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Aides

  • Le Président du Tribunal de l'UE à la rescousse de la Grèce malmenée

     

    Non, l'univers des institutions européennes n'est pas toujours impitoyable! En témoigne l'ordonnance du Président du Tribunal de l'Union européenne du 20/09/2012.

    Par cette ordonnance, le Président du Tribunal suspend l’exécution de la décision de la Commission qui exigeait la récupération de 425 millions d’euros auprès des agriculteurs grecs, car elle considère que ces aides versées pour compenser des dommages survenus à la suite de mauvaises conditions climatiques sont des aides d'état illégales puisque contraires aux règles du droit communautaire de la concurrence.

    La Grèce a fait un recours en annulation de la décision de la Commission le 08/02/2012 et le 18/05/2012, elle a introduit une demande en référé pour obtenir le sursis à l’exécution de la décision de la Commission jusqu’au prononcé de l’arrêt au fond du Tribunal.

    Par son ordonnance, le président du Tribunal accepte donc la demande de la Grèce. D'une part, les moyens invoqués pour demander l'annulation de la décision de la Commission sont suffisamment pertinents et sérieux pour justifier à première vue en fait et en droit la suspension de cette décision. D'autre part, il existe une urgence "eu égard à la situation financière générale extrêmement difficile que connaît la Grèce". La "collecte forcée en masse" des sommes litigieuses empêcherait, dans une mesure appréciable, l’administration fiscale de se consacrer à une de ses tâches prioritaires consistant à lutter contre l’évasion fiscale et à collecter des sommes soustraites à l’impôt près de cent fois supérieures aux paiements litigieux. De plus, ajoute le Président du tribunal, la perte de confiance des citoyens grecs à l'égard des pouvoirs publics, le mécontentement généralisé et le sentiment d’injustice, qui se traduisent par l'augmentation des manifestations violentes contre les mesures d’austérité draconiennes prises par les pouvoirs publics grecs fait craindre que la récupération immédiate des aides contestées dans le secteur agricole entier puisse déclencher des manifestations susceptibles de dégénérer en violences. Ce risque n'a rien d'hypothétique et la perturbation de l’ordre public qui en résulterait causerait un préjudice grave et irréparable.

    C'est pourquoi le président du Tribunal a estimé que dans la situation économique et sociale exceptionnelle que connait la Grèce, il faut reconnaître que la préservation de la paix sociale et la nécessité de concentrer les efforts de l'administration fiscale sur les missions qu’elle considère comme primordiales pour le pays sont des intérêts qui priment sur toute autre considération, et en l'occurence, sur les intérêts financiers de l'Union.

    Voila comment la justice européenne fait une analyse du chaos grec que ne renieraient certainement pas ceux qui dénoncent les méfaits des politiques d'austérité. Par comparaison la Commission a, une fois de plus, le mauvais rôle.

    TUE, 20/09/2012, Ordonnance du Président du Tribunal dans l'affaire T-52/12 R, Grèce / Commission

    Domaguil

  • La Commission européenne s'attaque aux aides fiscales françaises à l'investissement immobilier

     

    Pour favoriser la construction de logements neufs les dispositifs fiscaux (niches) se sont succédé ces dernières années en France (amortissement Périssol, amortissement Besson, amortissement de Robien, amortissement Borloo et aujourd’hui dispositif Scellier…). Les investissements dans l'immobilier résidentiel neuf bénéficient d'un amortissement accéléré, ou de réductions d’impôt avec les résultats que l’on connaît : alléchés par l’avantage fiscal, des particuliers ont acheté sur plans des logements destinés à la location sans trop se soucier de leur localisation, de la situation du marché locatif, et autres « broutilles » qui pourtant auraient mérité un examen approfondi compte tenu de l’importance de l’investissement car acheter un logement ce n’est pas la même chose, on en conviendra, qu’acheter un écran plat…Aujourd’hui les logements vides se sont multipliés dans les villes moyennes tandis que Paris et d’autres grandes villes sont confrontés à une pénurie de logements, et des investisseurs (dés)abusés se rendent compte qu’il n’est pas possible de trouver des locataires et qu’ils vont peut-être perdre le bénéfice de la défiscalisation faute de pouvoir mettre leur bien en location.

    Et voilà que la Commission européenne s’en mêle en demandant des comptes à l’état français car elle estime que les dispositions fiscales appliquées  sont incompatibles avec la libre circulation des capitaux, dans la mesure où elles bénéficient aux achats de logements situés en France…mais pas aux investissements similaires à l'étranger, ce qui est logique du point de vue français (relancer le logement en France) mais pas du point de vue européen puisqu’un contribuable français qui investit dans le logement locatif dans un autre État de l’Union européenne ne peut bénéficier des avantages fiscaux, ce qui dissuade  les contribuables résidents d'investir dans des biens immobiliers situés à l'étranger, d’après la Commission européenne.

    Saisie par un investisseur français mécontent de ne pouvoir bénéficier des avantages fiscaux parce que le bien acheté n’était pas en France, la Commission européenne a annoncé, le 16/02/2011, l’envoi d’un avis motivé à la France. Il s’agit de la deuxième phase de la procédure d'infraction qui peut conduire, si la France maintient sa législation ou n’arrive pas à convaincre la Commission de son bien fondé, à la saisine de la Cour de Justice de l’Union européenne.

    Première bizarrerie de l’action de la Commission : elle concerne des dispositifs qui sont éteints: Périssol, de Robien, Borloo. Ces régimes  produisent toujours leurs effets sur les investissements réalisés lorsqu’ils étaient encore en vigueur, mais un acheteur qui acquiert un bien immobilier aujourd’hui ne peut en bénéficier.Deuxième bizarrerie : elle ne vise pas le dernier dispositif en date, qui, lui, est en cours : le dispositif Scellier créé par la loi de finances rectificative pour 2008. Celui-ci permet une réduction d'impôt qui peut représenter aujourd’hui jusqu'à 34% du coût de revient de l'investissement lorsque celui-ci a un caractère social.

    Question affolante pour les acheteurs: vont-ils devoir rembourser les avantages fiscaux obtenus? Non, pas du point de vue de Bruxelles qui s’intéresse seulement à la modification des dispositifs pour les rendre compatibles avec le droit communautaire. En revanche, les promoteurs ont quelques soucis à se faire sur la pérennisation des incitations sous leur forme actuelle et donc sur la possibilité de vendre des logements grâce à ces hochets fiscaux. Et pour le comprendre il faut rappeler l’argumentation juridique qui soustend l’action de la Commission européenne.

    La Cour de justice de l’Union européenne a jugé dans une affaire similaire (C-35/08, Busley, du 15 octobre 2009), que ce type de traitement fiscal discriminatoire était contraire aux règles de l'UE relatives à la libre circulation des capitaux. Dans cette affaire, la conformité au droit communautaire d’une réglementation fiscale allemande était en cause : cette réglementation permettait, notamment, au propriétaire d’un bien immobilier acquis ou construit durant une période déterminée et mis en location ensuite, de pratiquer des déductions pour amortissement diminuant d’autant les revenus locatifs imposables. Mais le bénéfice de cette mesure était conditionné au fait que le bien soit situé en Allemagne, ce que la Cour de Justice de l’Union européenne a considéré être une violation de l’article 56 du traité de la Communauté européenne (actuel article 63 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne - TFUE).  La Cour remarque en effet « que la situation fiscale d’une personne physique, résidant et intégralement assujettie en Allemagne, qui dispose, comme les requérants au principal, d’un bien immeuble dans un autre État membre est moins favorable qu’elle ne le serait si ce bien était situé en Allemagne » (considérant 26) et que « ce désavantage fiscal est susceptible de dissuader une telle personne tant de procéder à un investissement dans un bien immeuble situé dans un autre État membre que de conserver un tel bien dont elle est propriétaire » (considérant 27). Cette restriction pouvait-elle se justifier par des raisons d’intérêt général, liées à l’ordre public comme le permet le Traité ?  Le Gouvernement allemand défendait sa position en soulignant  que l’objectif de la réglementation litigieuse était d’inciter la construction de logements à usage locatif afin de satisfaire aux besoins de tels logements de la population allemande, et que cet objectif avait un caractère sociopolitique et constituait une raison impérieuse d’intérêt général. La Cour rejette l’argument en observant que la réglementation litigieuse « au lieu de cibler des endroits où la pénurie de tels logements serait particulièrement marquée…fait abstraction…des besoins différents d’une région à l’autre en Allemagne » et que, de plus « toute catégorie de logement à usage locatif, du plus simple au plus luxueux, peut faire l’objet d’un amortissement dégressif » . Dans ces conditions, conclue la Cour, « il ne saurait être présumé que les investisseurs privés, motivés notamment par des considérations financières, satisfassent à l’objectif prétendument sociopolitique de cette disposition ».

    On le voit, le précédent Busley constitue un sérieux argument pour la Commission européenne. Certes les dispositifs incriminés comportent des critères sociaux, par exemple en imposant des plafonds de loyers, ou encore en imposant la location à des ménages dont les ressources n’excèdent pas un certain montant. Mais, ces conditions ne s’appliquent pas toujours : dans le cadre du dispositif Scellier, par exemple, le plafond de ressources du locataire n’est exigé que pour bénéficier de la réduction d’impôt maximale. D’autre part, le caractère social de ces avantages fiscaux est contesté car, s’agissant des investisseurs, on remarque que ceux qui en profitent sont majoritairement des ménages déjà aisés. Quant au respect du critère de la localisation des investissements, il est également sujet à discussion. Les conditions d’attribution des avantages fiscaux ont peu à peu été aménagées pour tenir compte de zones supposées homogènes au regard de l’offre de logements. Mais ce zonage est contesté car il ne tiendrait pas compte de situations locales très diverses . Dès lors, si la demande de la Commission n’est pas de nature à inquiéter en France pour le moment, ce n’est pas pour des raisons de bien fondé juridique mais parce qu’elle  ne concerne que des dispositifs obsolètes. En revanche, la situation sera toute autre si  les mesures Scellier qui sont les continuatrices des dispositifs antérieurs se trouvent dans le collimateur de Bruxelles (la Commission a annoncé qu’elle était en train d’en étudier les dispositions). Comme on l’a vu, elle ne sont pas exemptes de failles au regard des règles communautaires et de la jurisprudence Busley. Leur pérennité ou leur reconduction (le dispositif doit disparaître en principe fin 2012) pourrait donc être menacée.

    Plus largement, c’est le mécanisme des incitations fiscales à l’investissement immobilier qui pourrait être mis à mal en dissuadant le gouvernement de donner un successeur au dispositif Scellier. Il y serait d’autant moins enclin qu’en cette période d’économies budgétaires, l’action de la Commission européenne lui donne un argument pour supprimer une niche fiscale. 

    Domaguil

     

  • Des règles de concurrence plus souples

    En ces temps de récession, l’heure n’est plus à une application stricte des règles du droit communautaire de la concurrence, on l’a vu avec les diverses mesures déjà adoptées tant au niveau communautaire qu’au niveau national. Le 19/01/2009, la Commission européenne a donc autorisé le premier volet d’une série de mesures d’aides aux entreprises adoptées par la France pour faire face à la crise et donner aux entreprises touchées « une bouffée d’oxygène », selon les termes de la Commissaire chargée de la concurrence. Les pouvoirs publics, aussi bien les autorités centrales que les collectivités territoriales et certains établissements publics, pourront accorder des aides allant jusqu'à 500 000 euros aux entreprises mises en difficulté par la crise économique actuelle ou qui rencontrent des problèmes de financement en raison du resserrement du crédit. Ces aides sont autorisées de manière temporaire, sur les deux années 2009 et 2010.

     

    Comme le rappelle la Commission européenne, ce régime est compatible avec l'article 87, paragraphe3, point b) du traité sur la Communauté Européenne, qui permet des aides pour remédier à une perturbation grave de l'économie d'un Etat membre. Et il est conforme avec la décision d’encadrement des aides d’Etat adoptée par la Commission pour rendre plus facile l’application de ces mécanismes de crise.

     

    Une preuve de plus, s'il en était besoin, que le droit communautaire, contrairement à ce que l’on nous a seriné abondamment n’est ni rigide ni « gravé dans le marbre », mais au contraire recèle de nombreuses possibilités d’adaptation.

     

    Domaguil

  • Rififi sur les aides publiques aux banques

     

     

    Pendant que la crise économique s’enracine, c’est aussi la crise à Bruxelles entre la Commission européenne et certains états membres. Ou, peut-être devrais je écrire, « c’était » car tout semblerait s’être pacifié récemment, au prix de quelques concessions.

     

    L’origine des sautes d’humeurs de ces derniers jours se trouve dans les mesures de soutien des états à leurs banques et dans les lenteurs de l’examen de ces régimes d’aides par la Commission européenne. Avant qu’ils n’entrent en application, la Commission doit en effet s’assurer qu’ils sont conformes au droit communautaire de la concurrence et aux nouvelles orientations adoptées récemment pour alléger ces règles afin de tenir compte de la situation de crise actuelle. Or, de nombreux états pressés de voler au secours de leurs banquiers en détresse s’en sont pris à l’excessive méticulosité du travail de la Commission, qualifié de « bureaucratie excessive », et ils connaissent le sujet, étant eux-mêmes souvent dotés de savantes architectures procédurales et administratives. Bonne fille, la Commission ne leur a pas rétorqué (du moins pas en public) que la précipitation est mauvaise conseillère et que l’absence de règles conduit précisément où nous en sommes aujourd’hui.

     

    Bref, il faut que cela aille vite et la Commission fait figure d’empêcheuse de renflouer en rond.

     

    Ainsi s’est-elle fait prier pour donner son feu vert au plan français de soutien au secteur bancaire. Pourtant, l’affaire avait été entamée de façon prometteuse, par une décision qui avalisait le système de refinancement proposé par le gouvernement français (système de garantie).

     

    Las…Des « divergences d’approche » sont ensuite apparues sur les aides que projette d’accorder le gouvernement à six banques (BNP Paribas, Société générale, Crédit agricole, Caisses d'épargne, Banques populaires et Crédit mutuel). La Commission craint que ces aides ne placent les banques aidées dans une situation avantageuse par rapport à leurs concurrents, car les aides ont pour contrepartie un engagement des banques à accroître les crédits aux entreprises et aux particuliers, ce qui leur permettrait d’attirer de nouveaux clients au détriment de leurs concurrents non aidés. Il n’en a pas fallu davantage pour que se répande l’idée que la Commission, décidément peu soucieuse des difficultés du monde réel, faisait obstacle à l’attribution de crédit. D’où le démenti que celle-ci a été obligée de faire par la voix du porte parole de la Commissaire chargé de la Concurrence. De son côté, Neelie Kroes a exposé devant le Conseil des ministres de l’Union, le 02/12/2008, la doctrine de la Commission en la matière : l’aide ne peut être une solution générale mais être mise en oeuvre en fonction de la situation particulière de chaque banque, elle doit faire l’objet d’une juste rémunération, elle doit être accompagnée de mesures destinées à éviter les distorsions de concurrence, elle doit se limiter à ce qui est strictement nécessaire pour endiguer les conséquences économiques de la crise financière.

     

     

    Or, la Commission doute que les aides françaises répondent à ces critères et observe que le gouvernement français s’est montré plutôt « souple » quant aux contreparties de son soutien : pas de revendication d’actions lui permettant d’exercer son contrôle dans les conseils d’administration, une rémunération qui n’a rien d’excessif, pas de suspension de versement des dividendes aux actionnaires. En résumé, selon la Commission, l’aide doit être attribuée  « pour faire des prêts à l'économie réelle plutôt que pour améliorer la position compétitive des banques ». La pertinence de la remarque est évidente si l’on a à l’esprit le rachat annoncé de Fortis par BNP Paribas qui permettra à cette dernière de devenir l’une des plus grandes banques de l’Union européenne. Difficile pour les agents de la Direction Générale de la Concurrence d’admettre que l’aide à des établissement en bonne santé soit justifiée. Cela en fait-il pour autant des bureaucrates tatillons ? Ne sont-ils pas plutôt dans leur rôle en se montrant soucieux de l’utilisation des deniers publics et du fonctionnement loyal du marché intérieur ?

     

     

    La France n’est pas seule a à avoir eu maille à partir avec la Commission européenne, tant les états sont tentés de profiter de l’assouplissement des règles communautaires de la concurrence motivé par la crise. Mais la Commission leur rappelle qu’assouplir les règles ne veut pas dire faire n’importe quoi. Car le respect des règles de la concurrence permet d’éviter que ne s’impose la loi du chacun pour soi et que les contribuables, dans le cas actuel, ne se retrouvent grugés.

     

     

    Aux dernières nouvelles, les « divergences d’approche » entre la Commission et le gouvernement français seraient en voie d'être surmontées. La première accepterait le paiement de dividendes, le second accepterait d’exiger des conditions plus strictes pour favoriser le désengagement rapide de l’Etat. La rémunération serait augmentée et l’intervention publique coûterait aux banques un intérêt d’au moins 10% sur les fonds perçus au lieu des 8% prévus dans le plan français. Mais il s’agit là de rumeurs dont se font l’écho les medias à partir d’informations savamment distillées par la Ministre de l’Economie, Christine lagarde. Selon le journaliste Jean Quatremer, celle-ci se livrerait en fait à une opération d’ « intox » pour forcer la main à la Commission.

     

     

    Mais si ces rumeurs s’avèrent fondées, voilà qui ravira certainement tous les braves gens montés aux créneaux pour dénoncer dans forums et blogs les « diktats » bruxellois qui empêchent nos pauvres banquiers de profiter de l’aide financière généreusement dispensée par les contribuables. Les banquiers, cause nationale contre les "affreux technocrates" de Bruxelles, il fallait y penser ! Bientôt un prix « de Villiers » pour récompenser le conseil d'administration de Natexis ? Pour paraphraser Philippe Meyer (ou Reiser?) : « Nous vivons une époque formidable »

     

     

    Domaguil