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L'énergie, talon d'Achille de l'Union européenne

Présentant le nouveau livre vert de la Commission européenne sur la politique européenne de l’énergie, le 08/03/2006, le commissaire Andris Piebalgs  estimait que «l’achèvement du marché intérieur, la lutte contre les changements climatiques et la sécurité de l’approvisionnement sont des défis énergétiques communs qui appellent des solutions communes ». Avec pour objectif d’assurer aux citoyens et aux entreprises la sécurité d'approvisionnement, des prix bas et également de freiner le réchauffement climatique. Bien que cet objectif soit relativement consensuel, la tâche de la Commission n’est pas aisée car elle doit concilier intervention de l’Union européenne et respect des compétences nationales.

 

La stratégie proposée par la Commission prend la forme de vingt propositions d’actions organisées en six priorités:

  • Réalisation des marchés intérieurs européens de l’électricité et du gaz. A un moment où l’actualité fait la part belle au « patriotisme économique », la Commission met en garde contre les tentations protectionnistes et préconise la poursuite et l’achèvement de l’ouverture à la concurrence de ces secteurs. Si la libéralisation des marchés est largement engagée par les directives européennes, de nouvelles mesures sont nécessaires, comme, par exemple, l’adoption d’un code de réseau européen afin d’harmoniser les conditions d’accès au réseau, la nomination d’une autorité de régulation européenne, pour examiner les questions transfrontières, la définition d’un  plan d’interconnexion prioritaire, ou encore l’aide aux investissements visant à remplacer  les capacités de production d’électricité vieillissantes.
  • Sécurité d’approvisionnement fondée sur la solidarité entre les états membres. Il est proposé la création d’un observatoire européen de l’approvisionnement énergétique chargé de surveiller le marché de l’énergie et de détecter rapidement les risques de pénurie, l'amélioration de la sécurité des réseaux grâce notamment à des normes européennes communes en matière de sécurité et de fiabilité, des normes de protection des infrastructures et mécanisme d’assistance en cas de dommages aux infrastructures essentielles dans un état , la publication plus régulière de l’état des stocks de pétrole de la Communauté , le réexamen des  directives actuelles concernant la sécurité de l’approvisionnement en gaz et en électricité en vue d’éventuelles ruptures d’approvisionnement (par exemple, la Commission proposerait un nouveau texte sur les stocks de gaz qui donnerait à l’Union européenne les moyens de réagir selon le principe de la solidarité entre les états en cas de situation d’urgence due à une rupture d’approvisionnement en gaz imminente).
  • Bouquet énergétique plus durable, efficace et diversifié. Si le choix de sources d’énergie relève des compétences de chaque état, il a des conséquences sur la sécurité énergétique de ses partenaires européens. La Commission propose qu’il y ait une analyse de la politique énergétique de l’Union et des avantages et inconvénients des différentes sources d’énergie pour éclairer ces choix nationaux : des objectifs communautaires seraient définis afin de garantir la sécurité de l'approvisionnement, tout en respectant le droit des états membres d’effectuer leurs propres choix en matière d’énergie, précise la Commission.
  • Approche intégrée pour lutter contre le changement climatique. Les mesures à mettre en œuvre seront définies dans le cadre du  plan d'action sur l'efficacité énergétique qui devrait être adopté  dans le courant de l’année. La stratégie prévoit aussi d'augmenter la part des énergies renouvelables de telle sorte que l’Union occupe le premier rang mondial dans ce secteur qui  représente déjà pour elle un chiffre d’affaires annuel de 15 milliards d’euros (la moitié du marché mondial), environ 300 000 emplois et constitue un important secteur d’exportation.
  • Innovation. Un plan européen pour les technologies énergétiques stratégiques doté de ressources « suffisantes » devrait être adopté pour accélérer le développement de technologies porteuses d’avenir dans le secteur de l'énergie, et contribuer à créer les conditions nécessaires pour lancer efficacement ces technologies sur le marché de l’Union européenne et sur le marché mondial.
  • Politique extérieure cohérente en matière d’énergie. L'Europe doit s’exprimer d’une seule voix sur la scène internationale pour pouvoir affronter les difficultés liées à la demande croissante, aux prix élevés et instables de l’énergie, à sa dépendance grandissante vis-à-vis des importations et aux changements climatiques. En particulier, l’Union européenne doit  renforcer son dialogue avec les grands producteurs/fournisseurs d’énergie et notamment avec la Russie, qui est son plus important fournisseur d’énergie. Une feuille de route doit être présentée afin de créer une Communauté paneuropéenne de l’énergie dotée d’un espace réglementaire commun qui rassemblerait les pays de l’Union et les pays voisins de celle-ci ( à l’instar de la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier –CECA- qui marqua le début de la construction communautaire en 1951).

Cet ensemble de propositions était attendu.


L’énergie est en effet le talon d’Achille de ce mastodonte économique qu’est l’Union européenne. D’abord parce que cette dernière dépend des importations pour satisfaire ses besoins en la matière: 50% aujourd’hui, 70% dans 20 à 30 ans si  rien n’est fait pour améliorer ses capacités propres. Ensuite, parce que les réserves énergétiques sont très concentrées géographiquement : ainsi, la moitié environ du gaz consommé dans l'Union provient de trois pays seulement (Russie, Norvège et Algérie). Enfin, parce que la demande mondiale en énergie s’accroît : selon les estimations rapportées par la Commission, elle devrait  être en 2030, 60 % plus élevée qu'aujourd'hui, ce qui renchérira encore les prix du pétrole et du gaz (alors que ceux-ci ont déjà pratiquement doublé dans l'Union européenne au cours des deux dernières années).

 

Mais l ‘énergie est aussi une cause de vulnérabilité sur le plan politique ainsi que l’illustrent les actuelles polémiques autour de la fusion Suez GDF et le débat sur le nationalisme économique. Et c’est pourquoi, dans un domaine où s’expriment des intérêts vitaux des états et à un moment où la tentation de repli national est grande, la mise en place d’une politique commune européenne, bien que nécessaire, est une gageure.

 

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