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subsidiarité

  • La reglementation européenne du droit de grève fait "pschitt"

     

    Elle aura duré quelques petits mois pour finalement être retirée presque en catamini par la Commission européenne: la proposition qu'elle avait présentée en mars dernier pour reglementer les droits des travailleurs détachés par leur entreprise dans un autre pays de l'Union européenne pour y effectuer une prestation de servicesn'est plus.

    On ne peut pas dire qu'elle sera regrettée.

    Ce projet de règlement sur "l’exercice du droit de mener des actions collectives dans le contexte de la liberté d’établissement et de la libre prestation des services", également appelé "règlement Monti II", avait pour but de préciser comment s'articulent le droit fondamental qu'est le droit de grève et les libertés économiques reconnues par les traités européens, dont la liberté de prestation de services. L'aricle 2 posait les principes généraux applicables aux relations entre ces droits fondamentaux et ces libertés économiques. Il les plaçait sur un pied d'égalité, écartant que les uns ou les unes puisse primer sur les autres. Mais dans la mesure où il y avait égalité, cette égalité impliquait que les uns et les autres devaient être respectés...ce qui pouvait justifier des restrictions à leur exercice. Et c'est bien ainsi que l'ont compris les syndicats qui, par la voix de la Confédération Européenne des Syndicats, ont dénoncé cette égalité qui conduirait à admettre des limites au droit de grève et ont exigé qu'en en cas de conflit, les droits sociaux fondamentaux prévalent.

    Comme les medias sont accaparés par la crise dans la zone euro et le débat sur l'avenir de l'Union européenne alimenté avec brio par Daniel Cohn-Bendit et Guy Verhofstadt, le retrait du règlement Monti II n'a pas eu droit aux premières pages. C'est pourtant une nouvelle importante qui illustre la façon dont se répartissent les compétences entre l'Union européenne et les états membres et comment, contrairement à ce que l'on dit, la première est très loin de pouvoir faire ce qu'elle veut.

    Le 13/09/2012, le blog de l'eurodéputée Malika Benarab-Attou nous apprend qu'à l'occasion d'une rencontre entre le Commissaire chargé de l'emploi, des affaires sociales et de l'inclusion, Laszlo Andor, et les députés membres de la commission emploi et affaires sociales du Parlement européen, le Commissaire européen a annoncé le retrait de la proposition Monti II.

    Pourquoi?

    Ce retrait suit la réaction de plusieurs parlements nationaux qui ont utilisé le pouvoir qui est le leur de s'opposer à une proposition de législation européenne s'ils estiment qu'elle excède les compétences de l'Union européenne et viole le principe de subsidiarité. Ce contrôle et cette opposition sont un contrepoids majeur aux pouvoirs des institutions européennes, et ils sont rendus possibles, pour la première fois, par le Traité de Lisbonne. Il parait dès lors évident que la Commission a du, bon gré mal gré, tenir compte du refus des parlements nationaux.

    C'est dans le protocole sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité que se trouve détaillée la procédure que l'on appelle aussi couramment procédure du "carton jaune". Elle s'applique à tout "projet d'acte législatif " (par exemple, propositions de la Commission, mais aussi initiatives d'un groupe d'États membres, initiatives du Parlement européen, recommandations de la Banque centrale européenne avant l'adoption d'un acte législatif...). Dans un délai de huit semaines à compter de la transmission d’un projet d’acte législatif, toute chambre d’un parlement national peut adresser aux institutions de l’Union un « avis motivé » qui expose les raisons pour lesquelles elle estime que ce texte ne respecte pas le principe de subsidiarité. Lorsqu’un tiers des parlements nationaux a adressé un avis motivé, le projet doit être réexaminé. A l'issue de ce réexamen la Commission peut décider de maintenir le texte, de le modifier ou de le retirer. Sa décision doit être motivée. Si une majorité simple des parlements nationaux s'est prononcé contre le texte proposé, et si la Commission décide de le maintenir, c'est au légisteur européen, c'est à dire au Conseil et au Parlement européen, de se prononcer sur la compatibilité de la proposition avec le principe de subsidiarité.

    En l'occurrence, plusieurs chambres parlementaires avaient critiqué la proposition de règlement, estimant qu'elle empiétait sur les compétences des états. C'est le cas des parlements belge, danois, finlandais, français, letton, maltais, polonais, portugais, suédois néerlandais, britannique et luxembourgeois. Ensemble, ils ont réuni 19 voix sur 54 en termes de votes pondérés, donc plus d’un tiers des voix.

    En France, le Sénat avait voté le 22-05-2012 une résolution dans laquelle il estimait que "L'article 2 et le paragraphe 4 de l'article 3 de la proposition de règlement excèdent les compétences de l'Union en encadrant l'exercice du droit de grève " et proposait une autre rédaction : "l'article 2 devrait être rédigé de la façon suivante : « L'exercice de la liberté d'établissement et de la libre prestation des services énoncées par le traité respecte le droit fondamental de mener des actions collectives, y compris le droit ou la liberté de faire grève».

    La Confédération européenne des syndicats ne dit pas autre chose. Elle s'est d'ailleurs réjoui de la décision de la Commission européenne de retirer sa proposition. Mais elle remarque que ce retrait ne résout toutefois pas les problèmes créés par la jurisprudence européenne Viking et Laval et qu' "Il est plus urgent que jamais de trouver une solution à la situation actuelle car celle-ci empêche les travailleurs de pleinement jouir de leurs droits. La Commission devrait garantir que les droits sociaux fondamentaux ne puissent pas être limités par les libertés économiques". Ce qui doit passer par un protocole de progrès social à joindre aux Traités européens qui précisera notamment que que les libertés économiques et les règles de concurrence ne peuvent prévaloir sur les droits sociaux fondamentaux et le progrès social mais, au contraire, que les droits sociaux doivent avoir la priorité en cas de conflit.

    Domaguil

     

  • Le poids des parlements nationaux est renforcé par le traité de Lisbonne

    Le rôle des parlements nationaux est renforcé dans le Traité de Lisbonne (ce qui est un des éléments de ce que j’ai appelé dans mon commentaire « la redéfinition des relations entre l’Union et les Etats membres »). Ces dispositions ont été débattues lors de la rencontre qui a eu lieu les 3 et 4 décembre entre des représentants des parlements nationaux des 27 membres de l’Union européenne et les eurodéputés à Bruxelles. Ainsi par exemple, Jaime Gama,  Président de l'Assembleia da Republica portugaise a estimé que "les premiers gagnants du nouveau traité sont les parlements nationaux".

     

     

    A vrai dire le rôle des ces derniers s’est amplifié au fil des révisions successives des traités européens. Mais le traité de Lisbonne va plus loin.

     

     

    Tout d’abord, la participation des  parlements nationaux au « bon fonctionnement » de l’Union est mentionnée pour la première fois dans le corps des traités (ce n’était pas le cas dans le traité constitutionnel). C’est la modification apportée par l’article 1§12  du Traité de Lisbonne (8C du TUE dans sa numérotation, qui devient l’article 12 dans la version consolidée) : « Les parlements nationaux contribuent activement au bon fonctionnement de l'Union:

    a) en étant informés par les institutions de l'Union et en recevant notification des projets d'actes législatifs de l'Union conformément au protocole sur le rôle des parlements nationaux dans l'Union européenne;

    b) en veillant au respect du principe de subsidiarité conformément aux procédures prévues par le protocole sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité;

    c) en participant, dans le cadre de l'espace de liberté, de sécurité et de justice, aux mécanismes d'évaluation de la mise en oeuvre des politiques de l'Union dans cet espace, conformément à l'article 61 C du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et en étant associés au contrôle politique d'Europol et à l'évaluation des activités d'Eurojust, conformément aux articles 69 G et 69 D dudit traité; d) en prenant part aux procédures de révision des traités, conformément à l'article 48 du présent traité; e) en étant informés des demandes d'adhésion à l'Union, conformément à l'article 49 du présent traité;

    f) en participant à la coopération interparlementaire entre parlements nationaux et avec le Parlement européen, conformément au protocole sur le rôle des parlements nationaux dans l'Union européenne».

     

     

    Le contrôle de subsidiarité par les parlements nationaux est également développé

     

    La subsidiarité signifie que la décision doit se prendre au niveau le plus pertinent pour son efficacité, le plus proche possible du citoyen. Elle implique donc que, sauf  bien sûr dans les domaines où elle a une compétence exclusive,  l’Union européenne n’intervient  que si cela se justifie par rapport aux autres niveaux de décision (national, régional ou local) car son action sera plus efficace.

     

     

    Le contrôle de subsidiarité par les parlements nationaux est complété et rendu plus efficace par l’introduction d’une nouvelle modalité. Le protocole sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité détaille la procédure de contrôle qui concerne tout "projet d'acte législatif " (propositions de la Commission, initiatives d'un groupe d'États membres, initiatives du Parlement européen,  demandes de la Cour de justice, recommandations de la Banque centrale européenne et  demandes de la Banque européenne d'investissement, visant à l'adoption d'un acte législatif).

     

     

    Dans un délai de huit semaines à compter de la transmission d’un projet d’acte législatif, toute chambre d’un parlement national peut adresser aux institutions de l’Union un « avis motivé » exposant les raisons pour lesquelles elle estime que ce texte ne respecte pas le principe de subsidiarité (ce délai a été allongé ; il est de six semaines dans les traités en vigueur actuellement). Les institutions de l’Union « tiennent compte » des avis motivés qui leur sont adressés.

     

     

    Lorsqu’un tiers des parlements nationaux ont adressé un avis motivé, le projet doit être réexaminé (pour les textes relatifs à la coopération policière et à la coopération judiciaire en matière pénale, le seuil est abaissé à un quart). Pour l’application de cette règle, chaque parlement national dispose de deux voix ; lorsqu’il existe un système bicaméral (comme en France : Sénat et AN), chaque chambre dispose d’une voix.

     

     

    Si un projet d’acte législatif est contesté, sur le fondement de la subsidiarité, par une majorité simple des parlements nationaux , et si la Commission décide de le maintenir, le Conseil et le Parlement européen doivent se prononcer sur la compatibilité de ce projet avec le principe de subsidiarité. Si le Conseil (à la majorité de 55 % de ses membres) ou le Parlement européen (à la majorité simple) donne une réponse négative, le projet est écarté. C’est une innovation par rapport aux traités actuels et au traité constitutionnel.

     

     

    La Cour de justice de l'Union européenne est compétente pour se prononcer sur les recours pour violation, par un acte législatif, du principe de subsidiarité formés, par un État membre ou transmis par celui-ci conformément à son ordre juridique au nom de son parlement national ou d'une chambre de celui-ci.

     

     

    Les parlements nationaux jouent également un rôle dans la procédure de révision ordinaire et simplifiée (article 1 § 56 du traité de Lisbonne qui est numéroté article 48 du TUE et garde le même numéro dans la version consolidée).

     

     

    Tout comme le traité constitutionnel, le traité de Lisbonne permet une procédure de révision simplifiée pour modifier les politiques internes de l'Union (celles qui ne concernent pas l’action extérieure). Cette procédure ne nécessite pas de convoquer une Conférence Intergouvernementale. Le Conseil doit statuer à l’unanimité. Si la révision est votée, elle doit être ensuite approuvée  par les États membres, « conformément à leurs règles constitutionnelles respectives », ce qui signifie que les parlements nationaux peuvent avoir à se prononcer.

     

     

    De plus, comme c’était déjà le cas dans le traité constitutionnel (article IV-444 de ce traité), chaque parlement national peut s’opposer au recours à une clause passerelle (une clause passerelle permet au Conseil de décider à l’unanimité de passer au vote à la majorité qualifiée pour prendre une décision relevant des politiques communes et qui aurait nécessité l’unanimité). Le recours à une clause passerelle est notifié aux parlements nationaux et la décision de l’utiliser ne peut entrer en vigueur que si aucun parlement national n’a fait savoir qu’il s’y opposait dans un délai de six mois. Le principe est posé dans l’article 48 TFUE§7. Mais certains articles qui prévoient le recours à une clause passerelle n’évoquent pas la transmission aux parlements. Il en est ainsi, par exemple, de l’article 1, par. 34, devenu le 31§3 du TUE dans la version consolidée, en matière de politique étrangère et de sécurité commune. On peut en conclure que dans cette matière, la transmission aux parlements n’est pas nécessaire, ce qui relativise leur pouvoir d’opposition. A l’inverse, contrairement à ce qui était prévu dans le traité constitutionnel, le traité de Lisbonne dispose que  tout parlement national  peut s'opposer à la mise en œuvre de la clause passerelle permettant de passer de l'unanimité à la majorité qualifiée pour les aspects du droit de la famille ayant une incidence transfrontière (article 2 du traité de Lisbonne paragraphe 66 , numéroté 65 et devenu l’article 81 du TFUE dans la version consolidée). NB :  l’opposition se fait par le biais d’une motion du parlement donc, votée par les deux chambres (AN et Sénat en France) ce qui donne au Sénat un droit de veto, quand les majorités ne sont pas de la même famille politique.

    Domaguil