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monopole - Page 2

  • Le monopole de distribution du Livret A contesté par la Commision européenne

    A la suite d’une plainte de plusieurs banques françaises, la Commission européenne avait ouvert une enquête en juin 2006 pour savoir si le monopole de distribution des livret A et bleu accordé en France à la Poste, aux Caisses d’Epargne et au Crédit mutuel constituait un avantage concurrentiel contraire aux règles du droit communautaire de la concurrence (pour plus de détails, voir la note que j’avais rédigée à l ‘époque:

     La Commission européenne enquête sur le livret A et le livret bleu ).

     

     

    L’annonce de l’ouverture de la procédure avait été accueillie avec satisfaction par les banques et de façon concomitante, par un concert de protestations des organismes HLM et de divers syndicats qui se disaient inquiets pour l’avenir du Livret A.

     

     

    La Commission européenne avait pourtant précisé que l’existence du  livret A (et celle du livret bleu) n’était pas menacée mais seul le droit exclusif de le distribuer. En d’autres termes, il n’était pas question de mettre à mal  l’exception française que constitue l’épargne administrée et de contester ses finalités sociales, mais de mettre fin au « privilège injustifié » (selon les banques plaignantes) dont bénéficieraient les organismes qui le distribuent. Mais comme le petit berger qui avait trop crié au loup pour être cru,  la Commission avait beau expliquer, elle n‘était pas entendue. Car, on nous le répète assez, les technocrates qui la composent n’ont qu’une obsession : détruire notre beau modèle social et toutes leurs dénégations sont autant de manipulations pour couvrir leurs sombres desseins (bien entendu, je plaisante : je précise pour ceux qui seraient tentés de prendre ces lignes au premier degré).

     

     

    Donc, dans ce climat de méfiance exacerbée, et après une campagne présidentielle très cocardière dans laquelle l’Europe a endossé une fois de plus le rôle du croquemitaine, voilà que la Commission européenne, à peine le nouveau Président élu et juste revenu de croisière, en « rajoute une couche » en annonçant le 10 mai, qu’elle donne neuf mois à la France pour supprimer le monopole de distribution des livrets A et bleu. Car, après examen, la Commission s’est avisée qu’effectivement, « les droits spéciaux de distribution en cause constituent une restriction incompatible avec le droit communautaire et ne sont pas indispensables pour assurer de manière satisfaisante les deux services d’intérêt économique général invoqués par les autorités françaises, à savoir le financement du logement social et l’accessibilité aux services bancaires de base ». Mais elle ajoute : « La modification demandée du mode de distribution des livrets A et bleu ne remet pas en cause les missions d’intérêt général qui y sont attachés et n’implique aucun changement défavorable dans le fonctionnement de ces livrets pour les particuliers ».

     

     

    Mon petit doigt me dit que cette précision n’empêchera pas que s’élèvent des cris d’indignation contre cette odieuse libéralisation qui porte un nouveau coup au système social, contre cette marchandisation à outrance qui va tondre les petits épargnants, contre cette Europe sans âme qui avantage les seuls financiers …Dans un appel à signature de septembre 2006, l' Intersyndicale du secteur semi-public économique et financier dénonçait déjà la « banalisation » de la distribution du livret A.

     

     

    Les syndicats font valoir que les banques ayant pour vocation de faire des bénéfices, elles se serviront du livret comme produit d’appel pour ensuite orienter les épargnants vers des placements maison plus rémunérateurs, ce qui sera certes plus avantageux pour les clients mais qui diminuera d’autant les fonds affectés au logement social. Pas du tout rétorquent les banques qui jurent que la libéralisation va au contraire relancer la construction des logements sociaux en multipliant les canaux de distribution du livret A.

     

     

    Pour sa part, la Caisse des dépôts et des consignations n’est pas convaincue par ces protestations. Cet établissement public centralise l’épargne collectée par le biais du livret moyennant le versement d’une commission aux établissements qui le distribuent. Il utilise ensuite les fonds pour prêter de l'argent aux organismes HLM Dans une note du 27/09/2006, la Caisse exprime sa préoccupation devant un risque de tarissement du financement du logement social et demande au Gouvernement « de faire tout ce qui est en son pouvoir » pour l’éviter. La question posée est de savoir si les politiques de construction de logements sociaux, faute de pouvoir s’adosser à l’épargne populaire, devraient à l’avenir se tourner soit vers l’impôt, soit vers l’emprunt avec dans ce dernier cas la perspective d’un renchérissement des coûts. Et il serait paradoxal que la construction de logements sociaux soit compromise alors que le droit au logement opposable récemment voté par le Parlement la confirme au contraire comme un objectif prioritaire. La question mérite donc d’être étudiée. Mais dénoncer l’ « ultimatum » de la Commission européenne n’est pas la réponse.

     

     

    Le second argument, étroitement lié au premier, avancé par les adversaires de la libéralisation est le risque de voir disparaître le dispositif de centralisation de l’épargne par la Caisse de consignation. Pourtant, la Commission européenne ne le met nullement en cause et l’état français pourra  imposer aux banques assurant la distribution du livret A la même obligation de centralisation intégrale des fonds collectés à la Caisse des dépôts (comme le rappelle le communiqué de la Commission).

     

     

    Enfin, les syndicats  soulignent que le Livret A est le refuge d’une clientèle aux ressources limitées et contribue ainsi à la cohésion sociale en évitant l’exclusion bancaire. Attendre des banquiers qu’ils s’acquittent spontanément de cette mission serait pour le moins irréaliste, c’est un fait. Mais qu’est ce qui empêchera l’état d’imposer des obligations de service public aux banques qui voudront distribuer les livrets, en contrepartie de cette possibilité ? Et notamment de les obliger à accepter tous les clients, sans discrimination, comme c'est le cas aujourd'hui à la Banque postale ?

     

     

    La fin du monopole de distribution du livret A n’aura pas inéluctablement les conséquences néfastes prédites par les cassandre syndicales. Tout dépendra de la façon dont les autorités français la mettront en œuvre, donc de choix politiques nationaux et non communautaires. En revanche, le sort de la Banque postale semble évidemment plus incertain car son activité dépend en grande partie du livret A.

     

     

    Quelle sera la position de Nicolas Sarkozy dans ce dossier? C’est la dernière question posée avec gourmandise par les medias.

     

     

    Le Ministère des finances du futur ex Gouvernement a, quant à lui, annoncé qu’un recours devant la Cour de Justice des Communautés européennes pour obtenir l'annulation de la décision de la Commission était prévisible. Il reste à savoir si cette annonce sera confirmée par ses successeurs.

     

    Domaguil

     

     

  • Libre circulation et soins de santé dans l’Union européenne

    La Commission européenne a annoncé, le 05/09/2006, qu’elle va lancer une consultation publique sur la création d’un « cadre communautaire des services de santé ». Selon le commissaire européen chargé de la santé et de la protection des consommateurs, M.Kyprianou, il s’agit de « mettre sur pied un cadre  communautaire garantissant la sécurité, la qualité et l'efficacité des services de santé ».

     

     

     

    L’objectif est de clarifier les règles du jeu applicables lorsqu’un ressortissant de l’Union européenne  va se faire soigner dans un autre pays membre que le sien. Ces règles sont posées par le règlement 1408/71 sur la coordination des régimes de sécurité sociale et par la jurisprudence qu’a bâtie la Cour de Justice des Communautés européennes dans l’interprétation de ce texte.

     

     

     

    La Cour a progressivement élargi le principe de la liberté pour les particuliers de se faire soigner dans le pays de leur choix en se faisant rembourser les frais par leur caisse d’affiliation. En particulier, elle a réduit la portée de l’article 22 du règlement qui dispose qu’avant d’aller se faire soigner dans un autre pays, le particulier doit obtenir l’autorisation de la caisse dont il relève (formulaire E-112), accord qui détermine la prise en charge du coût des soins (concrètement, la caisse du pays des soins se  fait directement rembourser les frais par la caisse du pays d’affiliation). L’article 22 précise que l’autorisation peut être refusée lorsque le traitement  est possible dans l’état membre de résidence, sauf s’il ne peut être dispensé dans un délai « normalement nécessaire » compte tenu de l’état de la maladie et de son évolution probable. Cette exception a été interprétée par la Cour dans un sens favorable aux patients et dans un arrêt récent elle a donné raison à une britannique qui était allée se faire poser une prothèse de hanche en France. Comme elle n’avait pas l’autorisation de la caisse d’assurance maladie, elle avait du s’acquitter du coût de l’opération et des soins et une fois revenue en Grande Bretagne en avait demandé  le remboursement à sa caisse d’assurance maladie qui avait rejeté sa demande. A tort, a estimé la Cour de Justice qui a jugé que le délai d’attente en Grande Bretagne était trop important, que l’autorisation ne pouvait donc pas être refusée et que la patiente était dans son droit (CJCE, 16/05/2006,  aff.C-372/04, The Queen, à la demande d'Yvonne Watts / Bedford Primary Care Trust and Secretary of State for Health).

    Car, rappelle la Cour, les soins de santé relèvent du champ d’application des règles communautaires sur la libre prestation des services et  tout obstacle à cette liberté non justifié (par l’intérêt général ou l’ordre public) doit être censuré. Peu importe le mode de fonctionnement du système national, et la disparité de coûts des traitement d’un état à l’autre. Il incombe, dit la Cour, au service national de santé « de prévoir des mécanismes de prise en charge financière de soins hospitaliers prodigués dans un autre État membre à des patients auxquels ledit service ne serait pas en mesure de fournir le traitement requis dans un délai médicalement acceptable » (point 122). Le patient qui a été autorisé à recevoir un traitement hospitalier dans un autre État membre ou qui a essuyé un refus d’autorisation non fondé,  "a droit à la prise en charge par l’institution compétente du coût du traitement selon les  dispositions de la législation de l’État de traitement, comme s’il relevait de ce dernier »(130).

     

     

     

    La jurisprudence de la Cour dont l’arrêt Watts est le dernier développement pose un certain nombre de questions sur ses implications pratiques. Car, on le voit, elle fait prévaloir le principe de liberté, ce qui conduit à réduire le système d’autorisation préalable à une peau de chagrin. Devant le risque que cette interprétation fait peser sur les caisses de sécurité sociale, les gouvernements et les députés européens ont demandé à la Commission de leur proposer une législation. Mais encore faut-il au préalable répondre à des questions diverses. Doit-on définir des normes ou droits minimaux communs sur lesquels les citoyens peuvent compter dans le domaine des soins de santé, quel que soit le pays de l’Union où les soins sont dispensés ? Quelles sont  les conditions d’octroi ou de refus des autorisations ? Comment concilier les droits individuels et les restrictions collectives, tant pour les patients (par exemple : cas où les soins à l’étranger sont soumis à autorisation) que pour les professionnels (par exemple : limitations de la liberté d’établissement, obligations professionnelles telles que la

    prescription de médicaments génériques) ? Comment les patients ou professionnels peuvent-ils trouver, comparer ou choisir des prestataires de soins dans d’autres pays ? Comment assurer la continuité des soins une fois le patient rentré chez lui? Faut-il créer des pôles d’excellence médicaux au niveau européen ?  Comment dédommager les malades victimes d’erreur médicale?

     

     

     

    D’où l’annonce d’une consultation publique pour permettre à chacun de donner son avis et ses propositions sur ce que pourrait être un futur  cadre communautaire.

     

     

     

    Dans un premier temps, les prestations de soins de santé avaient été incluses dans la proposition de directive sur la libéralisation des services dans le marché intérieur (ex proposition Bolkestein) (voir le dossier consacré à cette proposition sur le site eurogersinfo). On se souvient du tir de barrage opposé à cette proposition qui a conduit à la modifier profondément, une des modifications étant que les soins de santé ont été retirés  de son champ d’application. (article 2 de la dernière version de la proposition) . La Commission européenne avait alors annoncé qu’elle présenterait des communications spécifiques sur les services sociaux d’intérêt général (régimes légaux de protection sociale, logement….également retirés de la directive sur les services), ce qu’elle a fait le 26/04/2006  pour conclure qu’il n’y avait pas d’urgence à prendre une réglementation européenne en la matière, et sur les services de soins de santé objets de la consultation annoncée le 05/09/2006.

     

     

     

    On le constate, la Commission fait une distinction explicite entre les actes de soins et l’organisation des régimes de sécurité sociale qui restent hors de la compétence communautaire. Car les compétences en matière d’organisation et de financement des soins de santé appartiennent aux états membres. "L’accès des personnes aux soins relève naturellement de la responsabilité des États membres en matière de systèmes de soins et d’assurance santé. Les droits régis par le droit communautaire portent principalement sur le remboursement des soins de santé fournis dans un autre État membre », rappelle la Commission dans sa communication du 20/04/2003 sur la mobilité des patients et l'évolution des soins de santé dans l'Union européenne.

     

     

     

    Ce qui n’empêche pas certains de crier au loup, de s’inquiéter d’une menace sur les systèmes sociaux européens et de dénoncer une marchandisation de la santé . Et ceci de surcroît, à propos de l’annonce d’une simple consultation publique qui permettra de faire un point de la situation et aux citoyens de donner leur avis sur une éventuelle  future réglementation européenne en la matière.

     

     

    Le malentendu (ou l'intox) sur l’Union européenne n’est pas prête de disparaître.

     

     

     

    J’en veux pour preuve la campagne menée par Claude Reichman, défenseur de thèses ultra libérales et notamment adversaire du monopole de la sécurité sociale, contre lequel il mène une véritable croisade en prétendant  que le droit communautaire a fait disparaître ce monopole et que tout un chacun d’entre nous pourrait arrêter de payer ses cotisations à la sécu pour aller s’assurer ailleurs. Je reviendrai sur ce sujet dans un prochain billet.  

     

     Domaguil