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sécurité sociale

  • Une légende tenace: la fin du monopole de la sécurité sociale

     

    Retour au pays merveilleux des bobards.

    Ils ne se fatiguent pas...Le combat des (ultra)libéraux contre la sécurité sociale continue. On a beau leur expliquer que le droit est contre eux et qu'ils s'exposent à de lourdes sanctions s'ils refusent de payer leurs cotisations pour aller s'assurer ailleurs, ils continuent à crier leur exécration de cette bonne vieille sécu déficitaire et leur croyance quasiment mystique qu'ils ont raison contre tout le monde, c'est à dire contre l'état français, et la Cour de justice de l'Union européenne, entre autres, excusez du peu.

    Leur dernière trouvaille, sous l'impulsion de leur inspirateur et héraut de la libéralisation, Claude Reichman, est de proclamer que le monopole de la sécurité sociale est mort depuis un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne, rendu le 3 octobre 2013.

    Ce n'est pas la première fois qu'ils croient lire dans les runes, pardon, la jurisprudence de la Cour, le triomphe de leur thèse, à savoir que l'on peut en France quitter la sécurité sociale pour prendre une assurance privée. Tels des témoins de Jéhovah qui nous promettent la fin du monde pour demain et sont tout décontenancés quand demain arrive sans que leur prédiction -espoir- se soit réalisée, ils promettent la fin du monopole de la sécurité sociale au fil de décisions de la Cour dont ils font une interprétation tendancieuse et fausse. A chaque fois, piteusement aculés dans les cordes de leur incompétence juridique, ils repartent au combat, persuadés de le gagner...un jour.

    Ce n'est pas encore le cas cette fois.

    Comme mon abnégation n'a pas de bornes (hum...), je m'attelle à nouveau à ce travail d'Hercule: expliquer à M.Reichman et ses émules pourquoi je dis que le droit est contre eux et pas seulement le droit français, le droit communautaire aussi. Hélas, j'ai bien peur qu'ils s'en fichent pas mal tant ces gens sont prêts de leurs sous et réfractaires aux mots de "solidarité", "entraide", "intérêt commun", mais, bon, je m'y mets quand même, puisque, aussi bien, le but de ce blog est de rendre le droit communautaire plus compréhensible (c'est dire si j'ai de l'ambition).

    Le 3 octobre 2013, la Cour de justice de l'Union européenne se prononce sur le point de savoir si la directive 2005/29 sur les pratiques commerciales déloyales des professionnels pour tromper les consommateurs est applicable aux caisses d'assurance maladie. Dans l'espèce jugée, BKK, une caisse d'assurance maladie du régime légal allemand se voyait reprocher par une association d'avoir donné des informations mensongères aux affiliés en leur faisant croire qu'ils risqueraient des désavantages financiers s'ils changeaient de caisse. Est-ce que les règles de la directive 2005/29 qui proscrit de telles pratiques commerciales trompeuses s'imposent à BKK ou est-ce que le fait que celle-ci ait un statut de droit public et assure une mission d'intérêt général la soustrait au champ d'application de la directive? A cette question la Cour répond que la directive est bien applicable à BKK (CJUE, 3 octobre 2013, aff. C-59/12, BKK Mobil Oil Körperschaft des öffentlichen Rechts contre Zentrale zur Bekämpfung unlauteren Wettbewerbs eV).

    Le 28 octobre Claude Reichman fait sonner hautbois et résonner musettes dans un article tout en mesure et en nuance intitulé "Monopole de la sécurité sociale, Voici pourquoi la Cour européenne de justice a condamné la France !" qui salue une décision par laquelle "les juges de Luxembourg ont donc décidé d’en finir avec « l’exception française » et de frapper un grand coup".

    En effet, écrit le juriste improvisé: "La Cour européenne a donc jugé qu’en dépit de son statut, la caisse allemande devait se voir appliquer la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 « relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur ». Ce qui signifie qu’aux termes de cette directive toutes les caisses sociales faisant de l’assurance sont des entreprises et leurs affiliés des consommateurs, donc des clients". Conclusion sur fond de roulement de tambours: "Le monopole de la sécurité sociale est bien mort. La liberté sociale est désormais la règle".

    Où est le rapport entre la décision et cette conclusion? Dans l'obsession de M.Reichman. Mais pas dans l'analyse juridique.

    Car Claude Reichman se livre à des raccourcis audacieux en écrivant: "Ainsi donc, dans toute l’Union européenne, les caisses sociales faisant de l’assurance sont des entreprises soumises à concurrence et elles ont non pas des assujettis mais des clients. C’est ce que nous affirmons depuis plus de vingt ans, en nous fondant sur les directives de 1992 qui l’indiquent clairement".

    Tsss...Raisonnement hâtif (pourtant, "depuis plus de vingt ans" il aurait pu revoir son argumentaire).

    D'abord les directives de 1992 n'ont jamais eu pour conséquence de soumettre la sécurité sociale à la concurrence et d'en finir avec le monopole. Une jurisprudence constante de la Cour de Justice de l'Union européenne rappelle au contraire régulièrement que ce n'est pas le cas. Or, la Cour est la juridiction suprême qui dit le droit applicable en la matière.

    Bien sûr une jurisprudence peut changer et évoluer avec le temps. Il peut même y avoir un revirement, c'est-à-dire qu'une juridiction adopte une analyse différente, et même contraire à ce qu'elle était jusque là.

    Est-ce le cas de la décision du 3 octobre 2014? Certainement pas.

    Pour cela il aurait fallu qu'elle dise que:

    1 - les états membres ne sont plus libres d'aménager comme ils l'entendent leur système de sécurité sociale, le droit communautaire ayant mis fin à cette compétence exclusive.

    2 – les caisses de sécurité sociale sont des entreprises auxquelles s'appliquent les règles du droit de la concurrence résultant des articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) qui interdisent les pratiques qui peuvent restreindre la concurrence et l'abus de position dominante, résultant notamment de l'existence d'un monopole.

    Or l'arrêt du 3 octobre ne dit rien de semblable. Dans cette décision, la Cour se borne à juger que la protection accordée aux consommateurs par les règles de la directive 2005/29 doit leur bénéficier quel que soit le professionnel auquel ils ont affaire. Pour que cette protection soit la plus large possible, la Cour considère que dans ce cas précis les caisses d'assurance maladie doivent être assimilées à des professionnels, au sens de la directive, même si elles sont chargées d'une mission d’intérêt général et ont un statut de droit public. Mais, comme le précise la Cour elle-même à plusieurs reprises dans l'arrêt, cette interprétation ne concerne que la directive 2005/29 compte tenu de son objectif et de son contexte (les pratiques commerciales déloyales) (ex: points 31 et 36). Car, elle est "la seule qui est de nature à assurer le plein effet à la directive sur les pratiques commerciales déloyales" (point 39). Et, "En conséquence, la qualification, le statut juridique ainsi que les caractéristiques spécifiques de l’organisme en question au titre du droit national sont dépourvus de pertinence pour les besoins de l’interprétation de ladite directive" (point 26).

    Donc, le fait que dans l'affaire jugée le 3 octobre 2013, les caisses de maladie du régime légal d’assurance sociale soient assimilées à des entreprises ou des professionnels n'a pas d'incidence contrairement à ce que prétend M.Reichman sur la légalité du monopole de la sécurité sociale en France. Car il s'agit d'une solution circonscrite à l'application de la directive 2005/29.

    Le droit communautaire n'a pas cassé le monopole de la sécurité sociale. Au contraire: l'article 153 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (qui confère à l'Union européenne une compétence partagée avec les états pour notamment coordonner les prestations versées aux travailleurs migrants), dispose: " Les dispositions arrêtées en vertu du présent article: ne portent pas atteinte à la faculté reconnue aux États membres de définir les principes fondamentaux de leur système de sécurité sociale et ne doivent pas en affecter sensiblement l'équilibre financier"

    Et c'est bien pour cela que la Cour de Justice de l'Union européenne rappelle régulièrement ce principe dans ses arrêts. On voit mal comment il pourrait en aller autrement puisque le traité est la norme suprême qui prime sur tout autre texte de droit communautaire (et donc sur une directive), et s'impose au juge qui doit en sanctionner la méconnaissance.

    En vertu du traité, seul le droit français pourrait mettre fin au monopole. En attendant, tous ceux qui sont tentés de quitter la sécurité sociale pour cotiser auprès d'assurances privées se mettent dans l'illégalité et peuvent être sanctionnés comme l'ont expérimenté certains (voir par exemple, récemment, Cour de cassation, 2ème chambre civile, audience publique du 25/04/2013, n° de pourvoi: 12-1323).

    Moi, à la place des imprudents qui écoutent la sirène Reichman, je demanderais à celui-ci de prendre en charge mes frais d'avocat et de justice et même mes redressements de cotisations. Puisqu'il est si sûr d'avoir raison, cela ne devrait pas poser de problème.

    Domaguil

     

  • Retour sur un hoax récurrent : le droit communautaire met fin au monopole de la sécurité sociale

    Je l’ai déjà écrit : la liste des intox sur l’Europe communautaire est longue. En voici une autre qui se rattache à la famille du complot (on nous cache tout, la vérité est ailleurs, mais que font Scully et Mulder). Donc, aujourd’hui, dans le coffre rebondi du « tout et n’importe quoi sur l’Union européenne », je pioche : « Les directives européennes ont mis fin au monopole de la sécurité sociale mais on nous le cache car on veut éviter que les gens aillent s’assurer ailleurs ».

     

     

    Il s’agit d’un « hoax » qui circule grâce à l’activisme zélé de Claude Reichman , un libéral (d’aucuns disent : ultra libéral) qui milite bruyamment contre le monopole de la sécurité sociale. Car M.Reichman et ses adeptes sont les vaillants croisés du libéralisme, qu’ils défendent pied à pied contre l’Etat bolchévique français, contre la crypto communiste Commission européenne et la trotsko léniniste Cour de Justice des Communautés européennes.

     

     

    La thèse de M.Reichman et de ses émules est que les directives européennes sur l’assurance qui permettent la libre concurrence entre les organismes d’assurance européens (la directive 92/49 du 18 juin 1992, la directive 92/96 partiellement abrogée par la directive 2002/83 notamment) ont mis fin au monopole de la sécurité sociale, de sorte que tout un chacun (entreprises et particuliers) peut cesser de payer ses cotisations pour aller s’assurer ailleurs (à des conditions supposées plus avantageuses).

     

     

    Thèse encore récemment défendue sur RMC, radio qui n‘en est pas à une ânerie près quand il s’agit de l’Union européenne

    Voir par exemple : Discrimination à l’embauche à l’encontre des fumeurs : l’art de la polémique inutile, plus précisément dans l’émission Bourdin &Co, le 29/07/2008 à 9heures et des poussières.

     

     

    Un certain « Claude » a expliqué à un animateur complaisant et ébaudi devant tant de savoir que : « Toutes les lois sont votées, les lois qui instituent la concurrence en matière de sécurité sociale. Mais les pouvoirs publics n’osent pas le dire, ils ont peur des réactions. Alors qu’en fait ce sont des lois qui sont relativement anciennes. Elles ont été prises en vertu de dispositions communautaires de 1992, et elles ont été transposées complètement dans le droit français en 2001. De 2001 à 2008, cela fait donc sept ans, sept ans qu’on raconte n’importe quoi aux Français, qu’on ne leur dit pas la vérité. Et dans le même temps on leur explique que les vieux ne seront plus soignés. Alors vous comprenez, ce système est complètement fou. Ce qui est grave, c’est que les politiques dans leur ensemble, je dis bien dans leur ensemble, sont des menteurs » (pour les amateurs d’extravagances l’interview est lisible sur son site).

     

     

    Ailleurs (mais si près par les idées) c’est le malheureux Edouard Filias qui pousse le cri de détresse du contribuable harcelé : « nous nous sommes désaffiliés de la Sécurité sociale, ce qui est conforme aux directives européennes, mais pas aux lois françaises. Je m’attends donc à un long combat. J’irai jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’à la Cour de justice européenne. Le système actuel ne peut plus durer : la Sécu rembourse 1 euro sur 2. Je ne veux plus payer les dettes de la Sécu au détriment de ma santé !».

     

     

    A ceux qui trouveraient grotesques et outranciers ces propos, je rappellerai qu’entre autres points communs, MM Reichman et Filias ont celui d’avoir été candidats malheureux à la Présidence française. Je fais cette digression pour remonter le moral des lecteurs qui vivraient une rentrée difficile. Vous le voyez : le pire n’arrive pas forcément.

     

     

    A noter également, et c’est assez savoureux, que ces défenseurs de l’ultralibéralisme sont désavoués dans leurs propres rangs puisque le très droitier et ultralibéral Club de l’Horloge s’est senti obligé de se démarquer dans un communiqué du 05/01/2007 (L’Europe a-t-elle supprimé le monopole de la Sécurité sociale ?) dans lequel il ne se montre guère charitable envers les thèses de M .Reichman, ni envers sa personne.

     

     

    Certains font les frais de cette campagne contre le monopole de la sécurité sociale française qui entretient la confusion entre deux types d’assurances : le régime obligatoire de sécurité sociale et les assurances complémentaires pour lesquelles, en vertu des textes communautaires, chacun est effectivement libre de souscrire l’assurance de son choix auprès de l’organisme de son choix, des nombreux organismes en vertu des textes communautaires. Certains assujettis ont cessé de payer leurs cotisations de sécurité sociale au risque d’être condamnés à de lourdes pénalités (voir la déconvenue récente d’un dentiste, relatée par le journal le Monde).

     

     

    Venons en au fond c’est-à-dire à la question du bien fondé de tant d’agitation.

     

     

    Les principes applicables ont été rappelés à plusieurs reprises par le ministère de la Santé français et la Commission européenne. Dans un communiqué du 27/10/2004, celle-ci confirmait que les directives en question ne concernent pas les législations de sécurité sociale. Les États membres restent compétents pour organiser leur système de protection sociale, ce qui concerne les dispositions légales et réglementaires relatives à la Sécurité sociale (article 137 du traité établissant la Communauté Européenne). Ni le Traité constitutionnel ni le Traité de Lisbonne n’y changent rien.

     

     

    Mais il ne suffit pas à nos valeureux champions des assurances privées que la Commission européenne démente formellement leurs affirmations. Broutille que cela à leurs yeux ! Sauf…que son analyse reprend celle de la Cour de Justice des Communautés européennes, telle qu’elle l’a formulée à l’occasion de l’examen de recours dont l’objet était précisément l’obligation d’affiliation à la Sécurité sociale.

     

     

    La jurisprudence de la Cour peut être résumée ainsi:

    • les organes chargés par la loi de la gestion d’un régime de sécurité sociale statutaire, auquel l’adhésion est obligatoire dans un but de solidarité, placé sous la supervision de l’État et dont le montant des prestations et cotisations est, en dernier ressort fixé par l’État, remplit une fonction purement sociale. Leur activité ne peut dès lors être considérée comme une «activité économique» au titre de la législation européenne sur la concurrence
    • les directives 92/96 et 92/49 ne concernent pas les assurances comprises dans les régimes légaux de Sécurité sociale des Etats membres. Ces directives n’imposent pas aux Etats membres l’obligation d’ouvrir aux entreprises ou organismes relevant de leur champ d’application, la gestion et la prise en charge des régimes en matière d’assurance maladie ou vieillesse faisant partie d’un régime légal de Sécurité sociale.

     

    Et la Cour de justice des Communautés européennes est, rappelons-le, la seule juridiction compétente pour interpréter les textes communautaires et imposer cette interprétation. A moins que la preuve ne soit faite que MM .Reichman et consorts ont de super pouvoirs et notamment celui de passer outre les décisions de la Cour européenne (à laquelle doivent se conformer les juridictions nationales), il faut bien conclure que leur combat idéologique (qui conduirait à démanteler le régime de protection sociale français) consiste à brasser du vent faute de base juridique.

     

    Domaguil

  • Libre circulation et soins de santé dans l’Union européenne

    La Commission européenne a annoncé, le 05/09/2006, qu’elle va lancer une consultation publique sur la création d’un « cadre communautaire des services de santé ». Selon le commissaire européen chargé de la santé et de la protection des consommateurs, M.Kyprianou, il s’agit de « mettre sur pied un cadre  communautaire garantissant la sécurité, la qualité et l'efficacité des services de santé ».

     

     

     

    L’objectif est de clarifier les règles du jeu applicables lorsqu’un ressortissant de l’Union européenne  va se faire soigner dans un autre pays membre que le sien. Ces règles sont posées par le règlement 1408/71 sur la coordination des régimes de sécurité sociale et par la jurisprudence qu’a bâtie la Cour de Justice des Communautés européennes dans l’interprétation de ce texte.

     

     

     

    La Cour a progressivement élargi le principe de la liberté pour les particuliers de se faire soigner dans le pays de leur choix en se faisant rembourser les frais par leur caisse d’affiliation. En particulier, elle a réduit la portée de l’article 22 du règlement qui dispose qu’avant d’aller se faire soigner dans un autre pays, le particulier doit obtenir l’autorisation de la caisse dont il relève (formulaire E-112), accord qui détermine la prise en charge du coût des soins (concrètement, la caisse du pays des soins se  fait directement rembourser les frais par la caisse du pays d’affiliation). L’article 22 précise que l’autorisation peut être refusée lorsque le traitement  est possible dans l’état membre de résidence, sauf s’il ne peut être dispensé dans un délai « normalement nécessaire » compte tenu de l’état de la maladie et de son évolution probable. Cette exception a été interprétée par la Cour dans un sens favorable aux patients et dans un arrêt récent elle a donné raison à une britannique qui était allée se faire poser une prothèse de hanche en France. Comme elle n’avait pas l’autorisation de la caisse d’assurance maladie, elle avait du s’acquitter du coût de l’opération et des soins et une fois revenue en Grande Bretagne en avait demandé  le remboursement à sa caisse d’assurance maladie qui avait rejeté sa demande. A tort, a estimé la Cour de Justice qui a jugé que le délai d’attente en Grande Bretagne était trop important, que l’autorisation ne pouvait donc pas être refusée et que la patiente était dans son droit (CJCE, 16/05/2006,  aff.C-372/04, The Queen, à la demande d'Yvonne Watts / Bedford Primary Care Trust and Secretary of State for Health).

    Car, rappelle la Cour, les soins de santé relèvent du champ d’application des règles communautaires sur la libre prestation des services et  tout obstacle à cette liberté non justifié (par l’intérêt général ou l’ordre public) doit être censuré. Peu importe le mode de fonctionnement du système national, et la disparité de coûts des traitement d’un état à l’autre. Il incombe, dit la Cour, au service national de santé « de prévoir des mécanismes de prise en charge financière de soins hospitaliers prodigués dans un autre État membre à des patients auxquels ledit service ne serait pas en mesure de fournir le traitement requis dans un délai médicalement acceptable » (point 122). Le patient qui a été autorisé à recevoir un traitement hospitalier dans un autre État membre ou qui a essuyé un refus d’autorisation non fondé,  "a droit à la prise en charge par l’institution compétente du coût du traitement selon les  dispositions de la législation de l’État de traitement, comme s’il relevait de ce dernier »(130).

     

     

     

    La jurisprudence de la Cour dont l’arrêt Watts est le dernier développement pose un certain nombre de questions sur ses implications pratiques. Car, on le voit, elle fait prévaloir le principe de liberté, ce qui conduit à réduire le système d’autorisation préalable à une peau de chagrin. Devant le risque que cette interprétation fait peser sur les caisses de sécurité sociale, les gouvernements et les députés européens ont demandé à la Commission de leur proposer une législation. Mais encore faut-il au préalable répondre à des questions diverses. Doit-on définir des normes ou droits minimaux communs sur lesquels les citoyens peuvent compter dans le domaine des soins de santé, quel que soit le pays de l’Union où les soins sont dispensés ? Quelles sont  les conditions d’octroi ou de refus des autorisations ? Comment concilier les droits individuels et les restrictions collectives, tant pour les patients (par exemple : cas où les soins à l’étranger sont soumis à autorisation) que pour les professionnels (par exemple : limitations de la liberté d’établissement, obligations professionnelles telles que la

    prescription de médicaments génériques) ? Comment les patients ou professionnels peuvent-ils trouver, comparer ou choisir des prestataires de soins dans d’autres pays ? Comment assurer la continuité des soins une fois le patient rentré chez lui? Faut-il créer des pôles d’excellence médicaux au niveau européen ?  Comment dédommager les malades victimes d’erreur médicale?

     

     

     

    D’où l’annonce d’une consultation publique pour permettre à chacun de donner son avis et ses propositions sur ce que pourrait être un futur  cadre communautaire.

     

     

     

    Dans un premier temps, les prestations de soins de santé avaient été incluses dans la proposition de directive sur la libéralisation des services dans le marché intérieur (ex proposition Bolkestein) (voir le dossier consacré à cette proposition sur le site eurogersinfo). On se souvient du tir de barrage opposé à cette proposition qui a conduit à la modifier profondément, une des modifications étant que les soins de santé ont été retirés  de son champ d’application. (article 2 de la dernière version de la proposition) . La Commission européenne avait alors annoncé qu’elle présenterait des communications spécifiques sur les services sociaux d’intérêt général (régimes légaux de protection sociale, logement….également retirés de la directive sur les services), ce qu’elle a fait le 26/04/2006  pour conclure qu’il n’y avait pas d’urgence à prendre une réglementation européenne en la matière, et sur les services de soins de santé objets de la consultation annoncée le 05/09/2006.

     

     

     

    On le constate, la Commission fait une distinction explicite entre les actes de soins et l’organisation des régimes de sécurité sociale qui restent hors de la compétence communautaire. Car les compétences en matière d’organisation et de financement des soins de santé appartiennent aux états membres. "L’accès des personnes aux soins relève naturellement de la responsabilité des États membres en matière de systèmes de soins et d’assurance santé. Les droits régis par le droit communautaire portent principalement sur le remboursement des soins de santé fournis dans un autre État membre », rappelle la Commission dans sa communication du 20/04/2003 sur la mobilité des patients et l'évolution des soins de santé dans l'Union européenne.

     

     

     

    Ce qui n’empêche pas certains de crier au loup, de s’inquiéter d’une menace sur les systèmes sociaux européens et de dénoncer une marchandisation de la santé . Et ceci de surcroît, à propos de l’annonce d’une simple consultation publique qui permettra de faire un point de la situation et aux citoyens de donner leur avis sur une éventuelle  future réglementation européenne en la matière.

     

     

    Le malentendu (ou l'intox) sur l’Union européenne n’est pas prête de disparaître.

     

     

     

    J’en veux pour preuve la campagne menée par Claude Reichman, défenseur de thèses ultra libérales et notamment adversaire du monopole de la sécurité sociale, contre lequel il mène une véritable croisade en prétendant  que le droit communautaire a fait disparaître ce monopole et que tout un chacun d’entre nous pourrait arrêter de payer ses cotisations à la sécu pour aller s’assurer ailleurs. Je reviendrai sur ce sujet dans un prochain billet.  

     

     Domaguil