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Europe - Page 5

  • Imaginez la « forteresse » Europe

    Ce pourrait être le sous-titre de la série de communications présentées par la Commission européenne, le 13 février. Elle y donne sa vision de ce que devrait être à l’avenir le système de contrôle des frontières extérieures de l’Union européenne. Cette initiative s’inscrit dans le cadre de la mise en place d’une  politique européenne de l’immigration (domaine communautarisée par le récent  traité de Lisbonne ) afin de « préserver l’intégrité de l’espace Schengen »  et d’assurer que le franchissement des frontières extérieures « demeurera aussi simple que possible pour les ressortissants de pays tiers qui remplissent les conditions d’entrée », selon les termes de la présentation des communications. Franco Frattini, le commissaire européen chargé de ce dossier, a expliqué que les mesures proposées permettront la libre circulation « légitime » des personnes et  de mieux faire face aux « poussées migratoires imprévues », notamment à la frontière maritime sud de l’Union européenne. Pour faire bonne mesure, il a souligné qu’elles réduiront « la traite des êtres humains à destination  de l’Union ».

     

     

    L’Union s’apprête donc à consolider le mur d’enceinte juridique qu’elle a entrepris de bâtir pour faire obstacle à l’immigration non estampillée conforme.

     

     

    Le détail des actions proposées se trouve dans l’article que j’ai publié sur le site eurogersinfo.

     

    Domaguil

  • Plaidoyer européen de Nicolas Sarkozy devant les eurodéputés

    Le 13/11/2007, le Président de la République française, Nicolas Sarkozy  faisait un discours devant le Parlement européen. Ce fut l’occasion de  renouveler un engagement européen dont il faut bien dire qu’il s’était manifesté plutôt discrètement par le passé et d’esquisser les grandes lignes de ce que sera le programme de la Présidence française de l’Union européenne.

     

     

    Une entrée en matière a rappelé avec lyrisme le rêve de paix qui a présidé à la construction européenne qui  ne se réduit pas à une machine « à procédures et à règles » mais est « une exigence morale, politique et spirituelle » qui  « se fera avec les peuples ou …ne se fera pas ». Le non au traité constitutionnel, selon Nicolas Sarkozy, résultait précisément d'une déception « des millions d’hommes et  de femmes en Europe qui s’étaient mis à désespérer de l’Europe parce qu’ils avaient le sentiment qu’elle ne les protégeait plus, qu’elle était devenue indifférente aux difficultés de leur vie, qu’elle ne s’adressait plus à eux ».

     

     

    Puis est venue une véritable profession de foi dans l’Europe politique et, de façon plutôt inattendue, une critique claire de la règle de l’unanimité comme procédure de décision, « système qui permet à quelques uns d’imposer leur loi à tous les autres…certitude qu’on ne décidera jamais rien de grand, d’audacieux, qu’on ne prendra jamais aucun risque…impuissance ». Et de conclure par ce constat qui fera chaud au cœur des fédéralistes : « Avec l'unanimité, on s'aligne sur celui qui veut le moins d'Europe ».

     

     

    Victoire politique de l’Europe sur elle-même" , le traité modificatif que le Chef de l’Etat français s’obstine à appeler traité simplifié (il est vrai qu'il a fait beaucoup pour le succès de cette appellation)  est le signe d’un « ressaisissement » et d’une remise en marche de la construction européenne. Mais s’il permet à l’Union européenne  « d’agir et de décider », il ne résout pas la question de ce qu’elle veut être et de ce qu’elle peut apporter. D’où l’idée d’un  Comité des sages pour poser la question de l’avenir de l’Union.

     

     

    Car  l’Union européenne se trouve confrontée à de grands défis : crise identitaire et revendication de protection, lutte contre le réchauffement climatique, régulation du capitalisme financier, nécessité d'une politique d'immigration commune.

     

     

    Comment concilier  l’appartenance nationale et l’appartenance européenne ? Comment faire que l’Europe protège les identités nationales qui sont une de ses richesses ? Le grand marché européen ne peut répondre à ces questions, pas plus qu’il ne peut donner aux citoyens le sentiment de protection inhérent à la vie en démocratie.  La réponse passe par une promotion de la dimension politique et culturelle de l’Europe, trop longtemps oubliées au profit de l’Europe économique et financière. Mais pour que l'Europe retrouve la confiance des peuples, sans quoi elle ne pourra progresser sur la voie de l'intégration politique, elle doit leur assurer cette protection qu'attendent les citoyens, ce qui implique de restaurer la préférence communautaire dans les relations économiques avec le reste du monde. 

     

    Ainsi le libéral (au plan interne) Nicolas Sarkozy plaide-t-il pour la "protection" au plan communautaire, seule échelle à laquelle elle puisse être efficacement assurée dans un monde mondialisé. Protection et non protectionnisme, se défend le Chef de l'etat français : il s'agit tout simplement que l'Europe décide de  "réclamer la réciprocité" vis-à-vis de partenaires mondiaux qui, eux, n'hésitent pas à protéger leurs économies. Quant à la concurrence, "l’Europe ne peut pas être seule au monde à en faire une religion". C'est pourquoi, insiste Nicolas Sarkozy, le "traité simplifié" en fait un "moyen et non une fin". Enfin, si l'Europe a fait le choix de l'économie de marché et du capitalisme, "ce choix n’implique pas le laissez-faire absolu et la dérive d’un capitalisme financier qui fait la part belle aux spéculateurs et aux rentiers plutôt qu’aux entrepreneurs et aux travailleurs". L'Europe doit  "jouer un rôle dans la nécessaire moralisation du capitalisme financier".
     

    Refondation de la politique agricole commune après 2013, fiscalité écologique, énergies renouvelables, sont les autres thèmes que Nicolas Sarkozy veut voir abordés. Deux dossiers seront privilégiés: celui de la défense et celui de l'immigration.  Sur la défense, la question est  posée : « comment l’Europe pourrait-elle  être indépendante, comment pourrait-elle avoir une influence politique dans le monde, comment pourrait-elle être un facteur   de paix et d’équilibre si elle n’était pas capable d’assurer  elle-même sa défense ? ».   Et la réponse est tout aussi évidente : « cette solidarité (n.d.r : des peuples européens)  elle doit s’exprimer dans la défense ». Tout comme dans la politique de l’immigration, autre priorité de Nicolas Sarkozy qui veut renforcer cette politique commune.

     

     

    Le 13 novembre 2007, devant les eurodéputés,  Sarkozy l’Américain comme on l’a souvent appelé avait fait place à Sarkozy l’Européen.  "Affaire à suivre" …

     

      

    Domaguil

           

                      

             

  • Agora citoyenne au Parlement européen pour débattre du futur de l Europe

    Confronter les points de vue et les propositions des citoyens sur l’avenir de l’Union européenne en mettant en présence les réseaux d'organisations associatives, professionnelles et syndicales, et les représentants élus, tel est le but de la première « Agora citoyenne » qui se réunit aujourd’hui et demain au Parlement européen.  400 représentants d’associations et organisations sont présents afin de débattre du futur de l’Union européenne, plus particulièrement sur les thèmes suivants : défis, possibilités et instruments présentés par les nouveaux traités. Une seconde Agora  devrait être réunie  au début de l’année prochaine autour d'autres thèmes, comme le changement climatique et la dimension sociale de l'Union européenne.

    Selon la présentation faite par le Parlement européen, « l’Agora peut fournir une contribution, notamment aux députés au moment de la rédaction des rapports en commission, c'est-à-dire avant qu'un sujet spécifique ne fasse l'objet d'un vote en commission, puis abordé en plénière. Ses débats seront axés sur les questions prioritaires à l'ordre du jour du Parlement et qui sont clairement en rapport avec les vies quotidiennes des citoyens. Elle contribuera ainsi à voir sous un jour différent des questions qui font trop souvent uniquement l'objet de discussions avec des lobbyistes ».

     

    Pour en savoir plus 

    Site de l'Agora et programme des débats

    Suivre les débats en direct 

     

    Site du forum 

     

     

    Domaguil

     
  • Le multilinguisme en Europe en question

    Quand un commissaire européen plaide pour le multilinguisme

     

     

    Dans une Commission européenne largement anglophone (il suffit de consulter certaines pages de son site pour le constater), le plaidoyer de Leonard Orban pour la diversité linguistique est plutôt détonnant. Il est vrai qu’il s’agit de son domaine : M.Orban est le commissaire européen au multilinguisme. A ce titre, il a organisé le 21/09 à Bruxelles  une conférence destinée à sensibiliser les milieux professionnels à l’importance du multilinguisme pour maximiser les résultats des entreprises. La conférence s’appuie sur les résultats d’une étude réalisée en 2006 par  le centre national britannique des langues, et publiée le 23/02/2007(Effects on the European Economy of Shortages of Foreign Language Skills in Enterprise). Selon cette étude, le manque de compétences linguistiques entraîne un manque à gagner : sur les 2 000 entreprises répertoriées dans l’échantillon,  195 (11 %) ont déjà perdu  un contrat faute de disposer de compétences linguistiques suffisantes. L’étude estime que pour 37 d’entre elles, la valeur cumulée des contrats véritablement perdus oscillait entre 8 et 13,5 millions d’euros, que 54 autres PME ont perdu des contrats potentiels d’une valeur cumulée de 16,5 à 25,3 millions d’euros et, enfin, qu’au moins 10 autres ont perdu des contrats d’une valeur unitaire supérieure à 1 million d’euros. En revanche, les entreprises qui se sont dotées d’une stratégie formelle de la communication multilingue parviennent à accroître leurs ventes à l’exportation de plus de 40 % par comparaison aux autres. Si l’anglais demeure la première langue du commerce international, la demande des entreprises est en augmentation pour d’autres langues (les plus citées : allemand,  français,  espagnol, russe).

     

     

    Sur le thème « Les langues font nos affaires », la conférence a réuni plus de deux cent cinquante représentants d’entreprises de toutes tailles, d’associations commerciales, de chambres de commerce, de décideurs et de linguistes professionnels. Sur la base du constat  « l’anglais mondial ne suffit pas aux affaires mondiales », la conférence a donné naissance à un forum chargé de déterminer comment utiliser le multilinguisme dans la pratique pour rendre les entreprises plus compétitives. En pratique, leurs salariés devraient posséder deux langues en plus de leur langue maternelle (l’objectif que se sont fixés les états membres il y a cinq ans est de développer l’enseignement dans ce sens).

     

     

    La Commission a élargi le débat au grand public en lançant une consultation en ligne sur le multilinguisme, le 26/09/2007. Seize questions sont posées auxquelles toute personne intéressée pourra répondre pour faire connaître son avis, jusqu’au 15/11/2007. Au nombre des questions, signalons par exemple : « Quels moyens peut-on mettre en oeuvre pour préserver les langues moins parlées de la tendance générale à une lingua franca? » ou encore, une question qui oriente la réponse : « Le coût lié au maintien d’une administration européenne multilingue en vaut-il la peine? » (la consultation en ligne est accessible sur page dédiée du commissaire au multilinguisme).

     

     

    Débat français houleux sur l’Accord de Londres 

     

     

    « L’anglais mondial ne suffit pas aux affaires mondiales », proclamait le communiqué de presse de la Commission à l’issue de la Conférence sur le multilinguisme dans les affaires. Mais on peut douter que cela réconforte tous les opposants à l’hégémonie de l’anglais.

     

     

    Ainsi, en France, l’Assemblée nationale vient d’adopter en 1ère lecture  le projet de loi visant à ratifier l’accord international du 17/10/2000 connu sous le nom d’Accord  de Londres  qui complète la Convention sur le brevet européen .

     

     

    La procédure de délivrance d’un brevet européen nécessite une seule demande auprès de l'Office Européen des Brevets (OEB). Une fois accordé, le brevet européen est ensuite décliné en différents  brevets nationaux dans les pays dans lesquels le titulaire du brevet a souhaité que son invention soit protégée.  La demande de brevet auprès de l’OEB doit être déposée dans l’une des trois langues officielles de l’Office, à savoir l’allemand, l’anglais ou le français. Une fois délivré, le brevet est déposé auprès de l’office national de la propriété industrielle de chacun des pays dans lesquels la protection est demandée ce qui nécessite sa traduction dans une langue officielle de ce pays. Donc, si le titulaire du brevet souhaite protéger son invention dans les 32 pays membres de l’OEB, il lui faut traduire l’intégralité du fascicule du brevet dans 22 langues, ce qui coûte plus de 30 000 euros selon les estimations (hypothèse maximaliste, qui dans la pratique se rencontre rarement : en général, un brevet européen type prend effet dans 7 Etats, entraînant un coût de traduction moyen de 7000 €).

     

     

    C’est donc afin de réduire les coûts de dépôt de brevets que l’accord signé à Londres décharge le titulaire d’un  brevets européen de l’obligation de traduire intégralement le fascicule. Seule la partie définissant l’invention (ce qui est appelé les revendications, c’est-à-dire le champ et le niveau de la protection demandée) devra être traduite dans les trois langues officielles de l’OEB. En revanche, la partie décrivant l’invention ne devra plus être traduite. Les 70% des demandes de brevets qui sont déposées en anglais et les 25% déposées en allemand, donc la quasi totalité, seront ainsi dispensés de traduction française pour une partie importante.

     

     

    Ce qui suscite les craintes d’une perte de terrain du français dans le domaine scientifique et technique, après celui du commerce,  et provoque une levée de boucliers contre la ratification du protocole de Londres par la France.
    • Premier argument : l’accord de Londres serait contraire à l’article 2 de la Constitution française selon lequel « la langue de la République est le français », argument rejeté par le Conseil constitutionnel (Décision n° 2006-541 DC du 28 septembre 2006, Accord sur l'application de l'article 65 de la convention sur la délivrance de brevets européens)
    • Deuxième argument : le français serait affaibli. C'est la thèse du Comité de soutien contre le protocole de Londres qui réunit universitaires, écrivains, chefs d'entreprises, chercheurs et parlementaires. Les défenseurs de l’accord font valoir qu’au contraire, l’Accord  de Londres permet de pérenniser la position privilégiée du français dans le domaine des brevets, puisqu’il permet que les brevets européens délivrés en français puissent prendre effet au Royaume-Uni et en Allemagne sans traductions, ce qui n’est pas possible actuellement.
    • Troisième argument : la veille technologique serait plus difficile pour les entreprises françaises (mais la recherche d’informations technologiques et scientifiques nécessite déjà de fait de connaître d’autres langues et notamment l’anglais).
    • Quatrième argument : l’Accord affecte diverses professions qu’il fragilise : traducteurs de brevets, avocats et conseils en propriété industrielle (d’où le lobbying de ces professions contre l’Accord : voir par exemple le contre argumentaire de la compagnie nationale des conseils en propriété industrielle, du 25-9-07).

     

    Détail savoureux : comme le rappelle le rapport présenté sur le projet de loi de ratification le protocole de Londres est le résultat…d’une initiative française (M.Henri Plagnol, rapport fait au nom de la Commission des affaires étrangères sur le projet de loi n°151 autorisant la ratification de l’accord sur l’application de l’article 65 de la convention sur la délivrance de brevets européens,enregistré le 19/09/2007 à la présidence de l’Assemblée nationale). Ce n’est pas la première fois que la France pose des difficultés dans la ratification d’une convention qu’elle a demandée : le scénario évoque le rejet du traité constitutionnel en 2005.  Problème : sur les 13 états qui sont partie à l’Accord de Londres,  9 d’entre eux ont achevé leur procédure d’adhésion ou de ratification. Or l’article 6 du protocole de Londres soumet son entrée en vigueur à la ratification par au moins 8 états membres

    dont les trois pays dans lesquels le plus grand nombre de brevets européens a pris effet en 1999 : l’Allemagne, le Royaume-Uni et la France. Ce qui signifie que cette dernière a le pouvoir de bloquer l’entrée en vigueur de l’accord. Dès lors, l’affaire est également diplomatique. Décidément, l’histoire se répète…Mais un blocage français pourrait conduire à des effets contraires à ceux qui sont recherchés, soulignent les partisans de la ratification de l’accord de Londres. Car les autres Etats rechercheront d'autres moyens de réduire le coût du brevet européen et rien ne leur interdit de modifier unilatéralement leur législation nationale en matière de traduction de brevets européens  ou de conclure entre eux soit un accord similaire à l'accord de Londres (mais pouvant entrer en vigueur sans ratification par la France) soit un accord de contenu différent avec le risque d’adopter un régime linguistique qui délaisserait le régime à trois langues actuel pour réserver une plus grande place à l'anglais.

     

     

    Le débat se poursuit. L'Accord est à présent examiné par le Sénat.

    Domaguil