Adoptée le 21/04/2004, la directive 2004/35 sur la responsabilité environnementale qui organise la prévention et la réparation des dommages environnementaux devait être transposée dans les législations nationales au plus tard le 30/04. Or, le 27 avril, la Commission européenne annonçait que seules l'Italie, la Lettonie et la Lituanie l’ont fait.
Fâcheux…car la directive donne un contenu concret au «principe du pollueur payeur» établi dans le traité sur la Communauté européenne.
Sont visés en particulier les dommages aux ressources en eau, aux habitats naturels, aux animaux et aux végétaux, ainsi que la pollution des sols causées par des activités professionnelles. La directive poursuit un double but : inciter fortement à prévenir les atteintes environnementales et permettre aux gouvernements d'obtenir réparation du coupable en cas de préjudice grave.
Toutes les activités ne sont pas concernées au même degré par la directive qui cible en dans son annexe III des activités déjà identifiées par la législation communautaire comme présentant un risque réel ou potentiel pour la santé humaine ou l'environnement. Il s’agit, par exemple, de l'exploitation d’installations de fabrication de produits chimiques dangereux, des opérations de gestion des déchets, notamment le ramassage, le transport, la valorisation et l'élimination des déchets et des déchets dangereux, des rejets dans l’eau de métaux lourds, de la fabrication, l'utilisation, le stockage, le traitement, le conditionnement, le rejet dans l'environnement et le transport sur le site de substances dangereuses, de préparations dangereuses, de produits phytopharmaceutiques, de produits biocides, du transport par route, chemin de fer, voie de navigation intérieure, mer ou air de marchandises dangereuses ou de marchandises polluantes, de l’utilisation confinée, y compris du transport, de micro–organismes génétiquement modifiés, de la dissémination volontaire dans l'environnement, de tout transport ou mise sur le marché d'organismes génétiquement modifiés. Cependant, d'autres opérateurs économiques pourront également être amenées à assumer les coûts de prévention ou de réparation des atteintes aux espèces protégées et aux habitats naturels, mais seulement si une faute ou une négligence peut leur être reprochée.
Des exonérations de responsabilité sont prévues par la directive (par exemple, si l’exploitant prouve qu’au moment où l’activité à l’origine du dommage a eu lieu, l’état des connaissances scientifiques et techniques ne permettait pas de la considérer comme étant susceptible de causer un tel dommage).
Les dommages environnementaux pris en compte par la directive doivent être causés par ou plusieurs pollueurs identifiables, avoir un caractère concret et mesurable, et un lien de causalité doit être établi entre le dommage et le ou les pollueurs identifiés. Sont exclus du champ d’application de la directive la pollution à caractère étendu et diffus (ce qui sera le cas par exemple, en général, de la pollution atmosphérique dans la mesure où elle ne peut être directement imputable à une activité donnée), les dommages corporels, les dommages aux biens privés, ou encore les pertes économiques, ce qui ne signifie pas que les droits résultant de ces catégories de dommages sont affectés mais qu’ils ne pourront pas s’exercer sur le fondement du principe pollueur défini par la directive, mais sur celui des régimes de responsabilité nationaux. Sont également exclus les dommages environnementaux produits lors de conflits armés, d’activités de défense nationale ou de cas de force majeure.
Il incombe aux états de compléter la directive en édictant les règles permettant de contraindre les opérateurs concernés à prendre ou à financer les mesures de prévention ou de réparation qui s'imposent. Le principe de responsabilité pollueur payeur implique que l’exploitant supporte les coûts des actions de prévention et de réparation et que l’autorité compétente qui en ferait l’avance les recouvrera en principe auprès de lui (elle n’y est pas tenue, afin de tenir compte de certaines hypothèses comme celle dans laquelle le coût serait supérieur à l’enjeu ou encore celle dans laquelle l’exploitant ne peut être identifié).
Les groupements d'intérêt public tels que les organisations non gouvernementales pourront demander aux autorités publiques d'intervenir, le cas échéant, et pourront contester la légalité de leurs décisions devant les tribunaux. Mais on le remarque, il n’y a pas de droit de recours direct contre l’opérateur responsable d’un dommage. Si des atteintes ou des menaces d'atteintes environnementales risquent de concerner plusieurs États membres, les États membres concernés doivent coopérer aux mesures de prévention ou de réparation.
Enfin, la directive n’oblige pas les opérateurs à assurer les risques inhérents à leurs éventuelles responsabilités. Elle prévoit simplement que les États membres doivent « promouvoir » la mise en place de telles assurances et inciter les opérateurs à y recourir.
Adoptée après des années de discussion et un lobbying actif des industriels, la directive apparaît de ce fait, comme souvent, en retrait par rapport aux propositions initiales (livre vert de 1993, COM(93) 47 final, et livre blanc de 2000, COM(2000) 66 final qui servit de base à la consultation publique préparatoire à la proposition de directive présentée par la Commission le 23/01/2002, COM/2002/0017 final) .
Par exemple, la rétroactivité demandée par les ONG de défense de l’environnement n’a pas été retenue : les dommages préexistants n’entent donc pas dans le champ d’application de la directive. De même sont exclus, on l’a vu, les dommages corporels et aux biens (la possibilité de les inclure étant pourtant présente dans le livre blanc). Il n’y pas de pas de présomption du lien de causalité entre les activités concernées et les dommages environnementaux qui en résultent. Enfin, la directive n’impose pas de s’assurer ou de contribuer à un fonds de compensation. Mais cela n’empêche pas les états (au contraire, la directive les y encourage sur certains points comme celui de l’assurance) à compléter les règles communautaires, afin de renforcer les obligations de prévention et de réparation des dommages environnementaux et d’étendre l’application de la directive à d’autres activités ou à d’autres responsables…
La France pour sa part a déjà pris du retard dans la transposition puisque le projet de loi l’assurant a été déposé au Sénat…le 5 avril 2007. Autant dire qu’il n’est pas près d’être examiné compte tenu de la suspension des travaux de l’Assemblée nationale pour cause d’élections.
En France, le principe du pollueur payeur est énoncé par l’article L110-1, 3° du code de l’environnement selon lequel « les frais résultant des mesures de prévention, de réduction de la pollution et de lutte contre celle-ci doivent être supportés par le pollueur » (la taxe de ramassage des ordures ménagères, par exemple, en est une application concrète). La Charte de l’environnement, qui a valeur constitutionnelle depuis 2005 (Loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars 2005 consacre ce principe dans ses articles 3 et 4 : "Article 3. - Toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu'elle est susceptible de porter à l'environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences.
Article 4. - Toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu'elle cause à l'environnement, dans les conditions définies par la loi".
La transposition de la directive européenne est donc l’occasion de mettre en oeuvre ce principe, la directive impliquant de compléter et d’étendre les règles actuelles en mettant en place un système de responsabilité objective sans faute, allant au delà de la réparation des seuls dommages causés aux tiers pour y ajouter ceux qui affectent l’environnement naturel, et en obligeant par exemple les opérateurs d'activités à risque à remettre les sites pollués en état.
Mais les associations de défense de l’environnement n’y trouvent pas leur compte.
Déjà accusée par Greenpeace notamment d’avoir « sabordé » la directive européenne, voilà que la France est également critiquée pour avoir élaboré un projet de loi qui n’est « pas à la hauteur » des attentes, en effectuant une transposition « a minima » de la directive (dossier du 05/04/2007 sur le site www.infogm.org et menaçant le principe pollueur payeur selon un communiqué signé par diverses associations de défense de l’environnement le 06/04/2007 (Les Amis de la Terre, La Fondation Nicolas Hulot, le CNIID, France Nature Environnement, Greenpeace et WWF) et publié notamment sur le site du CNIID (Centre National d’Information indépendante sur les Déchets). Principaux griefs : le texte prévoit « de nombreuses échappatoires à la responsabilité » qui sont « un véritable cadeau aux pollueurs », par exemple, en excluant de la qualification d’exploitant (et donc du régime de responsabilité) l’exploitant d’une activité de recherche (dossier du site infogm). Le projet de loi ne permet pas non plus « de manière claire » de remonter à l'actionnaire principal ou à la société mère en cas d'insolvabilité du pollueur pour mettre à sa charge l’obligation de remise en état (communiqué des associations de défense de l’environnement du 06/04). D’autres points sont également contestés : l’absence d’obligation d’assurance et de constitution de garanties financières, ou encore le fait que le projet de loi n'ait pas repris les dispositions de l’article 12 de la directive sur l’action des associations.
Domaguil