Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

pollution

  • Total confronté au principe pollueur-payeur

    La commune française de Mesquer peut être satisfaite.

    Victime de la pollution causée par le naufrage de l’Erika, Mesquer avait assigné l’affréteur du navire, Total, afin d’être indemnisée des frais de remise en état. L’affaire était arrivée devant la Cour de cassation qui, avant de trancher, avait renvoyé devant la Cour de justice des Communautés européennes pour interprétation de certaines dispositions communautaires relatives à la responsabilité au titre de dommages causés par des déchets résultant de la directive 75/442 (codifiée par la directive 2006/12 du 05/04/2006).

     

    Dans son arrêt du 24/06/2008, la Cour de Justice a adopté une position plus favorable à la commune de Mesquer que celle que lui avait suggéré l’avocat général dans ses conclusions du 13/03/2008.

     

    Après avoir confirmé que les hydrocarbures accidentellement déversés en mer constituaient bien des déchets au sens de la directive 75/442 dont les règles devaient dès lors s’appliquer, la Cour pose comme principe que, la règle du pollueur payeur exigeant une prise en charge financière du coût de l’élimination des déchets générés  par le naufrage d’un navire pétrolier, l’application de la directive peut conduire à ce que le producteur du produit générateur supporte le coût de l'élimination des déchets générés par le déversement accidentel d’hydrocarbures en mer.

     

    Ce faisant, elle s’écarte en partie de la solution proposée par l’avocat général.

     

    Conformément aux prévisions de l’article 15 de la directive 75/442, la commune de Mesquer demandait que le groupe Total  paie les coûts liés à l'élimination des  déchets respectivement en sa qualité de «détenteur antérieur» ou de «producteur du produit générateur» du fioul déversé, et ceci bien que le transport ait été assuré par un tiers (le transporteur maritime). L’avocat général avait tout d’abord, objecté que le principe de responsabilité énoncé par l’article 15 ne pouvait s’appliquer que dans la mesure où il était possible d’imputer aux  sociétés de Total « une contribution propre dans le déversement du fioul lourd ». Mais, bien plus, l’avocat général poursuivait son raisonnement en constatant que cet article devait être interprété en « évitant tout conflit » avec les règles posées par  la Convention sur la responsabilité civile qui met l’accent sur la responsabilité du propriétaire du bateau  et en tenant compte de la Convention FIPOL qui établit un fonds d’indemnisation complémentaire pour les victimes de dommages dus à la pollution, fonds  financé par les principales société pétrolières. Ce qui conduisait en pratique à « neutraliser » l’article 15 de la directive en permettant d’exclure la responsabilité de l’affréteur et du producteur et par là même la possibilité de dédommagement excédant ce qui était prévu dans le cadre du FIPOL.

     

    Cette interprétation favorable à Total est en partie rejetée par la Cour qui après avoir rappelé que la Communauté européenne n’est pas liée par les conventions internationales invoquées, dit pour droit : « s’il s’avère que les coûts liés à l’élimination des déchets générés par un déversement accidentel d’hydrocarbures en mer ne sont pas pris en charge par le FIPOL ou ne peuvent l’être en raison de l’épuisement du plafond d’indemnisation prévu pour ce sinistre et que, en application des limitations et/ou des exonérations de responsabilité prévues, le droit national d’un État membre, y compris celui issu de conventions internationales, empêche que ces coûts soient supportés par le propriétaire du navire et/ou l’affréteur de ce dernier, alors même que ceux-ci sont à considérer comme des «détenteurs» …un tel droit national devra alors permettre…que lesdits coûts soient supportés par le producteur du produit générateur des déchets ainsi répandus ».

    Voilà pourquoi cet arrêt a été salué par de nombreux commentateurs comme une victoire du « David » Mesquer contre le « Goliath » Total. De fait, il s’agit bien d’un revers pour le groupe pétrolier qui pourrait inspirer d’autres recours.

    Mais il reste néanmoins à remarquer que l’arrêt de la Cour de Justice ne résout pas, loin de là, les questions posées par le problème de l’indemnisation des dommages causés par la pollution par des déchets tels que le fioul échappé des « bateaux poubelles ».

    Tout d’abord, l’interprétation de la Cour laisse une place importante à la liberté d’appréciation de la Cour de cassation qui va avoir à présent à se prononcer sur le fond de l’affaire. Si la CJCE a indiqué, comme on l’a vu, qu’en vertu du droit communautaire, Total pourrait être tenu de payer les coûts de nettoyage des côtes de  Mesquer après le naufrage de l'Erika, c’est au juge français de vérifier que les conditions d’une telle responsabilité sont réunies. Et, sur ce point, la CJCE a repris les conditions proposées par l’avocat général : en vertu du principe pollueur-payeur, Total ne pourra être tenu de supporter les coûts que s’il « a contribué au risque de survenance de la pollution occasionnée par ce naufrage, en particulier s’il s’est abstenu de prendre les mesures visant à prévenir un tel événement telles que celles concernant le choix du navire ». Le maire de Mesquer,  Jean-Pierre Bernard se déclarait cependant optimiste quant à l’issue.

     

    Au delà du cas d’espèce,  les considérants de l’arrêt de la Cour laissent subsister bon nombre d’incertitudes. Tout d’abord,  la Cour admet qu’il puisse y avoir une exemption de responsabilité des affréteurs en considérant que leur contribution au risque de pollution est une condition à la reconnaissance de leur responsabilité, ce que ne prévoit pas l’article 15 de la directive. Ensuite,  tout en affirmant que la Communauté n’est pas liée par les conventions internationales en cause dans l’affaire Mesquer contre Total, la Cour admet que celles-ci puissent trouver à s’appliquer si l’indemnisation prévue au titre du FIPOL est suffisante, ce qui donne au principe de responsabilité posé dans  l’article 15 un caractère « subsidiaire » et réduit sa portée de même que celle du principe pollueur-payeur.

     

    Domaguil

     

  • Un atlas sur la pollution par les nutriments dans l’Union européenne

    Habitant un département rural de la France, il m’arrive de lire des communiqués alarmants de la Préfecture déconseillant aux consommateurs lambdas, et usagers redevables d’une redevance au service public de la distribution de l’eau, dont je suis, de boire l’eau du robinet pour cause de trop forte teneur en nitrates.

     

     

    Certes,  nous n’en sommes pas réduits aux extrémités de certains habitants de la belle Bretagne qui  s’hydratent coûteusement à grand renfort d’eaux minérales diverses, ce qui génère un mécontentement compréhensible et alimente périodiquement plaintes et contentieux y compris devant la Cour de justice des Communautés européennes. Encore récemment, la Commission annoncé qu’elle allait saisir la Cour pour violation persistante par la France des normes de qualité imposées de la directive cadre européenne sur l’eau (directive 2000/60 du 23/10/2000) . Car, malgré les efforts entrepris, de nombreuses rivières bretonnes ont des concentrations excédant le taux de teneur maximum en nitrates permis par les règles communautaires. La faute à quoi ? Notamment aux engrais contenant de l’azote (fumier, lisier, engrais minéraux et organo-minéraux) épandus sur les terres agricoles (voir la brève d’information de mars 2007 : qualité de l’eau sur le site eurogersinfo.com).

     

     

    Dans ce dossier, la Commission européenne apparaît  tantôt en  bonne fée environnementale tantôt en protectrice de l’agriculture productiviste, exercice de haute voltige dont elle s’acquitte avec une certaine aptitude aux comportements « schizophréniques ».

     

     

    La bonne fée vient de publier, le 26/04/2007, un atlas instructif sur la pollution par les nutriments dans l’Union européenne dans le cadre de  l’initiative communautaire FATE ("Fate of Pollutants in Terrestrial and Aquatic Ecosystems" : sort des polluants dans les écosystèmes terrestres et aquatiques) menée au Centre commun de recherche de la Commission pour étudier les conséquences sur l’environnement de nutriments tels que les engrais et d’autres produits agrochimiques. Il apparaît que les zones « où les niveaux de pression par les nutriments sont les plus élevés » (comprenez : où il y a le plus de pollution) se situent aux Pays-Bas, en Belgique, au Danemark, en Irlande, en Italie et, ce qui n’est pas vraiment une surprise, en France. C’est aux Pays-Bas que  l’excès de fertilisants dans les zones à forte activité agricole est le plus important (200 kg/ha), et en Italie le moins (40 kg/ha) en Italie. La France occupe une position médiane, mais avec de grandes disparités entre les régions, la Bretagne confirmant avoir le triste privilège d’être la région la plus touchée, avec, par exemple, plus de 120 kg/ha d’excès d’azote (alors que la moyenne nationale est de 50 kg/ha).

     

     

    Que faire ? Selon les scientifiques auteurs de l’atlas, les apports d’engrais azotés sont parfois deux fois plus élevés que ce qui est nécessaire aux cultures. Dès lors, il suffit de mettre fin à  la surfertilisation , ce qui serait une solution «  relativement aisée et peu coûteuse ». Oui, certes, à condition de changer les pratiques agricoles ! 

    Pourtant, il y a urgence. Car ces mêmes scientifiques se sont livrés au jeu des pronostics et ont évalué l’impact de plusieurs scénarios de changement climatique. Ils montrent que les agriculteurs dans les zones de production déjà intensive seront obligés d’accroître l’utilisation d’engrais pour maintenir des rendements optimaux, tandis que la demande de ressources en eau augmentera également. Ce qui augure de problèmes encore plus importants pour l’approvisionnement en eau si rien n’est fait pour rompre ce cercle vicieux. Et de nouveaux communiqués préfectoraux…

     

     

    D’autres informations plus spécifiques sur la qualité de l’eau dans l’Union européenne peuvent être trouvés sur le nouveau portail créé par la Commission européenne…à condition de ne pas avoir oublié ses cours d’anglais car l’essentiel du site est (pour le moment ?) dans cette langue. Ce qui, soit dit en passant, arrive de plus en plus souvent fréquemment sur les pages de la Commission européenne qui semble considérer que l’anglais est LA langue officielle de l’Union. Mais ceci est une autre histoire….

     

    Domaguil