L'Union européenne, les Roms et Berlusconi
Il y a des informations qui ont du mal à passer car il est plus facile de faire dans le raccourci. Par exemple, ce matin sur RMC aux grande gueules, j’entends un des animateurs (journaliste ????) affirmer, en parlant des roms que la Commission européenne a autorisé leur fichage sur la base des empreintes génétiques, conformément à la demande faite par l’Italie.
Bizarre, me dis-je. Non que je pense que la Commission européenne soit forcément composée d’humanistes, farouches partisans des droits fondamentaux. Mais d’une part, je ne vois pas en vertu de quelle compétence elle peut "autoriser" une telle mesure. D’autre part, je me fais la réflexion qu’elle a bien vite oublié ses discours sur l’intégration des Roms (qui, en ce qui concerne les bulgares et les roumains, et n’en déplaise à Silvio Berlusconi et ses acolytes, sont à présent citoyens de l’Union européenne). Encore récemment l’agenda social présenté par la Commission faisait la part belle à la lutte contre la discrimination et prenait le cas particulier des Roms (voir : Un agenda pour l'Europe sociale ). Et voila que l’on nous parle à présent de fichage ethnique ?
Au premier Sommet européen consacré à la situation des Roms dans l'Union européenne qui s’est tenu hier, 16 septembre, les propos consensuels de M.Barroso sur l’inclusion des Roms et lénifiants du Commissaire chargé de l’Emploi, des Affaires sociales et de l’Egalité des chances, Vladimír Špidla, sur le même thème n’ont guère convaincu une partie du public bien décidé à opposer à ces bonnes paroles l’opération de fichage en Italie qui prévoit la prise des empreintes digitales et des analyses ADN (techniques jusque là utilisées dans le cadre de la poursuite d’actes criminels).Car, selon les medias (et c’est sans doute à quoi faisait allusion l’animateur de RMC), la Commission européenne aurait donné son approbation à cette mesure il y a quelques jours. D’où les protestations de certains participants à la Conférence qui ont arboré un t-shirt barré de la mention ’’Contre le fichage ethnique’’, avec le soutien du très médiatique et très milliardaire George Soros, Président de la Fondation du même nom et de l’Open Society institute.
A l'issue de quoi, la position de la Commission européenne ne semble plus si tranchée: soit qu’elle n’ait pas été comprise dès l’origine, soit qu’elle ait opéré un revirement acrobatique, toujours est-il que son assentiment aux mesures prises par l’Italie ne semble plus aussi inconditionnel que la présentation qui en a été faite pouvait le laisser penser.
Ainsi, par la voix du Commissaire chargé des affaires de Justice, Liberté et Sécurité, Jacques Barrot, a-t-on pu apprendre que la Commission n’avait pas donné son accord à un fichage sur la base des empreintes génétiques mais à des mesures de « recensement » excluant tout « fichage ethnique » : « dès que nous avons entendu l'annonce d'un recensement dans les camps nomades en Italie, nous avons dit au gouvernement italien que nous voulions en savoir plus. Nous avons immédiatement dit qu'en tout état de cause nous n'accepterions pas la prise d'empreintes digitales sur les mineurs sans qu'il y ait une intervention du juge, et pour des motifs légitimes. Nous avons aussi exprimé notre opposition à tout fichage sur base ethnique ou religieuse. .. A la lumière du rapport qui nous a été envoyé le 1 août, nous avons vérifié que l'Italie a défini des orientations qui ne pouvaient pas être objet de contestations de notre part. Il faut maintenant voir comment ces mesures sont appliquées, mais en ce qui concerne ces recensements, nous avons vérifié que les textes normatifs étaient adéquats. J'ai eu aujourd'hui la confirmation qu'une délégation du Parlement européen se rendra en Italie pour vérifier les conditions d'application des mesures ». Et Jacques Barrot de conclure : « Je m'engage personnellement à veiller sur l'application du droit européen et sur les respects des droits fondamentaux de l'Union ».
A-t-il convaincu pour autant les organisations humanitaires présentes ? Peut-être pas. Mais ce qui importe c’est que le problème soit posé au grand jour. Dans une interpellation sur la situation des Roms et des gens du voyage différentes associations demandent à la Présidence française de l’Union de faire respecter les principes d’égalité de droits et de non discrimination garantis par les textes communautaires et internationaux et de promouvoir une directive cadre afin d’assurer divers droits concret tels que l’habitat, l’accès à l’emploi, la santé, la liberté de circulation.
Les mesures prises par le Gouvernement italien pourraient également faire l’objet d’un recours pour violation du droit communautaire. Excellente façon de rappeler que l’Union européenne peut être un rempart contre des dérives populistes et xénophobes.