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Union européenne - Page 22

  • Camomille à gogo(s)

    De retour chez moi après un déplacement en Espagne, je trouve dans ma messagerie des messages alarmants et alarmés me demandant pourquoi l’Union européenne veut-elle interdire les pantes médicinales. Qu’est-ce que c’est encore que cette histoire, me demandé-je tout en soupçonnant fortement un des ces nombreux bobards dont internet et les medias nous régalent régulièrement, notamment quand ils parlent de l’Union européenne.

    Et, vérification faite, je confirme : c’est bien un bobard. L’UE n’a pas interdit les plantes médicinales et n’envisage pas de le faire. Simplement, partant du constat de bon sens que les médicaments traditionnels à base de plantes ne sont pas anodins et qu’ils peuvent avoir des effets indésirables, l’Union européenne a estimé qu’ils devaient relever de la législation pharmaceutique communautaire, qui a pour but de « protéger la santé publique en garantissant la sécurité, l’efficacité et la qualité des médicaments». A part quelques eurosceptiques frénétiques qui dénonceront l’invasion des normes communautaires, je ne vois pas qui pourrait s’offusquer que l’UE prenne soin de notre santé. D’autant que les kamikazes qui veulent absolument utiliser des produits non garantis ni contrôlés disposent d’un moyen pour se les procurer : internet vaste territoire aux zones de non droit persistantes.

    Donc, les médicaments à base de plantes étaient logés à la même enseigne réglementaire que les autres médicaments jusqu’à ce qu’une directive adoptée en 2004 vienne simplifier la procédure d’enregistrement qui leur est applicable pour pouvoir être commercialisés dans l’Union européenne. Ce qui partait d’une bonne intention, on en conviendra puisqu’il s’agissait d’alléger les formalités pour ces médicaments, afin de tenir compte de l’ancienneté de leur usage. La procédure simplifiée prévue par la directive permet l’enregistrement de ces produits sans avoir à procéder aux essais cliniques et autres vérifications de la sécurité du produit qu’exige la procédure complète d’autorisation de mise sur le marché. Le demandeur de l’enregistrement d’un médicament traditionnel à base de plantes doit fournir une documentation démontrant l’innocuité du produit concerné dans les conditions d’emploi spécifiées et apporter la preuve d’un historique de qualité avéré du produit, en l’occurrence au moins trente années d’utilisation en toute sécurité, dont quinze dans l’Union européenne.

    Bon prince, le législateur européen avait prévu une période transitoire de 7 ans afin de donner aux producteurs et aux importateurs de médicaments traditionnels à base de plantes le temps de préparer leur documentation et de démontrer que la sécurité et l’efficacité de leurs produits sont acceptables et peuvent être commercialisés dans l’Union européenne.

    Mais à l’approche de l’échéance, le 30/04/2011 on a vu fleurir sur internet moult articles contestant la directive qui signerait l’arrêt de mort de la phytothérapie, une pétition circulant pour dénoncer l’interdiction des plantes médicinales par l'Union européenne, ce qui, évidemment, est faux, puisque, comme on l’a vu : 1 - la directive traite des médicaments à base de plantes et non des plantes médicinales 2 - elle ne prévoit pas une interdiction mais une procédure d’enregistrement, car il ne s’agit pas de faire disparaître la phytothérapie mais d’encadrer sa mise sur le marché européen.

    A qui profite ce hoax ?

    A l’industrie agroalimentaire/ phytothérapie à l’évidence. Il n’est qu’un des éléments du combat que se livrent l’industrie pharmaceutique et l’industrie de la phytothérapie. Désinformation, lobbying auprès des institutions nationales et communautaires, tout est bon aux grands groupes rivaux pour pousser leurs pions. Il savent bien qu’il y aura toujours des crédules pour servir leurs intérêts en relayant leurs arguments, même mensongers. Et le problème est là : par ses outrances, ce hoax absurde occulte les problèmes que peut poser la directive, comme le soulignent par exemple l’eurodéputée Michèle Rivasi ou encore Nature & Progrès qui, dans un communiqué intitulé « Plantes médicinales bientôt interdites dans l’UE :C’EST FAUX, ARCHI FAUX », souligne : « Cette directive fait partie d?une politique partiale et réductrice qui favorise l’hégémonie des trois cultures actuellement dominantes au niveau mondial : occidentale (officielle), chinoise et indienne (ayurvédique). Tous les remèdes qui ne sont pas reconnu depuis minimum 30 ans (15 si provenant de l’Union européenne) devront passer par des procédures, certes allégées, mais longues d’agréments. Ce sont donc les défenseurs des médecines naturelles mineures et traditionnelles (créole, tibétain, nigérien, cévenol, etc) qui seront les plus touchés par la directive, à moins de prouver avec dilligence un passé d’utilisation conséquent. Le problème c’est que dans ces sociétés à la connaissance encore fortement ancrée dans la tradition orale, il sera plus difficile de récolter des preuves ?». Par ailleurs, les opposants à la directive font aussi remarquer que le coût de l'obtention des documents nécessaires à l'enregistrement est trop élevé pour de nombreux petits producteurs.

    Quelles sont les conséquences de la nouvelle réglementation?

    La directive n’implique pas que les plantes non autorisées ne seront plus mises sur le marché. Mais, dans la mesure où elles ne répondront pas aux critères définis pour pouvoir invoquer des qualités médicinales, elles ne devront plus afficher d'indications thérapeutiques. Elles pourront toujours être mises en vente, mais seulement en tant que compléments alimentaires. Leurs allégations santé, leur efficacité et leur innocuité devront alors remplir les conditions, plus souples, posées par le règlement 1924/2006 du 20 décembre 2006concernant les allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires.

    Domaguil

  • Protection des consommateurs (1)

    Dans l’actualité communautaire chargée de ces dernières semaines, deux textes -entre autres- sont passés plutôt inaperçus. Il est vrai qu’ils n’ont pas bénéficié des talents médiatiques du duo Berlusconi-Sarkozy. Comme, je le suppose, vous n’ignorez rien à présent des tonitruantes disputes franco italiennes (je les ai moi-même évoquées, actualité oblige même s’il s’agit davantage de communication et de gesticulations que d’information), je vais donc résolument faire de la contre programmation en évoquant deux propositions  qui ont pour but de protéger les droits des consommateurs.

    La première concerne le crédit hypothécaire pour l’achat immobilier.

    A la suite de la crise américaine des subprimes (crédits immobiliers  hypothécaires à taux variables  accordés à une clientèle peu solvable , que l’on peut traduire par prêts à haut risque), l’Union européenne s’est intéressée de plus près aux règles qui régissent le crédit hypothécaire dans les états membres  Le crédit hypothécaire permet un prêt sous certaines conditions (taux, durée, etc...) qui sont inscrites dans un acte passé devant notaire et dont le remboursement est garanti par une inscription hypothécaire prise par la banque prêteuse sur le bien immobilier  dont l’achat est projeté (dans le cadre d'un prêt acquisition) ou sur tout autre bien immobilier déjà possédé. Il s’agit donc d’un contrat qui n’est pas sans risque mais qui permet à un emprunteur qui s’est vu refuser des crédits « classiques » d’obtenir un financement.

    Selon la Commission, l’UE n’est pas à l’abri des dérives : « le comportement irresponsable de certains acteurs du marché a alimenté une politique de prêt laxiste. La conséquence en est que certains citoyens européens éprouvent aujourd’hui des difficultés à honorer leurs dettes. En 2008, 16 % des ménages déclaraient avoir du mal à régler leurs factures, et 10 % faisaient état d’arriérés de paiement. Du fait de ces difficultés, les défauts de paiement et les saisies se sont multipliés ».

    Elle a donc présenté, le 31/03/2011, une proposition de directive sur « les contrats de crédit relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel ».

    La proposition  a deux objectifs. Le premier, général, qui correspond à la vocation de la Commission européenne de développer le marché intérieur est de créer les conditions favorables à un marché unique du crédit, efficient, concurrentiel, ce qui présuppose que les consommateurs reprennent confiance dans le système financier (tâche difficile). L’autre objectif de la directive étroitement liée donc au premier est de mettre fin aux pratiques « irresponsables »  et d’assurer la protection des consommateurs par des règles communes en matière de publicité, d’information précontractuelle, de conseil, d’évaluation de solvabilité de l’emprunteur et de remboursement anticipé. S’il existe déjà des règles communautaires applicables dans le domaine de la proposition (par exemple, directive 2006/114  du 12/12/2006 sur la publicité trompeuse,  directive 2005/29  du 11/05/2005 relative aux pratiques commerciales déloyales, directive 93/13  du 05/04/1993 sur les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs), elles ne permettent pas de prendre en compte les particularités du crédit hypothécaire  Quant au code de conduite volontaire relatif à l’information précontractuelle concernant les prêts au logement souscrit par les professionnels du secteur, de l’avis même de la Commission européenne « il a été mis en oeuvre de manière incohérente et peu satisfaisante » (ce qui montre les limites de ce que l’on appelle la soft law ou « droit mou » c’est à dire non contraignant, pourtant si prisé dans les pays anglo saxons).

    D’où la présentation d’une proposition spécifique au crédit hypothécaire dont les principales dispositions sont les suivantes :

    Champ d’application

    La directive proposée couvre tous les prêts octroyés aux consommateurs en vue de l’achat d’un logement, ainsi que certains prêts destinés à la rénovation. Elle couvre également tous les prêts aux consommateurs qui sont garantis par une hypothèque ou une autre sûreté comparable. Mais les états membres, peuvent ; s’ils le veulent, étendre  ce champ d’application à d’autres bénéficiaires tels que les petites et moyennes entreprises, et à des transactions portant sur des biens immobiliers commerciaux.

    Règles en matière de publicité

    L’article 7 et l’article 8 énoncent des principes généraux pour la communication publicitaire et commerciale, et définissent la forme et le contenu des informations à inclure dans la publicité. Ces informations de base porteront sur les caractéristiques essentielles de l’emprunt. Elles  incluront  un avertissement sur les conséquences, pour le consommateur, du non-respect par celui-ci de ses engagements pris aux termes du contrat de crédit.

    Toute formulation susceptible de faire naître de fausses attentes chez le consommateur concernant la disponibilité ou le coût du crédit sera interdite;

    Passeport européen des intermédiaires de crédit

    Les entreprises qui informent et assistent les consommateurs à la recherche d’un crédit hypothécaire et qui concluent quelquefois le contrat au nom du prêteur devront être agréées et enregistrées. Un système de passeport européen est créé. Il leur permettra une fois agréés dans un état de proposer leurs services dans tout le marché intérieur

    Obligations des prêteurs et des intermédiaires

    Ceux-ci devront tenir en permanence à disposition des consommateurs des informations générales sur la gamme des produits qu’ils proposent. Ils devront fournir au consommateur des informations personnalisées, sous la forme d’une fiche européenne d’information standardisée (FEIS) grâce à laquelle le consommateur pourra comparer les offres des différents prestataires. Ils devront donner des explications à l’emprunteur et respecter certaines normes en cas de prestation d’un service de conseil. Par exemple, ils devront prendre en considération un nombre suffisant de contrats de crédit existant sur le marché, et  fournir des informations correspondant au profil de l’emprunteur. Il devront également évaluer la solvabilité de ce dernier, sur la base des informations qu’il aura fournies Le prêteur sera obligé  de refuser l’octroi du prêt si les résultats de l’évaluation sont négatifs.

    Des obligations spécifiques sont imposées aux intermédiaires de crédit : ils seront tenus de publier certaines informations concernant, par exemple, leur identité, leur statut et la relation qu’ils entretiennent avec le prêteur, et de rendre public tout conflit d’intérêts potentiel.

    Droit d’information des emprunteurs

    La proposition de directive dispose qu’ils devront bénéficier d'un surcroît d’informations à tous les stades du processus conduisant à la souscription d’un emprunt, afin qu’ils puissent faire les bons choix. Le taux annuel effectif global (TAEG) applicable sera harmonisé, de manière à ce que la comparaison avec d’autres offres publicitaires soit possible. Ils auront le droit de rembourser leur emprunt avant l’expiration du contrat de crédit, à des conditions qui seront déterminées par les états mais sous réserve qu’elles ne soient pas trop pénalisantes financièrement pour l’emprunteur. En contrepartie, la proposition leur impose une obligation d’«emprunt responsable». En d’autres termes, l’emprunteur devra fournir des informations complètes et correctes pour l’évaluation de sa solvabilité.

    Recours et sanctions

    Les états devront définir des mesures administratives et des sanctions en cas de non-respect de la directive. Ils devront aussi mettre en place des organismes de résolution extrajudiciaire des litiges afin de régler les différends entre prêteurs et intermédiaires de crédit et consommateurs.

    Suite de la note

    Domaguil

     

  • Contrôle sur les compétences d'exécution de la Commission européenne

    Les nouvelles règles qui permettent aux états de contrôler la façon dont la Commission européenne exerce ses compétences d’exécution sont entrées en vigueur le 01/03/2011 (règlement n°182/2011 établissant les règles et principes généraux relatifs aux modalités de contrôle par les États membres de l'exercice des compétences d'exécution par la Commission).

    Les nouvelles procédures établies par le règlement remplacent les procédures de consultation, de gestion et de réglementation par deux procédures : une procédure consultative et une procédure d'examen.

    Elles font toujours intervenir, comme par le passé, des comités de représentants des états sous la présidence de la Commission (d'où le nom de comitologie qui était donné à l'ancienne procédure).

    La procédure d'examen s'applique aux mesures de portée générale (par exemple : modalités techniques du système de collecte en ligne des déclarations de soutien en faveur d'une initiative citoyenne européenne) et aux mesures spécifiques d’importance dans le domaine de l'agriculture, de la pêche, de l'environnement, de la santé, du commerce et de la fiscalité… En matière de politique commerciale des règles particulières s'appliquent.

    La Commission doit obtenir l’accord de la majorité qualifiée du comité pour que la mesure puisse entrer en vigueur. Si le comité s'oppose au projet à la majorité qualifiée, la Commission ne peut pas adopter le projet d'acte d'exécution. Si la mesure est jugée nécessaire, la Commission peut alors :

    - soit soumettre une version modifiée du projet d'acte d'exécution au même comité, dans un délai de deux mois,

    - soit soumettre le projet d'acte d'exécution, dans un délai d'un mois, au comité d'appel pour une nouvelle délibération. Si le comité ne rend pas d'avis, la Commission peut adopter le projet d'acte sous certaines conditions.

    La procédure consultative, moins contraignante pour la Commission, s'applique aux actes d’exécution dans les domaines qui n’entrent pas dans le champ d’application de la procédure réglementaire. Il est simplement disposé que la Commission doit tenir le plus grand compte des avis du comité qui sont adoptés à la majorité simple.

    L’innovation introduite par le traité de Lisbonne est d’avoir donné un droit de regard au Parlement européen, alors que jusque là le Conseil seul pouvait bloquer la Commission.

    Si l’acte d’exécution est destiné à permettre l’application d’une législation adoptée selon la procédure de codécision, le Parlement européen ou le Conseil peut à tout moment informer la Commission qu'il estime que l'acte d'exécution proposé excède les pouvoirs qu'ils lui ont attribués. La  Commission doit alors réexaminer le projet d'acte et décider de le maintenir, de le modifier ou de le retirer.

    En dehors des actes d'exécution, l'article 290 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) prévoit également la possibilité pour les co-législateurs de l'UE (le Conseil et le Parlement européen) de déléguer à la Commission le pouvoir de modifier ou de compléter certains éléments non essentiels des actes législatifs. Le Conseil et le Parlement européen peuvent également décider de révoquer la délégation ou de formuler des objections à l'égard d'un acte délégué de la Commission. Les objectifs, le contenu, la portée et la durée spécifiques de la délégation doivent être définis dans chaque acte de base.

    Domaguil

  • La Commission européenne s'attaque aux aides fiscales françaises à l'investissement immobilier

     

    Pour favoriser la construction de logements neufs les dispositifs fiscaux (niches) se sont succédé ces dernières années en France (amortissement Périssol, amortissement Besson, amortissement de Robien, amortissement Borloo et aujourd’hui dispositif Scellier…). Les investissements dans l'immobilier résidentiel neuf bénéficient d'un amortissement accéléré, ou de réductions d’impôt avec les résultats que l’on connaît : alléchés par l’avantage fiscal, des particuliers ont acheté sur plans des logements destinés à la location sans trop se soucier de leur localisation, de la situation du marché locatif, et autres « broutilles » qui pourtant auraient mérité un examen approfondi compte tenu de l’importance de l’investissement car acheter un logement ce n’est pas la même chose, on en conviendra, qu’acheter un écran plat…Aujourd’hui les logements vides se sont multipliés dans les villes moyennes tandis que Paris et d’autres grandes villes sont confrontés à une pénurie de logements, et des investisseurs (dés)abusés se rendent compte qu’il n’est pas possible de trouver des locataires et qu’ils vont peut-être perdre le bénéfice de la défiscalisation faute de pouvoir mettre leur bien en location.

    Et voilà que la Commission européenne s’en mêle en demandant des comptes à l’état français car elle estime que les dispositions fiscales appliquées  sont incompatibles avec la libre circulation des capitaux, dans la mesure où elles bénéficient aux achats de logements situés en France…mais pas aux investissements similaires à l'étranger, ce qui est logique du point de vue français (relancer le logement en France) mais pas du point de vue européen puisqu’un contribuable français qui investit dans le logement locatif dans un autre État de l’Union européenne ne peut bénéficier des avantages fiscaux, ce qui dissuade  les contribuables résidents d'investir dans des biens immobiliers situés à l'étranger, d’après la Commission européenne.

    Saisie par un investisseur français mécontent de ne pouvoir bénéficier des avantages fiscaux parce que le bien acheté n’était pas en France, la Commission européenne a annoncé, le 16/02/2011, l’envoi d’un avis motivé à la France. Il s’agit de la deuxième phase de la procédure d'infraction qui peut conduire, si la France maintient sa législation ou n’arrive pas à convaincre la Commission de son bien fondé, à la saisine de la Cour de Justice de l’Union européenne.

    Première bizarrerie de l’action de la Commission : elle concerne des dispositifs qui sont éteints: Périssol, de Robien, Borloo. Ces régimes  produisent toujours leurs effets sur les investissements réalisés lorsqu’ils étaient encore en vigueur, mais un acheteur qui acquiert un bien immobilier aujourd’hui ne peut en bénéficier.Deuxième bizarrerie : elle ne vise pas le dernier dispositif en date, qui, lui, est en cours : le dispositif Scellier créé par la loi de finances rectificative pour 2008. Celui-ci permet une réduction d'impôt qui peut représenter aujourd’hui jusqu'à 34% du coût de revient de l'investissement lorsque celui-ci a un caractère social.

    Question affolante pour les acheteurs: vont-ils devoir rembourser les avantages fiscaux obtenus? Non, pas du point de vue de Bruxelles qui s’intéresse seulement à la modification des dispositifs pour les rendre compatibles avec le droit communautaire. En revanche, les promoteurs ont quelques soucis à se faire sur la pérennisation des incitations sous leur forme actuelle et donc sur la possibilité de vendre des logements grâce à ces hochets fiscaux. Et pour le comprendre il faut rappeler l’argumentation juridique qui soustend l’action de la Commission européenne.

    La Cour de justice de l’Union européenne a jugé dans une affaire similaire (C-35/08, Busley, du 15 octobre 2009), que ce type de traitement fiscal discriminatoire était contraire aux règles de l'UE relatives à la libre circulation des capitaux. Dans cette affaire, la conformité au droit communautaire d’une réglementation fiscale allemande était en cause : cette réglementation permettait, notamment, au propriétaire d’un bien immobilier acquis ou construit durant une période déterminée et mis en location ensuite, de pratiquer des déductions pour amortissement diminuant d’autant les revenus locatifs imposables. Mais le bénéfice de cette mesure était conditionné au fait que le bien soit situé en Allemagne, ce que la Cour de Justice de l’Union européenne a considéré être une violation de l’article 56 du traité de la Communauté européenne (actuel article 63 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne - TFUE).  La Cour remarque en effet « que la situation fiscale d’une personne physique, résidant et intégralement assujettie en Allemagne, qui dispose, comme les requérants au principal, d’un bien immeuble dans un autre État membre est moins favorable qu’elle ne le serait si ce bien était situé en Allemagne » (considérant 26) et que « ce désavantage fiscal est susceptible de dissuader une telle personne tant de procéder à un investissement dans un bien immeuble situé dans un autre État membre que de conserver un tel bien dont elle est propriétaire » (considérant 27). Cette restriction pouvait-elle se justifier par des raisons d’intérêt général, liées à l’ordre public comme le permet le Traité ?  Le Gouvernement allemand défendait sa position en soulignant  que l’objectif de la réglementation litigieuse était d’inciter la construction de logements à usage locatif afin de satisfaire aux besoins de tels logements de la population allemande, et que cet objectif avait un caractère sociopolitique et constituait une raison impérieuse d’intérêt général. La Cour rejette l’argument en observant que la réglementation litigieuse « au lieu de cibler des endroits où la pénurie de tels logements serait particulièrement marquée…fait abstraction…des besoins différents d’une région à l’autre en Allemagne » et que, de plus « toute catégorie de logement à usage locatif, du plus simple au plus luxueux, peut faire l’objet d’un amortissement dégressif » . Dans ces conditions, conclue la Cour, « il ne saurait être présumé que les investisseurs privés, motivés notamment par des considérations financières, satisfassent à l’objectif prétendument sociopolitique de cette disposition ».

    On le voit, le précédent Busley constitue un sérieux argument pour la Commission européenne. Certes les dispositifs incriminés comportent des critères sociaux, par exemple en imposant des plafonds de loyers, ou encore en imposant la location à des ménages dont les ressources n’excèdent pas un certain montant. Mais, ces conditions ne s’appliquent pas toujours : dans le cadre du dispositif Scellier, par exemple, le plafond de ressources du locataire n’est exigé que pour bénéficier de la réduction d’impôt maximale. D’autre part, le caractère social de ces avantages fiscaux est contesté car, s’agissant des investisseurs, on remarque que ceux qui en profitent sont majoritairement des ménages déjà aisés. Quant au respect du critère de la localisation des investissements, il est également sujet à discussion. Les conditions d’attribution des avantages fiscaux ont peu à peu été aménagées pour tenir compte de zones supposées homogènes au regard de l’offre de logements. Mais ce zonage est contesté car il ne tiendrait pas compte de situations locales très diverses . Dès lors, si la demande de la Commission n’est pas de nature à inquiéter en France pour le moment, ce n’est pas pour des raisons de bien fondé juridique mais parce qu’elle  ne concerne que des dispositifs obsolètes. En revanche, la situation sera toute autre si  les mesures Scellier qui sont les continuatrices des dispositifs antérieurs se trouvent dans le collimateur de Bruxelles (la Commission a annoncé qu’elle était en train d’en étudier les dispositions). Comme on l’a vu, elle ne sont pas exemptes de failles au regard des règles communautaires et de la jurisprudence Busley. Leur pérennité ou leur reconduction (le dispositif doit disparaître en principe fin 2012) pourrait donc être menacée.

    Plus largement, c’est le mécanisme des incitations fiscales à l’investissement immobilier qui pourrait être mis à mal en dissuadant le gouvernement de donner un successeur au dispositif Scellier. Il y serait d’autant moins enclin qu’en cette période d’économies budgétaires, l’action de la Commission européenne lui donne un argument pour supprimer une niche fiscale. 

    Domaguil