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Le Brexit (1) : Le Royaume-Uni et l‘Union européenne : histoire d’une attraction répulsion en quelques étapes

Pour le Royaume-Uni, la construction communautaire qui naît en 1957 avec la Communauté Economique Européenne (CEE) et la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (CECA), et aboutit à l’Union européenne que nous connaissons aujourd’hui, doit incarner une Europe des projets et des résultats, certainement pas une Europe politique. Le débat sur l’avenir de l’Union européenne ne semble pas intéresser l’opinion britannique. En revanche, la question de l’appartenance à l’Union européenne est un serpent de mer qui vient de refaire surface par la grâce du Premier ministre David Cameron qui en décidant d’organiser prochainement un referendum sur ce thème a, semble-t-il, ouvert une boîte de Pandore. Car rien n’indique que le Brexit (terme composé des mots « Britain » - « Grande-Bretagne » - et « exit » - « sortie » - ) sera évité, et les conséquences qui en découleraient sont, pour le moment, difficilement mesurables avec certitude.

Mais peut-être s’agira-t-il tout simplement d’un nouvel épisode des relations assez compliquées qu’entretiennent le Royaume-Uni et l’Union européenne et à l’instar d’un très grand dramaturge anglais, William Shakespeare, pourra-t-on dire au final : « beaucoup de bruit pour rien ».

 

 

Des relations complexes

Bien que les britanniques soient présentés comme des anti européens (l’Europe étant entendue ici au sens un peu réducteur de Communauté puis d’Union européenne), la réalité est plus compliquée: ils sont en fait tiraillés entre le désir d'"appartenir au club" pour en contrôler le fonctionnement et infléchir les règles dans le sens qui les arrange, et leur volonté farouche d'indépendance liée à leur insularité et à une conscience très forte de la grandeur de leur histoire. 

1958 - Les six pays signataires du Traité créant la Communauté Econmique Européenne (Allemagne ou plus exactement la République Fédérale d'Allemagne, Belgique, France, Italie, Luxembrourg, Pays-Bas) ont proposé au Royaume-Uni de se joindre à eux. La réponse est non. Déja à l'époque, le Royaume-Uni se défie d'une évolution vers une intégration politique (bien que la principale innovation du traité de Rome soit un marché commun) et ne veut pas d'un tarif douanier commun qui compromettrait ses relations privilégiées avec les pays du Commonwealth. Mais la "perfide Albion" ne se satisfait pas de refuser l'adhésion. Elle tente de court circuiter la nouvelle Communauté en proposant la création d'une zone de libre échange entre les dix neuf pays de l'OECE (aujourd'hui Organisation de Coopération et de Développement Econmique). La manoeuvre échoue et le Royaume-Uni se retrouve à la porte de la Communauté Economique Européenne qui naît le 25 mars 1957 et commence à fonctionner le 1er janvier 1958. En 1960, le Royaume-Uni toujours à la manoeuvre fomente la création de l'Association Européenne de Libre Echange (AELE) dont les membres (Norvège et Suisse exclues) rejoindront la Communauté européenne dans les années suivantes, ce qui signe l'échec d'une organisation cantonnée au seul libre échange (d'ailleurs les pays restés hors de la Communauté ont largement repris l'acquis communautaire, c'est à dire les règles en vigueur dans le marché intérieur). 

1961 - Le Royaume-Uni décide de mettre fin à son glorieux isolement et demande l'adhésion à la Communauté. Le pragmatisme anglais est pour beaucoup dans ce revirement: la Communauté Economique Européenne fonctionne bien et les échanges commerciaux du Royaume Uni avec elle se sont beaucoup accrus. Dès lors, il apparait nécessaire aux gouvernants anglais d'entrer dans la Communauté afin de peser sur les décisions qu'elle prend.  Hélas, pour eux, en 1963, après de laborieuses négociations, le veto français met fin à ce projet. Dans une conférence de presse du 14 janvier, le Président De Gaulle annonce qu'il s'opposera à l'adhésion du Royaume-Uni en alléguant que celui-ci est un pays "insulaire" et „maritime“ dont la nature diffère profondément des pays continentaux membres de la CEE. Les propos du Président français révèlent sa méfiance envers un pays dont il doute de la réelle volonté d'appliquer les règles communautaires et dont il pense qu'il est en fait un cheval de Troie des Etats-Unis pour contrôler de l'intérieur le projet de construction communautaire.

1967 - Nouvelle demande d'adhésion du Royaume-Uni. Nouveau refus du Président De Gaulle en novembre.

1973 - Enfin! Leur vieil "ennemi" disparu (le général De Gaulle s'est retiré du pouvoir en 1969), la route de l'adhésion est ouverte aux britanniques. En octobre 1971, la Chambre des communes vote l’adhésion à une majorité de 356 votes (contre 244 pour le refus de l’adhésion). Le 1er janvier 1973 le Royaume-Uni devient membre de la Communauté Economique Européenne (ainsi que l’Irlande et le Danemark).

1975 - Après tant d’efforts pour entrer dans la Communauté Economique Européenne on pourrait penser que le Royaume-Uni s’estime satisfait. Ce n’est pas le cas car, à peine entré, le pays remet déja sa participation en question, le nouveau gouvernement travailliste s’étant engagé, s’il gagnait les élections d‘octobre 1974 à organiser un referendum sur l’appartenance à la Communauté. Comme aujourd’hui, les autres états membres font des concessions pour que les britanniques ne claquent pas la porte, en acceptant notamment de réduire la contribution du Royaume-Uni au budget de la CEE. David Cameron n’a donc rien inventé en menaçant d’un départ de l’Union pour obtenir de nouveaux avantages. Il s’inscrit, au contraire, dans une sorte de tradition britannique. Le maintien dans la CEE est voté, le 5 juin 1975, à une majorité de 67%, les deux camps opposés, travaillistes comme conservateurs (parti dont bientôt Margaret Thatcher va prendre la tête) ayant appelé à voter oui.

1979 - I want my money back! Tel est le leitmotiv de celle que l’on a surnommé la „Dame de fer“, Margaret Thatcher, Premier ministre britannique, qui depuis son arrivée au pouvoir n’a cessé de répéter que la contribution de son pays au budget communautaire reste beaucoup trop élevée malgré les concessions déja faites par les autre états membres. Comme la part la plus importante des dépenses communautaires est affectée à la Politique Agricole Commune dont le Royaume-Uni bénéficie peu, Margaret Thatcher estime que son pays est lésé. Lors du Sommet des Chefs d’Etat et de Gouvernements européens à Dublin en novembre 1979, elle exige que ce qu’elle estime un trop versé soit remboursé: „Je veux que l’on me rende mon argent!“, ouvrant ainsi une longue crise marquée par de nombreuses confrontations avec les gouvernants français et allemands. Au Sommet de Fontainebleau de juin 1984 la guerre d’usure menée par la tenace Mrs Tatcher porte ses fruits: un rabais est consenti aux britanniques au détriment des allemands et des français qui deviennent les principaux contributeurs au budget… et au chèque versé au Royaume-Uni.

1992 - Le rabais crée un précédent: dans les années qui suivent le Royaume-Uni va obtenir une série de dérogations qui finissent par lui conférer un statut particulier au sein de l’Union européenne. Le Royaume-Uni rejette les politiques communautaires qui ne lui conviennent pas, comme, en 1992, la monnaie unique. Qu’il soient conservateurs ou travaillistes, les Premier ministres britanniques semblent avoir une obsession constante: se concocter leur propre Communauté européenne et force est de constater qu’ils y parviennent plutôt bien, leurs partenaires se montrant très (trop?) compréhensifs.

2013 - Nouveau psychodrame programmé par le Royaume-Uni, le débat et le referendum sur le Brexit, c’est-à-dire la résurgence de la tentation de quitter l’Union européenne, a pour origine un discours de David Cameron prononcé en janvier 2013 dans lequel il promet, s’il est réélu Premier Ministre en 2015, de renégocier le statut du Royaume-Uni dans l’Union européenne et de consulter le peuple sur l’appartenance à l’Union, au plus tard en 2017. Les conservateurs remportent les élections et, le 10 novembre 2015, David Cameron adresse au Président du Conseil européen une lettre dans laquelle il présente une liste de conditions pour rester membre de l’Union européenne. Le moins que l’on puisse dire est que le problème créé par l’initiative du Premier Ministre britannique „tombe mal“, à un moment où l’Union européenne est enferrée dans une série de crises qu‘elle gère de façon désordonnée, donnant une impression de panique, sans vision de long terme, sans vision commune non plus, d’ailleurs. Pourtant, malgré le contexte difficile, un compromis est trouvé lors du Conseil européen des 18 et 19 février 2016. Il reste le plus difficile: convaincre les électeurs, difficulté qui concerne aussi bien les pro Brexit que les anti menés par David Cameron.

A suivre..

Domaguil

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