L'Union européenne veut couper les griffes des spéculateurs
En juin 2010, le Conseil européen avait demandé à la Commission européenne de présenter des propositions de législation communautaire pour lutter contre les pratiques qui ont largement contribué à la crise financière: les ventes à découvert notamment de contrats d'échange sur défaut (CDS) qui sont les vecteurs d'une spéculation effrénée sur la dette des états (voir: La réglementation du secteur financier dans l'article La protection de l'Union Economique et Monétaire à l'ordre du jour du Conseil européen). En septembre la Commission présentait ses propositions (Nouvelles règles pour les produits dérivés et les ventes à découvert).
Elles sont actuellement dans la dernière ligne droite puisqu'un communiqué du 19/10/2011 nous apprend que le Parlement européen et le Conseil ont conclu un accord qui permet l'adoption du règlement dans les semaines à venir. Les nouvelles règles renforceront la transparence et les pouvoirs de l'autorité européenne de surveillance financière, et interdiront pratiquement les échanges CDS, ce qui rendra plus diffcile la spéculation sur le défaut de paiement d'un pays.
Plus précisément, les ventes à nu de CDS (acheter les contrats d'assurance contre les défauts de paiement sans posséder les obligations qui s'y rapportent) seront interdites. Comme l'explique l'eurodéputé écologiste Pascal Canfin : "Il ne sera plus possible pour un hedge fund d'acheter des CDS grecs ou italiens sans détenir des obligations de ces États et donc ainsi spéculer sur la faillite du pays". Seule exception : une autorité nationale pourra lever temporairement l'interdiction si le marché de la dette souveraine ne fonctionne plus correctement, mais cette possibilité restera très restreinte. De plus, l'Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) pourra publier un avis sur son site Internet afin de suspendre l'interdiction, avis sans caractère contraignant (mais dont on mesure qu'il aurait un poids politique).
Si l'AEMF n'a pas de pouvoir de décision en matière de dette souveraine, elle aura en revanche un rôle accru en matière de ventes à découvert: coordination de l'action des autorités de régulation nationales, contrôle que les mesures prise par celles-ci sont "nécessaires et proportionnées", et enfin, pouvoirs d'intervention, pour restreindre la vente à découvert et d'autres activités du même ordre dans des situations exceptionnelles, décision qui s'imposent aux régulateurs nationaux.
Enfin, le règlement impose aux opérateurs des obligations nouvelles en matrière de déclaration et d'information supplémentaire afin que les autorités de surveillances nationales et européennes puissent intervenir de façon préventive sur les risques potentiels.
Le Parlement s'insurge cependant que sa demande que les ventes à découvert à nu ne soient plus possibles pendant plus d'une journée ait "été vidée d'une bonne partie de sa substance". Les députés souhaitaient qu'un investisseur/trader notifie non seulement son intention d'emprunter de tels titres mais justifie de sa capacité à les emprunter. La disposition acceptée par le Conseil assouplit cette obligation puisqu'elle impose seulement au trader d'avoir des "motifs raisonnables" de penser qu'il est capable d'emprunter les titres. Mais est-il bien "raisonnable" de faire appel au raisonnement d'un spéculateur?
Domaguil