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sauvetage

  • Diafoirus européens

     


    Personnage de la pièce de Molière, « le malade imaginaire », Diafoirus est le prototype de ces médecins que brocarde l’auteur : des incompétents qui cachent sous un jargon incompréhensible une abyssale ignorance.

    Leur façon très particulière de « soigner » - d’achever le malade – me fait penser aux Diafoirus européens qui sont au chevet de la Grèce, cette Grèce qui est le berceau, ne l’oublions pas, de notre Europe. On devrait se sentir touché par ce qui arrive à nos compatriotes européens grecs (j’emploie à dessein ces termes qui paraîtront à certains incompatibles) et mettre en application le principe, oh combien impératif, aujourd’hui plus que jamais, de solidarité entre peuples de cette union « unie dans la diversité « . C’est d’ailleurs le cas : l’aide apportée à la Grèce par l’UE et le FMI  s’élève à 110 milliards au titre du premier plan de sauvetage décidé au printemps 2010 et à 109 milliards au titre du deuxième plan décidé en 2011 qui n’est pas encore finalisé, l’Union européenne attendant de la Grèce des garanties sur sa volonté d’appliquer les réformes (l’accord est escompté pour lundi). La Grèce devrait aussi bénéficier de la possibilité de faire défaut partiellement puisque les créanciers privés ont accepté (sous la pression de lUnion européenne) de renoncer à 50% de leur créance (soit environ 100 milliards d’euros). 

    Mais pourquoi ces plans de sauvetage non seulement ne fonctionnent-t-ils  pas mais encore provoquent la détestation de ceux qu’il sont sensés aider ?

    Peut-être parce que nos Diafoirus ont oublié que le but des gouvernants doit être l’intérêt général, celui de la population et son bien-être. Quels enseignements ont-ils tiré de ces deux dernières années de tourmente ? On peut se poser la question, à l'écoute de leur discours qui consiste à montrer du doigt les vilains petits canards de l’Europe, et à soumettre leur soutien à des conditions tellement draconiennes que de plus en plus nombreux sont les économistes qui annoncent que l’austérité prônée par nos dirigeants tue dans l’œuf toute perspective de croissance. Et pas seulement les économistes : dans une intervention devant le Parlement européen, le 15 février dernier,  le Premier ministre italien a souligné la « dureté » avec laquelle  la Grèce est traitée. Il n’est pas très ordinaire ni anodin de voir un chef de gouvernement d’un grand pays de l’UE prendre ses distances avec la politique du bâton que supporte la Grèce.

    Certes, la Grèce est responsable de sa situation. Certes, les gouvernements grecs ont triché et maquillé leurs comptes (et la Commission européenne en 2004 avait tiré la sonnette d’alarme en proposant une procédure pour déficit excessif que les états s’étaient empressés de bloquer). Certes, les grecs ne s’en sont pas inquiété tant qu’ils ont pu tirer bénéfice de ce système dépensier et corrompu (on n’a pas beaucoup vu de manifestations contre les gouvernants dans ces années où la prospérité, relative, reposait non sur la production de richesses, mais sur un endettement croissant). Certes, les armateurs et l’église orthodoxe bénéficient d’un statut privilégié qui les exempte des obligations qui pèsent sur le commun des mortels. Certes, ce même commun des mortels  s’est bien accommodé d’un système d’évasion fiscale qui au final profitait, même si à des degrés très différents, à une majorité. Certes, il est normal de demander à la Grèce à qui l’on prête des sommes colossales de faire en contrepartie des efforts pour mettre de l’ordre dans ses finances. Certes, certes, certes…

    Mais une fois cela dit, quelle conclusion en tirer ? 

    Celle qu’il faut punir ce pays en lui imposant une purge, quelles qu’en soient les conséquences humaines ?.
    Laissons là cette vilaine idée à laquelle pourraient nous faire croire les discours de certains,  et considérons que le but est, évidemment, d’aider les grecs à sortir de cette crise (ce faisant, nous nous aidons nous-mêmes, car la déstabilisation de la zone euro que provoque cette chute sans fin a des conséquences négatives pour tous les pays qui en sont membres). Mais alors, on ne peut que constater : Que les plans de sauvetage de la Grèce ne peuvent pas produire de résultats immédiats. Que les investisseurs et/ou spéculateurs qu’ils sont sensés rassurer ne sont pas « rassurés ». Que la population s’enfonce dans la misère, accablée par des plans d’austérité successifs qui consistent à vouloir pomper de l’eau dans le désert. Que la violence gagne du terrain en réponse à la violence sociale qui laisse les grecs démunis, sans perspectives, sans espoir.

    Et face à cette situation extrême que font nos éminents gouvernants ? S’interrogent-ils sur la pertinence de leur stratégie ? Envisagent-ils au moins de l’infléchir, d’y apporter des corrections ? Droits dans leurs bottes, ils persistent et signent :pas question de changer de remède, peu importe s’il tue le malade.

    Et des dégâts il y en a déja.
    Sur les populations d’abord. Pas besoin d épiloguer : on le voit tous les jours.
    Sur l’Union européenne ensuite: ce ne sont pas les eurosceptiques, ni les souverainistes, ni la gauche internationaliste qui la font courir à sa perte, mais bien les défenseurs de ce que l’on appelle l’ultra libéralisme, pour lesquels la loi du marché est l’alpha et l’omega de l’organisation sociale. On les voit à l’œuvre dans les états et au Conseil où ils siègent, à la Commission européenne, au Parlement européen. Incapables de se remettre en cause, ils vendent leur kit prêt à penser avec une bonne conscience qui semble inaltérable.
    Malheureusement, l’Union européenne leur a donné un champ d’action où s’ébrouer à loisir. Une mesure de salubrité publique serait de les en déloger, et de retrouver l’ambition du projet européen rappelé dans les traités qu’ils ont appliqué de façon – très – sélective. .
    Article 2 du traité sur l'Union européenne
    L'Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d'égalité, de l'État de droit, ainsi que de respect des droits de l'homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités. Ces valeurs sont communes aux États membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l'égalité entre les femmes et les hommes.
    Article 3
    (ex-article 2 TUE)
    L'Union a pour but de promouvoir la paix, ses valeurs et le bien-être de ses peuples…Elle oeuvre pour le développement durable de l'Europe fondé sur une croissance économique équilibrée et sur la stabilité des prix, une économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au progrès social, et un niveau élevé de protection et d'amélioration de la qualité de l'environnement. Elle promeut le progrès scientifique et technique.  Elle combat l'exclusion sociale et les discriminations, et promeut la justice et la protection sociales, l'égalité entre les femmes et les hommes, la solidarité entre les générations et la protection des droits de l'enfant. Elle promeut la cohésion économique, sociale et territoriale, et la solidarité entre les États membres. Elle respecte la richesse de sa diversité culturelle et linguistique, et veille à la sauvegarde et au développement du patrimoine culturel européen.

    L’Union européenne est ce que l’on en fait. Des politiques à courte vue l’instrumentalisent, hier pour en faire le vaisseau amiral d’une politique du tout marché, aujourd’hui pour lui faire endosser la responsabilité de la potion administrée par les docteurs Diafoirus modernes.

    Ce n’est pas une fatalité. Elle peut être un merveilleux instrument de prospérité et de solidarité, forte de ses 500 millions d’habitants, de ses 27 membres parmi lesquels se trouvent – encore – certaines des plus grandes économies mondiales et des pays en plein développement .

    Encore faut-il que les citoyens le veuillent et qu’ils mettent fin à la carrière de ceux qui ont galvaudé et continuent de galvauder le projet européen. Parce que ce que les électeurs ont fait, les électeurs peuvent le défaire.

    Domaguil

  • Le droit communautaire de la concurrence fait tanguer la SNCM

    La Société Nationale Corse-Méditerranée (SNCM) est dans le collimateur de la Commission européenne depuis le 19/08/2002 date à laquelle l’exécutif européen a annoncé l’ouverture d’une enquête sur les subventions publiques qui lui ont été versées.

     

     

    La SNCM est une compagnie maritime dont le capital a été public (détenu par l’état par l’intermédiaire de la Compagnie générale maritime et financière et par la SNCF) jusqu’à sa privatisation partielle devenue effective fin mai 2006. Elle assure la liaison entre la Corse et le continent dans le cadre d’obligations de service public destinées à assurer la continuité territoriale.  Depuis l’entrée en vigueur du  règlement européen 2577/92 qui étend au cabotage la libre prestation de services de transport maritime, elle est confrontée à la concurrence d’autres compagnies, alors qu’elle était auparavant en situation de monopole.

     

     

    En décembre 2001, le gouvernement français a notifié à la Commission européenne une aide au sauvetage de la SNCM, celle-ci étant confrontée à d’importants problèmes financiers mettant en danger sa survie, selon les autorités françaises, en raison de ses sujétions de service public. Les aides publiques sont en principe interdites par le droit communautaire car elles faussent la concurrence. Mais certaines d’entre elles peuvent être autorisées et il en est ainsi des aides à la restructuration des entreprises en difficulté connaissant des difficultés sociales graves. La Commission a édicté des lignes directrices précisant les conditions auxquelles ces aides doivent se conformer pour être compatibles avec le droit communautaire. Il lui fallait donc déterminer si ces conditions étaient remplies par l’aide attribuée à la SNCM.

     

     

    Finalement, l’enquête d’était achevée, le 9 juillet 2003, par une décision de la Commission européenne favorable à la SNCM, puisque la Commission avait estimé que l’aide de 66 millions d’euros octroyée pour la restructuration de la SNCM était compatible avec le droit communautaire et donc autorisée. Bien plus, une tranche complémentaire de 3,3 millions d’euros était approuvée le 16/03/2005.

     

     

    Mais dans un arrêt du 15/06/2005, le tribunal de première Instance a joué les empêcheurs de subventionner en rond, en annulant la décision de la Commission (15/06/2006, aff.T-349/03, Corsica Ferries France SAS c. Commission des Communautés européennes).

     

     

     Le tribunal avait été saisi par Corsica Ferries, un concurrent de la SNCM qui s’estimait lésé par le traitement privilégié dont avait joui cette dernière et qui  demandait au tribunal l’annulation de la décision de la Commission laquelle dans cette affaire était soutenue, de façon prévisible,  par l’état français et la SNCM.  Examinant la décision de la Commission, le TPI avait estimé qu’il y avait une erreur manifeste d’appréciation dans le calcul des contributions de la SNCM. Autrement dit, selon le tribunal,  la Commission avait été trop généreuse dans l’estimation des aides autorisées compensant les obligations de service public en négligeant les plus values réalisées par la SNCM lors de la vente d’actifs. Selon le tribunal : « En effet, dès lors que la Commission a constaté, s’agissant de la cession des actifs navals, l’existence d’une plus-value, en termes de produit net de cession, par rapport à l’évaluation de 21 millions d’euros retenue par le plan de restructuration et, s’agissant de la cession des actifs immobiliers, l’existence d’un produit net de cession de 12 millions d’euros, elle ne pouvait pas, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, retenir uniquement, pour la détermination du caractère minimal de l’aide au considérant 328 de la décision attaquée, l’évaluation de 21 millions d’euros prévue par le plan de restructuration pour la cession des actifs navals » (point 284).

     

     

    Donc, la Commission doit revoir sa copie.

     

     

    Mais les soucis de la SNCM ne s’arrêtent pas là. Car voilà que se profile une extension de la procédure d’enquête de la Commission européenne aux conditions de la privatisation de la compagnie. Annoncées le 13/09/2006, les investigations porteront sur la conformité de la recapitalisation de la SCNM aux règles communautaires de concurrence. Les « limiers » de la Commission vont regarder de plus près les subventions publiques qui ont précédé la cession de capital marquant le désengagement de l’Etat français, à savoir le  financement d’une augmentation de capital à hauteur de 142,5 millions d’euros et un financement  de 38,5 destiné au plan social envisagé par les repreneurs privés. C’est à la suite de ces décisions que la cession partielle a pu intervenir, l’Etat conservant 25% du capital, le reste étant détenu par Butler Capital Partners (38%), Veolia Transport (28%) et les salariés (9%).

     

     

    Selon les lignes directrices sur les aides à la restructuration d’entreprises en difficulté , celles-ci doivent prendre la forme d’aides de trésorerie temporaires (garanties de crédits ou prêts) et être limitées à ce qui est strictement nécessaire pour l’exploitation de l’entreprise. Autrement dit, il est permis de donner un coup de pouce, mais pas de mettre l’entreprise sous perfusion.

     

     

    Or, la Commission exprime « des doutes sur le fait que les injections financières soient limitées au minimum nécessaire à la restructuration de la SNCM ». Bref, elle se demande si l’aide de l’Etat n’a pas été amplifiée afin de rendre la SNCM plus attrayante aux yeux des investisseurs et si les ressources propres de l’entreprise  sont suffisantes pour assurer sa viabilité.

     

     

    Et d’autres tracasseries juridiques attendent peut-être la SNCM. Dans un article du 14/09/2006, le Nouvel Observateur en ligne annonce qu’un concurrent de la SNCM dénonce des pratiques illégales à l’occasion de l’appel d’offre lancé par la région de Corse pour renouveler le contrat de concession de service public de desserte maritime de l'île.  

         

     Domaguil