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Retour sur un hoax récurrent : le droit communautaire met fin au monopole de la sécurité sociale

Je l’ai déjà écrit : la liste des intox sur l’Europe communautaire est longue. En voici une autre qui se rattache à la famille du complot (on nous cache tout, la vérité est ailleurs, mais que font Scully et Mulder). Donc, aujourd’hui, dans le coffre rebondi du « tout et n’importe quoi sur l’Union européenne », je pioche : « Les directives européennes ont mis fin au monopole de la sécurité sociale mais on nous le cache car on veut éviter que les gens aillent s’assurer ailleurs ».

 

 

Il s’agit d’un « hoax » qui circule grâce à l’activisme zélé de Claude Reichman , un libéral (d’aucuns disent : ultra libéral) qui milite bruyamment contre le monopole de la sécurité sociale. Car M.Reichman et ses adeptes sont les vaillants croisés du libéralisme, qu’ils défendent pied à pied contre l’Etat bolchévique français, contre la crypto communiste Commission européenne et la trotsko léniniste Cour de Justice des Communautés européennes.

 

 

La thèse de M.Reichman et de ses émules est que les directives européennes sur l’assurance qui permettent la libre concurrence entre les organismes d’assurance européens (la directive 92/49 du 18 juin 1992, la directive 92/96 partiellement abrogée par la directive 2002/83 notamment) ont mis fin au monopole de la sécurité sociale, de sorte que tout un chacun (entreprises et particuliers) peut cesser de payer ses cotisations pour aller s’assurer ailleurs (à des conditions supposées plus avantageuses).

 

 

Thèse encore récemment défendue sur RMC, radio qui n‘en est pas à une ânerie près quand il s’agit de l’Union européenne

Voir par exemple : Discrimination à l’embauche à l’encontre des fumeurs : l’art de la polémique inutile, plus précisément dans l’émission Bourdin &Co, le 29/07/2008 à 9heures et des poussières.

 

 

Un certain « Claude » a expliqué à un animateur complaisant et ébaudi devant tant de savoir que : « Toutes les lois sont votées, les lois qui instituent la concurrence en matière de sécurité sociale. Mais les pouvoirs publics n’osent pas le dire, ils ont peur des réactions. Alors qu’en fait ce sont des lois qui sont relativement anciennes. Elles ont été prises en vertu de dispositions communautaires de 1992, et elles ont été transposées complètement dans le droit français en 2001. De 2001 à 2008, cela fait donc sept ans, sept ans qu’on raconte n’importe quoi aux Français, qu’on ne leur dit pas la vérité. Et dans le même temps on leur explique que les vieux ne seront plus soignés. Alors vous comprenez, ce système est complètement fou. Ce qui est grave, c’est que les politiques dans leur ensemble, je dis bien dans leur ensemble, sont des menteurs » (pour les amateurs d’extravagances l’interview est lisible sur son site).

 

 

Ailleurs (mais si près par les idées) c’est le malheureux Edouard Filias qui pousse le cri de détresse du contribuable harcelé : « nous nous sommes désaffiliés de la Sécurité sociale, ce qui est conforme aux directives européennes, mais pas aux lois françaises. Je m’attends donc à un long combat. J’irai jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’à la Cour de justice européenne. Le système actuel ne peut plus durer : la Sécu rembourse 1 euro sur 2. Je ne veux plus payer les dettes de la Sécu au détriment de ma santé !».

 

 

A ceux qui trouveraient grotesques et outranciers ces propos, je rappellerai qu’entre autres points communs, MM Reichman et Filias ont celui d’avoir été candidats malheureux à la Présidence française. Je fais cette digression pour remonter le moral des lecteurs qui vivraient une rentrée difficile. Vous le voyez : le pire n’arrive pas forcément.

 

 

A noter également, et c’est assez savoureux, que ces défenseurs de l’ultralibéralisme sont désavoués dans leurs propres rangs puisque le très droitier et ultralibéral Club de l’Horloge s’est senti obligé de se démarquer dans un communiqué du 05/01/2007 (L’Europe a-t-elle supprimé le monopole de la Sécurité sociale ?) dans lequel il ne se montre guère charitable envers les thèses de M .Reichman, ni envers sa personne.

 

 

Certains font les frais de cette campagne contre le monopole de la sécurité sociale française qui entretient la confusion entre deux types d’assurances : le régime obligatoire de sécurité sociale et les assurances complémentaires pour lesquelles, en vertu des textes communautaires, chacun est effectivement libre de souscrire l’assurance de son choix auprès de l’organisme de son choix, des nombreux organismes en vertu des textes communautaires. Certains assujettis ont cessé de payer leurs cotisations de sécurité sociale au risque d’être condamnés à de lourdes pénalités (voir la déconvenue récente d’un dentiste, relatée par le journal le Monde).

 

 

Venons en au fond c’est-à-dire à la question du bien fondé de tant d’agitation.

 

 

Les principes applicables ont été rappelés à plusieurs reprises par le ministère de la Santé français et la Commission européenne. Dans un communiqué du 27/10/2004, celle-ci confirmait que les directives en question ne concernent pas les législations de sécurité sociale. Les États membres restent compétents pour organiser leur système de protection sociale, ce qui concerne les dispositions légales et réglementaires relatives à la Sécurité sociale (article 137 du traité établissant la Communauté Européenne). Ni le Traité constitutionnel ni le Traité de Lisbonne n’y changent rien.

 

 

Mais il ne suffit pas à nos valeureux champions des assurances privées que la Commission européenne démente formellement leurs affirmations. Broutille que cela à leurs yeux ! Sauf…que son analyse reprend celle de la Cour de Justice des Communautés européennes, telle qu’elle l’a formulée à l’occasion de l’examen de recours dont l’objet était précisément l’obligation d’affiliation à la Sécurité sociale.

 

 

La jurisprudence de la Cour peut être résumée ainsi:

  • les organes chargés par la loi de la gestion d’un régime de sécurité sociale statutaire, auquel l’adhésion est obligatoire dans un but de solidarité, placé sous la supervision de l’État et dont le montant des prestations et cotisations est, en dernier ressort fixé par l’État, remplit une fonction purement sociale. Leur activité ne peut dès lors être considérée comme une «activité économique» au titre de la législation européenne sur la concurrence
  • les directives 92/96 et 92/49 ne concernent pas les assurances comprises dans les régimes légaux de Sécurité sociale des Etats membres. Ces directives n’imposent pas aux Etats membres l’obligation d’ouvrir aux entreprises ou organismes relevant de leur champ d’application, la gestion et la prise en charge des régimes en matière d’assurance maladie ou vieillesse faisant partie d’un régime légal de Sécurité sociale.

 

Et la Cour de justice des Communautés européennes est, rappelons-le, la seule juridiction compétente pour interpréter les textes communautaires et imposer cette interprétation. A moins que la preuve ne soit faite que MM .Reichman et consorts ont de super pouvoirs et notamment celui de passer outre les décisions de la Cour européenne (à laquelle doivent se conformer les juridictions nationales), il faut bien conclure que leur combat idéologique (qui conduirait à démanteler le régime de protection sociale français) consiste à brasser du vent faute de base juridique.

 

Domaguil

Commentaires

  • Bonjour,

    J’ai moi-même eu la naïveté de croire ce que vous appelez un « hoax ». Je suis conseil en organisation et il y a un peu plus de trois ans, j’avais été séduit par la perspective d’adhérer à une assurance privée, à la suite d’un démarchage par téléphone. On m’avait fait miroiter une économie de plusieurs milliers d'euros par an et l'assurance d’être mieux remboursé. Mais après quelques recherches sur internet, il m’était apparu que la situation était moins claire que je ne le pensais. Je suis donc allé consulter un avocat qui a du faire des recherches, n’étant pas spécialisé en droit communautaire (si j’avais su que vous existiez...) avant de finalement me déconseiller fortement de mener à bien mon projet. Résultat des courses : plusieurs centaines d’euros d’honoraires, mais la certitude d’avoir évité une grosse boulette. Car j’ai appris aussi que quitter la sécurité sociale peut coûter cher : jusqu’à 1500 euros d’amende et jusqu’à 30000 euros et deux ans de prison si en plus on a incité d’autres personnes à faire de même.

  • J’ai pourtant le souvenir d’un numéro du magazine de la santé sur France 5 en 2006 je crois qui avait clairement indiqué que le monopole de la sécurité sociale était bien terminé. Je n’ai pas retrouvé l’émission mais on parle sur le forum de France 5 :
    http://forums.france5.fr/cdanslair/Economie/monopole-communiste-securite-sujet_109_1.htm

    Et sans mettre en doute votre compétence, je signale que le Me Jean-François Prévost, qui est aussi professeur de droit à Paris V, a une analyse tout à fait différente de la votre.

  • Vous faites parti de ces gens qui dénigrent ce qui est un juste combat. De quel droit impose-t-on à des citoyens de payer un organisme public pour s'assurer? Sommes-nous dans une résurgence de l'ex URSS?
    Sachez que ce combat continue et que de nombreux procès sont en cours avec comme objectif d'obtenir un jugement au niveau européen (CJCE ou CEDH). Mais cela nécessite d'avoir auparavant épuisé tous les recours au niveau national. C'est pourquoi on peut avoir l'impression trompeuse que la justice donne tort à ceux qui veulent avoir la liberté de s'assurer ailleurs. Alors qu'il faut attendre que la justice européenne se soit prononcée.

  • Putain, c’est vraiment pénible de supporter les âneries de néolibéraux. Ils devraient faire pourtant profil bas en ce moment où les grands noms de la finance se tournent vers l’Etat pour lui demander de les sauver de la faillite. Mais je suppose que dans ce cas laurette ne va pas dénoncer la « résurgence de l’ex URSS » et trouver cette intervention de l’Etat providence tout à fait normale. Par contre que les pauvres aient accès comme les riches aux services de santé, ce n’est pas normal selon elle.


    Elle veut en finir avec le monopole de la Sécu, au nom de la concurrence et de la liberté de choix de chacun. Mais elle oublie la solidarité principe de base sur lequel a été définit le fonctionnement de la sécurité sociale en France, et qui va de pair avec la fraternité de notre devise républicaine. C’est en vertu de ce principe que nos cotisations sociales alimentent un pot commun qui verse des prestations aux malades, aux retraités et aux accidentés du travail, quelle que soit leur situation professionnelle et financière, contrairement à ce qui prévaut dans une système d’assurances privées où la règle est simple : on paie, on est couvert ; on ne paie pas ou on ne peut pas payer, on n’a rien. Bref, le règne du chacun pour sa pomme. Voila ce que veulent les néolibéraux. Il est beau le monde qu’ils nous promettent.

    A l’heure actuelle, la sécurité sociale fondée sur la solidarité est l’un des derniers filets qui maintiennent la cohésion sociale. Ceux qui veulent la démanteler feraient mieux d’y réfléchir. C’est aussi très « contre productif » pour les affaires d’avoir un peuple qui n’a plus rien à perdre. On ne sait jamais. Il pourrait lui venir à l’idée de se révolter enfin, fatigué de toutes ces couleuvres que l’on prétend lui faire avaler.

  • A opiumdupeuple

    Personnellement, j’en ai plus qu’assez de payer des impôts et de cotiser pour maintenir des gens qui se sont habitués à être assistés. Je ne parle pas de ceux qui font des efforts et qui sont tout de même dans la pauvreté. Mais il n’y en a pas tant que cela. Car du travail, il y en a. c’est la volonté qui manque et l’esprit d’initiative aussi. Si j’avais attendu que l’on m’aide, j’en serais encore à gagner péniblement le smig. Mais j’ai su saisir ma chance en reprenant une société. J’ai emprunté et j’ai travaillé (je travaille) 12 heures par jour. J’ai connu des nuits blanches à me demander comment j’allais passer le trimestre, payer l’URSSAF, renégocier avec la banque...Ce que je gagne, je le mérite, et solidaire, oui, je veux bien l’être mais pas si ce sont toujours les mêmes qui doivent mettre la main à la poche.

  • C'est bon, laurette, ne vous fatiguez pas. Je connais vos arguments. Et vous n'êtes pas la seule à travailler. Il vous manque simplement un peu de générosité et de bon sens.

  • A Fabrice

    A ma connaissance Me Jean-François Prévost est lui-même un des fers de lance de la cmapagne contre le monopole de la sécureité sociale et l'avocat de M.Reichman. Ce qui explique l'analyse qu'il fait des textes communautaires. En d'autres termes, je pense qu'il est plus partisan que juriste dans cette affaire.

    A laurette

    Vous écrivez qu'il faut attendre que la justice européenne se soit prononcée. Mais elle l'a fait : lisez mon article!

    Sur le fond, je suis d'accord avec opiumdupeuple: le juste combat c'est celui de la solidarité.

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