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indemnisation

  • Ryanair rattrapé par le droit communautaire

     

    Le transporteur aérien low cost Ryanair a défrayé la chronique pour ses pratiques sociales et est actuellement dans le viseur de la justice française devant laquelle il est poursuivi pour violation des règles sociales françaises.

    Ryanair jongle avec la diversité des règles nationales appliquées dans l'Union européenne et les lacunes de la législation communautaire pour pratiquer un "moins disant" social dénoncé par les syndicats.

    Mais le voila rattrapé par le droit communautaire pour "mauvais traitement" non de son personnel en l'occurrence...mais d'une passagère dont il accusé d'avoir violé les droits.

    Le 17 avril 2010, le vol Faro-Dublin que devait assurer Ryanair est annulé car à la suite de l’éruption du volcan islandais Eyjafjallajökull, l’espace aérien de plusieurs états membres de l'Union européenne, parmi lesquels l'Irlande, a été en effet fermé, entre le 15 et le 22 avril 2010, en raison des risques encourus par les avions. Ryanair est mis en cause par une passagère du vol annulé, Mme McDonagh qui n’a pu rentrer en Irlande que le 24 avril 2010 et reproche au transporteur de ne lui avoir fourni aucune prise en charge. Elle lui demande une indemnité de près de 1 130 euros, somme qui correspond à ses frais de restauration, d’achat de rafraîchissement, d’hébergement et de transport, sur la période du 17 au 24 avril 2010.

    Le tribunal irlandais chargé de résoudre le litige interroge la Cour de justice de l'Union européenne: dans quelles conditions le transporteur aérien peut-il être libéré de son obligation de prise en charge de ses clients en cas d'annulation de vol?

    Dans son arrêt du 31 janvier 2013, la Cour rappelle que le droit communautaire (règlement n° 261/2004 du 11 février 2004, établissant des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol) impose au transporteur aérien de prendre en charge ses clients en cas d'annulation de vol, même si l'annulation de vol est due à des circonstances exceptionnelles c’est-à-dire celles qui n’auraient pas pu être évitées même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises. Cette règle ne comporte aucune exception et le droit communautaire ne reconnaît pas l'existence d’événements « particulièrement extraordinaires » (comme une éruption volcanique par exemple), qui par leur ampleur et leur origine permettraient de délier le transporteur de son obligation. Dans le cas contraire, explique la Cour, la protection garantie par le règlement serait amoindrie et on arriverait au résultat paradoxal qu'elle serait réservée aux passagers qui en ont le moins besoin. En effet, si on reconnaissait une exception en cas d'événements allant au dela des « circonstances extraordinaires », cela aurait pour conséquence que les transporteurs aériens ne seraient tenus de fournir la prise en charge qu’aux passagers aériens qui se trouvent, en raison de l’annulation de leur vol, dans une situation de désagrément limités, alors que les passagers qui se trouveraient dans un état de particulière vulnérabilité parce qu'ils sont contraints de rester pendant plusieurs jours à un aéroport, seraient privés de cette protection (considérant 33).

    Quant à l'étendue de l'obligation de prise en charge, elle ne connaît pas de limitation temporelle ou pécunaire : le transporteur aérien doit procurer gratuitement, compte tenu du délai d’attente, des rafraîchissements, des repas et, si nécessaire, un hébergement à l’hôtel, un transport depuis l’aéroport jusqu’au lieu de l’hébergement ainsi que des moyens de communication avec les tiers et ceci durant toute la période pendant laquelle les passagers concernés doivent attendre leur réacheminement. Si le transporteur aérien n’a pas respecté son obligation de prise en charge, le passager peut obtenir, à titre d’indemnisation, le remboursement des sommes qui s’avéraient nécessaires, appropriées et raisonnables afin de suppléer la défaillance du transporteur.

    Ryanair doit donc indemniser sa cliente et c'est au tribunal irlandais saisi d'apprécier le montant de cette indemnisation.

    Aussitôt connue la décision de la Cour, Ryanair a publié un communiqué pour déplorer un arrêt qui fait d'une compagnie aérienne l'assureur de dernier recours, même si dans la majorité des cas (...), ces annulations sont tout à fait indépendantes de sa volonté (et alors que les compagnies d'assurances, elles, refusent de prendre en charge les conséquences de l'éruption vocanique). Le résultat, avertit Ryanair, est que les compagnies vont augmenter le prix des billets "pour faire face aux futures demandes d'indemnisation parce que la défectueuse régulation européenne ne nous permet pas de réclamer ces coûts auprès des gouvernements ou des syndicats qui sont responsables de plus de 95% des annulations en Europe". En somme, pour Ryanair, est défectueuse toute règle allant contre ses intérêts financiers.

    Domaguil

  • Les passagers victimes de retards de vols ont droit à une indemnisation

     

    Un retard de trois heures (ou plus) justifie que le passager aérien qui en est victime puisse obtenir une indemnité de la compagnie aérienne (saut si le retard est du à des circonstances exceptionnelles). Telle est la décision rendue par la Cour de Justice des Communautés européennes le 19/11/2009 dans deux affaires impliquant la compagnie Air-France. La Cour fait ainsi une interprétation extensive des dispositions du règlement 261/2004 sur l’indemnisation et l’assistance due aux passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol. Ce texte prévoit qu’en cas d’annulation d’un vol, les passagers peuvent recevoir une indemnisation forfaitaire d’un montant compris entre 250 et 600 euros, mais, s’il contient des dispositions pour l’assistance aux passagers victimes de retards, il ne leur reconnaît pas expressément un droit à être indemnisés.

    La Cour avait été saisie par les Cours suprêmes allemande et autrichienne, à la suite de recours portés devant ces juridictions par des passagers qui réclamaient, respectivement à Condor et à Air France, le versement de l'indemnité prévue par le règlement pour le cas d'annulation d'un vol, au motif qu’ils étaient arrivés à destination avec des retards de 25 et 22 heures par rapport à l'heure d'arrivée prévue.

    La Cour précise d’abord qu’un retard même important se distingue d’une annulation de vol. Car, dit le juge communautaire : « … un vol retardé, indépendamment de la durée du retard, fût-elle importante, ne peut être considéré comme annulé lorsqu’il donne lieu à un départ conformément à la programmation initialement prévue » (considérant 34), c’est à dire lorsque, mis à part l'heure de départ, tous les autres éléments du vol tels qu'initialement programmés, et en particulier l'itinéraire, restent inchangés. Et le juge communautaire n’hésite pas à entrer dans les détails en soulignant que « ne constitue pas, en principe, un élément décisif » le fait que les passagers récupèrent leurs bagages ou obtiennent de nouvelles cartes d’embarquement, pas plus que  les indications sur le tableau d'affichage de l'aéroport, les informations données par le personnel, ou encore une modification de la composition du groupe de passagers.

    En revanche, si la compagnie aérienne assure, postérieurement à l'heure de départ prévue, le transport des passagers sur un autre vol, le retard est alors assimilable à une annulation.

    Doit-on en conclure que les passagers victimes de retards, même importants, du vol initialement prévu ne peuvent prétendre à aucune indemnisation ?

    Non, répond la Cour, car ils subissent un préjudice (la perte de temps) comparable à celui des passagers dont le vol est annulé. Or, ceux-ci bénéficient aux termes du règlement, d’un droit à indemnisation même lorsqu'ils sont réacheminés par la compagnie aérienne sur un autre vol, à condition qu’ils aient perdu au moins trois heures par rapport à la durée prévue initialement. Si on refuse le droit à indemnisation aux passagers de vols retardés « ceux-ci seraient traités d’une manière moins favorable » (considérant 58). Et, conclut le juge communautaire, « aucune considération objective ne paraît susceptible de justifier une telle différence de traitement ». (considérant 59).

    Seules des « circonstances exceptionnelles » peuvent libérer la compagnie aérienne de son obligation d’indemnisation. Les compagnies aériennes Air France et Condor invoquaient donc des défaillances techniques pour expliquer les retards intervenus ces défaillances constituant, selon elles , des «circonstances extraordinaires». Mais la Cour rappelle qu’ « un problème technique survenu à un aéronef qui entraîne l’annulation d’un vol ne relève pas de la notion de «circonstances extraordinaires» au sens de cette disposition, sauf si ce problème "découle d’événements qui, par leur nature ou leur origine, ne sont pas inhérents à l’exercice normal de l’activité du transporteur aérien concerné et échappent à sa maîtrise effective »  (considérant 70).

    Cette décision est intéressante par deux aspects, principalement :

    Parce qu’elle étend la protection des droits des consommateurs (en l’espèce  celui des passagers aériens) dans l'Union européenne

    Parce qu’elle est un exemple de la méthode de l’interprétation de la règle de droit par le juge communautaire.

    Celui-ci rappelle que l’interprétation doit se fonder non seulement sur les  termes du texte interprété, mais également sur le contexte qui a présidé à son élaboration et à son adoption et les objectifs poursuivis par la réglementation dont il fait partie, ce qui implique de se référer non seulement au dispositif de l’acte mais aussi à la motivation comprise (considérants 41 et 42).

    L’interprétation doit veiller à préserver l’effet utile de l’acte en privilégiant, lorsque plusieurs interprétations sont possibles, celle qui est la plus favorable dans ce sens (considérant 47).

    Enfin, l’interprétation d’un acte de droit dérivé doit être réalisée au regard du droit primaire et notamment des principes consacrés par les traités (en l’occurrence, « le principe d’égalité de traitement qui exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié ») (considérant 48).

    Arrêt:

    (CJCE, 19/11/2009,aff.jointes C-402/07 et C-432/07, Sturgeon / Condor Flugdienst GmbH et Böck e.a. / Air France SA)

     

    Domaguil

  • Total confronté au principe pollueur-payeur

    La commune française de Mesquer peut être satisfaite.

    Victime de la pollution causée par le naufrage de l’Erika, Mesquer avait assigné l’affréteur du navire, Total, afin d’être indemnisée des frais de remise en état. L’affaire était arrivée devant la Cour de cassation qui, avant de trancher, avait renvoyé devant la Cour de justice des Communautés européennes pour interprétation de certaines dispositions communautaires relatives à la responsabilité au titre de dommages causés par des déchets résultant de la directive 75/442 (codifiée par la directive 2006/12 du 05/04/2006).

     

    Dans son arrêt du 24/06/2008, la Cour de Justice a adopté une position plus favorable à la commune de Mesquer que celle que lui avait suggéré l’avocat général dans ses conclusions du 13/03/2008.

     

    Après avoir confirmé que les hydrocarbures accidentellement déversés en mer constituaient bien des déchets au sens de la directive 75/442 dont les règles devaient dès lors s’appliquer, la Cour pose comme principe que, la règle du pollueur payeur exigeant une prise en charge financière du coût de l’élimination des déchets générés  par le naufrage d’un navire pétrolier, l’application de la directive peut conduire à ce que le producteur du produit générateur supporte le coût de l'élimination des déchets générés par le déversement accidentel d’hydrocarbures en mer.

     

    Ce faisant, elle s’écarte en partie de la solution proposée par l’avocat général.

     

    Conformément aux prévisions de l’article 15 de la directive 75/442, la commune de Mesquer demandait que le groupe Total  paie les coûts liés à l'élimination des  déchets respectivement en sa qualité de «détenteur antérieur» ou de «producteur du produit générateur» du fioul déversé, et ceci bien que le transport ait été assuré par un tiers (le transporteur maritime). L’avocat général avait tout d’abord, objecté que le principe de responsabilité énoncé par l’article 15 ne pouvait s’appliquer que dans la mesure où il était possible d’imputer aux  sociétés de Total « une contribution propre dans le déversement du fioul lourd ». Mais, bien plus, l’avocat général poursuivait son raisonnement en constatant que cet article devait être interprété en « évitant tout conflit » avec les règles posées par  la Convention sur la responsabilité civile qui met l’accent sur la responsabilité du propriétaire du bateau  et en tenant compte de la Convention FIPOL qui établit un fonds d’indemnisation complémentaire pour les victimes de dommages dus à la pollution, fonds  financé par les principales société pétrolières. Ce qui conduisait en pratique à « neutraliser » l’article 15 de la directive en permettant d’exclure la responsabilité de l’affréteur et du producteur et par là même la possibilité de dédommagement excédant ce qui était prévu dans le cadre du FIPOL.

     

    Cette interprétation favorable à Total est en partie rejetée par la Cour qui après avoir rappelé que la Communauté européenne n’est pas liée par les conventions internationales invoquées, dit pour droit : « s’il s’avère que les coûts liés à l’élimination des déchets générés par un déversement accidentel d’hydrocarbures en mer ne sont pas pris en charge par le FIPOL ou ne peuvent l’être en raison de l’épuisement du plafond d’indemnisation prévu pour ce sinistre et que, en application des limitations et/ou des exonérations de responsabilité prévues, le droit national d’un État membre, y compris celui issu de conventions internationales, empêche que ces coûts soient supportés par le propriétaire du navire et/ou l’affréteur de ce dernier, alors même que ceux-ci sont à considérer comme des «détenteurs» …un tel droit national devra alors permettre…que lesdits coûts soient supportés par le producteur du produit générateur des déchets ainsi répandus ».

    Voilà pourquoi cet arrêt a été salué par de nombreux commentateurs comme une victoire du « David » Mesquer contre le « Goliath » Total. De fait, il s’agit bien d’un revers pour le groupe pétrolier qui pourrait inspirer d’autres recours.

    Mais il reste néanmoins à remarquer que l’arrêt de la Cour de Justice ne résout pas, loin de là, les questions posées par le problème de l’indemnisation des dommages causés par la pollution par des déchets tels que le fioul échappé des « bateaux poubelles ».

    Tout d’abord, l’interprétation de la Cour laisse une place importante à la liberté d’appréciation de la Cour de cassation qui va avoir à présent à se prononcer sur le fond de l’affaire. Si la CJCE a indiqué, comme on l’a vu, qu’en vertu du droit communautaire, Total pourrait être tenu de payer les coûts de nettoyage des côtes de  Mesquer après le naufrage de l'Erika, c’est au juge français de vérifier que les conditions d’une telle responsabilité sont réunies. Et, sur ce point, la CJCE a repris les conditions proposées par l’avocat général : en vertu du principe pollueur-payeur, Total ne pourra être tenu de supporter les coûts que s’il « a contribué au risque de survenance de la pollution occasionnée par ce naufrage, en particulier s’il s’est abstenu de prendre les mesures visant à prévenir un tel événement telles que celles concernant le choix du navire ». Le maire de Mesquer,  Jean-Pierre Bernard se déclarait cependant optimiste quant à l’issue.

     

    Au delà du cas d’espèce,  les considérants de l’arrêt de la Cour laissent subsister bon nombre d’incertitudes. Tout d’abord,  la Cour admet qu’il puisse y avoir une exemption de responsabilité des affréteurs en considérant que leur contribution au risque de pollution est une condition à la reconnaissance de leur responsabilité, ce que ne prévoit pas l’article 15 de la directive. Ensuite,  tout en affirmant que la Communauté n’est pas liée par les conventions internationales en cause dans l’affaire Mesquer contre Total, la Cour admet que celles-ci puissent trouver à s’appliquer si l’indemnisation prévue au titre du FIPOL est suffisante, ce qui donne au principe de responsabilité posé dans  l’article 15 un caractère « subsidiaire » et réduit sa portée de même que celle du principe pollueur-payeur.

     

    Domaguil