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Comment ça marche? - Page 3

  • Nul n’est censé ignorer le droit communautaire : droit communautaire et droit national (I)

    Le droit communautaire est constitué par les traités européens (des centaines de pages) que l'on appelle le droit primaire et les actes adoptés  par le législateur communautaire (Parlement et Conseil) sur proposition de la Commission (des dizaines et  dizaines de milliers de pages). L’essentiel de cette « législation » est constitué par les règlements, les directives, et les décisions, cet ensemble de textes étant appelé le droit communautaire dérivé (puisqu’ils interviennent dans le cadre de l’application des dispositions des traités).

     

     

    Il faudrait ajouter que l’ordre juridique communautaire englobe d’autres règles de droit et en particulier, les principes généraux du droit et  la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européenne. Mais ce serait nous entraîner trop loin.

     

     

    De même que nul n’est censé ignorer la loi française, nul n’est censé ignorer le droit communautaire, car lui, n’ignore plus grand chose de notre vie quotidienne : sécurité sociale, consommation, environnement, conditions de travail, santé, droit civil, lutte contre la criminalité, monnaie, etc… il y a peu de domaines de la vie des particuliers dont le droit communautaire se désintéresse, même si son influence y est très variable. Pour les entreprises la montée en puissance des règles communautaires est encore plus flagrante, l’intégration européenne ayant été depuis l’origine de nature économique essentiellement.

     

     

    Quelquefois, les normes juridiques communautaires se fondent dans la législation nationale, quelquefois elles s’y superposent, ajoutant de nouvelles couches à l’indigeste mille feuilles législatif et réglementaire. Et toujours, cette incorporation au droit interne obéit à deux principes qui sont l’effet direct et la primauté du droit communautaire sur le droit national, dont la finalité est d’en assurer l’application effective et uniforme dans tous les pays de l’Union européenne.

     

     

    Mais de quoi s’agit-il. ?

     

     

    Le droit communautaire doit pouvoir produire des effets  dans les différents états membres à l’instar de leurs propres règles de droit nationales. C’est ce qu’a affirmé la Cour de Justice des Communautés européennes pour la première fois en 1963 : "le droit communautaire, indépendant de la législation des états membres, de même qu'il crée des charges dans le chef des particuliers, est aussi destiné à engendrer des droits qui entrent dans leur patrimoine juridique" (arrêt du 05/02/1963,Van Gend en Loos/administration fiscale néerlandaise). Bref, vous et moi pouvons faire valoir les droits que nous reconnaissent les textes communautaires de la même façon que s’il s’agissait d’une loi ou d’un règlement français. De plus, le droit communautaire a une valeur contraignante supérieure à celle de la législation nationale : en cas de contradiction entre les deux c’est le droit communautaire qui doit s’appliquer.

     

     

    Dans le détail, c’est un peu plus compliqué…comme nous le verrons dans de prochaines notes.

     

  • Si un juge viole le droit communautaire, la responsabilité de l'Etat peut être engagée

    Dans une série de notes antérieures consacrées au juge français et au droit communautaire (rubrique "comment ça marche" de ce blog) j'expliquais comment une décision de justice rendue en dernier ressort ne pouvait pas être remise en cause même si elle était contraire à une règle de droit communautaire. Ceci en vertu du principe de l'autorité de la chose jugée.

     

     

    Mais alors, quid du particulier qui voulait faire valoir les droits qui lui conférait la règle communautaire? Ne lui reste-il plus qu'à repartir son dossier sous le bras, délesté de quelques milliers d'euros d'honoraires d'avocats et frais de procédures divers?

     

     

    Non. Il lui reste encore, s'il n'est pas fatigué de ce marathon judiciaire, un recours contre l'Etat lui-même. Car celui-ci est responsable du préjudice causé à un particulier par une violation du doit communautaire par un juge.

     

     

    C’est ce que vient de rappeler la Cour de justice des Communautés européennes dans un arrêt du 13/06/2006 (affaire C-173/03 , Traghetti del Mediterraneo SpA / Repubblica italiana) . Une entreprise de transport maritime italiennne avait assigné un de ses concurrentes en réparation du préjudice que cette dernière lui aurait causé du fait de sa politique de bas prix sur le marché du cabotage maritime entre l’Italie continentale et les îles de Sardaigne et de Sicile, grâce à l’obtention de subventions publiques. L’entreprise requérante soutenait qu’il s’agissait d’un acte de concurrence déloyale et d’un abus de position dominante, interdit par le traité instituant la Communauté européenne. Or, la Cour suprême de cassation italienne devant laquelle elle avait formé un pourvoi avait rejeté celui-ci, confirmant les jugements des  juridictions de première instance et d’appel. L’entreprise avait alors mis en cause la responsabilité de l’état italien pour interprétation inexacte des règles communautaires par la Cour suprême de cassation et violation par celle-ci de l’obligation de renvoi préjudiciel à la Cour de justice des Communautés européennes.

     

     

    Le tribunal saisi de ce nouveau recours avait préféré surseoir à statuer pour poser deux questions préalables à la Cour de justice des Communautés européennes :

    1. Un état engage-t-il sa responsabilité à l’égard des particuliers en raison des erreurs de ses juges dans l’application ou le défaut d’application du droit communautaire et, notamment, du manquement d’une juridiction de dernier ressort à son obligation de renvoi préjudiciel à la Cour des Communautés prévue par l’article 234 du traité?
    2. En cas de réponse positive à la première question, la responsabilité de l’état peut-elle être écartée s’il existe une réglementation nationale excluant ou limitant cette responsabilité?

     A la première question la Cour répond affirmativement en rappelant un précédent arrêt dans lequel elle a jugé que les états doivent réparer les dommages causés aux particuliers par les violations du droit communautaire lorsque la violation en cause découle d'une décision d'une juridiction statuant en dernier ressort. Ceci à condition que : la règle de droit communautaire violée ait pour objet de conférer des droits aux particuliers, la violation soit manifeste et il qu'existe un lien de causalité direct entre cette violation et le préjudice subi par les personnes lésées (arrêt Köbler du 30 septembre 2003, aff. C-224/01). Toute législation nationale excluant de manière générale cette responsabilité doit être écartée car elle est contraire au droit communautaire.

    A la seconde question, la Cour répond que le droit national peut bien sûr préciser les critères permettant de définir quel degré ou type de violation du droit est  susceptible d’engager la responsabilité de l’état. Mais elle ajoute que ces critères ne  peuvent conduire à exiger une faute plus grave que celle résultant d’une méconnaissance manifeste du droit (il y a « méconnaissance manifeste », par exemple, lorsqu’il ne fait pas de doute que le juge se trompe sur la portée d’une règle de droit communautaire, notamment au regard de la jurisprudence existante de la Cour européenne en la matière). Si une réglementation conduit en pratique à poser des conditions allant au dela de cette exigence, ceci afin de limiter la responsabilité de l'Etat,  elle ne doit pas être appliquée car elle est contraire au droit communautaire.

    En conclusion, un particulier ayant subi un préjudice par suite d’une décision d’une juridiction qui a manifestement méconnu une disposition  de droit communautaire pourra en demander réparation à l’état, même si une loi nationale prévoit le contraire. A condition bien sur de démonter le dommage résultant de la violation de la règle de droit.

     

  • Juge français et droit communautaire (suite et fin)

    Après avoir expliqué comment une loi interne contraire au droit communautaire doit être écartée, il reste à savoir ce qu’il advient si une juridiction rend un arrêt en contradiction avec ce droit.

     

    En principe, comme on l’a vu, le système du renvoi préjudiciel permet d’éviter une telle situation puisque le juge national renvoie à la Cour de justice des Communautés européennes toute difficulté d’interprétation d’une règle communautaire si cette interprétation est douteuse alors qu’elle conditionne l’issue du litige porté devant lui.

     

    Par exemple : est-ce que le principe de libre circulation des marchandises et les règles communautaires en matière d’appellation  d’origine s’opposent à ce que les autorités françaises empêchent un importateur de fromage autrichien de le  commercialiser en France sous prétexte qu’il porte la mention « de montagne » et contient de l’amidon ? (la réponse est oui, pour ceux que cela intéresse : le cas s’est produit) .

     

    En cas de doute, le juge renvoie à la Cour. S’il s’agit d’une juridiction suprême dont les décisions ne sont plus susceptibles de recours, ce renvoi est une obligation, sauf si le juge considère que la réponse à la question ne soulève pas difficulté d’interprétation et statue.

     

    Si la décision qu’il prend alors  est contraire au droit communautaire, pourra-t-elle être annulée ?

     

    Oui, serait-on tenté de dire si l’on se réfère au principe de coopération découlant de l’article 10 du traité de la Communauté européenne. Selon cet article : « Les États membres prennent toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l'exécution des obligations découlant du présent traité ou résultant des actes des institutions de la Communauté. Ils facilitent à celle-ci l'accomplissement de sa mission. Ils s'abstiennent de toutes mesures susceptibles de mettre en péril la réalisation des buts du présent traité ». Si une décision juridictionnelle viole le droit communautaire, on pourrait donc supposer qu’elle doive être réformée par une autre juridiction  en vertu de cet article…

     

    Mais non, ce n'est pas si simple...car il existe un autre principe, celui qui s’oppose à ce que l’on remette en cause une décision juridictionnelle contre laquelle il n’y a plus de recours possible.

     

    C’est ce que vient de confirmer la Cour de Justice des Communautés européennes dans un arrêt récent ( CJCE, 16 mars 2006, aff.C-234/04Mme Rosmarie Kapferer c/ Schlank &Schick GmbH) : « il y a lieu de rappeler l’importance que revêt, tant dans l’ordre juridique communautaire que dans les ordres juridiques nationaux, le principe de l’autorité de la chose jugée. En effet, en vue de garantir aussi bien la stabilité du droit et des relations juridiques qu’une bonne administration de la justice, il importe que des décisions juridictionnelles devenues définitives après épuisement des voies de recours disponibles ou après expiration des délais prévus par ces recours ne puissent plus être remises en cause ». Par conséquent, « le droit communautaire n’impose pas à une juridiction nationale d’écarter l’application des règles de procédure internes conférant l’autorité de la chose jugée à une décision, même si cela permettrait de remédier à une violation du droit communautaire par la décision en cause ».

    Conclusion : l’autorité de la chose jugée en droit interne prévaut sur le respect du droit communautaire en vertu de cet arrêt de la Cour des Communautés européennes.

  • Nouvelle rubrique

    Une nouvelle rubrique dans le blog : "comment ça marche?" (j'avais pensé à "leçons sur l'Union européenne" mais cela m'a paru trop scolaire...).

    L'idée est d'y regrouper des notes présentant des notions sur ce qu'est le droit communautaire, comment il est appliqué (quelle est sa force, comment il s'articule avec le droit national), sur le fonctionnement de l'Union, sur les objectifs et l'histoire de la construction communautaire...

    En quelque sorte, un petit cours de rattrapage  pour ceux qui n'ont pas eu le privilège de s'initier au décryptage des grimoires des mages (pas toujours inspirés)  de Bruxelles, Strasbourg et Luxembourg!

    S'y ajoutera bientôt la troisième partie de l'article consacré au juge et au droit communautaire.