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Les eurodéputés disent non à la "malbouffe"

Sur la sécurité alimentaire, le moins que l’on puisse dire est que la Commission européenne et le Conseil d’un côté et le Parlement, de l’autre, ne semblent pas être sur la même longueur d’onde.

Le second discute actuellement d’une proposition de révision du règlement 258/97 sur les « nouveaux aliments ». Ces nouveaux aliments peuvent aussi bien être des aliments naturels existants dans d’autres zones du globe (par exemple, le jus de noni ) que des aliments créés par l’industrie agroalimentaire (comme les aliments aux phytostérols supposés réduire le cholestérol). En vertu du règlement 258/97, l’innocuité pour la santé et pour l’environnement de ces produits doit être démontrée avant leur commercialisation, grâce à un examen par les autorités sanitaires nationales et communautaire, par l’Autorité européenne de sécurité alimentaire (AESA). En pratique, les procédures peuvent être longues et les désaccords entre les différentes autorités, nombreux.

La proposition présentée a pour but de simplifier la procédure de mise sur le marché pour les aliments naturels peu connus dans l’Union européenne mais qui sont consommés ailleurs (comme le jus de noni). Elle a également pour objectif de centraliser la procédure : seuls les nouveaux produits alimentaires inclus sur une liste communautaire (après l'évaluation de l’AESA) pourront être mis sur le marché.

Ce qui est en cause n’est pas tant le contenu du texte lui-même que son champ d’application. Car la proposition soutenue par la Commission et le Conseil permettrait que des aliments issus d’animaux clonés ou de nouveaux processus de fabrication comme les nanotechnologies puissent être soumis à cette procédure et donc, éventuellement, autorisés.

Lors de son examen par la commission de l’environnement du Parlement européen, le 04/05/2010, le projet de texte a été, pour cette raison, très contesté. Les eurodéputés veulent exclure « les produits alimentaires dérivés des animaux clonés et de leur descendance » aussi bien que « les aliments issus d'un processus de nanotechnologies » du champ d’application du règlement et les soumettre à « une évaluation de risque spécifique avant que leur utilisation puisse être approuvée et qu'ils soient étiquetés ». Il reste encore à savoir si le Parlement sera à l’unisson avec sa commission de l’environnement. Le vote devrait avoir lieu en plénière en juillet.

Le deuxième coup de frein à l’invasion de la « malbouffe » a été donné par le Parlement européen le 19/05/2010. Ce jour-là, les eurodéputés ont voté une résolution dans laquelle ils excluent la thrombine porcine et bovine à de la liste des additifs alimentaires autorisés dans l’Union européenne . La thrombine est une substance dérivée des parties comestibles des porcs et des bovins, également appelée « colle à viande » car elle sert à lier des morceaux de viande – y compris d’origines différentes - ensemble afin qu'ils ne fassent plus qu'un seul produit à base de viande. La Commission européenne proposait d’autoriser cet additif, qui est utilisé dans certains états membres, dans toute l’Union européenne, sous certaines conditions : la thrombine d'origine bovine ou porcine aurait été autorisée à raison d'un maximum de 1 mg/kg dans les préparations de viande préemballées et dans les produits à base de viande préemballés destinés au consommateur final, et sous réserve que la denrée alimentaire porte la mention "morceaux de viande reconstitués" à proximité de sa dénomination commerciale. Les états dans leur quasi totalité avaient soutenu la proposition. Et parmi eux, la France, qui fait pourtant de la gastronomie un des points forts de son image de marque. Du moins en apparence, car de façon très discrète, la France a déjà autorisé l’utilisation de thrombine pour reconstituer de la viande ou du poisson de 2003 à 2005. Avec une certaine "candeur" ou vrai cynisme, les défenseurs du projet plaidaient que cela permettrait aux plus pauvres de manger de la viande la viande reconstituée étant proposée à un prix plus bas, en principe. En réalité, l’objectif semble surtout de permettre aux industries agro alimentaires d’ « optimiser » l'utilisation des chutes de viande, et par là même d’optimiser leurs gains.

Mais les eurodéputés n’ont pas été dupes. Ils ont considéré que la mention « viande reconstitué » est insuffisante pour que le consommateur soit bien informé et ont refusé au motif que la possibilité ainsi donnée aux industriels de présenter des produits recomposés sous forme de morceaux entiers « pourrait induire en erreur le consommateur quant à l'état de la denrée alimentaire finale ». De plus, alors que le règlement exige qu’un additif alimentaire soit autorisé dans la mesure où il présente un avantage ou un intérêt particulier pour le consommateur (meilleure préservation de la qualité nutritive des produits, amélioration de la capacité de conservation, etc.), cette condition n’est pas non plus remplie, estiment les eurodéputés. Enfin, il existe des risques pour la santé dans la mesure où « processus de liaison de divers morceaux de viande augmente de façon significative la surface de la denrée alimentaire ayant pu être contaminée par une bactérie (Clostridium ou salmonelle, par exemple) capable de survivre et de se reproduire sans oxygène, dans le cadre d'un tel processus … l'innocuité du produit final ne peut donc pas être garantie ». D’où le rejet d’une proposition assez peu … appétissante.

Il est à remarquer, pour finir, que les nouvelles dispositions du Traité de Lisbonne permettent au Parlement d’opposer son veto à des mesures d'exécution de la législation européenne proposées par la Commission, alors qu’auparavant dans l’ancienne procédure, appelée « comitologie », la Commission décidait, assistée d’experts, les mesures d’application des dispositions législatives, sans contrôle démocratique ). On ne peut que s’en réjouir. En France, l’autorisation de la thrombine a résulté d’un arrêté. Le Parlement n’a donc pas été consulté. Cette affaire donne une preuve de plus que le Parlement européen, loin d’être le Parlement croupion présenté par la propagande des "anti traité constitutionnel" et "anti traité de Lisbonne", s’affirme comme un contre pouvoir réel à la Commission et au Conseil.

 

Domaguil

 

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