A qui profite la Politique Agricole Commune ?
Il y a un peu plus d’un an, l’ONG Oxfam avait mené campagne pour rendre publics les noms des bénéficiaires des subventions agricoles européennes au Royaume-Uni. On avait ainsi appris que des sociétés et des aristocrates prospères, et jusqu’à la Reine elle-même avaient bénéficié des subventions communautaires pour des montants très coquets qui les plaçaient au premier rang des bénéficiaires britanniques des largesses de la Politique Agricole Commune. Malaise à la confirmation de ce qui se dit depuis longtemps, à savoir que la PAC bénéficie surtout aux plus riches.
Pour sa part, la Commission européenne a décidé de jouer la carte de la transparence et a mis en ligne à destination du public les informations sur les bénéficiaires des aides agricoles européennes.
Mais il y a un problème : si elle a le pouvoir de révéler les informations concernant les subventions qu’elle octroie directement, en revanche, celles qui concernent les subventions transitant par les budgets des états qui sont chargés ensuite de les distribuer, dépendent du bon vouloir de ces derniers. Et l’on constate que la transparence, ce n’est pas forcément la tasse de thé de tout le monde. Actuellement, la Belgique, la Hongrie, l’Italie, la Lettonie, la Lituanie, les Pays-Bas, le Portugal, la République tchèque, le Royaume-Uni, la Slovaquie, la Slovénie,l’Espagne et le Danemark sont les états ayant accepté de donner accès public à leurs informations (à des degrés divers).
Largement bénéficiaire de la PAC, la France, elle, refuse cet accès.
On peut peut-être trouver une explication à un secret si farouchement gardé dans un communiqué publié par Oxfam le 8 novembre 2005. L’ONG y affirmait (ce qui ne fut pas démenti) que les plus grandes entreprises agricoles françaises empochaient la plus grande partie des subventions agricoles européennes (les douze plus grandes entreprises recevant chacune plus de 500.000 euros par an en subventions et les deux plus grandes obtenant ensemble 1,7 million d’euros par an) (Oxfam, « Révélations sur les subventions agricoles en France »).
Conclusion d’Oxfam : « Les négociations actuelles à l’intérieur de l’OMC défendent en tout premier lieu les intérêts des grandes entreprises agricoles qui visent l’exportation, entrainant le dumping». Et pour que ce soit plus clair encore, l’ONG poursuivait : « En défendant les subventions agricoles, l’OMC protège de façon agressive de facto la France et les intérêts de l’agroindustrie », accusant la France de mentir lorsqu’elle avance que les subventions sont utilisées pour aider les petits agriculteurs « La plupart des petits agriculteurs - environ 90% d’entre eux - obtiennent seulement 17% des subventions qui sont distribuées depuis Paris ».
Un an plus tard, le soupçon est toujours là. Et je ne peux m'empêcher de remarquer que les appels à la transparence de la Commission européenne ne sont certainement pas dénués d’arrière pensées sachant qu’elle milite pour une réforme drastique de la PAC et que la France lui a mis des bâtons dans les roues. Or celle-ci aurait bien des difficultés à défendre le maintien en l’état d’une politique qui volerait au secours des riches et des puissants.