La nouvelle Constitution hongroise adoptée sous l'impulsion du gouvernement nationaliste et conservateur de Viktor Orban n'en finit pas de provoquer des remous, tout comme certaines lois votées dans ce pays. Le problème n'est pas nouveau et a déja été dénoncé notamment à l'occasion de l'arrivée de la Hongrie à la Présidence semestrielle de l'Union européenne, en janvier 2011.
Dans un communiqué du 11/01/2012, la Commission européenne exprime ses doutes sur la compatibilité de certains de ses textes avec le droit de l'Union européenne. En décembre dernier des lettres ont été envoyées par le Président de la Commission, Barroso, et les Vice-Presidents Reding, Kroes and Rehn aux autorités hongroises.
Au terme de l'analyse par ses services juridiques actuellement en cours et qui devrait être rendue publique le 17/01, la Commission pourrait lancer des procédures d'infraction sur la base de l'article 258 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne pour non conformité d'une série de dispositions concernant l'indépendance de la banque centrale (non assurée), l'éviction de nombreux juges et procureurs (par le passage à 62 ans ans au lieu de 70 ans pour la fin de leurs fonctions), l'insuffisante indépendance de l'autorité chargée de la protection des données.
La Commission se déclare "prête à faire pleinement usage de ses prérogatives pour garantir le respect par les états des obligations auxquelles ils ont souscrites en adhérant à l'Union", et notamment celui des valeurs et de l'état de droit. Elle rappelle aussi qu'un environnement légal stable fondé sur la règle de droit, qui inclut notamment le respect de la liberté des medias, des principes démocratiques et des droits fondamentaux est également la meilleure garantie de la confiance des citoyens et des investisseurs, ce qui est particulièrement "vital" en période de crise économique. Une façon de rappeler la situation délicate des finances publiques hongroises très tributaires des financements extérieurs et de l'aide de ses partenaires européens.
L'admonestation de la Commission intervient en effet le même jour où elle rend publiques ses conclusions sur les déficits excessifs dans différents pays membres, la Belgique, Chypre, Malte, la Pologne et la Hongrie, conformément aux nouvelles règles du pacte de stabilité et de croissance renforcé, qui font partie du paquet sur la gouvernance économique (le «six-pack») entré en vigueur le 13 décembre 2011. Si les quatre premiers ont engagé des mesures suivies d'effets pour corriger leurs déficits, souligne-t-elle, en revanche, les mesures prises par la Hongrie sont insuffisantes. La Commission propose donc de passer au stade suivant de la procédure pour déficits excessifs, tel que prévu par l'article 126 du traité de l'Union européenne, et recommande que le Conseil adopte une décision constatant que la Hongrie n'a pas engagé d'action efficace pour ramener durablement le déficit en dessous de 3 % du PIB. Si cette décision est prise, la Commission proposera ensuite au Conseil d'adresser de nouvelles recommandations à la Hongrie pour mettre fin à sa situation de déficit public excessif.
De leur côté, les députés membres de la commission des libertés civiles du Parlement européen, ont condamné les lois hongroises lors d'un débat du 11/01/2012. Ils ont rapplelé que la Hongrie n'en est pas à son coup d'essai: l'an dernier, la loi hongroise sur les medias avait déja été très contestée. Elle a été révisée, mais de l'avis de certains parlementaires, il s'agit de “changements cosmétiques”. D'autres ont mis en cause la loi sur les églises et la loi électorale dont ils redoutent qu'elle baillonne les partis d'opposition.
Outre la procédure d'infraction, que peut faire l'Union européenne?
En cas de violation grave des principes de l'état de droit, il n'est pas possible d'évincer un état de l'Union européenne (le traité permet seulement le retrait volontaire) mais des sanctions sont possibles. Elles peuvent aller jusqu'à la suspension des droits de vote.
L'article 7 du traité sur l'Union européenne dispose:
"1. Sur proposition motivée d'un tiers des États membres, du Parlement européen ou de la Commission européenne, le Conseil, statuant à la majorité des quatre cinquièmes de ses membres après approbation du Parlement européen, peut constater qu'il existe un risque clair de violation grave par un État membre des valeurs visées à l'article 2. Avant de procéder à cette constatation, le Conseil entend l'État membre en question et peut lui adresser des recommandations, en statuant selon la même procédure.
Le Conseil vérifie régulièrement si les motifs qui ont conduit à une telle constatation restent valables.
2. Le Conseil européen, statuant à l'unanimité sur proposition d'un tiers des États membres ou de la Commission européenne et après approbation du Parlement européen, peut constater l'existence d'une violation grave et persistante par un État membre des valeurs visées à l'article 2, après avoir invité cet État membre à présenter toute observation en la matière.
3. Lorsque la constatation visée au paragraphe 2 a été faite, le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, peut décider de suspendre certains des droits découlant de l'application des traités à l'État membre en question, y compris les droits de vote du représentant du gouvernement de cet État membre au sein du Conseil. Ce faisant, le Conseil tient compte des conséquences éventuelles d'une telle suspension sur les droits et obligations des personnes physiques et morales“.
C'est une procédure lourde à laquelle les états seront sans doute tentés de préférer le recours à l'arme financière en coupant le robinet des aides, alors que la Hongrie a besoin de financements.
Domaguil