Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Les requins d’eau profonde dans les filets des lobbies (1)

 

Mais non, il n’y a pas que le brexit dans l’actualité européenne, même si nos voisins britanniques nous offrent un feuilleton riche en rebondissements et en suspense (on est libre de lui préférer Game of Thrones).

 

 

 

Donc, il est advenu que, le 30 juin 2016, le Conseil de l’Union européenne et le Parlement européen se sont enfin mis d’accord pour interdire la pêche en eau profonde dans l’Atlantique Nord-Est.

Enfin, ai-je écrit, car la procédure législative conduisant à cet accord a duré des années (et n’est d’ailleurs pas encore officiellement terminée puisque le vote du texte final aura lieu cet automne). La nouvelle est passée assez inaperçue, éclipsée par une actualité fournie et dramatique.

Elle n’est pourtant pas anodine, car elle est exemplaire à la fois de ce que l’on aime dans l’Union européenne (dans ce cas, la protection du patrimoine environnemental du continent) et de ce qui la rend impopulaire (dans ce cas : l’action des lobbies).

En juillet 2012, le Pew environment Group faisait un bilan des dégâts provoqués par la pêche en eau profonde.

Peu ou pas explorées, les eaux profondes, qui commencent à 200 mètres sous la surface et se terminent sur la plaine abyssale, à une profondeur moyenne de 4 000 mètres (jusqu’à 5000 mètres par endroits dans L'océan Atlantique Nord-Est) contiennent une grande variété d’espèces (selon les scientifiques, la plus grande partie des 750 000 espèces marines non découvertes dans le monde vivent là) et de coraux dont certains sont vieux de 8 500 ans. Or, la pêche en eau profonde se pratique actuellement avec des engins très destructeurs de ces écosystèmes : les chaluts ratissent les fonds marins avec des pièces en acier, des câbles et des filets géants qui capturent tout ce qui se trouve sur leur passage et écrasent récifs coralliens coraux et éponges. Les  déclarations de pêche des navires sous estimeraient les captures alors même que les règles applicables fixent des limites capture trop élevées et ne prennent pas en compte les prises accessoires d’espèces qui sont en voie d’extinction (requins d’eau profonde). En définitive, les navires de l’Union gaspillent et appauvrissent les ressources pour un bénéfice limité (1,3 % de la valeur des captures totales de l’UE pour l’ensemble des pêcheries). Trois pays, l’Espagne, la France et le Portugal réalisent la plus grande partie des captures de l’Union dans l’Atlantique Nord-Est (89% en 2010).

Le constat effectué par les ONG de protection de l’environnement se fonde sur l’avancement des connaissances scientifiques. Ces progrès ont aussi conduit la Commission européenne à proposer, en juillet 2012, de modifier les règles communautaires applicables à la pêche en eau profonde pour protéger la biodiversité.

Mais ce n’est que quatre ans plus tard que l’espoir de mettre fin, au moins partiellement, au massacre des fonds marins s’est concrétisé.

Entre temps, ONG et représentants du secteur de la pêche industrielle se sont livrés à une bataille rangée dans les couloirs des institutions européennes, et sur l’internet, pour faire triompher leur point de vue. 

 

Les futures règles sur la pêche en eau profonde

Elles s’appliquent aux eaux de l’Union européenne dans l'océan Atlantique Nord-Est.

Les chalutiers concernés par la nouvelle réglementation sont ceux dont les prises sont constituées à au moins 8% d’espèces de haute mer sur au moins une sortie de pêche au cours de l'année ou bien qui en capturent plus de 100 kg.

La pêche est interdite au dela de 800 mètres de profondeur. Mais pour les écosystèmes les plus fragiles, cette limite est abaissée à 400 mètres. Si la quantité des indicateurs d'écosystèmes marins vulnérables attrapés (une liste de ceux-ci est annexée au règlement) dépasse certains seuils, le navire doit alors cesser immédiatement de pêcher. Il ne peut recommencer qu’après s’être éloigné d'au moins cinq miles nautiques de la zone dans laquelle il a rencontré l'écosystème marin vulnérable.

Le nouveau règlement prévoit aussi que les activités de pêche profonde ne pourront avoir lieu que dans les zones qui étaient déjà exploitées entre 2009 et 2011.

Les contrôles sont renforcés ainsi que les sanctions des infractions éventuelles. Le règlement crée aussi nouvelles obligations en matière de collecte de données pour donner une idée plus précise des stocks d'eau profonde et impose notamment aux pêcheurs d’accueillir des observateurs scientifiques  à bord : 20% des bateaux devront ainsi  embarquer un observateur lors de leurs campagnes. 

Ces mesures ont été saluées par les organisations chargées de la protection de l’environnement.

 

A suivre

Domaguil

Les commentaires sont fermés.