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droit - Page 3

  • Droit à l’allocation de chômage et condition de résidence

    Dans un arrêt du 18/07/2006, la Cour de Justice des Communautés européennes juge qu’un état peut refuser le maintien au droit à une allocation de chômage si le bénéficiaire réside dans un autre état de l'Union européenne

    (CJCE, 18/07/2006, aff.C-406/04, Gérald De Cuyper / Office national de l'emploi).

     

    Une telle règle n’est pas automatiquement contraire au principe de libre circulation et au droit de séjour dont bénéficient les ressortissants de l’Union européenne dans tout état membre de celle-ci.

     

    En l’espèce, un salarié belge travaillant en Belgique avait perdu son emploi et bénéficiait des allocations de chômage. Il avait déclaré résider en Belgique, ce qu’un contrôle réalisé par  l'Office national de l'emploi avait révélé être faux, puisqu’il résidait en France. A la suite de quoi, il avait vu ses allocations supprimées ce qu’il avait contesté en justice arguant du fait que la condition de résidence était contraire aux règles du droit communautaire.

     

    Ce raisonnement est rejeté par la Cour de Justice qui rappelle que le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres de l'Europe communautaire, n’est pas absolu. Il est soumis à des limitations et des conditions prévues par le traité et par les dispositions prises pour son application. Or le règlement  n° 1408/71 qui organise la coordination des régimes nationaux de sécurité sociale prévoit seulement deux cas dans lesquels les états sont obligés de permettre aux bénéficiaires d’une allocation de chômage de résider sur le territoire d’un autre État membre, tout en maintenant leurs droits aux allocations. Le premier cas est celui du chômeur se rendant  dans un autre État membre «pour y chercher un emploi». Le second celui du chômeur qui, au cours de son dernier emploi, résidait sur le territoire d’un autre Etat membre.

     

    Aucun de ces cas ne correspondait à la situation du requérant.

     

    Dès lors, l’état pouvait imposer une condition de résidence au maintien du droit aux prestations de chômage car une telle condition se justifiait par la nécessité de contrôler la situation des chômeurs et s’assurer qu’elle n’avait pas changé. Selon la Cour, la condition de résidence est justifiée ainsi par des  considérations objectives, d’intérêt général, et non discriminatoires car elles sont indépendantes de la nationalité des personnes concernées . De plus, ajoute la Cour, les spécificités des contrôles en matière d'allocation de chômage justifient l’imposition de mécanismes plus contraignants que ceux imposés dans le contrôle d’autres prestations.

     

  • Nul n’est censé ignorer le droit communautaire : droit communautaire et droit national . III- La primauté du droit communautaire

     En 1964, la Cour de Justice des Communautés européennes pose un principe promis à un grand avenir en considérant que  : « Issu d'une source autonome, le droit né du traité ne pourrait donc, en raison de sa nature spécifique originale, se voir judiciairement opposer un texte interne quel qu'il soit sans perdre son caractère communautaire et sans que soit mise en cause la base juridique de la Communauté elle-même; …le transfert opéré par les états, de leur ordre juridique interne au profit de l'ordre juridique communautaire,des droits et obligations correspondant aux dispositions du traité, entraîne donc une limitation définitive de leurs droits souverains contre laquelle ne saurait prévaloir un acte unilatéral ultérieur incompatible avec la notion de Communauté". (15/07/1964, aff.6/64, Costa/Enel).

    En clair, en cas de conflit d’une règle de droit interne avec une règle de droit communautaire, c’est la première qui doit être déclarée inapplicable (on suppose bien entendu que la disposition communautaire a été prise dans un des domaines de compétences de l’Union et non dans un domaine relevant du seul droit national). Concrètement :"le juge national chargé d'appliquer, dans le cadre de sa compétence, les dispositions du droit communautaire, a l'obligation d'assurer le plein effet de ces normes, en laissant au besoin inappliquée… toute disposition contraire de la législation nationale, même postérieure, sans qu'il ait à demander ou à attendre l'élimination préalable de celle-ci" (Cour de justice des Communauté européenne, 09/03/1978, aff.106/77, Simmenthal/Administration des finances de l'état). Cela vaut pour l’ensemble des textes qui composent le droit communautaire.

     

    Ce principe est particulièrement contesté par les souverainistes et plus généralement par tous ceux qui ne supportent pas l’idée, non seulement d’être tenus de respecter des règles qui n’ont pas été votées par le législateur national, mais aussi qu’elles s’imposent à lui et puissent le désavouer. C’est pourquoi, au moment de la rédaction du traité constitutionnel, ils ont tiré à boulets rouges contre l’article 6 qui consacrait expressément  la jurisprudence de la Cour. Le principe de primauté est en effet l’expression de la supranationalité, c’est-à-dire du fait que l’Union européenne a un pouvoir de décision indépendant de celui des Etats et que ses décisions s’imposent à eux.  Mais il est logique que, du moment que les Etats ont accepté de transférer une partie de leurs compétences à l’Union européenne, ils lui reconnaissent les moyens de les exercer et de les faire respecter. Comment le pourrait-elle si n’importe quelle loi nationale pouvait contredire la loi européenne ? Contester la primauté du droit communautaire c’est refuser que l’intégration européenne se fasse sur une base supranationale et vouloir que l’Union européenne soit une organisation intergouvernementale classique sur laquelle pèse l’épée de Damoclès du veto des états, une ONU régionale en quelque sorte…

     

    Les opposants français à la primauté du droit communautaire ont longtemps pu compter sur le renfort du Conseil d’Etat  qui utilisait un certain nombre d’artifices juridiques pour refuser d’appliquer un texte de droit communautaire lorsqu’une loi nationale postérieure lui était contraire (théorie de l ‘écran législatif). Mais en 1989, le Conseil d’Etat a opéré un revirement de jurisprudence complet en reconnaissant qu’une loi devait être conforme aux traités communautaires (C.E. Assemblée,  20/10/1989, Nicolo) . Et comme seul le premier pas coûte, il a par la suite à plusieurs reprises confirmé ce retournement de toge au bénéfice d’autres catégories de textes communautaires : les règlements  (CE, 24/09/1990, Boisdet)  et les directives (CE, 28/02/1992, Rothmans) dont la supériorité (juridique) sur la loi nationale même postérieure est désormais reconnue. La Cour de cassation, pour sa part, n’avait pas fait preuve de tant de patriotisme juridique et s’était ralliée à la primauté du droit communautaire dès 1975 (Cass.ch.mixte, 24/05/1975,J.Vabre).

     

    Il reste encore une question très énervante pour nos souverainistes : celle des rapports du droit communautaire avec les « tables de la loi », la « mère des normes », la norme fondamentale… la Constitution elle-même. Et là, il faut reconnaître que l’on patauge dans l’ambiguïté.