Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Quelques mises au point sur le "pacte budgétaire"

 

Bonne rentrée: revoila les prophètes qui s'étaient pris pour des experts autorisés à nous délivrer leur analyse apocalyptique des traités européens. On s'était "chouardisés" en 2005, "mélenchonisés" en 2007. En 2012, extrême gauche et extrême droite sont main dans la main pour clamer leur opposition à la politique d'austérité et en profiter pour s'en prendre, une fois de plus, à la construction communautaire avec la bonne foi qui les caractérise.

Moi, vous le savez, je ne suis pas favorable aux errements néolibéraux des états européens qui ont lourdement pesé sur les politiques de l'Union depuis des années. 

Mais devant l'avalanche d'imbécilités dont nous abreuvent les opposants au "Traité de stabilité, de coordination et de gouvernance" (TSCG aussi appelé "pacte budgétaire") j'ai presque envie d'aller "claquer la bise" à Angela Merkel qui n'est pourtant pas ma copine et pour un peu j'enverrais un mail de sympathie à Nicolas Sarkozy qui me doit pourtant, comme à quelques millions d'autres électeurs, son départ.

C'est dire si je suis exaspérée par tous ces moutons de panurge qui nous refont le coup du: "on ignore le peuple, on est en dictature, les élites diaboliques nous tyrannisent". Et tombent dans le gouffre de leur ignorance.

J'ai une meilleure opinion du peuple qu'eux : je persiste à penser que le pire n'est pas certain, que les moutons de panurge ne sont pas majoritaires, et qu'une explication sans parti pris peut être entendue (mais peut-être suis-je trop optimiste?).

Allons-y donc.

Déja ratifié par 13 états de l'Union européenne dont 8 de la zone euro, le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), va être bientôt débattu au parlement français qui doit décider de sa ratification.

Le projet de loi de ratification a été enregistré à l'Assemblée nationale le 19/09/2012. Il est actuellement en cours d'examen par la commission des affaires étrangères.

Ce projet s'accompagne d'un projet de loi organique nécessaire pour mettre en aplication le TSCG. Il prévoit trois innovations pour adapter la gestion des finances publiques.

La première est la détermination par la loi de programmation des finances publiques votée par le Parlement d'un objectif de solde structurel des comptes de l'ensemble des administrations publiques. Pour parvenir à cet objectif, une "trajectoire" pluriannuelle sera définie et chaque année, à l'occasion de l’examen des lois de finances et de financement de la sécurité sociale, un tableau synthétique concernant les comptes de l’ensemble des administrations publiques permetttra au législateur de vérifier que cette trajectoire est bien respectée.

Deuxième innovation apportée par la loi organique: la création d'un organisme indépendant, le Haut conseil des finances publiques. Présidé par le Premier président de la Cour des comptes, il sera composé de magistrats en actitivité de la Cour des comptes désignés par le président de la Cour des comptes et de membres nommés par le Président de l'Assemblée nationale, le Président du Sénat et les présidents des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat. Sa mission sera d'assister le Gouvernement et le Parlement en rendant des avis sur la fiabilité des prévisions économiques retenues pour l’élaboration des projets de lois financières et la cohérence de ces projets avec la loi de programmation. Les avis seront rendus publics.

Enfin, et c'est le troisième élément nouveau, si l'évolution des finances publiques s'écarte trop de la trajectoire définie, un mécanisme de correction sera mis en oeuvre. Le Haut conseil devra alerter publiquement le Parlement et le Gouvernement sur l’éventuelle nécessité de déclencher ce mécanisme. Le Gouvernement devra alors proposer au Parlement des mesures pour remédier aux écarts constatés.

 Un texte débattu

Pour faire passer un projet qui, on le sait, est contesté au sein même de la majorité présidentielle, le Gouvernement rappelle, à juste titre, que la nécessité de respecter une exigence d' équilibre budgétaire n'implique pas pas le carcan rigoriste que dénoncent les oposants à la ratification. Cette exigence s'évalue en termes « structurels », ce qui signifie qu'en temps de vaches grasses, les états doivent faire des économies en prévision des temps plus durs et ne pas laisser déraper les dépenses en respectant un pourcentage maximal de déficit budgétaire. Mais le traité ne s’oppose pas à une politique économique conduisant à aggraver un déficit quand la conjoncture économique est dégradée, et les états parties peuvent s’écarter de leurs obligations en cas de grave récession économique (article 3 du TSCG). Donc, citoyen français appartenant au peuple tant invoqué, quand on vous dit que le TSCG grave l'austérité dans le marbre, on vous ment et si vous avez un minimum d'esprit critique il vous suffit d'aller le vérifier dans le texte et non dans les commentaires de tel ou tel démagogue avide de popularité. Est-ce trop demander que de vous demander un peu de réflexion?

De plus, le traité n'est qu'un élément de la réorientation de l’action européenne, dont le Pacte pour la croissance et l’emploi est un autre volet indissociable. Sur ce point, les opposants au traité ont raison de remarquer que ce pacte de croissance n'est pas très ambitieux. Mais ils oublient de rappeler que c'est lors du vote du budget de l'Union européenne que se décident les politiques et les actions que soutiendra l'UE et la bataille va être rude entre le Parlement européen, qui veut financer les politiques de croissance et d'emploi et donner des nouvelles ressource propres à l'Union, et les états.

Entre le marteau de la rigueur et l'enclume de la spéculation

Autre chose que l'on oublie souvent de vous dire, ô citoyen qui se croit bien informé: si la France ne ratifiait pas le TSCG ce qui est peu probable, mais souhaité par certains, cela n'empêcherait pas celui-ci de s'appliquer (on n'est pas en 2005). Car il suffit que douze états membres de la zone euro le ratifient pour qu'il entre en vigueur. Quelle que soit la réponse de la France, les réformes seront mises en oeuvre, mais la France resterait alors à l'écart de l'application du TSCG, avec pour conséquence qu'elle ne pourrait demander l'aide financière de ses partenaires en cas de difficulté, puisque le bénéfice des aides du mécanisme européen de stabilité sera réservé aux états qui auront ratifié le TSCG. Il n'est pas besoin d'être agrégé en économie ni d'avoir des dons de prémonition pour prévoir que l'isolement de la France en ferait alors une proie rêvée pour la spéculation financière.

La question est donc de savoir s'il vaut mieux rester dans le jeu et appliquer le TSCG en sachant qu'il sera possible d'en moduler les règles pour ne pas graver dans le marbre l'austérité et faire ainsi mentir les opposants au TSCG, ou s'il faut faire le pari de refuser ce traité, et prendre le risque de se livrer aux marchés et aux agences de notation.

Voila, citoyen, ce que devraient vous dire ceux qui prétendent vouloir vous donner la parole mais qui s'arrogent le droit de parler, faux, en votre nom.

Domaguil

 

Commentaires

  • Waouh! Super explication. Merci. Je fais suivre.

  • Mise au point salutaire.
    Il y a vraiment une intox autour de ce traité et la plupart des gens en parlent sans même l'avoir lu.
    C'est encore un moyen pour des politiciens ambitieux de se faire valoir. Voir par exemple JF Placé et ses copains écologistes qui d'un coté refusent le traité et de l'autre sont bien contents d'être au gouvernement. Comment voteront-ils la loi de finances cet automne alors que les mesures d'austérité prévues vont au dela de ce que demande le TSCG? (la preuve que l'austérité existe qu'il y ait ou non le TSCG puisque celui-ci n'est pas encore en application!).
    Et s'ils ne votent pas, comment pourront-ils justifier leur maintien au gouvernement? Voir l'intervention de yannick Jadot ce matin. Il explique tout cela très bien.
    La démagogie du FN, du FG et des petits marquis de l'écologie est vraiment "gerbante".

  • Envoyer un mail de sympathie à Sarkozy? Faut pas exagérer! Vous avez trop pris le soleil ou quoi? ;-)
    Bel article de "rentrée".

  • hola

    ¿existe una traducción en castellano?
    acabo de leer los artículos sobre los derechos de los trabajadores desplazados: muy interesantes.
    rafael

  • rafa, hola

    lo siento: no hay y no habrá (demasiado trabajo) pero la pagina web en castellano sigue

  • La position des écologistes qui refusent de voter le traité est courageuse et responsable. Ils savent que les français sont contre le traité et ils en tirent les conséquences.

  • Marie Noelle Lienemann dit dans une tribune
    http://leplus.nouvelobs.com/contribution/631415-senatrice-ps-j-estime-qu-il-ne-faut-pas-ratifier-mais-renegocier-le-traite-europeen.html

    :" La France et la gauche doivent par la non-ratification refuser le "There is no alternative" (TINA) des libéraux et montrer qu’une autre voie est possible, en exigeant la renégociation du traité. La plupart des pays du Sud voient tous les jours l’abîme dramatique dans laquelle les politiques austéritaires les plongent. Ils peuvent entendre nos contrepropositions et peser pour qu’elles soient réellement rediscutées. Le véto allemand ne saurait être accepté d’autant qu’il pourrait tout autant s’y voir opposer un véto français !"
    Je suis tout à fait d'accord : l'Union européenne ne peut pas se passer de la France et il faut RENEGOCIER!

  • Rodrigue

    Hum.

    Les français sont contre le traité? Ou contre l'austérité? Ou contre hollande? Ou contre la crise? Ou contre le chomage? Qui sait exactement ce que veulent les français? Et qui sait exactement combien de français ont lu le traité? Vous? Pas moi en tout cas.

    La position des écologistes qui refusent de voter le traité est courageuse et responsable? Je me demande plutôt s' ils n'ont pas calculé que de toute façon le traité sera ratifié sans eux et qu'ils peuvent sans risques se présenter en opposants. Car certains de leurs dirigeants me paraissent être davantage des tacticiens cyniques que des gens qui ont des convictions.

  • Candide

    Et voila les vieux fantasmes qui ressurgissent. Lienemann nous refait le coup du plan B au moment du referendum sur le traité constitutionnel européen. On nous avait vendu un non constructif, un non plein de promesses de changement. On allait voir ce qu'on allait voir. Et on a vu. Les nonistes ont été infichus de présenter un projet alternatif de construction européenne. Parce que le but c'était et c'est toujours de faire échouer le projet européen, pas de construire. Front de gauche, front national, même combat, et même haine de la démocratie et de ceux qui ne partagent pas leur (di)vision du monde . Essayez d'aller dialoguer avec un frontiste! Les grands démocrates de la fête de l'huma ont bien montré que seuls ceux qui pensent comme eux sont autorisés à s'exprimer: cf Najat Belkacem qui a du s'exprimer sous les huées et les sifflets de la foule des imbéciles et des lâches (pour les communistes et le front de gauche, l'adversaire ce n'est pas la droite mais les socialistes, comme le montraient tous les ateliers de "reflexion"). Il faut vraiment être crétin au dernier degré pour croire que ces bas de front et leurs alliés sont l'avenir.

    Un veto français? Et il se passera quoi après? Domaguil l'explique très bien : on n'est plus en 2005. La France n'a plus le pouvoir de faire capoter le traité. Si elle le refusait, il s'appliquerait sans elle, voila tout. Et comme elle ne pourrait plus se targuer d'être adossée à l'ensemble européen et de bénéficier de la signature de ses partenaires plus prospères comme l'Allemagne, eh bien les vautours, les mêmes qui ont flairé dans la Grèce le maillon faible (cf: le documentaire d'arte sur goldmann sachs) se jetteraient sur notre pays qui avec son endettement n'est guère dans une situation brillante et qui ne pourrait pas compter sur le MES pour lui prêter l'argent nécessaire pour payer ses fonctionnaires, faire fonctionner son système de santé, réparer ses routes, investir, etc...Vous voulez ce scenario? Tout cela parce que l'on veut vous faire peur avec une soi disant "austérité gravée dans le marbre" qui n'existe que dans les mensonges des matamores eurosceptiques.

  • Philéas
    D'abord, soyez assez aimable pour ne pas insulter les gens qui ne sont pas d'accord avec vous en les traitant de crétins (comportement plutôt paradoxal de la part de quelqu'un qui accuse le front de gauche d'être anti démocrate)
    Ensuite, expliquez moi en quoi on nous ment en dénonçant le dogme de l'austérité inscrit dans le traité qui, je vous le rappelle impose d'avoir un deficit au plus égal à 0,5% du PIB.

  • Candide
    Si vous vous êtes senti insulté, je le regrette et ce n'était pas mon intention. Quand j'écris "Il faut vraiment être crétin au dernier degré pour croire que ces bas de front et leurs alliés sont l'avenir", je ne vous vise évidemment pas (et je ne sais d'ailleurs pas quelles sont vos sympathies politiques) mais j'émets une opinion générale. Car je pense effectivement que les deux fronts (et les communistes), en plus de proner des idées et d'avoir des comportements dangereux pour la démocratie, proposent des solutions du 19 ème siècle à des problèmes du 21ème.

    Sur le dogme de l'austérité qui serait imposé par le traité, comment arrivez-vous à cette conclusion?
    La limite à 0,5% du PIB du deficit budgétaire me semble obéir au bon sens : elle signifie qu'en temps normal, un état doit faire attention à ne pas trop dépenser par rapport aux ressources. Pourquoi? Pour éviter d'être surendetté et donc dépendant des marchés financiers. Mais comme on a tiré les leçons du pacte de stabilité que Romano Prodi avait qualifié de "stupide" parce qu'il imposait de respecter la limite du deficit autorisé quelles que soient les circonstances, le TSCG permet de ne plus respecter cette règle en cas de difficultés économiques. C'est donc tout le contraire de l'austérité gravée dans le marbre puisque dans ce cas le traité n'empêchera pas les états de dépenser plus que ne le permettraient les ressources, par exemple, pour soutenir l'activité économique.

Les commentaires sont fermés.