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Quoi de neuf en Europe - Page 100

  • La Commission européenne empêchera-t-elle GDF et SUEZ de "fusionner en rond"?

    Les opposants à la fusion GDF-Suez viennent de recevoir un renfort nouveau (et pas forcément souhaité), celui de la Commission européenne qui a  annoncé le 19/06/2006 l'ouverture d'une enquête approfondie sur la fusion GDF-Suez dans le cadre de son pouvoir de contrôle des opérations de concentration (règlement 139/2004 du 20/01/2004). La Commission justifie sa décision par le fait qu’une enquête initiale  a permis d'établir que la fusion soulèverait « d'importants problèmes de concurrence à tous les niveaux de la chaîne de fourniture de gaz et d'électricité en Belgique et à tous les niveaux de la chaîne de fourniture de gaz en France ».

    En mai, la Commission avait en effet effectué des inspections surprises dans des entreprises du secteur du gaz de cinq états membres. Parmi les entreprises visitées figuraient GDF et Distrigaz, filiale belge de Suez. La Commissaire européenne chargée de la politique de concurrence, Neelie Kroes, avait décidé de donner un coup de semonce, irritée par les pratiques monopolistiques des entreprises du secteur de l’énergie. Elle expliquait : «Nous nous trouvons tout au début d'une période de lutte contre les trusts…Il y a eu ces derniers mois une augmentation spectaculaire des prix du gaz et de l'électricité, essentiellement en raison de mécanismes anticoncurrentiels ».  Hausse des prix qui tombe évidemment très mal alors que les autorités européennes et nationales s'efforcent de persuader les consommateurs des bienfaits de la libéralisation des marchés de l’énergie! D’où l’activisme de la Commission.

    L’annonce de la fusion GDF Suez fait donc l’objet d’une attention toute particulière. La Commission se dit préoccupée par des « chevauchements horizontaux et des liens verticaux existant entre les activités des deux entreprises ». En clair, la fusion GDF-Suez rassemblerait les deux plus importants opérateurs de gaz et d'électricité en Belgique et deux des trois principaux opérateurs de gaz en France, et permettrait à la nouvelle société de contrôler la plupart des importations de gaz, tant en Belgique qu'en France, ce qui est évidemment plutôt inquiétant pour les concurrents qui n’auraient plus accès qu’à une offre de gaz résiduelle. Quant aux problèmes verticaux évoqués par la Commission, ils résultent du contrôle exercé par les sociétés concernées  sur des infrastructures essentielles (réseaux de transport et de distribution, infrastructures de stockage, etc.).

    Cette annonce fait l’affaire de ceux qui à l’instar du syndicat CGT de GDF, de l’opposition parlementaire  mais aussi de députés de la majorité UMP, refusent la fusion GDF-Suez, et pressent le gouvernement d’y renoncer, contribuant ainsi à alimenter une crise qui ne cesse de s’amplifier depuis que la compagnie d’électricité italienne Enel a annoncé un projet d’achat de Suez. Le gouvernement a décidé de reporter à l’automne l’examen du projet de loi  sur la privatisation de GDF, préalable à l’opération de fusion. Un report qui est censé ne pas jouer sur le calendrier de la fusion prévue pour décembre, et qui permet d’attendre la décision de la Commission européenne.

    Le projet de loi parachèverait également la libéralisation du marché de l’énergie en France, afin de préparer l’ouverture du marché des particuliers qui doit être réalisée le 1er juillet 2007. Ainsi, la France échapperait à la procédure d’infraction dont elle est menacée.

  • Si un juge viole le droit communautaire, la responsabilité de l'Etat peut être engagée

    Dans une série de notes antérieures consacrées au juge français et au droit communautaire (rubrique "comment ça marche" de ce blog) j'expliquais comment une décision de justice rendue en dernier ressort ne pouvait pas être remise en cause même si elle était contraire à une règle de droit communautaire. Ceci en vertu du principe de l'autorité de la chose jugée.

     

     

    Mais alors, quid du particulier qui voulait faire valoir les droits qui lui conférait la règle communautaire? Ne lui reste-il plus qu'à repartir son dossier sous le bras, délesté de quelques milliers d'euros d'honoraires d'avocats et frais de procédures divers?

     

     

    Non. Il lui reste encore, s'il n'est pas fatigué de ce marathon judiciaire, un recours contre l'Etat lui-même. Car celui-ci est responsable du préjudice causé à un particulier par une violation du doit communautaire par un juge.

     

     

    C’est ce que vient de rappeler la Cour de justice des Communautés européennes dans un arrêt du 13/06/2006 (affaire C-173/03 , Traghetti del Mediterraneo SpA / Repubblica italiana) . Une entreprise de transport maritime italiennne avait assigné un de ses concurrentes en réparation du préjudice que cette dernière lui aurait causé du fait de sa politique de bas prix sur le marché du cabotage maritime entre l’Italie continentale et les îles de Sardaigne et de Sicile, grâce à l’obtention de subventions publiques. L’entreprise requérante soutenait qu’il s’agissait d’un acte de concurrence déloyale et d’un abus de position dominante, interdit par le traité instituant la Communauté européenne. Or, la Cour suprême de cassation italienne devant laquelle elle avait formé un pourvoi avait rejeté celui-ci, confirmant les jugements des  juridictions de première instance et d’appel. L’entreprise avait alors mis en cause la responsabilité de l’état italien pour interprétation inexacte des règles communautaires par la Cour suprême de cassation et violation par celle-ci de l’obligation de renvoi préjudiciel à la Cour de justice des Communautés européennes.

     

     

    Le tribunal saisi de ce nouveau recours avait préféré surseoir à statuer pour poser deux questions préalables à la Cour de justice des Communautés européennes :

    1. Un état engage-t-il sa responsabilité à l’égard des particuliers en raison des erreurs de ses juges dans l’application ou le défaut d’application du droit communautaire et, notamment, du manquement d’une juridiction de dernier ressort à son obligation de renvoi préjudiciel à la Cour des Communautés prévue par l’article 234 du traité?
    2. En cas de réponse positive à la première question, la responsabilité de l’état peut-elle être écartée s’il existe une réglementation nationale excluant ou limitant cette responsabilité?

     A la première question la Cour répond affirmativement en rappelant un précédent arrêt dans lequel elle a jugé que les états doivent réparer les dommages causés aux particuliers par les violations du droit communautaire lorsque la violation en cause découle d'une décision d'une juridiction statuant en dernier ressort. Ceci à condition que : la règle de droit communautaire violée ait pour objet de conférer des droits aux particuliers, la violation soit manifeste et il qu'existe un lien de causalité direct entre cette violation et le préjudice subi par les personnes lésées (arrêt Köbler du 30 septembre 2003, aff. C-224/01). Toute législation nationale excluant de manière générale cette responsabilité doit être écartée car elle est contraire au droit communautaire.

    A la seconde question, la Cour répond que le droit national peut bien sûr préciser les critères permettant de définir quel degré ou type de violation du droit est  susceptible d’engager la responsabilité de l’état. Mais elle ajoute que ces critères ne  peuvent conduire à exiger une faute plus grave que celle résultant d’une méconnaissance manifeste du droit (il y a « méconnaissance manifeste », par exemple, lorsqu’il ne fait pas de doute que le juge se trompe sur la portée d’une règle de droit communautaire, notamment au regard de la jurisprudence existante de la Cour européenne en la matière). Si une réglementation conduit en pratique à poser des conditions allant au dela de cette exigence, ceci afin de limiter la responsabilité de l'Etat,  elle ne doit pas être appliquée car elle est contraire au droit communautaire.

    En conclusion, un particulier ayant subi un préjudice par suite d’une décision d’une juridiction qui a manifestement méconnu une disposition  de droit communautaire pourra en demander réparation à l’état, même si une loi nationale prévoit le contraire. A condition bien sur de démonter le dommage résultant de la violation de la règle de droit.

     

  • Entre Traité de Nice et traité constitutionnel, le Conseil européen temporise

    On savait que le Conseil européen des 15 et 16 juin 2006 déciderait de reporter la période d’examen des ratifications du  traité constitutionnel, prolongeant ainsi sa mise en « stand by » et repoussant la décision sur son sort définitif.

     

     

    Le communiqué final du Conseil européen comporte des pistes pour rétablir la confiance des citoyens dans l’Union grâce à des « résultats concrets », mais peu de décisions si ce n’est sur le calendrier du traité constitutionnel.

     

     

    Traité constitutionnel : rendez-vous en 2008

     

    Selon la présidence autrichienne, il existe un consensus entre les états pour estimer qu’on ne pourrait plus davantage travailler avec le traité de Nice. De même les états sont d’accord pour juger que la substance du traité constitutionnel est bonne et devrait être conservée telle quelle. Oui, mais comment faire : là est la question, dirait un illustre auteur. Et quand on ne sait pas, ou que les désaccords sont trop marqués, on s’abstient….car il faut l’unanimité des états pour prendre une décision. Le Conseil a donc décidé, sans surprise, de remettre au lendemain ce que de toute façon il ne pourrait pas faire aujourd’hui et de repousser au deuxième semestre 2008, c’est-à-dire au moment où la France assurera la présidence de l’Union,  la date limite à laquelle il fera le point sur le traité constitutionnel. Dans l’intervalle, la Présidence (allemande) devra présenter, durant le premier semestre 2007, un rapport qui fera une synthèse des discussions menées jusque là et analysera les points de convergence.

     

     

    En définitive, ce sera à la France pays qui a voté non de faire en sorte que les négociations puissent enfin aboutir. Mais que va-t-on renégocier au juste ? Et quel texte obtiendra le vote unanime des 27 membres (Bulgarie et Roumanie incluses)? Sur cette question fondamentale (quel « plan B » ) toujours pas de réponse, si ce n’est celle, très claire du Parlement européen qui, très majoritairement, a refusé l’idée que l’on modifie le traité constitutionnel et fait pression sur le Conseil pour qu’il n’y ait pas d’amputation de celui-ci et que le processus soit terminé en 2009. 

     

     

    Elargissement : l’Union européenne doit pouvoir « absorber » les nouveaux membres

     

     

    Le Conseil fait écho à une revendication du Parlement européen qui avait demandé dans une résolution récente qu’avant tout élargissement on s’assure que l’Union puisse fonctionner et que sa cohésion et son efficacité ne soient pas mises à mal.

     

     

    Tout en rappelant que les engagements déjà pris ne peuvent être remis en cause (formule destinée à rassurer les pays pour lesquels des négociations d’adhésion sont en cours), le Conseil européen décide de débattre en décembre  2006 « sur tous les aspects d'élargissements ultérieurs, y compris la capacité de l'Union d'absorber de nouveaux membres », en tenant compte également de l’opinion des citoyens. Il reste à savoir si la « capacité d’absorption » de l’Union pourrait devenir un critère d'adhésion pour les  élargissements futurs. La France notamment le demande, mais pour le moment, elle n’est pas suivie.

     

     

    « L’Europe à l’œuvre » : pour des « résultats concrets »

     

     

    Le Conseil donne une  liste de domaines d’action à développer. Pour l’essentiel, l’accent est mis sur la politique d’immigration (contrôle des frontières et coopération, visas, accords de réadmission avec les pays tiers, mise en place d'un régime d'asile européen commun) et la lutte contre le terrorisme. Dans un autre domaine, celui de l’énergie, le Conseil demande l’élaboration d’une politique extérieure de l’énergie qui passerait  par un renforcement des partenariats stratégiques avec les principaux pays producteurs, consommateurs et de transit. Des priorités sont définies dans ce cadre dont la conclusion dans les plus brefs délais possibles d’un accord sur l'énergie avec la Russie, premier fournisseur en gaz de l’Union, et l’extension du marché intérieur de l'énergie de l'Union  aux pays voisins.

     

     

    L’anticipation de certaines réformes

     

    Une idée avancée pour sortir de l’impasse actuelle est d’appliquer d’ores et déjà certaines dispositions figurant dans le traité constitutionnel. Ainsi le Parlement européen (soutenu par la Commission)  a-t-il suggéré d’améliorer la transparence au sein du Conseil de ministres, d’étendre la procédure de  codécision au domaine de la justice et des affaires intérieures, d’améliorer le contrôle  parlementaire national et d’introduire une forme d'initiative des citoyens.

     

     

    Le communiqué final ne retient de ces idées que la transparence des travaux législatifs du Conseil. Elle  fait l’objet  d’un certain nombre d’engagements détaillés dans l’annexe 1 du communiqué final du Conseil européen.  

     

  • La Commission propose de renforcer la politique extérieure de l’Union européenne

    Comment renforcer l’action extérieure de l’Union européenne dans le cadre des traités existants ? C’est la question à laquelle tente de répondre la Commission européenne dans un document rendu public le 08/06/2006 («l’Europe dans le monde: propositions pratiques pour améliorer la cohérence, l’efficacité et la visibilité»).

     

    Le document propose :
    • une meilleure planification stratégique: au niveau interne, la Commission renforcera le rôle du groupe des commissaires «Relations extérieures» et le Haut représentant de l'Union européenne  pour la politique extérieure sera associé à son travail. Tous les six mois, le nouveau président du Conseil européen en exercice et le ministre des affaires étrangères, le président de la Commission, le commissaire chargé des relations extérieures et le Haut représentant devraient se réunir de manière informelle et débattre des intérêts de la planification stratégique ;
    • un renforcement de la coopération entre la Commission et le secrétariat du Conseil ;
    • le développement des échanges de personnel avec les services diplomatiques des États membres et le personnel du secrétariat du Conseil . la Commission propose que les états  ouvrent  l’accès à des programmes de formation diplomatique nationaux au personnel des institutions de l'Union européenne et que celle-ci fassent de même pour les personnels nationaux. 

       

    Ces propositions ont pour conséquence de conforter le rôle de la Commission dans le domaine diplomatique au détriment du Haut  représentant de l’Union européenne pour la politique extérieure (dont le traité constitutionnel faisait le ministre des affaires étrangères de l’Union). De façon significative, elles doivent être présentées aux états lors du Sommet européen qui devra décider de l’avenir du traité constitutionnel. A l’évidence la « panne » de celui-ci n’a pas coupé les ailes à la Commission. Bien au contraire, elle semble décidée à profiter de l’absence de projet alternatif pour, sous prétexte de donner un élan à l’Union enlisée, se tailler une nouvelle place au sein des institutions européennes. C’est là une des suites, plutôt paradoxale, des non français et néerlandais.