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concurrence - Page 3

  • La Commission européenne se penche sur la musique en ligne

    Comme l’a remarqué avec pertinence un visiteur de ce blog, le droit communautaire de la concurrence concerne aussi bien les entreprises privées que publiques, ce à quoi j’ajouterai : et non seulement les entreprises européennes mais aussi celles des pays tiers si elles ont des activités sur le territoire de l’Union européenne.

    Preuve en est : non contente de "faire des misères" au mastodonte nord américain Microsoft, la Commission européenne tourne à présent son regard justicier vers les majors du disque et Apple, soupçonnés d’entrave à la concurrence, en violation de l’article 81 du traité sur la Communauté européenne.

    Elle annonce ainsi, dans un communiqué du 03/04/2007 , le lancement d’une procédure. L’ouverture des hostilités commence par une communication de griefs. En clair, la Commission explique à Apple et aux grandes maisons de disques ce qu’elle leur reproche.

     

    Sont en cause les accords conclus entre les majors et Apple aux termes desquels les clients de son magasin iTunes ne peuvent acheter de la musique que dans le magasin en ligne de leur pays de résidence. Or, les catalogues mis à la disposition des consommateurs et les prix de vente sont différents d'un état membre à l'autre. Donc, ces accords constituent des restrictions territoriales à la libre circulation des biens et des services dans le marché intérieur et au choix des consommateurs. Telle est l’analyse de la Commission européenne.

    Ce coup de semonce fait suite à la plainte d’une association de consommateurs britanniques  mécontents de payer des prix plus élevés que leurs chanceux voisins pour télécharger de la musique.

    Les sociétés en cause ont deux mois pour présenter des arguments pour leur défense, étant précisé qu'Apple pour sa part s'est déclaré favorable à une seule boutique en ligne et que la segmentation résulte d’une exigence des maisons de disques.

    Celles-ci  vont avoir du pain sur la planche pour convaincre du bien fondé de cette pratique car la Commission européenne n’en est pas à son coup d’essai et a déjà entrepris des procédures contre les sociétés d’auteurs (comme la SACEM en France) accusées de cloisonner le marché de la musique. Pour la Commission celui-ci ne peut être que paneuropéen.

    Domaguil

     

  • Incertitudes sur l'avenir du service postal en Europe

    Le 10 novembre 2005, la Commission  a lancé une consultation publique sur les services postaux dans l’Union européenne. Plus précisément la consultation devait lui permettre de savoir si la date de 2009 prévue pour la libéralisation totale devait être maintenue. Pour cela, les particuliers et les entreprises étaient invités à faire connaître leur opinion et leurs attentes.

     

     

    L’ouverture à la concurrence du secteur postal a débuté en 1997, avec la directive 97/67 (caractéristiques du service universel minimum, celui que les états doivent garantir à tous et qui correspond aux obligations de service public) et s’est poursuivie avec la directive 2002/39 (étapes de l’ouverture à la concurrence).

     

     

    Sans grande surprise, la Commission vient de proposer une directive qui ouvre totalement à la concurrence les marchés des services postaux dans l’Europe communautaire d’ici 2009.  A partir de cette date le monopole public constitué par le « domaine réservé », c’est-à-dire hors concurrence, sera supprimé et tout opérateur postal pourra proposer les services qui en font partie, en d’autres termes, les envois de moins de 50 grammes.

    Encore faut-il savoir ce que va devenir la mission de service public. La directive 97/67 « service universel » dispose qu’une levée et une distribution de courrier au domicile doit être assurée au moins 5 jours par semaine à des prix abordables sur tout le territoire de l’Union européenne y compris dans les zones reculées,  là où c’est le moins rentable. La question posée est celle du financement du service universel, qui est aujourd’hui assuré grâce au monopole.

     

     

    La Commission européenne assure que les états sont parfaitement libres de choisir les modalités de financement des activités de service public, qui peuvent prendre la forme d’aides publiques, d’un fonds de compensation en faveur de l’opérateur chargé du service universel (alimenté par les opérateurs concurrents présents sur  les secteurs plus rentables), d’appels d’offres pour délégation. Dans un entretien avec le journal le Monde, le Président de la Poste, M. Bailly explique pour sa part sa préférence pour un dispositif « de "pay or play", dans lequel "les nouveaux entrants sur un marché prennent en charge une partie des  missions de service public proportionnée à leur capacité de financement et leur taille, sinon contribuent à un fonds ».

     

     

    L’union faisant la force, dix opérateurs postaux (belge, chypriote, français, grec, italien, hongrois, luxembourgeois, maltais, polonais et espagnol) ont publié un communiqué dans lequel ils expriment leur « inquiétude » sur « l'absence de réponses concrètes de la part de la Commission européenne sur le futur financement du service universel postal » et demandent le rejet de la proposition de la Commission.

     

     

    Selon eux, les mesures envisagées pour le financement n’ont fait l'objet d'aucun test économique ou opérationnel démontrant leur efficacité et n'apportent pas la  « sécurité juridique suffisante ». De ce fait, la suppression du secteur réservé, « le seul mode de financement qui, à ce jour, a montré son efficacité » est prématurée tant qu’aucune solution de substitution convaincante pour assurer le service public n’est pas démontrée.

     

     

    Mais comme souvent dans la si diverse Europe communautaire, d’autres pays ont un point de vue différent et la Commission peut compter sur le soutien des postes britannique, néerlandaise, suédoise, finlandaise et allemande qui appuient la libéralisation totale.

     

     

    C’est à présent au Conseil et au Parlement européen de trancher, l’adoption de la proposition de directive se faisant selon la procédure de codécision et sachant qu’il n’y pas d’obligation d’ouverture à la concurrence en 2009 puisque l’article 1-3 de la directive 2002/39 dispose « La Commission procède à une étude prospective destinée à évaluer, pour chaque État membre, l'impact sur le service universel de l'achèvement du marché intérieur des services postaux en 2009. Sur la base des conclusions de cette étude, la Commission présente, avant le 31 décembre 2006, un rapport au Parlement européen et au Conseil, assorti d'une proposition confirmant, le cas échéant, la date de 2009 pour l'achèvement du marché intérieur des services postaux ou définissant toute autre étape à la lumière des conclusions de l'étude."

     

     

    Il reste à remarquer que les utilisateurs de la poste n’ont pas saisi la possibilité qui leur était donnée de se faire entendre. Dans leur communiqué, les opérateurs postaux demandent « sur quels avis la Commission se fonde pour  proposer une totale libéralisation du marché en 2009 ». « Il est certain », affirment-ils,  « que ni les citoyens, ni les travailleurs, ni la majorité des opérateurs postaux nationaux ne l'appellent de leurs vœux puisque tous souhaitent une réglementation différente ». Ah vraiment ? Mais combien ont participé à la consultation au juste? Selon le rapport final de la Commission à la suite de la consultation publique , 2095 réponses de particuliers lui sont parvenues, et 200 d’entreprises. Sur les 2095 réponses de particuliers,  230 émanent de français. Même désintérêt de la part des associations françaises de défense de consommateurs ou d'usagers. La participation est dérisoire, rapportée au nombre d’internautes français qui ont accès, pour peu qu’il s’en donnent la peine, à toutes les informations sur l’Union européenne. Mais cela n’empêchera certainement pas ceux dont l'anti européanisme est le fonds de commerce de dénoncer une décision arbitraire de la Commission sur l’air du « on ne tient pas compte des attentes du peuple ».

     

    Domaguil

     

  • La Poste confrontée au droit communautaire de la concurrence

    Après avoir donné, en décembre dernier,  son aval à la création de la Banque postale, filiale financière de la Poste, la Commission européenne s’était empressée de préciser que cette approbation ne couvrait pas  le droit spécial détenu par la Poste de distribuer le livret A (compte d’épargne dont les intérêts sont exonérés d’impôt),  ni la garantie illimitée de l'Etat dont elle bénéficie ni, enfin, les régimes sociaux des personnels de La Poste mis à disposition de la Banque Postale. Tous ces points devaient faire l’objet d’un examen approfondi afin de vérifier s’ils sont compatibles avec les règles du droit communautaire de la concurrence. Il faut dire que la Commission européenne est assaillie de plaintes des banques françaises qui dénoncent les avantages dont bénéficie la Banque Postale au motif qu’ils faussent  la concurrence entre établissements bancaires en Europe. Et, comme par ailleurs, la Commission n’est pas précisément une adepte de l’interventionnisme étatique, lui préférant la libéralisation la plus large possible des activités économiques, elle a commencé des enquêtes qui promettent quelques soucis à la Banque postale et à La Poste.

    Premier dans le collimateur :  le livret A qui fait depuis le 7 juin 2006 l’objet d’une enquête.  

    Deuxième sur la liste: la garantie illimitée, dont la Commission européenne recommande la disparition avant la fin 2008 dans un communiqué du 4 octobre 2006.

    Ce qui signifie qu’une procédure d’enquête, et d’infraction, pourrait être ensuite lancée si aucun accord n’était trouvé avec le gouvernement français.

    Le problème, récurrent, est celui de la compatibilité des établissements publics français avec les règles communautaires du droit de la concurrence. Les établissements publics sont présents dans différents secteurs d’activité. Ce sont des structures chargées de remplir une mission d’intérêt général, dotées d’une certaine autonomie financière et administrative et soumises à la tutelle de l’Etat. Certains, les Etablissement publics industriels et commerciaux (EPIC) se trouvent du fait de leur domaine d’activité en concurrence avec des entreprises privées, mais, et c’est là que le bât blesse aux yeux de la Commission, avec des privilèges associés à leur statut de droit public. Ils ne sont pas tenus aux règles applicables aux entreprises privées en cas de faillite ou d'insolvabilité et l’Etat est le garant en dernier ressort de leurs dettes (la fameuse garantie illimitée qui chagrine tant la Commission). 

    Or l’article 87 du Traité instituant les Communautés européennes dispose que « sauf dérogation prévue au présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par l'Etat ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ». Les aides d'Etat doivent donc passer sous les fourches caudines de la Commission qui s’assure qu’elles ne constituent pas un avantage compétitif et qu’elle respectent les règles posées par la directive 80/723 du 25 juin 1980 sur la transparence des relations financières entre les Etats membres et les entreprises publiques, et par la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes.

    Cependant, toutes  les aides d’Etat ne sont pas forcément jugées incompatibles avec le droit communautaire. Celles qui sont destinées à des entreprises chargées de la gestion d'un service d'intérêt économique général sont autorisées (article 86 alinéa 2  du traité instituant la Communauté européenne) , si elles permettent l'accomplissement de cette mission particulière et qu'elles sont exclusivement consacrées à compenser les surcoûts qui en résultent. Ce qui a conduit notamment  la Commission à admettre, dans une décision confirmée ensuite  par la Cour de Justice des Communautés Européennes (ordonnance du 25 mars 1998, aff. C-174/97 FFSA c. Commission), que les allègements fiscaux dont bénéficiait La Poste étaient conformes au droit communautaire car ils n'allaient pas au-delà de ce qui était strictement nécessaire pour permettre d'assurer le service d'intérêt général qui lui était confié.

    La question est de savoir si elle appliquerait le même raisonnement à la garantie illimitée. Un rappel de décisions récentes de la Commission peut donner des éléments de réponse. En 2002, elle a demandé et obtenu la suppression de la garantie illimitée dont bénéficiait EDF  (qui était encore un EPIC à l’époque). Un an avant, elle s’était attaquée, également avec succès,  au système de garantie illimitée dont bénéficiaient les banques publiques  allemandes de la part de l’Etat fédéral et des Länder.  Dans les deux cas, l’analyse de la Commission était  identique: une garantie qui n’est limitée ni dans le temps ni quant à son montant est une aide d’Etat illégale au sens de l’article 87 , car  elle mobilise des ressources publiques, elle favorise certains groupes d'entreprises en leur permettant d’obtenir des crédits dans des conditions plus favorables (en empruntant à des taux préférentiels), elle fausse donc la concurrence et affecte les échanges communautaires.

    Par exemple, s’agissant de la garantie illimitée dont bénéficiait EDF, la Commission avait estimé qu’elle était disproportionnée car trop générale (elle couvrait toutes les activités d’EDF, c’est-à-dire également celles exercées sur des marchés ouverts à la concurrence, alors qu’elle aurait du être limitée aux activités relevant de la mission de service public) et d’être illimitée dans le temps (voir par exemple le Bulletin de l’Union européenne, 10-2002, point 1.3.52).

    Il faut donc conclure de cette explication qu’une garantie d’Etat n’ayant pas ces caractères serait jugée conforme au droit communautaire de la concurrence.

     Domaguil                

     

  • Le droit communautaire de la concurrence fait tanguer la SNCM

    La Société Nationale Corse-Méditerranée (SNCM) est dans le collimateur de la Commission européenne depuis le 19/08/2002 date à laquelle l’exécutif européen a annoncé l’ouverture d’une enquête sur les subventions publiques qui lui ont été versées.

     

     

    La SNCM est une compagnie maritime dont le capital a été public (détenu par l’état par l’intermédiaire de la Compagnie générale maritime et financière et par la SNCF) jusqu’à sa privatisation partielle devenue effective fin mai 2006. Elle assure la liaison entre la Corse et le continent dans le cadre d’obligations de service public destinées à assurer la continuité territoriale.  Depuis l’entrée en vigueur du  règlement européen 2577/92 qui étend au cabotage la libre prestation de services de transport maritime, elle est confrontée à la concurrence d’autres compagnies, alors qu’elle était auparavant en situation de monopole.

     

     

    En décembre 2001, le gouvernement français a notifié à la Commission européenne une aide au sauvetage de la SNCM, celle-ci étant confrontée à d’importants problèmes financiers mettant en danger sa survie, selon les autorités françaises, en raison de ses sujétions de service public. Les aides publiques sont en principe interdites par le droit communautaire car elles faussent la concurrence. Mais certaines d’entre elles peuvent être autorisées et il en est ainsi des aides à la restructuration des entreprises en difficulté connaissant des difficultés sociales graves. La Commission a édicté des lignes directrices précisant les conditions auxquelles ces aides doivent se conformer pour être compatibles avec le droit communautaire. Il lui fallait donc déterminer si ces conditions étaient remplies par l’aide attribuée à la SNCM.

     

     

    Finalement, l’enquête d’était achevée, le 9 juillet 2003, par une décision de la Commission européenne favorable à la SNCM, puisque la Commission avait estimé que l’aide de 66 millions d’euros octroyée pour la restructuration de la SNCM était compatible avec le droit communautaire et donc autorisée. Bien plus, une tranche complémentaire de 3,3 millions d’euros était approuvée le 16/03/2005.

     

     

    Mais dans un arrêt du 15/06/2005, le tribunal de première Instance a joué les empêcheurs de subventionner en rond, en annulant la décision de la Commission (15/06/2006, aff.T-349/03, Corsica Ferries France SAS c. Commission des Communautés européennes).

     

     

     Le tribunal avait été saisi par Corsica Ferries, un concurrent de la SNCM qui s’estimait lésé par le traitement privilégié dont avait joui cette dernière et qui  demandait au tribunal l’annulation de la décision de la Commission laquelle dans cette affaire était soutenue, de façon prévisible,  par l’état français et la SNCM.  Examinant la décision de la Commission, le TPI avait estimé qu’il y avait une erreur manifeste d’appréciation dans le calcul des contributions de la SNCM. Autrement dit, selon le tribunal,  la Commission avait été trop généreuse dans l’estimation des aides autorisées compensant les obligations de service public en négligeant les plus values réalisées par la SNCM lors de la vente d’actifs. Selon le tribunal : « En effet, dès lors que la Commission a constaté, s’agissant de la cession des actifs navals, l’existence d’une plus-value, en termes de produit net de cession, par rapport à l’évaluation de 21 millions d’euros retenue par le plan de restructuration et, s’agissant de la cession des actifs immobiliers, l’existence d’un produit net de cession de 12 millions d’euros, elle ne pouvait pas, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, retenir uniquement, pour la détermination du caractère minimal de l’aide au considérant 328 de la décision attaquée, l’évaluation de 21 millions d’euros prévue par le plan de restructuration pour la cession des actifs navals » (point 284).

     

     

    Donc, la Commission doit revoir sa copie.

     

     

    Mais les soucis de la SNCM ne s’arrêtent pas là. Car voilà que se profile une extension de la procédure d’enquête de la Commission européenne aux conditions de la privatisation de la compagnie. Annoncées le 13/09/2006, les investigations porteront sur la conformité de la recapitalisation de la SCNM aux règles communautaires de concurrence. Les « limiers » de la Commission vont regarder de plus près les subventions publiques qui ont précédé la cession de capital marquant le désengagement de l’Etat français, à savoir le  financement d’une augmentation de capital à hauteur de 142,5 millions d’euros et un financement  de 38,5 destiné au plan social envisagé par les repreneurs privés. C’est à la suite de ces décisions que la cession partielle a pu intervenir, l’Etat conservant 25% du capital, le reste étant détenu par Butler Capital Partners (38%), Veolia Transport (28%) et les salariés (9%).

     

     

    Selon les lignes directrices sur les aides à la restructuration d’entreprises en difficulté , celles-ci doivent prendre la forme d’aides de trésorerie temporaires (garanties de crédits ou prêts) et être limitées à ce qui est strictement nécessaire pour l’exploitation de l’entreprise. Autrement dit, il est permis de donner un coup de pouce, mais pas de mettre l’entreprise sous perfusion.

     

     

    Or, la Commission exprime « des doutes sur le fait que les injections financières soient limitées au minimum nécessaire à la restructuration de la SNCM ». Bref, elle se demande si l’aide de l’Etat n’a pas été amplifiée afin de rendre la SNCM plus attrayante aux yeux des investisseurs et si les ressources propres de l’entreprise  sont suffisantes pour assurer sa viabilité.

     

     

    Et d’autres tracasseries juridiques attendent peut-être la SNCM. Dans un article du 14/09/2006, le Nouvel Observateur en ligne annonce qu’un concurrent de la SNCM dénonce des pratiques illégales à l’occasion de l’appel d’offre lancé par la région de Corse pour renouveler le contrat de concession de service public de desserte maritime de l'île.  

         

     Domaguil