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Quoi de neuf en Europe - Page 37

  • La Commission européenne soupçonne la SNCF de bénéficier d’avantages anti concurrentiels

    Après EDF et La Poste, c’est au tour de la SNCF d’être l’objet de l’attention pas très bienveillante de la Commission européenne qui soupçonne la société de transport de bénéficier d’une aide d’Etat contraire aux règles du droit communautaire de la concurrence.

    Le 31 mai 2010, le journal les Echos révèle l’existence d’une lettre adressée le 11 février  par la Commission européenne aux autorités françaises. Elle y demanderait de transformer le statut de la SNCF, d'établissement public à caractère industriel et commercial en société anonyme.

    D’après les informations rendues publiques, la démarche s’explique par le fait que la Commission européenne est chargée de contrôler que les états ne favorisent pas certaines entreprises en leur apportant des soutiens financiers contraires aux règles communautaires de concurrence car ils faussent la concurrence et ne peuvent se justifier (l’article 107-2 et 3  du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne). Ainsi dans une question au gouvernement, le député Jean-Claude Guibal rapporte que : « La Commission estime en effet que la situation juridique de la société nationale n'est pas compatible avec les règles de concurrence que Bruxelles avait édictées en 2008 pour encadrer les aides de l'État dans la perspective de la libéralisation du marché des transports ferroviaires. Elle dénonce notamment la « garantie illimitée » accordée par l'État à la SNCF, du fait de son statut d'établissement public à caractère industriel et commercial, statut qui, en excluant le risque de faillite, lui permet d'obtenir des conditions de crédit plus favorables ». La demande de transformation du statut serait donc la conséquence d’une analyse des services juridiques de la Commission selon laquelle la garantie de l’Etat (garantie interdite aux termes du droit communautaire, en raison de son caractère illimité)  serait en quelque sorte « consubstancielle » au statut d’Etablissement Industriel et Commercial.

    Un statut particulier

    Le droit français distingue deux grandes catégories de services publics (c’est à dire des activités ayant un  but d’intérêt général), les services publics administratifs et les services publics industriels et commerciaux qui à la différence des premiers sont des activités lucratives qui pourraient être exercées normalement par des entreprises privées, mais ne le sont pas ou pas correctement, justifiant ainsi l’intervention de la puissance publique pour faire face à un besoin qui ne serait pas satisfait ou pas de façon satisfaisante (l’intervention publique est expliquée en effet souvent par le souci de garder le contrôle et d’assurer efficacement une activité jugée fondamentale ou sensible). L’Etablissement Public est l’institutionnalisation d’un service public qui se trouve doté ainsi de la personnalité juridique lui permettant d’avoir une autonomie (notamment budgétaire) plus ou grande par rapport à la collectivité qui l’a créé. L’Etablissement public industriel et commercial (EPIC) est donc une personne publique qui, comme son nom l’indique, gère une activité de service public industriel ou commercial à titre principal. Les établissements publics ne peuvent pas être mis en faillite car l’Etat est indéfiniment responsable de leurs dettes.

    La doctrine de la Commission en matières d’aides d’Etat accordées sous forme de garanties a été rappelée dans une communication récente . La communication s’applique notamment aux «garanties illimitées, par opposition aux garanties limitées dans leur montant et/ou dans le temps », la notion de garantie englobant, souligne la Commission « les conditions de crédit plus favorables obtenues par les entreprises dont la forme juridique exclut la possibilité d'une procédure de faillite ou d'insolvabilité ou prévoit explicitement une garantie de l'État ou une couverture des pertes par l'État».

    Selon la Commission « les garanties accordées directement par l'État, c'est-à-dire par les autorités centrales, régionales ou locales, ou au moyen de ressources d'État par des organismes publics tels que des entreprises, et qui sont imputables aux autorités publiques peuvent constituer des aides d'État ». Elle ajoute : « Afin de dissiper les doutes à ce sujet, il conviendrait de clarifier la notion de ressources d'État à l'égard des garanties d'État. Cette forme de garantie présente l'avantage de faire supporter par l'État le risque qui y est associé. Or cette prise de risque devrait normalement être rémunérée par une prime appropriée. Lorsque l'État renonce à tout ou partie de cette prime, il y a à la fois avantage pour l'entreprise et ponction sur les ressources publiques ». Selon cette conception, donc, une garantie accordée à une entreprise publique ne peut être compatible avec le marché commun et être conforme au droit communautaire que si elle est limitée, notamment dans son montant et si elle donne lieu au « paiement d’une prime conforme au prix du marché » par l’entreprise qui en bénéficie.

    Offensive de la Commission européenne  contre les EPIC ?

    La Commission européenne considère toujours avec méfiance les établissements publics industriels et commerciaux français. Ceux-ci bénéficient d’un avantage certain par rapport aux entreprises privées du même secteur grâce « au principe de responsabilité en dernier recours de l'Etat », car sa simple existence en rassurant les prêteurs, permet aux entreprises publiques d’emprunter à des conditions plus favorables. Cette analyse a conduit précédemment la Commission a remettre en cause la garantie dont bénéficiait La Poste . Elle récidive donc, avec une suite dans les idées certaine, en contestant cette fois celle dont bénéficierait la SNCF.

    Mais, pas plus qu’avant, la Commission européenne n’a aucun droit de demander une réforme du statut de la SNCF. D’ailleurs, à l’époque de la  privatisation d‘EDF décidée par le gouvernement français de l’époque, le commissaire européen Monti avait rappelé : « Il n'appartient donc pas à la Commission de demander la privatisation des entreprises ou, inversement, leur nationalisation. La décision de privatiser une entreprise relève de la seule responsabilité des Etats membres ».

    La Commission aurait-elle cette fois tombé le masque et serait-elle passée ouvertement à l’offensive contre les EPIC au nom du sacrosaint principe de concurrence, quitte à violer le principe de neutralité posé par l’article  345 du TFUE selon lequel : « Les traités ne préjugent en rien le régime de la propriété dans les États membres »? C’est possible, et cela ne ferait que confirmer une orientation idéologique déjà observée. Mais cela ne signifie pas que le gouvernement français doit se plier à son interprétation.

    Contestation de l’analyse de la Commission

    Tout d’abord, il faut remarquer que ce qui est en cause, comme dans les affaires d’EDF et de La Poste, est le caractère illimité (dans le temps et le montant) de la garantie d’Etat. Or, selon les autorités françaises, le statut d’EPIC n’implique nullement la garantie illimitée de l’Etat. Elles allèguent d’ailleurs que celle dont bénéficiait la SNCF a été supprimée depuis plusieurs années.

    Il reste, il est vrai, l’argument de la Commission selon lequel une garantie implicite de l’Etat serait contraire au droit communautaire. En d’autres termes, en l’absence de garantie expresse, un EPIC bénéficierait quand même d’un avantage concurrentiel simplement parce que les marchés financiers croiraient que l'État se porterait garant en cas d’insolvabilité et de difficulté de l’entreprise. De fait, la SNCF est très bien notée par les agences financières, ce qui lui permet d’emprunter à des taux préférentiels, et cette bonne notation est imputée notamment au fait que les investisseurs associent la SNCF au soutien de l’Etat. Une observation que confirme la nouvelle rapportée par la tribune selon laquelle l’agence de notation Standard & Poor's a abaissé la note de crédit de la SNCF, l’agence expliquant : « Nous pensons que les règles européennes pourraient faire peser des contraintes de plus en plus fortes sur tout soutien potentiel de l'État à la SNCF qui ne serait pas fondé sur une pure logique financière ».

    Selon la Commission, peu importe que la garantie soit mobilisée ou pas pour constituer une aide publique contraire au droit communautaire : « même si, finalement, l'État n'est pas amené à faire des paiements au titre de la garantie accordée, il peut néanmoins y avoir aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité. L'aide est accordée au moment où la garantie est offerte, et non au moment où elle est mobilisée ou à celui où elle entraîne des paiements. C'est donc au moment où la garantie est donnée qu'il y a lieu de déterminer si elle constitue ou non une aide d'État et, dans l'affirmative, d'en calculer le montant ».

    Une impression favorable, une aide potentielle pourraient donc être considérées comme constituant des avantages concurrentiels indus, d’après la Commission européenne. Mais ce n’est pas l’avis du Tribunal de l’Union Européenne qui dans un arrêt du 21 mai 2010 concernant France Telecom  a jugé que, contrairement à ce qu’avait décidé la Commission, l’entreprise n’avait pas bénéficié d’une aide d’état, puisque l’aide annoncée n’avait pas été payée et que la simple annonce ne suffit pas à prouver l’existence d’une aide d’état (9). Et précise également le tribunal : « la reconnaissance de l’existence d’une aide doit reposer sur des constatations objectives et non sur la seule perception des acteurs du marché. En tout état de cause, une simple attente du marché ne saurait en tant que telle créer une quelconque obligation légale d’agir dans un sens souhaité (voir point 271 ci-dessus) » (considérant 288)

    Ceci explique certainement la fermeté de la fin de non-recevoir opposée par le Gouvernement français à la Commission.

    Domaguil

  • Les OGM par la petite porte

    Sur le thème polémique de l’autorisation des Organismes Génétiquement Modifiés (OGM) dans l’Union européenne, la Commission tente une nouvelle stratégie pour contourner l’opposition de certains états et des opinions publiques.
    Il y a quelques années, sous la pression des Etats-Unis qui déposent plainte sur plainte devant l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), la Commission européenne a mis fin au moratoire de l’Union européenne sur la commercialisation d’OGM, en autorisant  la commercialisation d’une variété de maïs transgénique produit par syngenta. Depuis, d’autres autorisations ont été accordées, comme, par exemple, au maïs transgénique 810 produit par Monsanto. Ces autorisations ont souvent été rendues possibles par les dissensions entre les états qui ont été incapables de réunir la majorité requise pour s’y opposer.
    Mais certains pays ont alors eu recours à la clause de sauvegarde prévue par la législation communautaire (Art. 23 de la directive 2001/18) pour interdire sur leur territoire la commercialisation d’OGM. C’est le cas de la France, notamment (ainsi que de l’Autriche, de la Grèce, de la Hongrie, de l’Allemagne et du Luxembourg).
    En ce qui concerne l’autorisation de la culture d’OGM, l’Union européenne ne suit pas l’évolution mondiale. Le site GMO compass nous apprend que la culture d’Organismes Génétiquement Modifiés a progressé globalement dans le monde en 2009 par rapport à ce qu’elle était en 2008 : plus 3% dans les pays industrialisés et plus 13% dans les pays en développement. Environ 77% de la culture mondiale de soja est constituée par des OGM et 49% de celle de coton. Aux Etats-Unis, 88% du maïs, du coton et de soja sont génétiquement modifiés. Mais un petit bout de continent fait de la résistance. La surface de cultures d’OGM a diminué dans l’Union en 2009, passant à 94,750 hectares en 2009 contre   107,717 en 2008 et 110,050 hectares en 2007. Ce qui s’explique par les restrictions ou interdictions pratiquées par certains états, par l’adoption de règles plus strictes en matière de coexistence des cultures traditionnelles et d’OGM. Résultat :  même dans un pays jusque là largement ouvert aux OGM comme l’Espagne la culture de maïs OGM Bt a décru de 4% (elle représente cependant encore 22% de la production de maïs totale du pays).
    De quoi énerver les géants de l’agroalimentaire et stresser MM.Barroso et John Dalli (ce dernier est commissaire à la santé et chargé du dossier des OGM).
    Et, comme il est difficile de rester minoritaires, en avril de cette année, après douze ans de moratoire, la Commission a autorisé la culture d’une pomme de terre OGM nommée Amflora et conçue par la société allemande BASF. La décision a été très critiquée et l’organisation Greenpeace a immédiatement lancé une pétition. Celle-ci a pour but de recueillir le million de signatures nécessaires pour demander à la Commission un moratoire, afin de mettre  en place une recherche scientifique et éthique sur l’impact des  cultures d’OGM et une réglementation modifiant le  processus d’autorisation.
    De son côté la Commission européenne s’efforce d’éteindre la mèche en misant sur une introduction des cultures d’OGM « à la carte ». C’est ainsi que le 02/03/2010, à l’occasion de l’annonce de l’autorisation de la culture d’Amflora, la Commission européenne a annoncé, sans doute dans l’espoir de faire passer une pilule amère, qu’elle présenterait avant l’été une proposition qui laisserait aux états membres plus de latitude pour décider de cultiver ou non des OGM. L’annonce a été confirmée ensuite dans une dépêche de l’agence Reuters du 04/06/2010. La Commission espère ainsi amadouer les états et en terminer avec les discussions sans fin sur l’évaluation des risques qui entourent la mise en œuvre des clauses de sauvegarde. Celle-ci seraient plus faciles à appliquer (ce qui nécessitera la révision de la directive 2001/18) et en contrepartie, la procédure communautaire d’autorisation serait simplifiée. Comment ? Telle est la question. Car on peut redouter que, sous couvert de simplification, le but soit de mettre en place des procédures moins contraignantes pour la Commission. Il faut cependant attendre la présentation de la proposition.
    Le parcours du texte risque ensuite d’être chaotique.
    Les organisations de protection de l’environnement comme Greenpeace, tout en approuvant le principe du choix laissé aux états, ont déjà exprimé leur méfiance car elles craignent que la proposition n’ouvre une boite de Pandore, la Commission ne cherchant en fait qu’à accélérer l’autorisation des cultures d’ OGM et à terme, à la généraliser par la politique du fait accompli. Car, comment éviter la contamination des cultures traditionnelles ou biologiques par la dissémination des semences génétiquement modifiées ? Or, la question de la contamination des cultures et de la façon de la prévenir reste à ce jour très controversée.
    Mais la Commission européenne va devoir aussi compter avec l’opposition des états qui, certes, peuvent être séduits par la marge d’appréciation qui leur est reconnue, mais n’en sont pas moins demandeurs de règles d’évaluation plus strictes. Lors de sa réunion du 20/10/2008, le Conseil avait émis de sérieuses réserves sur les procédures européennes d’évaluation des risques. Il avait demandé un changement de méthode qui permette de renforcer l'évaluation environnementale des plantes génétiquement modifiées (PGM) ainsi qu'une plus grande harmonisation des pratiques et des méthodes.
    Enfin, la Commission ne peut ignorer la méfiance de l’opinion publique, dont le Parlement européen, qui devra aussi se prononcer sur la proposition, pourrait se faire l’écho. Surtout si une initiative citoyenne vient en renfort.

    Domaguil

  • La France n'a pas enfreint le droit communautaire en aidant France Telecom

    Dans une affaire d’aide d’état remontant au début des années 2000, le Tribunal de Justice de l’Union européenne vient de réfuter l’analyse de la Commission européenne qui accusait l’Etat français d’avoir attribué des aides publiques à France telecom, faussant ainsi la concurrence au détriment de ses concurrents. Devenue en 1996 une société anonyme, France Telecom a gardé l’Etat comme principal actionnaire : en 2002, la participation de l’État dans son capital s’élevait à 56,45 %. Confrontée à des dettes importantes, Telecom avait reçu le soutien du ministre français de l’Economie, des Finances et de l'Industrie qui avait notamment déclaré que si FT avait des problèmes de financement, « l’État prendrait les décisions nécessaires pour qu’ils soient surmontés » (interview publiée le 12 juillet 2002). Quelques mois plus tard, le ministre avait annoncé qu’il envisageait une avance d’actionnaire de 9 milliards d’euros au profit de FT, offre refusée par l’entreprise et jamais mise en œuvre, ce qui n’avait pas empêché la Commission de décider le 02/08/2004 que cette avance, dans le contexte des déclarations depuis juillet 2002, constituait une aide d’État incompatible avec le droit communautaire de la concurrence. Saisi d’un recours en annulation de cette décision par le gouvernement français France Telecom, le Tribunal de justice de l’Union européenne a donné tort à la Commission en lui rappelant que pour qu’il y ait aide d’Etat, il faut qu’il y ait un avantage financier et que cet avantage prenne la forme, de l’attribution de ressources publiques.  Or, remarque le tribunal, si les déclarations de soutien du Ministre à France Telecom ont sans aucun doute permis la revalorisation de l’image de l’entreprise auprès des marchés et favorisé son refinancement, constituant ainsi un avantage financier, il n’y a pas eu engagement de ressources publiques car les déclarations ne pouvaient être analysées comme un engagement irrévocable sur un montant précis d’aide. La contribution financière envisagée a certes été précisée quant à son montant en décembre 2002, mais n’a jamais été payée. Selon le Tribunal la simple annonce ne suffit pas à prouver l’existence d’une aide d’état. Il annule donc la décision de la Commission (TJUE, 21/05/2010, aff.jointes T-425/04, T-444/04, T-450/04 et T-456/04 France e.a./Commission)

    Domaguil

  • Vers un corps diplomatique européen

    C‘est passé relativement inaperçu, tous les projecteurs étant braqués sur les cours des bourses, la parité dollar euro, les dette grecque, espagnole, portugaise…mais le 26/04/2010, le Conseil a dégagé « une orientation politique » sur un projet de décision de création du service européen pour l'action extérieure, prévu par le traité de Lisbonne. Le Parlement Européen doit à présent être consulté.

    Une création du traité de Lisbonne

    Il résulte de l’article 18 du Traité sur l’Union Européenne, le Haut représentant est chargé de conduire la politique étrangère et de sécurité commune de l'Union (PESC), de présider le Conseil des affaires étrangères, de s'acquitter, au sein de la Commission, des responsabilités qui incombent à cette dernière dans le domaine des relations extérieures et de la coordination des autres aspects de l'action extérieure de l'Union, ainsi que de favoriser et faciliter la coopération entre le Conseil et la Commission afin de veiller à la cohérence entre les différents domaines de l'action extérieure.

    Le SEAE qui assistera le Haut Représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité dans l’exercice de ces fonctions, sera un service diplomatique qui représentera les intérêts de l’Union dans le monde. Sa création est fondée sur l’article 27§3 du Traité sur l’Union Européenne : "3. Dans l'accomplissement de son mandat, le haut représentant s'appuie sur un service européen pour l'action extérieure. Ce service travaille en collaboration avec les services diplomatiques des États membres et est composé de fonctionnaires des services compétents du secrétariat général du Conseil et de la Commission ainsi que de personnel détaché des services diplomatiques nationaux. L'organisation et le fonctionnement du service européen pour l'action extérieure sont fixés par une décision du Conseil. Le Conseil statue sur proposition du haut représentant, après consultation du Parlement européen et approbation de la Commission ».

    Et c’est bien pour fixer son organisation et son fonctionnement que le Conseil est parvenu à un accord, ce qui, n’allait pas de soi, la constitution du SEAG étant en effet âprement discutée par les états et par les institutions européennes.

    Le projet de décision sur le SEAE

    Selon le projet de décision soumis par Catherine Ashton, Haute représentante aux Affaires étrangères de l’Union européenne, le SEAE est un organe de l’Union européenne fonctionnant de façon autonome, doté de la capacité juridique pour accomplir les tâches qui lui incombent et réaliser ses objectifs. Il est distinct  de la Commission et du Secrétariat général du Conseil et est placé sous l’autorité exclusive du Haut représentant (article 1). Il est composé d’une administration centrale et de délégations de l’Union dans les pays tiers. L’administration centrale comporte à sa tête un secrétaire général chargé de  prendre toutes « les mesures nécessaires pour assurer le bon fonctionnement du SEAE y compris sa gestion administrative et financière » qui exerce ses fonctions sous l'autorité du haut représentant et est secondé par deux secrétaires généraux adjoints.  Elle est organisée en différentes  directions générales, des directions générales constituées de départements géographiques couvrant tous les pays et régions du monde et de  départements thématiques, une DG pour les questions administratives, une DG  "gestion des crises et  planification » (article 4). Les délégations sont dirigées par des chefs de délégation qui reçoivent leurs  instructions du Haut représentant et du SEAE et sont responsables de leur exécution.

    Ils ont compétence pour représenter l'UE dans les pays où se situent  les délégations. Les délégations  « travaillent en étroite collaboration avec les services diplomatiques des États membres » et échangent avec ces derniers toutes les informations pertinentes. Si des États membres le leur demandent, elles les soutiennent dans leurs relations diplomatiques et dans leur rôle de protection consulaire des citoyens de l'Union dans les pays tiers. L’ouverture ou la fermeture d’une délégation est décidée par le Haut représentant, en accord avec le Conseil et la Commission (article 5). L’article 6 du projet précise que le personnel du SEAE est composé  des fonctionnaires et d'autres agents de l'Union européenne, et de membres du personnel des services diplomatiques des états nommés en tant qu'agents temporaires qui doivent travailler uniquement en vue les intérêts de l'Union et ne sollicitent ni n'acceptent d'instructions d'aucun gouvernement, autorité, organisation…autre que le Haut représentant.

    Toutes les nominations au sein du SEAE « sont fondées sur le mérite et sur une base géographique aussi large que possible », les procédures de sélection étant définies par le Haut représentant.

    Dans son travail, le SEAE collabore avec le secrétariat général du Conseil et les services de la Commission, de même qu’avec les services diplomatiques des États membres, pour veiller à la cohérence entre les différents domaines de l'action extérieure de l'Union et entre ceux-ci et ses autres politiques (article 3).

    Bataille pour les places

    Le SEAE prend la suite des structures existantes qui représentaient la Commission (les délégations) et les états (le secrétariat générale du Conseil). Rien d’étonnant à ce que la Commission, comme les Etats le vivent comme une perte de contrôle.

    Lors de son audition par la Commission des Affaires européennes de l’Assemblée Nationale, le Secrétaire d’etat français chargé des Affaires européennes n’a pas fait mystère des discussions acharnées auxquelles donne lieu l’organigramme du SEAE.

    Les états se chamaillent pour placer leurs candidats aux postes clés que sont le secrétaire général, les secrétaires adjoints et les six directeurs. Le poste de secrétaire général est en particulier très convoité, logiquement car il est le numéro 2 et coiffe les directions. Ce rôle éminent en fait le chef en second de la diplomatie européenne, et la France a pris une longueur d’avance sur ses partenaires en présentant très vite un candidat à ce poste, ce qui, reconnaît Pierre Lellouche, a été mal vu « certains s’imaginant que la France tente de prendre en mains le service diplomatique de l’Union ».

    Comment assurer, de plus, qu’il y ait vraiment une représentation de tous les pays au sein du  SEAE et que celui-ci ne devienne pas la chasse gardée des « grands » pays et de la Commission ? La réunion du Conseil du 26/04/2010 a permis de trouver un accord sur certains points :  les nominations des chefs des délégations devront refléter les “équilibres géographiques”  et associer la Comission européenne. A moyen terme, un tiers du personnel du SEAE sera composé de diplomates des différents états membres. Les délégations pourront offrir des services consulaires, sous certaines conditions.
    Un autre problème évoqué par M.Lellouche est le risque que le Parlement européen et la Commission n’essaient de prendre le contrôle de la politique étrangère européenne. Il faut éviter souligne le Ministre, qu’à la faveur de la mise en place du SEAE, « les anciennes représentations de la Commission ne se transforment pas en ambassades de l’Union européenne sans discussion sur les postes ». Par le biais du contrôle budgétaire sur cette activité relevant de la politique étrangère, la tentation est grande de « communautariser » la future politique étrangère de l’Union, souligne le Ministre. De fait, il n’a sans doute pas tort de se méfier !

    Le Parlement européen s’en mêle

    L’accord auquel est parvenu le Conseil n’a pas convaincu le Parlement européen. Quelques jours plus tard, l’eurodéputé Elmar Brok qui est chargé des négociations sur le projet de décision relatif au SEAE présentait des propositions de modification. Celles-ci sont encore officieuses, a précisé M.Brok, qui en a toutefois exposé les grandes lignes.

    Sur la composition du SEAE, M.Brok a rappelé il n’est pas envisageable que le personnel détaché par les états membres soit en nombre trop important car alors « le service sera inondé de personnel national et ne représentera plus l'Union" et "les États membres auraient l'impression que le SEAE leur appartient ». Le SEAE devra donc être majoritairement composé de fonctionnaires recrutés au plan communautaire et payés par le budget communautaire. C’est un point à régler prioritairement avant que les négociations s’ouvrent.

    Le Parlement entend exercer pleinement son pouvoir de contrôle et de décision sur le financement du SEAE. Celui-ci devrait être rattaché à la Commission dans les domaines administratif, organisationnel et en termes budgétaires et rendre compte au Parlement. Le budget de l’Union européenne en matière de relations extérieures devrait être augmenté de « manière appropriée ».  Un mécanisme de coordination politique devrait être mis en place pour assurer la cohérence de l'action. Enfin, un document serait établi pour décrire les  relations avec le Parlement européen et l'accès aux documents confidentiels.

    Il reste que l’Union européenne se prépare à mettre en place un nouvel organe sans que l’on sache très bien quelle est la politique  extérieure au service de laquelle il sera censé être. Quel contenu, quelles orientations pour la politique étrangère européenne…la question reste posée.

    Domaguil