte contre le changement climatique, également évoqué sur ce blog).

    « Et mes produits éco conçus sont plus chers, en termes de prix, que les produits proposés par beaucoup de concurrents. Par contre, mes produits sont beaucoup moins chers, en termes écologiques, que les produits proposés par beaucoup de mes concurrents ».

    Entièrement d’accord. Ce qui implique que l’on remplace un raisonnement à court terme (recherche du profit immédiat) par une prise en compte des coûts et des gains à long terme. Difficile mais pas impossible.

    De manière plus immédiate, la question qui va se poser est celle de la préférence communautaire, encore un débat ouvert par Nicolas Sarkozy, cela dans un contexte de crise de l’OMC (difficultés de négociations de Doha)

    Sur les anti et pro, vous avez raison, la guéguerre est lassante. Malheureusement, la fracture existe et a été ravivée. Mais merci à vous d’essayer de la dépasser .

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