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droits fondamentaux

  • L'ACTA doublement contesté

     

    Actuellement en examen au Parlement européen, l’ACTA commence mal son périple devant les institutions européennes.


    Dans un avis rendu public le 24 avril dernier, le Contrôleur européen de la protection des données (CEPD) estime que les mesures prévues par l’Accord pour lutter contre la violation des droits de propriété intellectuelle sont trop imprécises et peuvent avoir des conséquences « inacceptables » sur les droits fondamentaux des individus. Il dénonce des mesures qui impliquent une « surveillance à grande échelle » du comportement des utilisateurs et de leurs communications électroniques et sont donc « très intrusives dans la sphère privée des individus » (point 19 de l’avis). Bon nombre de ces mesures seraient donc contraires au droit communautaire. Enfin, l'ACTA ne contient pas de limitations et de garanties suffisantes, comme une protection juridictionnelle effective, une procédure régulière, le principe de présomption d'innocence et le droit à la protection de la vie privée et des données personnelles, estime l’avis. Ce n’est pas la première fois que le CEPD tire la sonnette d’alarme. En février 2010, il avait déjà publié un avis, de sa propre initiative, pour demander aux négociateurs de respecter la protection de la vie privée et des données personnelles. A l’époque, cet avis avait trouvé peu d’écho. Le contexte aujourd’hui est différent car l’ACTA est devenu un sujet public grâce, notamment, à l’action du collectif « Anonymous ».

    Le deuxième coup de semonce a été tiré le 25 avril lorsque David Martin, eurodéputé chargé de la rédaction du rapport sur l’ACTA sur lequel devra voter le Parlement européen a recommandé devant la Commission du commerce international du Parlement de rejeter l’ACTA et de "peut-être" le renégocier. Selon lui, l’accord n’est pas assez clair pour protéger les droits des citoyens. D’où la recommandation de le rejeter (car le Parlement ne peut pas amender le texte, mais seulement l’approuver ou le rejeter). Mais comme les droits de propriété intellectuelle doivent être protégés, il faudra peut-être ouvrir de nouvelles négociations pour modifier l’accord.

    L’ACTA pourrait bien s’enliser durablement dans les sables européens, puisque, outre le Parlement européen, la Cour de justice de l’Union européenne va aussi se prononcer sur sa compatibilité avec le droit communautaire, après avoir été saisie d’une demande d’avis par la Commission européenne. Ce qui, d’ailleurs pose le problème du calendrier : le Parlement européen peut-il voter sur l’ACTA alors que la Cour ne s’est pas prononcé sur sa « légalité » ?.Quoiqu’il en soit, le vote en session plénière du Parlement est prévu en juillet sans que la date soit définitivement fixée.

    Domaguil

  • Des nouvelles de SWIFT

    Pour ceux qui s’intéressent au cas SWIFT déja évoqué sur ce blog et à ce qu’il révèle du grignotage progressif des libertés individuelles, voici les derniers rebondissements de cette curieuse affaire.

     

    Le 24/07/2009, le Conseil des Ministres de l’Union européenne a autorisé l’ouverture de négociations avec les Etats-Unis pour parvenir à un accord sur l’accès des autorités nord américaines aux informations du réseau Swift. Cette décision prend la forme d'un mandat de négociation confié à la Commission européenne. Selon le Commissaire Jacques Barrot, chargé de la Justice, de la Liberté et de la Sécurité, il ne s’agit pas pour autant de donner un chèque en blanc aux Etats-Unis, assurance qui a pour but de répondre aux critiques nombreuses exprimées notamment sur les bancs du Parlement Européen. Pour le groupe des Verts, par exemple, la Commission et le Conseil veulent agir sans intervention du Parlement alors que l’accord menace les droits fondamentaux des citoyens. La Commission par la voix de Jacques Barrot s’en défend et souligne que l’accord envisagé est simplement temporaire et destiné à durer quelques mois. En fait, ce sont les Etats-Unis qui sont demandeurs d’un tel accord car le contexte a changé depuis que l’affaire Swift a éclaté : Swift aurait décidé de transférer dès l’automne ses banques de données aux Pays-Bas et en Suisse. Seul resterait aux Etats-Unis un serveur contenant uniquement les données américaines. Dès lors, si un accord n’est pas conclu avec l’UE, les Etats-Unis dépendraient du bon vouloir des différents pays membres de l’UE pour avoir accès à leurs informations.

     

    Passée la période temporaire, c’est bien la question de la protection des données privées qui devra faire l’objet de règles plus précises et nécessitera pour cela un accord UE/ Etats Unis. Et cela ne pourra se faire sans les eurodéputés, comme l’a d’ailleurs relevé le commissaire Barrot lord de son audition devant la commission parlementaire des Libertés civiles, le 23/07.

     

    En tant que représentant des citoyens, le Parlement demande depuis longtemps et avec insistance à être associé aux négociations avec les autorités nord américaines, sans grand succès. Mais, en session plénière le 16/09/2009, les représentants de la Commission européenne et du Conseil, seules institutions européennes parties prenantes aux négociations pour le moment, ont affirmé que l’accord actuellement en vigueur deviendrait caduc dans un an et que les nouvelles règles du traité de Lisbonne s’appliquant (si celui-ci est adopté d’ici là) le Parlement européen aura le dernier mot sur le nouvel accord. Si l’arrivée du Parlement dans un dossier jusque là géré par les états et la Commission peut a priori sembler rassurante, encore faudra-t-il que les mots de défense des droits ne soient pas une simple incantation. Car il est sans doute tentant pour les pays européens d’accepter que les Etats-Unis aient accès aux données de leurs citoyens… du moment qu’ils partageront avec eux l’information recueillie.

     

    Le 29/09, lors d’une audition devant les députés français membres de la Commission pour les affaires européennes, Alex Türk, Président de la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) a dit tout le mal qu’il pensait de cet échange de « bons procédés » entre l’Union et les Etats-Unis car «  il existe un fossé entre les conceptions américaine et européenne de la protection des données personnelles et de la vie privée » (remarque faite par Alex Turk après avoir pris la précaution de rappeler en préliminaire qu’il souscrit aux objectifs de la lutte contre le terrorisme). Entre autres morceaux choisis, je citerai celui-ci : « J’ai pour ma part mené des consultations à Paris auprès des banques et, à Bruxelles, auprès du groupe des 27 CNIL européennes, que je préside, ainsi que des ministères et de diverses autres autorités. Les autres CNIL ont fait de même dans leurs pays respectifs. Il est apparu que nous avions en réalité peu de garanties sur l’usage que faisaient de ces informations les autorités des Etats-Unis. Etaient-elles conservées exclusivement par les autorités chargées de la lutte contre le terrorisme, ou pouvaient-elles être communiquées à d’autres autorités américaines, intervenant notamment dans le domaine commercial ? Nous n’avons obtenu aucune information à ce propos et les bruits qui nous parvenaient n’avaient rien de rassurant. La même incertitude prévalait quant à la durée de conservation de ces informations ». Sur le système de garanties mis en place après la découverte du pot aux roses en 2006, et qui prévoit notamment un contrôle sur place par une « personnalité éminente » (le juge Bruguière) nommée par les institutions européennes, M.Türk ne s’est guère montré plus rassurant : « J'étais personnellement très satisfait de ce que je considérais alors comme une grande victoire des CNIL européennes, mais j’étais trop optimiste… » dit-il. Car le rapport rendu par le juge s’est avéré…fort curieux. C’est assez "savoureux", je cite donc intégralement : « Auditionné à son retour devant le groupe de l'article 29, réunissant les 27 CNIL européennes, à Bruxelles, il (le juge Bruguière) a déclaré en substance que tout allait très bien, que les autorités américaines étaient très efficaces dans leur lutte contre le terrorisme et que rien ne s'opposait à ce que le système soit maintenu en l'état. Il a toutefois déclaré aussi qu'il ne pouvait pas nous rendre son rapport, au motif que les autorités américaines avaient décidé de le classifier. Pour la première fois donc, à la grande surprise des CNIL européennes, un contrôlé classifiait le rapport du contrôleur ! Quatre mois après son audition, M. Bruguière ne nous a toujours pas fourni ce rapport. Auditionné à Paris devant la CNIL, il a accepté l’idée de nous remettre une note qui le synthétiserait. Après quatre rappels, je n'ai toujours pas reçu cette note.

    Dès lors, nous n'avons plus aucune garantie de la part du contrôleur européen que tout se passait conformément aux accords conclus entre l'Union européenne et les Etats-Unis. Cependant, sur la foi du rapport – inconnu – de M. Bruguière, la Commission européenne a considéré qu'il n'y avait plus de raison d'interdire aux Etats-Unis d'accéder aux données sur les transactions intra-européennes à partir du nouveau centre ». Et de conclure : « J'ai tenu à être auditionné par votre commission non seulement parce que cette question est de votre compétence, mais aussi parce que le débat devrait être rouvert avec la ratification du traité de Lisbonne. Il importe de préparer cette discussion globale, qui sera sans doute la dernière, pour tenter d'obtenir le respect des garanties évoquées ».

     

    La balle est dans le camp du Parlement européen qui aura un rôle accru dans la renégociation de l'accord. A lui de s’en saisir.

     

    Domaguil

  • Le traité de Lisbonne et la protection des droits, 1ère partie

    Absente dans le corps du texte, la Charte des droits fondamentaux figure sous la forme de renvoi dans l’article 6 du nouveau traité sur l’Union européenne (même numéro dans la version consolidée) (article 1§8 du traité de Lisbonne).

     

    Article 6 1. L'Union reconnaît les droits, les libertés et les principes énoncés dans la Charte des droits fondamentaux du 7 décembre 2000, telle qu'adaptée le [... 2007, à …], laquelle a la même valeur juridique que les traités.

    Les dispositions de la Charte n'étendent en aucune manière les compétences de l'Union telles que définies dans les traités.

    Les droits, les libertés et les principes énoncés dans la Charte sont interprétés conformément aux dispositions générales du titre VII de la Charte régissant l'interprétation et l'application de celle-ci et en prenant dûment en considération les explications viséres dans la Charte, qui indiquent les sources de ces dispositions.

    2. L'Union adhère à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. Cette adhésion ne modifie pas les compétences de l'Union telles qu'elles sont définies dans les traités. 3. Les droits fondamentaux, tels qu'ils sont garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, font partie du droit de l'Union en tant que principes généraux.

    Une Déclaration précise la portée de la charte (reprenant les termes utilisés dans le traité constitutionnel) : 

    1. Déclaration sur la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne

    La Charte des droits fondamentaux, juridiquement contraignante, confirme les droits fondamentaux garantis par la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres. La Charte n'étend pas le champ d'application du droit de l'Union au-delà des compétences de l'Union, ni ne crée aucune compétence ni aucune tâche nouvelles pour l'Union et ne modifie pas les compétences et tâches définies par les traités.

    La nouveauté est que le Royaume-Uni a obtenu une exemption : un protocole  précise que la Charte ne lui est pas applicable, de même qu’à la Pologne. Plus précisément, il prévoit que la Charte ne leur est pas opposable pour les droits qui ne sont pas reconnus dans leurs législations internes.    

    Article premier 1. La Charte n'étend pas la faculté de la Cour de justice de l'Union européenne, ou de toute juridiction de la Pologne ou du Royaume-Uni, d'estimer que les lois, règlements ou dispositions, pratiques ou action administratives de la Pologne ou du Royaume-Uni sont incompatibles avec les droits, les libertés et les principes fondamentaux qu'elle réaffirme. 2. En particulier, et pour dissiper tout doute, rien dans le titre IV de la Charte ne crée des droits justiciables applicables à la Pologne ou au Royaume-Uni, sauf dans la mesure où la Pologne ou le Royaume-Uni a prévu de tels droits dans sa législation nationale. Article 2

    Lorsqu'une disposition de la Charte fait référence aux pratiques et aux droits nationaux, elle ne s'applique à la Pologne ou au Royaume-Uni que dans la mesure où les droits et principes qu'elle contient sont reconnus dans le droit ou les pratiques de la Pologne ou du Royaume-Uni.

     

     

    Deux déclarations de la Pologne annexées au traité (déclarations 61 et 62 excluent toute ingérence dans les domaines « de la moralité publique, du droit de la famille ainsi que de la protection de la dignité humaine et du respect de l'intégrité humaine physique et morale » (déclaration 61). La Pologne a tenu en outre à préciser que « compte tenu de la tradition liée au mouvement social "Solidarité" et de sa contribution importante à la lutte en faveur des droits sociaux et du travail, elle respecte intégralement les droits sociaux et du travail établis par le droit de l'Union, et en particulier ceux qui sont réaffirmés au titre IV de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ».

     

     

    Il reste à savoir comment la Charte s’appliquera à la Pologne et au Royaume-Uni compte tenu du protocole. Ce sera la tâche de la Cour de Justice des Communautés européennes (dénommée dans le futur : Cour de Justice de l’Union européenne). Selon certains juristes, le protocole s'appliquera dans la mesure où la législation communautaire reconnaît aux Etats une marge d’appréciation pour la mettre en œuvre. Mais, ainsi qu’ils le remarquent, pour que la Cour de justice puisse rendre une décision, encore faut-il qu’elle soit saisie par une juridiction nationale par la voie d’une question préjudicielle. Que se passera-t-il si un juge polonais ou britannique se dispense de le faire  en posant comme acquis  que la Pologne ou le Royaume-Uni seraient exemptés de l'application de la charte par le  protocole ? (plus de détails sur ces réactions dans l’article « la charte des droits fondamentaux proclamée à nouveau », blog de la SCP d’avocats FLECHER POUJADE & ASSOCIES, 10/12/2007)

    Suite de la note demain

    Domaguil

     Dossier sur le traité de Lisbonne sur le site eurogersinfo