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Le poids des parlements nationaux est renforcé par le traité de Lisbonne

Le rôle des parlements nationaux est renforcé dans le Traité de Lisbonne (ce qui est un des éléments de ce que j’ai appelé dans mon commentaire « la redéfinition des relations entre l’Union et les Etats membres »). Ces dispositions ont été débattues lors de la rencontre qui a eu lieu les 3 et 4 décembre entre des représentants des parlements nationaux des 27 membres de l’Union européenne et les eurodéputés à Bruxelles. Ainsi par exemple, Jaime Gama,  Président de l'Assembleia da Republica portugaise a estimé que "les premiers gagnants du nouveau traité sont les parlements nationaux".

 

 

A vrai dire le rôle des ces derniers s’est amplifié au fil des révisions successives des traités européens. Mais le traité de Lisbonne va plus loin.

 

 

Tout d’abord, la participation des  parlements nationaux au « bon fonctionnement » de l’Union est mentionnée pour la première fois dans le corps des traités (ce n’était pas le cas dans le traité constitutionnel). C’est la modification apportée par l’article 1§12  du Traité de Lisbonne (8C du TUE dans sa numérotation, qui devient l’article 12 dans la version consolidée) : « Les parlements nationaux contribuent activement au bon fonctionnement de l'Union:

a) en étant informés par les institutions de l'Union et en recevant notification des projets d'actes législatifs de l'Union conformément au protocole sur le rôle des parlements nationaux dans l'Union européenne;

b) en veillant au respect du principe de subsidiarité conformément aux procédures prévues par le protocole sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité;

c) en participant, dans le cadre de l'espace de liberté, de sécurité et de justice, aux mécanismes d'évaluation de la mise en oeuvre des politiques de l'Union dans cet espace, conformément à l'article 61 C du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et en étant associés au contrôle politique d'Europol et à l'évaluation des activités d'Eurojust, conformément aux articles 69 G et 69 D dudit traité; d) en prenant part aux procédures de révision des traités, conformément à l'article 48 du présent traité; e) en étant informés des demandes d'adhésion à l'Union, conformément à l'article 49 du présent traité;

f) en participant à la coopération interparlementaire entre parlements nationaux et avec le Parlement européen, conformément au protocole sur le rôle des parlements nationaux dans l'Union européenne».

 

 

Le contrôle de subsidiarité par les parlements nationaux est également développé

 

La subsidiarité signifie que la décision doit se prendre au niveau le plus pertinent pour son efficacité, le plus proche possible du citoyen. Elle implique donc que, sauf  bien sûr dans les domaines où elle a une compétence exclusive,  l’Union européenne n’intervient  que si cela se justifie par rapport aux autres niveaux de décision (national, régional ou local) car son action sera plus efficace.

 

 

Le contrôle de subsidiarité par les parlements nationaux est complété et rendu plus efficace par l’introduction d’une nouvelle modalité. Le protocole sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité détaille la procédure de contrôle qui concerne tout "projet d'acte législatif " (propositions de la Commission, initiatives d'un groupe d'États membres, initiatives du Parlement européen,  demandes de la Cour de justice, recommandations de la Banque centrale européenne et  demandes de la Banque européenne d'investissement, visant à l'adoption d'un acte législatif).

 

 

Dans un délai de huit semaines à compter de la transmission d’un projet d’acte législatif, toute chambre d’un parlement national peut adresser aux institutions de l’Union un « avis motivé » exposant les raisons pour lesquelles elle estime que ce texte ne respecte pas le principe de subsidiarité (ce délai a été allongé ; il est de six semaines dans les traités en vigueur actuellement). Les institutions de l’Union « tiennent compte » des avis motivés qui leur sont adressés.

 

 

Lorsqu’un tiers des parlements nationaux ont adressé un avis motivé, le projet doit être réexaminé (pour les textes relatifs à la coopération policière et à la coopération judiciaire en matière pénale, le seuil est abaissé à un quart). Pour l’application de cette règle, chaque parlement national dispose de deux voix ; lorsqu’il existe un système bicaméral (comme en France : Sénat et AN), chaque chambre dispose d’une voix.

 

 

Si un projet d’acte législatif est contesté, sur le fondement de la subsidiarité, par une majorité simple des parlements nationaux , et si la Commission décide de le maintenir, le Conseil et le Parlement européen doivent se prononcer sur la compatibilité de ce projet avec le principe de subsidiarité. Si le Conseil (à la majorité de 55 % de ses membres) ou le Parlement européen (à la majorité simple) donne une réponse négative, le projet est écarté. C’est une innovation par rapport aux traités actuels et au traité constitutionnel.

 

 

La Cour de justice de l'Union européenne est compétente pour se prononcer sur les recours pour violation, par un acte législatif, du principe de subsidiarité formés, par un État membre ou transmis par celui-ci conformément à son ordre juridique au nom de son parlement national ou d'une chambre de celui-ci.

 

 

Les parlements nationaux jouent également un rôle dans la procédure de révision ordinaire et simplifiée (article 1 § 56 du traité de Lisbonne qui est numéroté article 48 du TUE et garde le même numéro dans la version consolidée).

 

 

Tout comme le traité constitutionnel, le traité de Lisbonne permet une procédure de révision simplifiée pour modifier les politiques internes de l'Union (celles qui ne concernent pas l’action extérieure). Cette procédure ne nécessite pas de convoquer une Conférence Intergouvernementale. Le Conseil doit statuer à l’unanimité. Si la révision est votée, elle doit être ensuite approuvée  par les États membres, « conformément à leurs règles constitutionnelles respectives », ce qui signifie que les parlements nationaux peuvent avoir à se prononcer.

 

 

De plus, comme c’était déjà le cas dans le traité constitutionnel (article IV-444 de ce traité), chaque parlement national peut s’opposer au recours à une clause passerelle (une clause passerelle permet au Conseil de décider à l’unanimité de passer au vote à la majorité qualifiée pour prendre une décision relevant des politiques communes et qui aurait nécessité l’unanimité). Le recours à une clause passerelle est notifié aux parlements nationaux et la décision de l’utiliser ne peut entrer en vigueur que si aucun parlement national n’a fait savoir qu’il s’y opposait dans un délai de six mois. Le principe est posé dans l’article 48 TFUE§7. Mais certains articles qui prévoient le recours à une clause passerelle n’évoquent pas la transmission aux parlements. Il en est ainsi, par exemple, de l’article 1, par. 34, devenu le 31§3 du TUE dans la version consolidée, en matière de politique étrangère et de sécurité commune. On peut en conclure que dans cette matière, la transmission aux parlements n’est pas nécessaire, ce qui relativise leur pouvoir d’opposition. A l’inverse, contrairement à ce qui était prévu dans le traité constitutionnel, le traité de Lisbonne dispose que  tout parlement national  peut s'opposer à la mise en œuvre de la clause passerelle permettant de passer de l'unanimité à la majorité qualifiée pour les aspects du droit de la famille ayant une incidence transfrontière (article 2 du traité de Lisbonne paragraphe 66 , numéroté 65 et devenu l’article 81 du TFUE dans la version consolidée). NB :  l’opposition se fait par le biais d’une motion du parlement donc, votée par les deux chambres (AN et Sénat en France) ce qui donne au Sénat un droit de veto, quand les majorités ne sont pas de la même famille politique.

Domaguil

 

 

Commentaires

  • Je cherche une information historique et juridique : lorsque l'Espagne et le Portugal ont adhéré à la CEE, le Parlement français a-t-il eu à voter une quelconque loi autorisant la ratification d'un traité modificatif, permettant cette adhésion ? Merci de votre réponse. Jean

  • Jean

    Oui, le Parlement a voté une loi qui approuvait le traité d'adhésion, conformément à l'article 53 de la constitution française sur la ratification parlementaire des traités.

    Référence:

    Loi autorisant la ratification du Traité entre le Royaume de Belgique, le Royaume de Danemark, la République fédérale d'Allemagne, la République hellénique, la République française, l'Irlande, la République italienne, le Grand Duché de Luxembourg, le Royaume des Pays-Bas, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, Etats membres des Communautés européennes, et le Royaume d'Espagne et la République du Portugal, relatif à l'adhésion à la Communauté économique européenne et à la Communauté européenne de l'énergie atomique du Royaume d'Espagne et de la République du Portugal

    (n° 85-1334 du 18 décembre 1985), parue au JO du 19 décembre 1985

  • Merci de cette précision, car elle conforte mon interprétation sur le soi-disant "déni de démocratie" de certains "nonistes", qui exigaient un référendum sur le traité de Lisbonne, au nom d'un soi-disant "parallélisme des formes": Pompidou fit un référendum en avril 1972 sur la loi approuvant l'adhésion de la Grande Bretagne et de l'Irlande à l'Europe, et ce fut une loi parlementaire classique qui autorisa l'adhésion de l'Espagne et du Portugal en 1985, et personne n'a crié à la "forfaiture" au nom du parallélisme des formes...CQFD.

  • Bonjour Domaguil. Votre article m'a fait soulever une interrogation, dont je trouve peu d'information. Il est vrai le TCE ou le futur (jespère) Traité de Lisbonne apporte enfin pour les parlements nationaux les moyens de participer aux travaux de l'Union.

    Mais une question que je me pose, cela veut dire que depuis la création de l'Union les parlements nationaux n'ont eu aucun role et pouvoirs dans l'UE, outre si on enlève le COSAC et autres, à l'heure actuel rien n'est prévu pour les parlements nationaux pour qu'ils puissent participer à L'union. Merci de répondre à mon intérrogation, dont je ne trouve pas de réponse ni dans les livres (étonnant tous de même) ni ou peu sur internet.
    Cordialement. Frédéric

  • Je me permets ce commentaire, sans être aucunement un spécialiste comme Domaguil...Ce que je peux répondre à Frédéric, c'est que la réponse est dans la procédure classique des traités internationaux : ce sont des Etats qui les négocient, et les appliquent, par l'intermédiaire de leurs Exécutifs (Présidents, Premiers Ministres...), et qui les ratifient, après autorisations législatives de leurs Parlements (cf. art. 53 de la Constitution française). Ceux-ci (jusqu'au Traité de Lisbonne!...) n'avaient donc, sur les traités européens, que le pouvoir de "sanctionner" éventuellement leurs gouvernements, en ne votant pas la loi de ratification du traité. Seul LE Parlement européen dispose, lui, d'un certain pouvoir vis à vis de la Commission, pouvoir qui n'est quand même pas si dérisoire, et qui va s'accentuer avec le traité de Lisbonne (comme celui des Parlements nationaux d'ailleurs...). Jean

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