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  • Chypre : finalement, les gros déposants paieront

     

    Confronté à la révolte de la population et du Parlement, le Gouvernement chypriote a été contrait à effectuer une volte face sous la pression il faut dire peu amicale des partenaires européens et notamment de la Banque centrale européenne qui menaçait d'arrêter de fournir des liquidités aux banques chypriotes (dans le cadre du programme de soutien exceptionnel à la liquidité) s'il ne présentait pas un plan crédible lui permettant d'obtenir l'aide communautaire dont Chypre a besoin.

     Dans une déclaration du 25 mars 2013, l'Eurogroupe se félicite qu'un accord ait été trouvé avec le gouvernement chypriote, un accord qui devrait éviter la catastrophe annoncée: la faillite de Chypre à la suite de la faillite de ses banques et son éviction de fait de la zone euro.

    La mesure qui a mis les chypriotes dans la rue, à savoir la taxation de tous les dépôts bancaires y compris les petits dépôts, a disparu. Il est désormais prévu que seuls les dépots supérieurs à 100 000 euros seront taxés. Ils subiraient un prélèvement important ( de l'ordre de 30%?).

    L'affaire laissera un goût amer et conduit, une fois de plus à se demander une fois de plus comment est piloté le lourd paquebot européen et quel est son cap. D'après les informations disponibles depuis une semaine la décision de ponctionner tous les dépots bancaires sans exception, avait été voulue par le gouvernement de Chypre pour préserver le statut de place "offshore" de l'île en limitant la taxation des gros comptes. Mais loin d'en assumer la responsabilité, il a préféré par une manoeuvre dont sont coutumiers les états, rejeter la faute sur un "diktat européen". Tellement facile de taper sur ce bouc émissaire idéal que constitue l'UE. Cela étant, les gouvernements de l'Eurogroupe ont eu le tort majeur de ne pas mieux expliquer leur position puisque le communiqué publié le samedi 16 n'y faisait aucune allusion. Ce n'est que lorsque les medias ont montré la colère de la population chypriote que les premières voix dissonantes se sont faites entendre dont celle, par exemple, du Ministre français des finances qui a affirmé être contre la taxation des dépôts inférieure à 100 000 euros. Et d'autres ministres européens sont allés dans ce sens. Pourquoi alors avoir avalisé, sans mot dire, la décision du gouvernement chypriote? Cette cacophonie et le rétropédalage des ministres de la zone euro révèlent la légèreté ou pire, l'irresponsabilité, de ceux qui nous gouvernent et les dysfonctionnements de la supposée gouvernance européenne.

    L'accord conclu la nuit dernière, qui prévoit notamment la disparition de la deuxième deuxième banque du pays (la Laïki), comporte huit points:

     

    • La banque Laïki sera immédiatement liquidée - avec la pleine contribution des actionnaires, des porteurs d'obligations et des déposants non assurés - par une décision de la Banque centrale de Chypre,

    • La banque sera divisée en deux: une banque assainie qui récupèrera tous les comptes garantis au titre de la législation de l'UE (inférieurs à 100 000 euros) et une structure de défaisance destinée à se réduire au fil du temps

    • La banque assainie sera fusionnée avec Bank of Cyprus (BoC), après que les conseils d'administration de BoC et Laïki aient été entendus. Elle emportera avec elle neuf milliards d'euros au titre du soutien exceptionnel à la liquidité bancaire. Les dépôts non assurés de BoC resteront, en revanche, gelés jusqu'à ce que sa recapitalisation ait été effectuée, ce qui singnifie que les déposants de BoC subiront aussi certainement des pertes.

    • Le Conseil des gouverneurs de la BCE alimentera en liquidités BoC, selon les règles en vigueur

    • BoC sera recapitalisée par une conversion des dépôts en participations pour les déposants non assurés, avec la pleine contribution des actionnaires et des porteurs d'obligations.

    • La conversion sera telle qu'un ratio de fonds propres de 9% sera assuré d'ici la fin du programme.

    • Tous les déposants non assurés de chaque banque seront entièrement protégés, en accord avec la législation de l'UE sur la question.

    • L'argent du programme de sauvetage (jusqu'à 10 milliards d'euros) ne sera pas utilisé pour recapitaliser Laïki et Bank of Cyprus.

     

    En contrepartie, Chypre évite la faillite et reste dans la zone euro. Mais à la faveur de la crise c'est son statut d'"économie casino" (selon l'expression imagé employée ici et là dans la presse) qui est remis en cause: taxation des gros dépots (et contrôle des changes instauré par le Parlement chypriote pour éviter la fuite des capitaux), mais aussi lutte contre le blanchiment d'argent, en fonction des résultats d'un audit prochain, réduction drastique du poids des banques dans l'économie. On ne va pas se désoler que l'Union européenne profite des difficultés actuelles pour introduire un peu de morale dans "un monde de brutes financier" et consolider une économie sur des bases moins "virtuelles" et fragiles. Mieux vaut tard que jamais, dit-on.

    Domaguil

     

  • Les petits déposants ponctionnés pour assainir les finances de Chypre

     

    Cela fait tellement de bruit que les ministres européens de l'eurogroupe vont peut-être revoir leur copie.

    De quoi s'agit-il? De l'accord sur le  plan d'aide de la zone euro à Chypre.

    Le 25 juin 2012, Chypre a fait une demande d'aide auprès de l'Union européenne et du Fonds monétaire international.L'économie de Chypre est très dépendante du secteur tertiaire, marine marchande, tourisme et services financiers et juridiques. On estime que l'activité bancaire représente à peu près 8 fois la taille du PIB national. Or les banques chypriotes sont en grande difficulté, des difficultés dont l'exposition importante à la dette publique de la Grèce est une des causes principales. Comme d'autres banques de pays européens, elles ont du effacer une partie de la dette grecque qu'elles détenaient ce qui les a mises en difficulté puisqu'elles n'ont pu respecter de nouvelles règles européennes plus exigeantes en terme de capitalisation. L'état chypriote trop endetté pour pouvoir emprunter sur les marchés afin d'aider ses banques a donc du se tourner vers ses partenaires européens pour demander une assistance financière.

    Le 16 mars un communiqué nous apprend que l'Eurogroupe, la Banque Centrale et le FMI ont trouvé un accord avec le Gouvernement chypriote sur un plan de sauvetage de 10 milliards d'euros (une somme à mettre en rapport avec le PIB chypriote qui était de 20,1929 en 2011, source eurostat).

    Les détails du plan sont vite connus: en échange de l'aide, Chypre s'engage à prélever une taxe "exceptionnelle" de 6,75% sur les dépôts bancaires inférieurs à 100.000 euros et de 9,9% sur les dépôts qui excèdent ce seuil. Une retenue à la source sur les intérêts de ces dépôts est aussi prévue. Le plan comporte également des privatisations et une hausse de l'impôt sur les sociétés qui passera de 10 à 12,5%.

    La création de la taxe sur les dépôts a provoqué à la fois panique chez les épargnants qui se sont précipités sur les guichets pour retirer leurs fonds et chez les marchés car un tabou est levé. Jusque là, il était génralement admis que, quoiqu'il en coute, les mesures d'assainissement d'une économie en crise ne doivent pas toucher les dépots bancaires de peur de provoquer précisément ce qui a lieu: la panique, et d'aggraver la situation.

    Pour tenter de faire passer la potion, le gouvernement chypriote annonce qu'en échange des "prélèvements", les déposants recevront des actions de leurs banques et que la  compensation sera faite "à 100%".

    Pourquoi cette mesure a-t-elle été décidée?

    Parce que derrière cette idée de taxer les dépots il y a l'idée que c'est de bonne guerre dans la mesure où Chypre est considérée comme un paradis fiscal qui s'est livrée à un dumping fiscal grâce à un taux d'imposition des sociétés particulièrement bas (10%) et donc attractif si on le compare à ceux pratiqués par la majorité de ses partenaires de la zone euro. D'où la hausse de 2,5% de l'impot sur les sociétés imposée à Chypre en contrepartie de l'aide européenne.

    Un autre problème explique la pression exercée sur Chypre, celui de l'absence de transparence des investissements des non-résidents, russes en particulier. Selon les informations reprises dans une étude destinée au Parlement européen,plus de 25% des dépôts bancaires proviendraient de ressortissants russes. Et en raison de l'opacité de ces investissemnts, une part d'entre eux est fortement soupçonnée d'être liée à de l'argent sale. Taxer ces dépôts serait donc "vertueux". D'ailleurs, plusieurs dirigeants européens ont précisé qu'il s'agissait d'une solution exceptionnelle...donc réservée à Chypre (les chypriotes apprécient sûrement) et qu'il n'était pas envisagé de prendre des mesures similaires dans les autres pays "malades" de la zone euro.

    Quelles que soient les explications et les déclarations qui se veulent rassurantes, les réactions négatives ne se sont pas fait attendre: colère des épargnants et inquiétude des marchés qui fait craindre à certains de nouvelles turbulences pour la zone euro.

    La question posée est également politique, évidemment: dès le week-end, les épargnants qui ont essayé de retirer leurs liquidités de leur banque se sont heurtés au blocage de leur compte. Pas moyen d'échapper à la ponction annoncée. Cette façon de procéder conduit à s'interroger, une fois de plus, sur le rôle du parlement, qui doit consentir à l'impôt au nom des citoyens qu'il représente. De façon révélatrice, le vote prévu au Parlement chypriote pour avaliser a posteriori la décision prise, qui devait avoir lieu aujourd'hui a été repoussé d'un jour. Sans doute parce que le Gouvernement ne peut pas compter sur une majorité.

    Enfin, s'il s'agit vraiment de taxer de l'argent sale comme on l'entend au nombre des explications, à quoi cela rime-t-il de pénaliser de petits épargnants comme les oligarques?

    Aux dernières nouvelles, une taxation des dépôts bancaires moins pénalisante pour les petits déposants pourrait être adoptée. Mais les banques peuvent être rassurées: elles peuvent encore compter sur les citoyens pour réparer leurs erreurs.

    Domaguil