Gros temps sur HADOPI
Décidément, les eurodéputés mettent des bâtons devenus de véritables gourdins dans les roues de l’attelage déjà passablement branlant de la future «haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet » (ou HADOPI) prévue dans le projet de loi « création sur internet » actuellement examinée par le Parlement français. Le problème est, toujours, celui de la compatibilité d’HADOPI avec la future directive européenne examinée par le Parlement européen dans le cadre de la discussion sur le « paquet telecom ».
Le Gouvernement français pensait être au bout de ses peines depuis le compromis difficilement trouvé sous la houlette de l’eurodéputée française Catherine Trautmann (rapporteure au Parlement européen sur la directive-cadre relative aux communications électroniques), lors d’une réunion d’une délégation parlementaire avec le Conseil. Ce compromis avait consisté dans la réécriture de l’amendement 138/46 (dit amendement Bono du nom de l’eurodéputé qui est l’auteur de la première version) afin de le rendre compatible avec la future HADOPI. Bien que cette compatibilité fût discutable, elle semblait suffisante au gouvernement français pour permettre la création de HADOPI et n’avoir rien à retoucher au projet de loi.
Mais voilà que les eurodéputés viennent de réintroduire le texte initial de l’amendement par un vote à une large majorité le 06/05/2009 désavouant ainsi le compromis négocié. C’est un revirement du groupe des Verts-ALE, avec le soutien des Libéraux, qui a rendu possible ce nouveau coup de théâtre.
Lors du débat du 5 mai Catherine Trautmann rappelait quelle avait été la difficulté pour arracher au Conseil un amendement dont il ne voulait pas et mettait ainsi en garde ses collègues : « Nous sommes, chers collègues, confrontés à un choix: soutenir l'amendement 46 en l'état, avec pour conséquence de renvoyer tout le paquet télécom à une conciliation qui rouvrira la discussion sur tous les acquis de la négociation et entraînera sa suppression du fait de l'opposition massive des États membres à cet amendement, ou soutenir la nouvelle formulation de l'amendement 46, qui garantit le respect des libertés fondamentales, confirmant ainsi ce que le Parlement a adopté lors du vote du rapport Lambrinidis…Face à ce choix cornélien, je vous invite, chers collègues, à penser à l'avenir de nos travaux dans la prochaine législature qui porteront, entre autres, sur le service universel mais aussi sur les contenus et la propriété intellectuelle, et je vous invite donc à soutenir la nouvelle proposition, dans un souci de traiter sur un pied d'égalité les droits des salariés, des artistes et des internautes ».
Elle n’a pas convaincu et le compromis est donc passé à la trappe. L’amendement voté reprend la formulation d’origine selon laquelle «aucune restriction ne peut être imposée aux droits et libertés fondamentaux des utilisateurs finaux sans décision préalable des autorités judiciaires».
Que va-t-il se passer à présent ?
Au niveau européen, le texte devrait être en procédure de conciliation et, compte tenu des délais, et de l’approche des élections européennes, c’est le prochain Parlement qui aura à se prononcer définitivement sur le texte. Au niveau français, le projet de loi créant HADOPI devrait être voté cette fois sans problème. Si à l’automne prochain, la directive européenne est votée et l’amendement Bono avec, il y aura contradiction des dispositions de la loi relatives à HADOPI avec la directive européenne. Or, on sait qu’en vertu du principe de primauté du droit communautaire, l’application d’un texte national contraire à une règle communautaire doit être écartée par les juridictions nationales. Et avant même que l’on en arrive là, HADOPI pourrait être torpillée par le Conseil constitutionnel français si les parlementaires d’opposition forment, comme c’est probable, un recours contre la loi pour non conformité à la Constitution
Les nuages s’amoncellent sur HADOPI