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Application d une convention collective à un prestataire de services d un autre état de l Union européenne

Affaire Laval, le retour !

 

J’avais évoqué il y a un peu plus d’un an, le cas, qui faisait grand bruit, de cette entreprise de bâtiment lettone (Laval un Partneri Ltd) qui avait détaché des ouvriers pour construire une école à Vaxholm, en Suède, et s’était trouvée confrontée aux revendications des syndicats locaux qui voulaient lui imposer la convention collective applicable au  secteur et en particulier celles concernant les salaires.

 

 

Faute d’accord, l’entreprise avait subi un blocus et du abandonner le chantier en février 2005, à la suite de quoi, elle avait saisi le tribunal du travail suédois compétent pour contester l’action collective menée par les syndicats en invoquant la violation du droit communautaire. Le tribunal avait suspendu l’examen de l’affaire pour saisir la Cour de Justice des Communautés européennes selon le mécanisme du renvoi préjudiciel.

 

 

L’affaire est suivie avec attention par les partenaires sociaux car elle illustre les problèmes posés par l’existence de législations sociales différentes dans l’Union européenne : quelle législation s’applique à une prestation de services effectuée dans un autre pays ? Celle du pays d’origine du prestataire ou celle du pays où la prestation est faite ? Actuellement, outre les dispositions générales des traités  relatives à la libre prestation de services, il existe un texte, la directive 96/71 sur le détachement temporaire de travailleurs dans un autre pays de l’Union européenne, qui réglemente les conditions d'emploi et de travail applicables à ces travailleurs. Pour le syndicat suédois, les dispositions de la directive qui stipulent que la main-d'oeuvre étrangère doit respecter les normes sociales minimales  du pays où elle travaille sont applicables. Mais Laval rétorque  qu’il faut pour cela que ces normes résultent  d’une législation ou d’une convention collective de portée  générale, ce qui, selon elle,  n’est pas le cas de la convention collective invoquée par le syndicat. Dès lors, la directive 96/71 n’est pas applicable en l’espèce et il faut se reporter aux règles générales des traités. Et, toujours selon Laval, celles-ci ont été violées sur deux points, celui de la de libre circulation des services prévue à l’article 49 ( et celui de la non discrimination de l’article 12. A ces questions sont liées d’autres,  plus larges : comment concilier exercice des droits syndicaux et exercice de la libre prestation de services dans l’Union européenne par les entreprises ? Comment assurer la protection des travailleurs détachés dans le cadre d’une prestation de services dans un autre pays de l’Union et lutter contre le dumping social sans porter atteinte au principe d’égalité de traitement entre entreprises nationales et prestataires venant d’autres pays membres ?

 

 

Une première réponse est donnée dans les conclusions de l’Avocat Général rendues publiques le 23 mai

(Conclusions de l’Avocat général dans l’affaire C-341/05 , Laval un Partneri Ltd / Svenska Byggnadsarbetareförbundet e.a.). Les avocats généraux assistent la Cour de Justice des Communautés européennes en présentant un avis juridique (les «conclusions») dans les affaires dont ils sont saisis. La Cour peut certes passer outre l’opinion émise par un Avocat Général et décider dans un sens contraire à celui qu’il recommande, mais le plus souvent, les juges suivent les conclusions. C’est pourquoi celles-ci sont une bonne indication de ce que sera la décision finale de la Cour.

 

Dans le cas Laval, l’Avocat Général se range aux arguments du syndicat  en considérant que les syndicats peuvent, par des actions collectives contraindre un prestataire de services d’un autre état membre à souscrire à un taux de salaire prévu par une convention collective. Cela reste vrai même si la convention n’a pas été déclarée d’application générale, dans la mesure où elle est applicable de fait aux entreprises nationales du même secteur d’activités se trouvant dans une situation similaire. Mais, pour que ces actions collectives soient fondées, elles doivent remplir deux conditions : être motivées par des objectifs d’intérêt général, comme  la protection des travailleurs et la lutte contre le dumping social, d’une part, et être limitées à ce qui est nécessaire pour la réalisation des ces objectifs, d’autre part. Ce dernier principe de proportionnalité de l’action collective au but recherché peut être évalué (et ce sera la tâche du juge) en recherchant notamment si  les conditions prévues par la convention collective comportent un avantage réel qui contribue, « de manière significative, à la protection sociale des travailleurs détachés et ne dupliquent pas une éventuelle protection identique ou essentiellement comparable offerte à ces travailleurs par la législation et/ou la convention collective applicables au prestataire de services dans l’État membre de son établissement ».

 

Ces conclusions ont été accueillies avec d’autant plus de satisfaction par les organisations syndicales que le même jour dans une autre affaire prochainement soumise à la Cour, l’Avocat Général a estimé que les syndicats peuvent mener une action collective pour dissuader une société de déménager au sein de la Communauté européenne (affaire C-438/05, The International Transport Workers' Federation & The Finnish Seamen's Union / Viking Line ABP & OÜ Viking Line Eesti).

La Confédération Syndicale des Syndicats a salué une « bonne nouvelle pour les syndicats et l’Europe » dans un communiqué qui conclut en ces termes « Nous allons étudier en détail le résultat de la Cour mais nous pouvons d’ores et déjà déclarer que c’est un résultat important et positif pour tous les syndicats en Europe ». Il est vrai qu’au moment où il est question d’exclure la Charte des droits fondamentaux du projet de « mini traité » européen, l’Europe sociale a besoin de soutiens. 

Domaguil

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