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travailleurs

  • Les travailleurs détachés, "cheval de Troie" du dumping social dans l'Union européenne ?

     

    La libre prestation de services est une des composantes de la libre circulation des services, une des quatre libertés attachées au marché intérieur européen (libre circulation des marchandises, libre circulation des travailleurs, des services et des capitaux). Elle est consacrée dans l'article 56 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).

    Elle signifie notamment qu'un prestataire de services établi dans un pays de l'Union européenne a le droit de détacher temporairement des travailleurs dans un autre pays membre pour y prester un service. En raison du caractère temporaire du détachement, la relation de travail entre l'entreprise et ses employés reste alors régie par le droit du pays d'envoi et non par celui du pays où s'effectue la prestation (pays d'accueil).

    L'intérêt de cette liberté de prester des services dans d'autres pays de l' UE est qu'elle offre aux clients un plus grand choix de prestataires et qu'elle peut être une solution aux pénuries de main d' oeuvre que connaissent certains secteurs. Mais elle ouvre aussi la voie au dumping social, en confrontant les entreprises et les travailleurs locaux à la concurrence déloyale de prestataires de pays où les règles de protection des travailleurs comme les règles en matière de cotisations sociales sont moins exigeantes, ce qui permet de casser les prix et de contourner les droits des travailleurs.

    En termes quantitatifs, selon les chiffres donnés par la Commission européenne, on estime à environ un million le nombre de travailleurs qui sont détachés chaque année par leurs employeurs dans un autre pays de l’Union pour des prestations de services (soit 0,4 % de la main-d’oeuvre de l’UE). Les pays d'où sont originaires ces travailleurs sont essentiellement la Pologne, l'Allemagne, la France, le Luxembourg, la Belgique et le Portugal. Les secteurs économiqes les plus concernés sont la construction, l’agriculture ou les transports. Mais le détachement est également utilisé de façon importante dans la prestation de services très spécialisés, comme les technologies de l’information, par exemple.

    L'adoption de la directive 96/71 du 16/12/1996 concernant le détachement de travailleurs avait pour but d'éviter l'écueil de la concurrence déloyale et du « moins disant social » en formulant un socle de règles impératives en vigueur dans le pays d’accueil qui doivent s’appliquer aux travailleurs détachés. Cet ensemble de règles oblige l'employeur des travailleurs détachés à respecter pendant la période de détachement certaines règles protectrices du pays d’accueil résultant soit de la législation soit de conventions collectives déclarées d'applicationgénérale soit de « dispositions d’ordre public » qui englobe des règles jugées fondamentales par le pays.

    L'application de cette directive n'est pas allée sans déceptions et interrogations quant à sa portée et à son efficacité. C'est l'argument de la Commission européenne pour justifier une révision du texte.

    Mais pour les syndicats de travailleurs, fédérés au niveau européen dans la Confédération européenne des Syndicats (CES) ce n'est pas tant la directive qui est en cause que la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne relative à la façon dont les droits sociaux fondamentaux et le principe de libre prestation s'articulent...ou s'opposent. Différentes décisions de la Cour (les arrêts Laval, Viking, Rüffert et Commission/Luxembourg) ont en effet semé le trouble.

    C'est pour dissiper les doutes soulevés notamment par cette jurisprudence que la Commission européenne a présenté le 21/03/2012 une série de propositions sur les droits des travailleurs détachés dans l'Union européenne. Elles ont été accueillies avec scepticisme par les syndicats de travailleurs qui les jugent insuffisantes pour lutter contre le dumping social.

     La suite du dossier consacré aux propositions, à la jurisprudence de la Cour de justice et aux réactions et critiques suscitées se trouve sur le site eurogersinfo

     

    Domaguil

     

  • Aide du Fonds européen d'ajustement à la mondialisation aux travailleurs licenciés par Renault: ça coince

     

    En juillet 2011, la Commission européenne avait décidé d'octroyer une aide du Fonds européen d'ajustement à la mondialisation à des travailleurs licenciés par Renault.

    En octobre, la commission des budgets du Parlement européen avait bloqué la demande de Renault, en raison de l'opposition des députés de gauche, dans l'attente d'explications sur le sort des travailleurs ayant participé au plan de départs volontaires de Renault entré en vigueur après la demande d'aide du FEM, dont les eurodéputés craignaient qu'ils soient lésés. Cette déconvenue pour Renault, dénoncée de façon virulente par l'UMP, pose la question de l'étendue du contrôle sur les aides octroyées et de leur finalité : faut-il sanctionner une entreprise considérée comme "socialement irresponsable" au besoin en prenant quelques libertés avec les règles d'intervention du FEM?

    Le 23/11/2011, la commission des budgets a annoncé qu' "après avoir reçu les informations demandées et des assurances" elle avait décidé d'approuver l'aide qui devrait s'élever à 24,5 millions d'euros. 3582 salariés de Renault et de sept de ses fournisseurs sont concernés. Le Parlement européen aurait du l'adopter en plénière le 01/12. Mais la question n'a pas été inscrite à l'ordre du jour.

    Pour ceux que cela intéresse, plus de détails dans  l'article sur le site eurogersinfo.

    Domaguil

     

  • Restrictions à la libre circulation des travailleurs en Espagne

    La liberté de circulation dans l’Union européenne n’est pas un droit absolu. Elle peut être restreinte de manière générale, pour des raisons tenant à la préservation de l’ordre public notamment, et de façon plus ponctuelle, par exemple lorsque la situation du marché du travail d’un pays justifie que celui-ci restreigne l’accès à l’emploi à des ressortissants étrangers (clause de sauvegarde). Ainsi la Commission européenne a-t-elle annoncé le 11/08/2011 qu’elle autorisait l’Espagne à restreindre l’accès des travailleurs roumains à son marché du travail jusqu’au 31 décembre 2012, « du fait de graves perturbations dans ce domaine », explique la Commission.

    On le sait la situation économique de l’Espagne n’est guère florissante : son PIB a chuté de -3,9 % entre 2008 et 2010, ce qui a eu pour conséquence un taux de chômage très important, dépassant qui dépasse 20 % depuis mai 2010. Pourquoi les travailleurs roumains sont-ils visés ? Parce que, selon l’analyse de la Commission européenne, les roumains résidant en Espagne sont fortement touchés par le chômage (30 % d’entre eux sont sans emploi) : 191 400 roumains étaient sans emploi au premier trimestre 2011 (80 100 en 2008), ce qui représente le nombre de chômeurs le plus élevé après celui des citoyens espagnols. Parallèlement, le nombre de ressortissants roumains venant travailler en Espagne est resté très important.

    Si l’Espagne a largement ouvert ses portes aux travailleurs d’autres pays de l’UE et en particulier aux travailleurs des nouveaux pays membres, cette ouverture n’est donc plus de mise. Le 28 juillet 2011 les autorités espagnoles ont demandé l’activation de la clause de sauvegarde en alléguant« la situation critique en matière d’emploi et la grande complexité de l’environnement financier » avec suffisamment de preuves pour convaincre la Commission européenne pourtant habituellement peu encline à tolérer des obstacles à la libre circulation. Sans doute celle-ci a t-elle également tenu compte du fait que même en mettant en oeuvre ces restrictions, l’Espagne « demeurera… plus ouverte aux travailleurs originaires des nouveaux États membres que certains autres pays de l’UE ». Les restrictions ne s’appliquent pas auxressortissants roumains qui sont « déjà actifs » sur le marché du travail espagnol (employés ou enregistrés comme demandeurs d’emploi). La Commission européenne rappelle qu’elle « suivra de près la situation en Espagne et aura la possibilité de modifier ou de révoquer sa décision à tout moment si elle le juge opportun ».

    Domaguil

     

  • Quand le droit communautaire vient au secours des syndicats de GDF

    Il y a quelques jours encore, la fusion Gaz De France-Suez avant la fin de l’année semblait une certitude à en croire les propos enthousiastes des Directions des deux entreprises et du Ministère des Finances français. Après l’aval donné par la Commission européenne au projet de fusion, rien ne semblait plus faire obstacle à ce mariage annoncé à grande pompe.

     

     

    Las ! Voilà que le comité d’entreprise européen de GDF gâche la fête promise et joue les trublions en obtenant le report de la fusion au motif que l’information des travailleurs n’a pas été correctement assurée par la Direction qui semblerait avoir un peu légèrement oublié ce « détail ».

     

     

    L’irruption de ce nouvel acteur dans le feuilleton qui se joue depuis plusieurs mois n’aurait pas été possible sans la directive européenne 94/45 du 22 septembre 1994 qui est l’acte fondateur des comités d’entreprise européens ( directive étendue au Royaume- Uni en 1997).

     

     

    Afin d'améliorer le droit à l'information et à la consultation des travailleurs dans les entreprises et les groupes d'entreprises de dimension communautaire, la directive prévoit la possibilité de créer  un comité d'entreprise européen ou une procédure d'information et de consultation. Les entreprises ou groupes concernés sont ceux  qui emploient 1 000 travailleurs au moins dans l'ensemble des états membres et, dans deux pays au moins, un minimum de 150 travailleurs dans chacun de ces pays. La décision de créer un comité résulte soit d’une initiative de la direction centrale soit d’une demande écrite de 100 salariés ou de leurs représentants relevant d'au moins deux entreprises présentes dans au moins deux états membres. Un groupe de négociation est désigné par les salariés afin de discuter avec la direction de l’accord qui déterminera le champ d'action, la composition, la compétence et la durée du mandat du  comité d'entreprise européen.

     

     

    L’information et la consultation prennent des formes diverses et au minimum obligent la direction à faire un rapport annuel sur l'évolution des activités du groupe ou de l’entreprise et ses perspectives : situation économique et financière, investissements, changements substantiels concernant l'organisation, introduction de nouvelles  méthodes de travail ou de nouveaux procédés de production, transferts de  production, réduction de la taille ou la fermeture d'entreprises, licenciements collectifs, fusions... Le rapport est discuté en réunion avec le comité d’entreprise européen. Celui-ci doit être également informé en cas de  « circonstances exceptionnelles » affectant « considérablement » les intérêts des travailleurs.

     

     

    Des accords de comités d'entreprise européens ont ainsi été conclus dans environ 700 sociétés ou groupes. Ils concernent quelques 11 millions de travailleurs et 10.000 de leurs représentants (selon les informations données par la Commission européenne).

     

     

    GDF, pour le malheur de sa Direction ( !) est doté d’un Comité d'entreprise européen.

     

     

    Réuni le 15 novembre 2006 pour donner son avis sur le projet de fusion GDF-Suez, celui-ci  a jugé insuffisantes les réponses de la Direction à ses questions sur les conséquences sociales de la fusion. Il a donc voté une résolution dénonçant « l’insuffisance flagrante d’informations » et demandant une expertise sociale sur le domaine de l'emploi. Et devant le refus de la Direction de reporter le Conseil d’administration du 22/11 qui devait entériner la fusion, il a saisi illico le juge des référés (procédure d’urgence)  pour obtenir le délai nécessaire à la réalisation de l’expertise et donc, le report de la réunion du Conseil d’administration.

     

     

     

    Le Comité se fondait notamment sur la  directive 94/45 ainsi que sur la directive 2002/14 du 11 mars 2002 établissant « un cadre général relatif à l'information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne ».

     

     

    Cette argumentation a convaincu le juge des référés qui a ordonné le report du Conseil d’administration de Gaz de France SA et interdit à la Société  de prendre toute décision relative au projet de fusion  tant que le comité d’entreprise européen n’aura pas donné son avis, sous peine d’astreinte de 100 000 euros. La décision a été ensuite confirmée, le 22/11,  par la Cour d’Appel de Paris devant laquelle la Direction de GDF avait formé un recours.

     

     

    En vertu de ces décisions, une nouvelle réunion du Comité d’Entreprise Européen de GDF devra être organisée après le dépôt du rapport d’expertise. Toute décision est gelée avant que le Comité n’ait été consulté sur la base d’informations complètes.

     

     

    Déçus par le vote de l’Assemblée nationale, peu suivis par les salariés, les syndicats reçoivent donc le renfort inattendu du droit communautaire et il est assez savoureux de voir la CGT, dont on connaît l’europhilie  très modérée, clamer sa satisfaction ( Déclaration du 23/11/2006 « Premier succès contre la fusion Suez-Gaz de France : un encouragement aux luttes »). Mais il est vrai qu’en experte de la langue de bois elle préfère évoquer « une victoire importante, émanant de la mobilisation des salariés »  plutôt que les textes européens !

     

     

    Du côté de la Direction de GDF on fait grise mine. Reporté, le projet de fusion semble fragilisé puisque les conditions imposées par la justice repoussent les délais à février ou mars prochain soit peu de temps avant l’élection présidentielle et avec le risque de voir ce dossier se politiser.

     

     

     

    Il reste encore une question : à quoi a servi l’aéropage d’avocats et d’éminents juristes d’affaires  penchés sur le berceau de la fusion et certainement grassement rétribués ?  Comment les obstacles juridiques n’ont-ils pas été anticipés? Je conseille, sans frais, à la Direction de GDF de négocier une baisse des honoraires !

     

    Domaguil