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Retour sur la Conférence de Copenhague (suite)

Un accord a minima à Copenhague

Hélas ! Au fil des négociations, la perspective d’un accord contraignant et ambitieux s’est éloignée. Les medias, comme les témoins et les observateurs ont souligné la responsabilité des Etats-Unis opposés à une réduction significative des émissions (il acceptaient de la porter en 2020 à …- 4%  par rapport à 1990), celle de la Chine qui s’opposait à toute forme de contrôle international du respect des engagements pris, la désunion des pays en développement, et le désengagement de l’Union européenne qui, après avoir pris des positions volontaristes ne les a pas assumées jusqu’au bout lorsqu’elle a constaté qu’elle n’était pas suivie. Le résultat est connu : un accord final qualifié dans le meilleur des cas de « faible », et le plus souvent de « lamentable » signifiant l’échec du Sommet.

Qu’en est-il exactement ?

« L'accord de Copenhague »  n’est pas un document contraignant. En guise d’objectifs chiffrés, il « reconnaît » la nécessité de limiter la hausse de température à 2 degrés. Plus intéressant car révélant la prise de conscience d’une nécessaire solidarité internationale, l’accord prévoit un financement de 10 milliards de dollars par an entre 2010 et 2012 et se fixe comme objectif 100 milliards par an jusque vers 2020. La répartition de l’effort et les engagements financiers pris par l’UE et les Etats-Unis ne sont cependant pas repris dans le texte. Autres points qui paraissent  prometteurs mais ne sont guère concrétisés : une méthode de contrôle des réductions d'émissions de CO2 des pays industrialisés et émergents, sans toutefois d’élément de contrainte (donc dépendant du bon vouloir des états), et un mécanisme pour lutter contre la déforestation mais sans qu’un cadre d’action soit défini.

L’accord est présenté comme une étape vers un processus de lutte contre le changement climatique plus ambitieux à partir de 2010. Ainsi, par exemple, il comprend deux annexes permettant de recevoir des engagements chiffrés des pays, qui devraient être complétées avant fin janvier.

Et maintenant, que peut faire l’Union européenne ?

Pour l’Union européenne, le résultat de la Conférence de Copenhague est très inférieur aux ambitions. Accusés d’avoir renoncé à maintenir les engagements rappelés par le dernier Conseil de Bruxelles, les négociateurs européens ont rappelé à juste titre que ceux-ci étaient conditionnés au fait que d’autres pays industrialisés s’engagent également. Comme le soulignait l’un des participants à la table ronde du Sénat sur la préparation de la Conférence de Copenhague « l'Europe ne pourra pas régler seule la question des changements climatiques, puisqu'elle ne représente aujourd'hui que 17 % des émissions mondiales de dioxyde de carbone. Chacun doit apporter sa contribution selon "ses capacités et son niveau de responsabilité ». Il est assez paradoxal de voir l’UE figurer au banc des accusés alors qu’elle est, par rapport aux autres pays, en pointe dans la prise de conscience du changement climatique et dans le respect des objectifs du protocole de Kyoto. Lui demander plus c’est faire abstraction des dangers pour la compétitivité des entreprises européennes qui se verraient exposées au « dumping écologique » de pays tiers qui eux n’auraient pas pris des engagements comparables à ceux des états de l’UE. M. Jean-Pierre Clamadieu, responsable de la commission du développement durable du MEDEF posait ainsi les termes du problème: « Le MEDEF soutient l'engagement de l'Union européenne de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 20 % avant 2020, et de 21 % pour le secteur industriel. Les entreprises contribueront à la réalisation de cet objectif. Toutefois, je mets en garde contre l'éventualité de passer à un objectif d'une réduction de 30 % si la Conférence de Copenhague débouchait sur un accord satisfaisant. Alors que l'objectif de moins 20 % représente déjà une accélération de la trajectoire, celui de moins 30 % constituerait une rupture forte qui n'aurait de sens que si elle avait pour contrepartie des engagements réels des partenaires de l'Union européenne. Notre inquiétude est de voir celle-ci mettre encore davantage sur la table de négociation pour forcer la conclusion d'un accord, alors que les autres pays demeureraient en retrait. La condition de l'efficacité d'un accord suppose l'élaboration de mécanismes précis de vérification des émissions et l'Union européenne doit veiller à ne pas prendre des engagements en décalage par rapport à ceux des autres puissances industrielles ». Le résultat de Copenhague a donc déçu également les représentants de l’industrie européenne qui plaidaient  pour un accord international qui leur aurait donné la « visibilité » nécessaire pour réaliser et amortir les investissements dans les technologies réductrices d'émissions de gaz à effet de serre. Dans un communiqué publié à la fin de la Conférence de Copenhague, le patronat européen (BUSINESSEUROPE, anciennement UNICE) exprimait ses « vifs regrets » que le Sommet n‘ait pu fixer des règles communes et soulignait l’inquiétude des entreprises européennes à la perspective d’être seules à appliquer les règles contraignantes prévues par la législation communautaire pour lutter contre les émissions de CO2 . Dans le cadre du plan d’action de lutte contre le réchauffement, l’industrie doit réduire, d'ici 2020, ses émission de CO2 de 21% par rapport à ce qu’elles étaient en 2005. Mais l'allocation de droits gratuits d'émissions de C02 est possible pour éviter à certains secteurs industriels de devoir délocaliser leur production et leur permettre de rester compétitifs face à la concurrence des entreprises installées dans des pays tiers où les contraintes en matière d’environnement sont plus faibles voire inexistantes.

Anticipant un échec, la Commission européenne a prévu une liste de 164 secteurs industriels de l'Union Européenne qui seront bénéficiaires de droits d'émissions de C02 gratuits.

Une autre piste est la création d’une « taxe carbone » aux frontières extérieures de l’Union sous réserve que ce mécanisme puisse être compatible avec les règles de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Mais les états sont divisés sur cette mesure.

Les limites de la méthode intergouvernementale

Une « victime collatérale » du faible accord de Copenhague, est la méthode intergouvernementale, qui a été mise en cause aussi bien par la délégation du Parlement européen, que par de nombreux observateurs. Ainsi l’eurodéputé Jo Leinen constatait-il : « la Conférence de Copenhague a démontré une grande insatisfaction et inefficacité de la méthode des conférences des Nations-Unies. Une réforme approfondie du processus de prise de décision au sein des Nations-Unies devient d'une urgente nécessité". Un article du journal espagnol El Pais allait plus loin : « Nous ne possédons qu'une seule planète, or nous la gérons selon un système de gouvernement ridicule fondé sur un concept obsolète, la souveraineté. En son temps, la souveraineté fut une invention utile pour mettre fin aux guerres de religion et imposer une autorité centrale unique aux seigneurs féodaux. Mais aujourd'hui, alors qu'il nous faut prendre à bras-le-corps la question du changement climatique, les Obama, les Jiabao, les Medvedev, les Singh et les Lula ne se distinguent guère de ces seigneurs de la guerre soucieux de préserver leur autonomie à tout prix, même celui d'un désastre collectif ». L'auteur poursuivait : « Etonnamment, l'Union européenne (UE), bien que restée en marge du conflit à côté des Etats-Unis et des pays émergents, possède deux atouts technologiques clés pour résoudre le problème du changement climatique…la technologie la plus décisive dont dispose l'Europe est de nature institutionnelle. Aussi critiquable que soit son insignifiance sur la scène internationale, l'UE est la preuve tangible qu'il est possible d'apporter des solutions supranationales efficaces à des problèmes mettant en jeu des intérêts nationaux irréconciliables. L'Europe a résolu la rivalité franco-allemande, qui avait fait des millions de victimes, grâce à une formule inventive et équitable d'accès au charbon, à l'acier et à l'énergie nucléaire et de répartition de ces productions. Il semble évident aujourd'hui que seule une autorité supranationale, capable de fixer et de collecter des taxes écologiques à l'échelle internationale pour les redistribuer de façon équitable et financer grâce à ces recettes les adaptations et innovations technologiques nécessaires, pourra lutter contre le réchauffement climatique. L'UE possède donc, une fois n'est pas coutume, quelque chose qui s'apparente à une solution idéale » ( José Ignacio Torreblanca : « Una Autoridad Mundial sobre el Clima », El pais, 21/12/2009).

Le Sommet de Copenhague a en effet montré les limites de la méthode intergouvernementale. Comment penser que des décisions puissent être prises selon une procédure fondée sur le consensus et où le droit de veto dont disposent les états accorde à un seul le pouvoir de tout bloquer ou de ralentir des décisions urgentes et d’intérêt commun?  Dans le monde multipolaire d’aujourd’hui, l’UE doit jouer pleinement son rôle et la « méthode communautaire » doit y contribuer.

 

Il ne me reste plus qu’à vous souhaiter une excellente année en espérant que 2010 soit propice aux initiatives de fraternité, d’égalité, de liberté et de solidarité.

Domaguil

Commentaires

  • Excellente année à vous aussi Domaguil, ainsi qu'aux autres visiteurs.

    Et merci pour votre blog!

  • Meilleurs voeux, Domaguil, et grand merci pour votre blog et ce travail que vous faites. Je suis un visiteur régulier, mais, je l'avoue, assez peu porté sur les commentaires! La nouvelle année m'a semblé l'occasion idéale de vous féliciter pour ce remarquable travail de "vulgarisation" qui ne sacrifie jamais à la facilité ni ne renonce à l'exigeance de qualité. Que 2010 soit un grand cru et vous apporte le meilleur de ce que vous souhaitez.

  • Felicidad y prosperidad, Dominique, y gracias por tu blog.

  • Meilleurs voeux d'un eurosceptique lecteur régulier de votre blog;-) J'aime votre volonté de rendre intelligible le fonctionnement de cette invraisemblable usine à gaz qu'est l'UE. Bien que vous soyez engagée dans le pro-européannisme, je vous remercie de ne jamais verser dans l'europhilie inconditionnelle. Vos posts me paraissent en général objectifs (sauf quand vous tombez sur ce malheureux mélenchon, qu'est ce qu'il vous a fait????), quelquefois droles et toujours bien écrits. Bref, j'ai pris mes habitudes sur votre blog et je reconnais y avoir appris pas mal de choses. Merci donc. Amitiés.

  • Bien...je vais être original: très bonne année, Domaguil!
    Qu'elle vous apporte, ainsi qu'à vos proches, bonheur et chance.
    Je sais, car j'ai des amis et des étudiants qui vous lisent régulièrement, que votre travail est apprécié. Ainsi que l'écrit Philippe Lenoir, il n'y a pas de meilleur moment pour vous le dire et souhaiter longue vie à ce blog d'utilité publique :-)

  • Meilleurs voeux à tous et que l'année 2010 soir celle de la fraternité et de la solidarité européennes!

  • J'ai trouvé particulièrement imbéciles les commentaires des medias ou d'ONG environnementales qui critiquaient l'Union européenne pour l'échec de Copenhague. Cette propension à l'autoflagellation conduit à nier l'évidence à savoir que l'UE est très en avance sur la question de la lutte contre le réchauffement climatique. J'ai trouvé tout aussi ridicule le choeur des pleureuses regrettant la disparition du droit de veto des états dans le processus décisionnel européen, car, précisément, c'est l'extension du domaine de la majorité qualifiée qui permettra à l'UE de dégager des positions communes et de parler d'une même voix sur la scène internationale. Et on a vu à Copenhague combien c'est une "ardente nécessité".

    Meilleurs voeux à ce blog et à son animatrice ainsi qu'aux autres lecteurs.

    Julien

  • ¡Feliz año nuevo os deseo desde Valencia!

  • Je me joins aux précédents visiteurs pour vous souhaiter une excellente année 2010 et une bonne continuation à ce blog très intéressant.

    Et j'ai une question à vous poser : que pensez-vous de la décision que vient de rendre le Conseil d'Etat et qui avalise, semble-t-il, l'interdiction des cultures OGM votée par le Conseil géhnral d'un département que vous connaissez bien je crois: le Gers.
    http://www.ladepeche.fr/article/2010/01/06/749659-Pas-d-OGM-dans-les-champs.html

    Déja en février le Conseil d'Etat avait confirmé la délibération anti OGM de la commune du Thor. Vous en aviez parlé à l'époque et sembliez sceptique sur la portée de cette décision: "La demande d’annulation de la délibération est donc rejetée. Mais la victoire de Le Thor est symbolique : son droit de s’opposer aux OGM est reconnu, pas celui de les interdire. Car rappelons que depuis quelques années plusieurs communes ont pris des arrêtés interdisant la culture d'OGM sur leur territoire et qu’à chaque fois que ces arrêtés ont été contestés en justice, ils ont été annulés, au motif que la seule autorité compétente en la matière est le ministre de l'Agriculture, pas les élus municipaux.". http://www.eurogersinfo.com/actu209.htm

    Est-ce que vous faites la même analyse pour la délibération du Conseil général du Gers?

  • Merci à tous: votre soutien fait chaud au coeur par ce temps glacial :-)

    A Bové32
    J'ai entendu l'information ce matin à la radio, mais de façon rapide. Je lirai la décision et peut-être ferai-je une note là dessus. Mais, à mon avis, le Conseil d'Etat a réitéré la position qu'il avait pris pour la commune de "Le Thor" l'an dernier. Et cela m'étonnerait fort qu'il ait jugé légale l'interdiction de culture d'OGM par le Conseil Général.

  • J'ai parcouru la décision du Conseil d'Etat et il semble bien que ce soit effectivement la compétence du Conseil général pour émettre un voeu sur l'expérimentation d'OGM dans le département qui est reconnue par le CE (alors que le Préfet demandait l'annulation de la délibération au motif que le CG avait outrepassé ses compétences). Mais un voeu n'est pas juridiquement contraignant. Selon cette décision du CE, le Conseil général peut donner son opinion mais pas décider de l'interdiction de culture ou d'expérimentation d'OGM.

  • Merci pour cette précision. L'article de la Dépêche (édition papier) de ce jour est ambigu car il laisse sous entendre que l' "approbation" du Conseil d'Etat porte sur le fond, c'est à dire qu'il donne raison au Conseil Général de vouloir interdire les OGM.

  • C'est pourquoi il vaut mieux aller à la source!
    http://www.conseil-etat.fr/cde/node.php?pageid=162
    La décision date du 30/12/2009, le n° de pourvoi est le N° 308514

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