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  • Décisions du Conseil de la zone euro

     

    Annoncé ou plutôt, trompetté, comme étant le énième Conseil de la dernière chance, le Conseil européen a commencé ses travaux hier avec un sommet des états de la zone euro. Après une nuit de négociations, une déclaration rendue publique ce matin nous donne les premiers résultats de réflexions que l'on suppose intenses et de discussions que l'on sait avoir été âpres.

    Qu'annonce le communiqué de la zone euro?

    Tout d'abord, l'union bancaire européenne est officiellement mise sur les rails pour "briser le cercle vicieux qui existe entre les banques et les États" (des états endettés viennent au secours des banques aggravant ainsi leur endettement et ensuite doivent emprunter auprès d'elles). Pour aller plus loin dans l'union, la Commission devra faire rapidement des propositions créant un mécanisme de surveillance à l'échelle européenne, notamment, pour faire échec à la partialité dont sont soupçonnés les superviseurs nationaux quand il s'agit de contrôler "leurs" banques. Le Conseil devra examiner ces propositions "d'urgence d'ici la fin de 2012". La banque centrale européenne jouera un rôle dans ce mécanisme de surveillance unique, qui reste à préciser. Lorsque ce mécanisme aura été créé, les banques de la zone euro pourront se recapitaler, sous conditions, directement auprès du Mécanisme européen de stabilité (il y aura donc une mutualisation de l'aide à la recapitalisation des banques entre les différents états qui contribuent au capital du MES et ainsi, la dette nationale sera moins alourdie).

    Ensuite, les états de la zone euro s'engagent à utiliser rapidement et efficacement les fonds de secours (FESF puis MES lorsque celui-ci entrera en vigueur) pour acheter la dette d'état des pays subissant des taux d'intérêt élevés bien qu'ils se montrent "vertueux" en respectant les recommandations et les autres engagements pris dans le cadre des différentes procédures communautaires de gouvernance économique et budgétaire (semestre européen, pacte de stabilité et de croissance et procédure concernant les déséquilibres macroéconomiques).

    Apparemment, les négociations ont été "musclées" car l'Italie et l'Espagne ont fait de ces décisions une condition préalable à leur accord aux mesures pour la croissance prévues pour contrebalancer les plans de rigueur, et ont menacé de bloquer les négociations. Les deux pays sont en effet très pénalisés car ils doivent emprunter à des taux prohibitifs, les marchés ne tenant pas compte des réformes drastiques qu'ils ont engagées pour, précisément, remettre en ordre leurs finances. Estimant qu'elles remplissent les conditions posées par leurs partenaires européens pour assainir leurs finances, l'Italie et l'Espagne leur ont donc demandé d'être solidaires et de les soutenir, et l'ont obtenu.

    Non repris dans le communiqué, le pacte pour la croissance demandé par la France a été adopté. Il prévoit de mobiliser les fonds structurels et la banque européenne d'investissement. Pour les premiers, il s'agit de crédits déja votés mais qui n'ont pas été utilisés (donc, pas de ressources nouvelles). En revanche, la nouveauté est l'augmentation de la capacité de prêt de la BEI. Enfin, des emprunts communautaires seront lancés pour financer de grands projets d'intérêt communautaire. Au total 120 à 130 milliards d'euros environ seraient ainsi mobilisés, ce qui représente 1% du PIB de l'Union, ce que d'aucuns estiment déja très insuffisant. Un économiste comme Jacques Sapir explique par exemple sur RMC ce matin que le Conseil a simplement colmaté une brèche (comme il le fait depuis le début de la crise), et que le cercle vicieux demeure: la zone euro va se trouver dans une situation de récession, du fait de l'absence de croissance, voire du recul de l'activié, entrainant une baisse des recettes fiscales et donc une aggravation de la dette publique. Et ce n'est pas la politique d'austérité résultant des mécanismes décidés au niveau européen qui rompra ce cercle vicieux, car elle ne fera qu'ajouter de la crise à la crise, conclut-il.

    C'est pourquoi, le débat aujourd'hui porte plus largement sur le futur de la construction communautaire et remet à l'ordre du jour la question, paraît-il taboue, du fédéralisme. Encore faut-il savoir quel est le contenu et la portée que l'on veut donner à ce terme.

    Domaguil

     

  • Le Mécanisme européen de stabilité (MES) pour les nuls ou par des nuls?



    Une rubrique que j'avais un peu laissée en plan (elle est pourtant inépuisable) : celle des Pinocchio qui nous racontent l'Europe à leur façon. Aujourd'hui au menu des bobards et galéjades: une video quelquefois appelée sur le web "le M.E.S pour les nuls" (le MES étant le mécanisme européen de stabilité dont le traité institutif a été récemment ratifié par le parlement français). Sur youtube, elle s'intitule très sobrement et sans exagération aucune (!) : M.E.S le nouveau dictateur européen.


    Comment? me dis-je, nous sommes  dans une dictature européenne et je ne m'en suis pas aperçue? Ce que je peux être distraite tout de même. D'autant que le fait que le MES soit qualifié de "nouveau'" fait supposer qu'il y en a d'autres. C'est effrayant.

    On doit, à ce qu'il parait, cette video à un groupe de journalistes allemands "Abgeordneten-check" qui prouvent ainsi qu'en terme de professionnalisme le journalisme aujourd'hui a des progrès à faire. Par contre, en terme de propagande, ça va bien, merci pour eux (vu le nombre de personnes qui se laissent prendre).


    La video ne dure que 3 mns 50 environ, ce qui est cependant déja trop.
    Une voix masculine nous énonce quelques dispositions du traité du MES et une voix féminine joue la candide en posant des questions qui se veulent simples et de bon sens, un chouïa orientées, du genre : mais alors, le M.E.S c'est un gros vilain? (je caricature à peine). C'est cela l'avenir de l'Europe? Une UE sans souverainetés démocratiques? et patati et patata. Allez répondre oui à des questions posées en ces termes! Je peux comprendre que les internautes qui voient la video soient consternés. Mais ce que je ne comprends pas c'est qu'ils ne cherchent pas à savoir si c'est vrai ou franchement "à coté de la plaque".

    Plongeons dans le grand n'importe quoi:

    - Notre candide se désole que les états s'engagent irrévocablement et sans conditions à contribuer au capital du M.E.S. Et se lamente: tout nouveau parlement élu sera lié par ce traité.

    Mais, chère candide: cela s'appelle le respect des traités internationaux signés et ratifiés. La Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités l'exprime clairement
    : "Tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi". Et à ce principe s'en ajoute un autre, celui qu'un traité régulièrmeent conclu et ratifé par une majorité au pouvoir dans un pays se poursuit si une autre majorité la remplace, en application d'un principe de continuité de l'état. Le traité instaurant le MES prévoit donc tout simplement que les états doivent tenir leurs engagements. Il est étonnant que l'on s'en étonne (ils sont journalistes où, les Abgeordneten-check: à la gazette de Rüdesheim?).

    Certes, un état peut revenir sur un engagement international en vertu de l'idée de souveraineté mais en pratique la dénonciation d'un traité est rarement utilisée parce que c'est difficile (certains traités ne la prévoient pas il faut donc négocier) et parce qu'on peut s'imaginer l'insécurité qui serait créée si à chaque fois qu'une majorité changeait dans un pays elle revenait sur les traités conclus par ses prédecesseurs et si tous les pays pratiquaient la girouette juridique. A l'exrême cette hypothèse conduirait à la fin de tous les traités :  finies l'ONU et ses agences, finis les accords commerciaux, finis les traités de coopération internationale, les traités de désarmement.

    Dans le cas particulier du MES, l'appartenance d'un pays à cette organisation est liée au fait d'être membre de la zone euro. Vouloir sortir du MES, implique la sortie de l'euro. Ce n'est pas impossible, mais les conséquences sont lourdes car, comme rien n'est prévu dans les traités européens pour sortir de l'euro cela ne peut se faire, d'un point de vue juridique, qu'en utilisant la possibilité de retrait plus large donnée par le traité de Lisbonne, donc en sortant de l'Union européenne.


    - Le capital du MES est fixé à 700 milliers d'euros souscrit par les états membres de la zone euro selon une clé de contribution qui tient compte du poids économique.

    Candide s'interroge: 700 milliards ce n'est que le début? Le MES peut exiger plus quand il veut? Sans limite? Elle laisse ainsi entendre que le MES pourrait demander des contributions sans cesse croissantes aux états de son propre chef et que ceux-ci devraient payer toujours plus pour satisfaire l'ogre MES qui  dévorerait tous nos avoirs.

    C'est une présentation très biaisée et malhonnête. Les appels de fonds sont décidés par les états eux-mêmes puisqu'ils ont un chacun un siège au conseil des gouverneurs qui prend ces décisions, d'un "commun accord" (unanimité). Ces appels sont limités à la part de chaque état dans le capital du MES, et les 700 milliards ne  ne sont pas débloqués en intégralité. Seule une part est versée par les états:  au total, ce capital libéré représente 80 milliards d'euros.
    Tout nouvel appel de fonds (dans la limite de la contribution qui a été fixée pour chaque pays) nécessitera donc un vote unanime du conseil des gouverneurs (des états), sauf cas d'urgence qui justifie que les états libérent les fonds dans les sept jours si possible (risque de défaut de paiement du M.E.S)
    Quant à l'éventualité d'une augmentation du capital du MES, au dela des 700 miliards, il s'agit d'une modification du traité qui nécessiterait un vote unanime du conseil des gouverneurs (états) et ensuite une ratification au niveau national (parlement, en France, ou referendum éventuellement).
    On est donc plutôt loin d'un MES qui pourrait exiger plus de 700 milliards quand il veut, sans limites, etc...comme le laisse entendre la video.

    - Et les procès d'intention continuent : candide s'offusque ensuite que le MES puisse "intenter des procédures juridiques", que ses propriétés jouissent d'immunités (protégées contre des expropriations, des réquisitions) que ses membres soient "protégés contre des procédures juridiques quant à leur action" (traduisons: immunité). Et elle s'indigne: comment? Le MES peut accuser autrui mais ne peut être accusé lui-même? Il est protégé contre nos gouvernants, nos administrations, et nos lois démocratiques par ces immunités?

    Voyons quelles sont les règles dénoncées par notre candide:

    " ARTICLE PREMIER PERSONNALITE JURIDIQUE
    SECTION 1. L'Organisation...possède la personnalité juridique. Elle a la capacité :
    a) de contracter ;
    b) d'acquérir et de vendre des biens immobiliers et mobiliers ;
    c) d'ester en justice

    ARTICLE II BIENS, FONDS ET AVOIRS
    SECTION 2. ...ses biens et avoirs, quels que soient leur siège et leur détenteur, jouissent de l'immunité de juridiction,
    SECTION 3. Les locaux...sont inviolables. Ses biens et avoirs, où qu'ils se trouvent et quel que soit leur détenteur, sont exempts de perquisition, requisition, confiscation, expropriation ou de toute autre forme de contrainte executive, administrative, judiciaire ou législative.
    SECTION 4. Les archives .. et, d'une manière générale, tous les documents lui appartenant ou détenus..., sont inviolables, où qu'ils se trouvent.

    ARTICLE IV REPRESENTANTS DES MEMBRES
    SECTION 11. Los représentants des Membres auprès des organes principaux et subsidiaires  jouissent, durant l'exercice de leurs fonctions ...des privilèges et immunités suivants :
    a) immunité d'arrestation personnelle ou de détention et de saisie de leurs bagages personnels et, en ce qui concerne les actes accomplis par eux en leur qualité de représentants (y compris leurs paroles et écrits),- immunité de
    toute juridiction;
    b) inviolabilité de tous papiers et documents;
    ...
    f) les mêmes immunités et facilités en ce qui concerne leurs bagages personnels que celles accordées aux agents diplomatiques, et également
    g) tels autres privilèges, immunités et facilités non incompatibles avec ce qui précède dont jouissent les agents diplomatiques..."
    Etc, etc, etc...

    Ah oui, c'est bien ce que reproche candide au MES.

    Sauf que...ces règles sont extraites de la Convention sur les privilèges et immunités des...Nations Unies (Convention on the Privileges and Immunities of the United Nations, New York, 13 February 1946)

    Ca alors : ce sont les mêmes dispositions (en plus détaillées encore) que dans le traité qui crée le MES!

    Et on peut faire la même remarque pour les privilèges des institutions spécialisées de l'ONU (Convention sur les privilèges et immunités des institutions spécialisées, du 21 novembre 1947, articles  II,III, V notamment)

    Donc, si on croit les auteurs de la video :
    La Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED): dic-ta-tu-re; l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture  (UNESCO): dic-ta-tu-re, le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés: dic-ta-tu-re, l'Organisation mondiale de la santé: dic-ta-tu-re, dic-ta-tu-re, dic-ta-tu-re on vous dit! Et la liste est longue! Sans rire, on y trouve aussi cette très dangereuse dic-ta-tu-re qu'est l'Organisation météorologique mondiale (OMM). Celle-là, il faut vraiment s'en méfier: à la lanterne, les météorologues!.

    Les "journalistes" qui ont commis la video, décidément peu informés, ont tout simplement découvert, ou fait semblant de découvrir, un statut qui s'est développé...depuis l'Antiquité, d'abord au profit des agents diplomatiques, puis des organisations internationales lorsque celles-ci ont été créées, afin de leur permettre de remplir leur mission sans être sous la pression ou soumis à l'arbitraire de l'administration du pays hôte et de garantir leur indépendance en leur évitant des représailles, des procès politiques, par exemple. Or, le MES est une organisation internationale (ça a échappé aux auteurs de la video?).

    Précision: l'activité du MES, est sous le contrôle de la Cour de justice de l’Union européenne qui est compétente pour trancher les litiges qui peuvent l'opposer à un Etat membre.

    Pour ceux que cela intéresse: le commentaire du M.E.S (avec les références aux articles et le texte du traité) est sur le site eurogersinfo.

    Domaguil