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De l'audace

 

"il nous faut de l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace" : c'est ainsi qu'en septembre 1792, Georges Danton exhorte les députés à ne pas fuir l'armée de la coalition qui marche sur Paris et à contrattaquer.


En nos temps modernes si obscurs, alors que les fascistes et les xénophobes aboient leur haine de l'étranger et de la liberté, alors que les démagogues caressent l'opinion dans le sens du poil pour grapiller les miettes de pouvoir que leur concèdent les marchés, alors que les nationalistes cultivent la peur et la nostalgie de temps révolus, l'exhortation de Danton me parait plus que jamais d'actualité.

Car de l'audace il en faudra pour défendre l'une des plus belles réalisations de ces dernières décennies, la construction européenne. Il est à la mode aujourd'hui de montrer un scepticisime qui se veut lucide et qui n'est souvent que conformiste face à l'Union européenne, quand ce n'est pas de la charger de tous les maux qui nous accablent. C'est pourtant grâce à elle que des pays qui ont passé le plus clair de leur histoire à se faire la guerre cohabitent, coopèrent et vivent ensemble en paix. C'est pourtant grâce à elle que les territoires se sont désenclavés et développés plus vite qu'ils ne l'auraient fait avec la seule solidarité nationale (la Bretagne, l'Auvergne et le Limousin pour ne citer que ces régions en France doivent savoir ce qu'elles lui doivent). C''est toujours grâce à elle que des créateurs d'entreprise ont trouvé des aides, que des chercheurs ont financé leurs travaux, que des étudiants ont poursuivi et enrichi leur formation dans d'autres pays. C'est parce qu'elle existe que nous pouvons voyager, résider, travailler dans un territoire continent et nous sentir un peu chez nous partout dans ses pays membres, ce qui est encore plus vrai dans ceux avec qui nous partageons la monnaie commune. L'Union européenne n'est pas un ou le problème, elle est la solution.

Mais encore faut-il se souvenir de qui nous sommes et d'où nous venons Dans les traités européens, le progrès social, la solidarité, le vouloir vivre ensemble "unis dans la diversité" sont autant de valeurs que nos gouvernants ont rejetées, imposant une vision étriquée de l'Union, zone de libre échange et de coopération intergouvernementale sous l'influence du libéralisme anglo saxon. On voit où cela nous a menés. Il est temps, pour ceux qui nous gouvernent aussi de faire preuve d'audace et de cesser de se prosterner devant des marchés supposés tout puissants et devant des opinions publiques que l'on vénère parce que la démocratie des citoyens a fait place à la dictature de l'opinion. Il est temps de montrer que ce n'est pas en appliquant les solutions du passé à des temps nouveaux que l'on sortira de l'ornière mais en faisant preuve de liberté d'esprit, en s'affranchissant des a priori idéologiques qui conduisent les uns à proner une rigueur budgétaire sans autre perspective ni pendant, d'autres à prêcher le repli sur soi, d'autres encore à oublier que les cigales aussi doivent affronter tôt ou tard l'hiver. L'Union européenne ne se résume pas au grand marché elle ne se résume pas à l'union budgétaire. Elle doit être le cadre dans lequel se prépare l'avenir grâce à des investissements dans les forces vives qui la composent (éducation, formation, recherche, cohésion sociale) et dans des projets de dimension européenne qui la structurent. Ce qui implique qu'ele doit avoir un budget et des ressources propres à la mesure de ses missions. Elle doit être le cadre d'un nouveau pacte social pour que la diversité des pays qui la composent ne soit pas un ferment de dissensions et une source de dumping et de concurrence déloyale mais un aiguillon pour que la solidarité et l'entraide des pays permette le progrès de tous. Ce qui implique qu'elle doit développer sa politique sociale et harmoniser les règles de travail et la fiscalité. Elle doit être capable de parler d'une seule voix ce qui implique qu'elle réforme ses institutions de manière à promouvoir celles qui sont garantes de l'intérêt communautaire, la Commission et le Parlement européen, sous le controle des électeurs. En d'autres termes, elle doit franchir le pas fédéral. Elle mérite mieux, nous méritons mieux, que des gouvernants nationaux gestionnaires à la petite semaine d'une crise qui demande de faire preuve de, quoi donc déja, ah oui: "de l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace". Dans sa harangue, Danton conclut: " et la France est sauvée". Aujourd'hui, la France ne pourra être sauvée que si l'Union est sauvée.


Bonne et heureuse année à vous

Domaguil

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