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démocratie

  • Faiseurs de rois

     

    Dans la pièce Henri VI de William Shakespeare, le comte Warwick se porte tour à tour à l'aide des York et des Lancastre, deux familles puissantes qui se disputent le trone d'Angleterre, et y gagne le surnom de "faiseur de rois".

    En nos temps modernes, les faiseurs de rois exercent toujours leur contestable talent comme le montrent les péripéties de la crise de la dette souveraine. Et il se pourrait qu'un pas nouveau ait été franchi.

    Jusqu'à l'auto éviction du premier ministre italien, les gouvernements de la zone euro qui ont chuté sont tombés à la suite de la dégradation de la situation économique de leur pays et des finances publiques qui ont entrainé des politiques impopulaires. Bien que la mauvaise santé des pays en cause ait été aggravée par les dégradations de notes souveraines infligées par ces nouveaux mages savants que sont les agences de notation, il y a des fondements rationnels à l'éviction de ces dirigeants et on peut encore analyser leur départ comme une réponse à une pression populaire.

    Avec le départ du Premier ministre italien, Silvio Berlusconi, la donne est peut-être différente. Que ce soit clair: il ne s'agit pas pour moi de regretter le départ d'un dirigeant dont j'ai personnellement toujours déploré qu'il ait accédé au pouvoir et y ait été reconduit par ce peuple qui aujourd'hui se réjouit d'en être débarrassé. Au contraire, le fait me parait réjouissant puisque M.Berlusconi s'inscrit dans cette catégorie de dirigeants européens qui prouvent jour après jour leur inaptitude et/ou leur absence totale de sens de l'intérêt général. Un de moins, c'est une bonne nouvelle.

    Mais, au dela de la personne de M.Berlusconi, quelles sont les raisons de cette tourmente qui agite l'Italie? Précisément, là est la question.

    La dette publique importante de l'Italie (120% du PIB) suffit-elle à expliquer les attaques dont elle fait l'objet de la part des spéculateurs et le désamour des marchés qui la contraint à emprunter à des taux toujours plus élevés? Comment ce pays est-il devenu, après la Grèce, le nouveau territoire de tous les dangers, alors que l'on aurait pu penser l'Espagne plus menacée?

    L'Italie est un pays industriel dont le PIB en fait la 7e puissance économique mondiale en 2010 selon la liste établie par le FMI, derrière les Etats-Unis, la Chine, le Japon, l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni (même si son économie s'est contractée du fait de la crise, la faisant passer ainsi du 6ème rang en 2009 au 7ème). Le journaliste de l'émission de France Inter "l'éco du jour", Philippe Lefébure, rappelait il y a quelques jours: "l'Italie n'est pas le Portugal. N'est pas la Grèce, non plus. L'Italie est en meilleure posture que... l'Espagne, qu'on a longtemps présentée comme le "domino suivant". La croissance italienne a un meilleur potentiel, par exemple: ses exportations progressent. Son système bancaire n'est pas laminé comme celui des Caisses d'épargne espagnoles. En 2010, son déficit public était en dessous de la moyenne européenne. Mieux, l'Italie affiche un "excédent primaire", c'est-à-dire que, hors paiement des intérêts de sa dette -et contrairement à la France-, l'Italie est en excédent budgétaire. Le pays ne paie pas ses dépenses courantes, en s'endettant". Et de s'interroger: pourquoi est-ce l'Italie qui se trouve dans le collimateur des agences de notation? Selon le chroniqueur de France inter la réponse est claire et tient en un mot: Berlusconi. C'est celui-ci qui serait la cause d'un renchéruissement du coût de l'emprunt pour l'état italien car il aurait perdu toute crédibilité aux yeux des agences de notation. C'est ce que Philippe Lefébure appelle "la prime Berlusconi".

    A supposer que Philippe Lefébure soit dans le vrai (et il m'a semblé convaincant), le cas de figure italien est donc celui d'un gouvernement qui chute parce que, bien que démocratiquement élu (hélas, certes, mais Silvio Berlusconi était bien au pouvoir par la volonté du peuple), c'est son premier ministre qui est la cible de la mauvaise appréciation des agences de notation et donc, "la cause" des pharamineux taux d'intérêt que doit payer l'Italie pour se financer. Et voila comment il est proprement contraint à s'éjecter lui-même par ces milieux financiers dont il est pourtant proche.

    Mais les marchés ne font pas de sentiment. Tout ce qui menace leur soif de lucre doit être éliminé. Et nous découvrons donc que les personnes des gouvernants sont à présent un des paramètres d'appréciation de la capacité d'un pays à être vertueux aux yeux des marchés, c'est-à-dire, en fin de compte, à permettre aux investisseurs de ne pas perdre leur argent et mieux, d'en gagner davantage.

    Dire que les marchés sont contre la démocratie est un raccourci. En fait, les marchés sont pour ce qui leur fait gagner de l'argent. Dès lors, la couleur politique d'un gouvernement ou la façon dont il a accédé au pouvoir leur est indifférente, s'il est "rentable". Dans l'absurde, on pourrait imaginer que si un dirigeant communiste menait une politique conforme aux attentes des marchés, il serait tout à fait à leur goût. Il n'y a donc pas de combat contre la démocratie. Les marchés s'en moquent. Mais peu importe les motivations car le résultat est là : les agences de notation font et défont des gouvernements avec cette arme qu'est la notation de la dette souveraine. On pourra objecter, et ils sont nombreux à le faire, qu'elles ne font que pointer les défaillances des politiques internes et que s'en prendre à elles c'est s'en prendre au thermomètre qu'il ne suffit pas de casser pour que cesse la fièvre. Mais c'est faux. Les agences de notation émettent leurs notes au nom de prévisions sur la santé des finances publiques qui lorsqu'elles sont mauvaises entraînent la méfiance des investisseurs donc le renchérissement du coût du crédit accordé au pays donc ... l'aggravation de la dette et de la santé des finances publiques. C'est que l'on appelle la prédiction auto réalisatrice. On en mesure l'absurdité. Mais outre qu'elle est absurde et peu crédible, cette méthode est aussi une menace pour le régime démocratique dont la réalité n'a jamais été aussi évidente qu'aujurd'hui, quand bien même ce n'est pas la première fois que que l'on constate l'influence des marchés financiers sur les politiques d'un gouvernement (il suffit par exemple de se souvenir de ce que l'on a appelé le tournant de la rigueur en France en 1983, décidé par le gouvernement socialiste à la suite d'attaques spéculatives à répétition contre le franc et de la fuite des capitaux).

    Pour tenter de rétablir un peu de bon sens et remettre chacun à sa juste place, l'Union européenne propose une nouvelle réglementation des agences de notation. Mais les procédures législatives sont longues, alors que le temps semble s'accélérer, comme si les faiseurs de rois avaient également une influence sur celui-ci.

     

    Domaguil

     

     

  • De la démocratie participative dans l'Union européenne

     

    Le règlement relatif à l’initiative citoyenne prévu par l’article 11-4 du Traité sur l’Union européenne a été adopté définitivement le 15/12/2010.

    A la demande du Conseil, il entrera en application un an après sa publication au Journal officiel de l’Union européenne : les premières initiatives pourront être examinées à partir de 2012. Pourquoi de délai ? Parce qu’il faut que les pays adaptent leur législation.

    Mais évidemment se pose le problème des initiatives déjà présentées avant ce délai et notamment de la pétition sur les OGM initié par Greenpeace et qui a obtenu le million de signatures requises d’après l’organisation. La Commission européenne a indiqué que cette pétition ne pouvait donc pas être considérée comme une initiative citoyenne et que les signatures collectées avant la  date d’application du règlement ne peuvent être utilisées ensuite, tout en précisant que « bien entendu », elle va examiner « avec attention » l’opinion exprimée par la pétition, ce qui n'engage à rien.

    Les principales caractéristiques de cette procédure de démocratie directe sont les suivantes :

    Une initiative citoyenne doit être organisée par des comités de citoyens composés d’au moins 7 citoyens en âge de voter résidant dans au moins 7 pays membres différents. Des membres du Parlement européen ne peuvent être décomptés pour atteindre le nombre minimal requis.  De même, une organisation ne peut être à l’origine d’une ICE mais bien entendu peut la promouvoir et la soutenir. Un représentant est désigné ainsi qu’un suppléant.  

    L’initiative doit recevoir le soutien d'un minimum d'un million de signataires provenant d'au moins un quart des états membres (7 donc, aujourd’hui). Dans ces états, les signatures doivent atteindre un nombre minimal qui est calculé en multipliant le nombre de députés européens du pays par 750, autrement dit, 54 000 en France, par exemple (annexe I du règlement). Si dans un état le nombre minimal n’est pas atteint, les signatures seront ajoutées au total des signatures recueilli mais l’état en question ne sera pas pris en compte pour le calcul du nombre minimal de pays requis. Les signatures de citoyens de pays tiers qui résident dans l’Union européenne ne seront pas prises en considération.

    L'âge minimal des signataires sera celui requis pour voter aux élections européennes (c’est-à-dire 18 ans dans tous les pays sauf l’Autriche où l’âge est 16 ans). Un électeur non inscrit sur les listes électorales peut quand même participer à une ICE s’il remplit les autres conditions. Le règlement aborde aussi d’autres situations telles que la participation des ressortissants européens qui résident dans des pays hors UE ou celle des nationaux d’un pays membres résidant dans un autre pays membre.

    Les initiatives proposées devront faire l'objet d'une inscription sur un registre en ligne mis à disposition par la Commission. L'enregistrement pourra être refusé si l'initiative est manifestement contraire aux valeurs fondamentales de l'Union ou qu'elle sort clairement du cadre des compétences de la Commission qui ne peut donc proposer l'acte juridique demandé. Le champ d’application de l’initiative citoyenne est en effet celui du droit de proposition législative de la Commission, ce qui exclut la révision des traités, ou des questions telles que le siège des institutions: ainsi, par exemple, le siège du Parlement européen à Strasbourg ne pourra pas être remis en cause par une initiative citoyenne (on se souvient que des pétitions ont circulé par le passé pour déplacer ce siège). Pour l’enregistrement de l‘ICE, les organisateurs doivent donner un certain nombre d’informations qui sont au minimum, outre le titre de la proposition, son sujet, ses objectifs, les dispositions du traité auxquelles elle se rattache, l’identité, les coordonnées, la nationalité, la date de naissance, des membres du comité de citoyens organisateur, les noms du représentant et du suppléant, les adresses électroniques. L’ICE est enregistrée dans une des langues officielles de l’UE, la traduction éventuelle dans d’autres langues étant de la responsabilité des organisateurs.

    Les déclarations de soutien pourront être collectées sur papier ou en ligne. Les organisateurs de l'ICE auront un an pour recueillir les signatures nécessaires, une fois l'enregistrement de la proposition confirmé par la Commission. La Commission mettra au point des normes techniques et fournira un logiciel à source ouverte, disponible gratuitement, dont elle assurera la maintenance.

    Après collecte et vérification des signatures par les États membres, sur la base des informations qu’ils détermineront (la plupart du temps, ce sera la fourniture d’une carte d'identité), l'initiative devra être présentée à la Commission qui aura alors trois mois pour examiner la demande faite par les citoyens. Les promoteurs seront reçus à la Commission et pourront aussi présenter l’initiative lors d'une audition publique organisée au Parlement européen. La Commission présentera ensuite dans un document public ses conclusions, l'éventuelle action qu'elle compte entreprendre ainsi que les raisons de celle-ci, le cas échéant.

    Des dispositions sont également prises pour assurer la transparence des soutiens financiers. Les organisateurs d’une IC doivent donner tout au long de la procédure une information mise à jour sur les organismes qui les appuient et sur le financement de l’IC.  Aucun fonds de l’UE ne peut être affecté au financement d’une IC.

    Enfin, que se passe-t-il si la Commission européenne refuse de faire suite à une initiative citoyenne ? Les signataires ont-ils un recours ?

    La décision d’enregistrer ou non une ICE étant fondée sur des critères légaux, elle pourra être contestée. En revanche, les raisons pour lesquelles la Commission décide de ne pas donner suite à une ICE, raisons qui devront être rendues publiques, ne pourront faire l’objet d’un recours. Dans le cas contraire, en effet, ce serait vider de son sens  le droit de proposition législative de la Commission (qui implique un examen politique et d’opportunité). Mais c’est là aussi la limite de l’ICE et du droit de participation des citoyens à la prise de décision. On voit mal cependant la Commission européenne repousser sans raisons étayées des propositions soutenues par plus d’un million d’européens.

    Le Conseil devrait adopter officiellement la nouvelle législation dans quelques semaines.

    Domaguil

  • Quelle démocratie européenne?

    Le déficit démocratique de l’Union européenne est une critique récurrente dans les arguments de ses adversaires. A tort quelquefois lorsque les mêmes comparent à la situation interne française. Ainsi, l’absence d’initiative  législative du Parlement européen (qui est pourtant l’institution élue  directement par les citoyens) a souvent été dénoncée, en passant sous silence le fait que le Parlement français n’est pas mieux loti dans les faits compte tenu des nombreux moyens donnés au  Gouvernement pour réduire son droit d’initiative…à néant.

     

     

    Cela rappelé,  fondé ou non, le sentiment que l’Union n’est pas assez démocratique a rencontré suffisamment d'écho pour que les rédacteurs du traité constitutionnel et du traité de Lisbonne aient tenu à insister sur les nouvelles dispositions sensées réconcilier l’Europe communautaire et les citoyens. Les dispositions relatives à la démocratie et à la citoyenneté sont regroupées dans l’article 1§12 du Traité de Lisbonne (numéroté 8 du titre II du TUE et 9 à 12 dans la version consolidée) et dans l’article 2§31 à 38 du traité de Lisbonne (16 D à 22 de la deuxième partie du TFUE et 18 à 25 dans la version consolidée).

     

     

    La citoyenneté européenne

     

     

    Les droits attachés à la citoyenneté européenne qui avaient été définis  par le traité de Maastricht, ne sont pas modifiés (article 20 du TFUE dans   la version consolidée). On retrouve « entre autres », souligne le texte, le droit de circulation et de séjour, le droit de vote et d’éligibilité aux élections européennes et locales, le droit à la protection diplomatique, le droit de pétition au Parlement européen et de recours au médiateur européen, le droit de s’adresser aux institutions de l’Union dans sa langue et de recevoir une réponse dans la même langue. Ces droits pourront être complétés par le Conseil européen, à l’unanimité et avec l’approbation du Parlement européen. Ces modifications devront ensuite être ratifiées par les états pour entrer en vigueur (article 25 du TFUE dans la version consolidée).

     

     

    Les droits des citoyens sont renforcés par deux innovations principales.

     

    La Charte des droits fondamentaux devient juridiquement contraignante et  l’accès des individus à la Cour de Justice des Communautés européennes est facilité afin d’ améliorer la protection juridictionnelle de leurs droits.

    L’article 20 du TFUE précise qu’« est citoyen de l'Union toute personne ayant la nationalité d'un État membre » et que « la citoyenneté de l'Union  s’ajoute à la citoyenneté nationale et ne la remplace pas ». Cette rédaction est identique à celle du traité constitutionnel qui avait déjà  modifié l’article aujourd’hui en vigueur, en précisant que la citoyenneté de l’Union européenne s’ « ajoute » à la citoyenneté nationale et non pas « complète », formulation de l’actuel article 17 du traité sur la Communauté européenne. L’objectif est évidemment de supprimer l’idée de  subordination induite par le terme « compléter » et de mettre à égalité les deux citoyennetés.

     

    Au nombre des nouveautés introduites pour démocratiser le fonctionnement de l’Union européenne, il en est une qui a fait couler beaucoup d’encre : la possibilité pour un million de personnes issues d’un nombre significatif d’Etats membres (il reste encore à définir) de demander à la Commission européenne de proposer une législation communautaire sur la  question objet de la pétition. Ce droit d’initiative des citoyens a été présenté ici ou là (et y compris par le service de presse du Parlement européen) comme imposant à la Commission d’agir. Cette obligation n’existe pourtant pas dans l’article 11§4 du TUE dans sa version  consolidée qui dispose : « Des citoyens de l'Union, au nombre d'un million au moins, ressortissants d'un nombre significatif d'États membres, peuvent  prendre l'initiative d'inviter la Commission, dans le cadre de ses attributions, à soumettre une proposition appropriée sur des questions pour lesquelles ces citoyens considèrent qu'un acte juridique de l'Union  est nécessaire aux fins de l'application des traités ». Littéralement, il  n’est nullement précisé que la Commission « doit » accéder à cette demande. D’après le texte, elle y est « invitée ». Il faut donc en conclure qu’elle a la faculté de d’y donner suite ou pas, au terme du traité. Quant à savoir s’il sera politiquement facile de passer outre une pétition ayant recueilli au moins une million de signatures, ceci est une autre question et la Commission prendrait certainement un risque important en choisissant d’ignorer une telle demande.

     

    Le droit de pétition populaire est un timide emprunt à la démocratie directe.

     

    Mais, comme le rappelle le traité : « Le fonctionnement de l'Union est  fondé sur la démocratie représentative »  (article 10 du TUE dans la version consolidée). Différentes dispositions ont donc renforcé les pouvoirs des parlements, qu’il s’agisse du Parlement européen mais aussi  des parlements nationaux dont le traité de Lisbonne accroît le rôle dans le fonctionnement de l’Union européenne.

     

     

    La montée en puissance du Parlement européen

     

     

    Le traité de Lisbonne reprend les dispositions du traité constitutionnel qui renforçaient les pouvoirs du  Parlement européen.

    Dans certains domaines, le pouvoir de décision reste au Conseil, mais le Parlement doit donner son approbation. Il en est ainsi, par exemple, pour  la mise en oeuvre de la clause de flexibilité,  pour l’autorisation de mettre en œuvre une coopération renforcée, ou encore pour la révision des traités sans passer par une Conférence Intergouvernementale. Dans d’autres domaines, il est seulement consulté. L’extension des domaines dans lesquels intervient le Parlement réalisée par le traité constitutionnel a été maintenue par le traité de Lisbonne. Le pouvoir d’influence du Parlement s’en trouve ainsi accru.

     

    Le domaine de la codécision, procédure de vote des lois européennes qui exige l’accord du Conseil et du Parlement, est étendu à une quarantaine de nouvelles matières. La codécision devient la procédure législative ordinaire (article 2§239 du traité de Lisbonne, numéroté 251 du TFUE et 294 dans la version consolidée).

     

    De même, certaines des limites qui entourent les  pouvoirs budgétaires du Parlement sont supprimées. Dans le système actuel, le Conseil a le dernier mot sur une partie des dépenses (les dépenses obligatoires qui englobent les dépenses agricoles soit une part importante des dépenses communautaires). En supprimant la distinction entre dépenses obligatoires et non obligatoires, le traité de Lisbonne met le Parlement a égalité avec  le Conseil. Bien plus, si un accord est intervenu au sein du comité de conciliation entre les représentants du Parlement et ceux du Conseil, et que celui-ci le rejette ensuite, le Parlement peut statuer définitivement. De plus, les perspectives financière pluriannuelles dans lesquelles doit s’inscrire le budget sont votées par le Conseil à l’unanimité après  approbation du Parlement. Ainsi, le Parlement voit-il son rôle de législateur renforcé. En revanche, s’il vote la loi, il n’en a toujours pas l’initiative, on l’a vu. Le traité de  Lisbonne ne comble pas cette lacune.

     

    Une autre innovation du traité de Lisbonne (qui figurait également déjà dans le traité constitutionnel) est intéressante par les perspectives qu’elle ouvre. Il s’agit de l’élection du Président de la Commission européenne par le Parlement européen (et par le Conseil)  « en tenant compte des élections au Parlement européen » (article 1§18 – 7 du traité de Lisbonne, numéroté 9D du TUE,  et 17-7  dans la version consolidée). Le Président de la Commission européenne devra donc être issu de la majorité  politique issue des élections européennes, ce qui devrait inciter les partis à mobiliser pour ces élections, et à pressentir des candidats au poste de Président de la Commission, et à pousser les électeurs à exercer leur droit de vote puisqu’ils pourront par ce moyen peser sur l’orientation politique de la Commission. En outre, le lien entre Président de la Commission et majorité parlementaire consacré par cette disposition, rapproche le fonctionnement  institutionnel de l’Union de celui des  régimes parlementaires, puisqu’il  est couplé avec d’autres procédures traditionnelles en régime parlementaire comme la procédure d’investiture de la Commission par le Parlement et la motion de censure. Cette nouvelle disposition devrait par conséquent permettre d’accroître  l'autorité du Président de la Commission  en renforçant son  indépendance par rapport aux états et en lui conférant   une part de la légitimité conférée par le suffrage, indirect en l’espèce (NB : le fait que la composition de la Commission change et que dans un futur proche, les états n’auront pas tous un commissaire facilitera aussi cette « émancipation »).

     

    La participation des parlements nationaux

     

     

    Comme je l'ai expliqué dans une note précédente, les parlements nationaux voient leur  participation au fonctionnement de l’Union renforcée, le traité de  Lisbonne ayant encore accru leur rôle par rapport à ce que prévoyait le  traité constitutionnel en les associant plus efficacement au processus législatif et en leur donnant un droit de blocage.

     

    La transparence de l’action communautaire

     

     

    Dans une démocratie, l’action publique se doit d’être « transparente » , faute de quoi le contrôle des dirigeants par les citoyens est impossible.Dans la réalité, ce principe subit bien des restrictions, on le sait.

     

     

    Comme le traité constitutionnel, le traité de Lisbonne dispose que toutes  les discussions d’une proposition législative entre gouvernements au sein du Conseil seront rendues publiques : le Conseil siège en public lorsqu'il délibère et vote sur un projet d'acte législatif. À cet effet, chaque   session du Conseil est divisée en deux parties, consacrées respectivement aux délibérations sur les actes législatifs de l'Union et aux activités non législatives (article 1§17 du traité de Lisbonne, numéroté 9C du TUE et article 16- 8 dans la version consolidée).

     

     

    Il n’en reste pas moins que l’échec majeur en matière de transparence  est…le traité lui-même dont on ne peut prétendre qu’il contribue à rendre plus compréhensibles les traités européens. Loin d’être simplifié, il s’agit d’un pensum indigeste beaucoup moins clair que ne l’était le traité constitutionnel dans la mesure où il se présente sous la forme d'une compilation d’amendements aux traités actuels. La condition préalable à la décision démocratique est l’information  des citoyens. Le traité de Lisbonne est très criticable de ce point de vue.

     

    Domaguil

     

     

           

  • La démocratie participative dans l'Union européenne

     

    Le règlement relatif à l’initiative citoyenne prévu par l’article 11-4 du Traité sur l’Union européenne a été adopté définitivement le 15/12/2010.

    A la demande du Conseil, il entrera en application un an après sa publication au Journal officiel de l’Union européenne : les premières initiatives pourront être examinées à partir de 2012. Pourquoi de délai ? Parce qu’il faut que les pays adaptent leur législation.

    Mais évidemment se pose le problème des initiatives déjà présentées avant ce délai et notamment de la pétition sur les OGM initié par Greenpeace et qui a obtenu le million de signatures requises d’après l’organisation.

    La Commission européenne a indiqué que cette pétition ne pouvait donc pas être considérée comme une initiative citoyenne et qu les signatures collectées avant la  date d’application du règlement ne peuvent être utilisées ensuite, tout en précisant que « bien entendu », elle va examiner « avec attention » l’opinion exprimée par la pétition.

    Les principales caractéristiques de cette procédure de démocratie directe sont les suivantes :

    Une initiative citoyenne doit être organisée par des comités de citoyens composés d’au moins 7 citoyens en âge de voter résidant dans au moins 7 pays membres différents. Des membres du Parlement européen ne peuvent être décomptés pour atteindre le nombre minimal requis.  De même, une organisation ne peut être à l’origine d’une ICE mais bien entendu peut la promouvoir et la soutenir. Un représentant est désigné ainsi qu’un suppléant.  

    L’initiative doit recevoir le soutien d'un minimum d'un million de signataires provenant d'au moins un quart des états membres (7 donc, aujourd’hui). Dans ces états, les signatures doivent atteindre un nombre minimal qui est calculé en multipliant le nombre de députés européens du pays par 750, autrement dit, 54 000 en France, par exemple (annexe I du règlement). Si dans un état le nombre minimal n’est pas atteint, les signatures seront ajoutées au total des signatures recueilli mais l’état en question ne sera pas pris en compte pour le calcul du nombre minimal de pays requis. Les signatures de citoyens de pays tiers qui résident dans l’Union européenne ne seront pas prises en considération.

    L'âge minimal des signataires sera celui requis pour voter aux élections européennes (c’est-à-dire 18 ans dans tous les pays sauf l’Autriche où l’âge est 16 ans). Un électeur non inscrit sur les listes électorales peut quand même participer à une ICE s’il remplit les autres conditions. Le règlement aborde aussi d’autres situations telles que la participation des ressortissants européens qui résident dans des pays hors UE ou celle des nationaux d’un pays membres résidant dans un autre pays membre.

    Les initiatives proposées devront faire l'objet d'une inscription sur un registre en ligne mis à disposition par la Commission; l'enregistrement pourra être refusé si l'initiative est manifestement contraire aux valeurs fondamentales de l'Union ou qu'elle sort clairement du cadre des compétences de la Commission qui ne peut donc proposer l'acte juridique demandé. Le champ d’application de l’initiative citoyenne est celui du droit de proposition législative de la Commission, ce qui exclut la révision des traités, ou des questions telles que le siège des institutions: ainsi, par exemple, le siège du Parlement européen à Strasbourg ne pourra pas être remis en cause par une initiative citoyenne. Pour l’enregistrement de l‘ICE, les organisateurs doivent donner un certain nombre d’informations qui sont au minimum, outre le titre de la proposition, son sujet, ses objectifs, les dispositions du traité auxquelles elle se rattache, l’identité, les coordonnées, la nationalité, la date de naissance, des membres du comité de citoyens organisateur, les noms du représentant et du suppléant, les adresses électroniques. L’ICE est enregistrée dans une des langues officielles de l’UE, la traduction éventuelle dans d’autres langues étant de la responsabilité des organisateurs.

    Les déclarations de soutien pourront être collectées sur papier ou en ligne. Les organisateurs de l'ICE auront un an pour recueillir les signatures nécessaires, une fois l'enregistrement de la proposition confirmé par la Commission. La Commission mettra au point des normes techniques et fournira un logiciel à source ouverte, disponible gratuitement, dont elle assurera la maintenance.

    Après collecte et vérification des signatures par les États membres, sure la base des informations qu’ils détermineront (la plupart du temps, de sera la fourniture d’une carte d'identité), l'initiative devra être présentée à la Commission qui aura alors trois mois pour examiner la demande faite par les citoyens. Les promoteurs seront reçus à la Commission et pourront aussi présente l’initiative lors d'une audition publique organisée au Parlement européen. La Commission présentera ensuite dans un document public ses conclusions, l'éventuelle action qu'elle compte entreprendre ainsi que les raisons de celle-ci, le cas échéant.

    Des dispositions sont également prises pour assurer la transparence des soutiens financiers. Les organisateurs d’une IC doivent donner tout au long de la procédure une information mise à jour sur les organismes qui les appuient et sur le financement de l’IC.  Aucun fonds de l’UE ne peut être affecté au financement d’une IC.

    Enfin, que se passe-t-il si la Commission européenne refuse de faire suite à une initiative citoyenne ? Les signataires ont-ils un recours ?

    La décision d’enregistrer ou non une ICE étant fondée sur des critères légaux, elle pourra être contestée. En revanche, les raisons pour lesquelles la Commission décide de ne pas donner suite à une ICE, raisons qui devront être rendues publiques, ne pourront faire l’objet d’un recours. Dans le cas contraire, en effet, ce serait vider de sons sens  le droit de proposition législative de la Commission ( qui implique un examen politique et d’opportunité). Mais c’est là aussi la limite de l’ICE et du droit de participation des citoyens à la prise de décision. On voit mal cependant la Commission européenne repousser sans raisons étayées des propositions soutenues par plus d’un million d’européens.

    Le Conseil devrait adopter officiellement la nouvelle législation dans quelques semaines.

    Domaguil