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libertés

  • Des nouvelles de SWIFT

    Pour ceux qui s’intéressent au cas SWIFT déja évoqué sur ce blog et à ce qu’il révèle du grignotage progressif des libertés individuelles, voici les derniers rebondissements de cette curieuse affaire.

     

    Le 24/07/2009, le Conseil des Ministres de l’Union européenne a autorisé l’ouverture de négociations avec les Etats-Unis pour parvenir à un accord sur l’accès des autorités nord américaines aux informations du réseau Swift. Cette décision prend la forme d'un mandat de négociation confié à la Commission européenne. Selon le Commissaire Jacques Barrot, chargé de la Justice, de la Liberté et de la Sécurité, il ne s’agit pas pour autant de donner un chèque en blanc aux Etats-Unis, assurance qui a pour but de répondre aux critiques nombreuses exprimées notamment sur les bancs du Parlement Européen. Pour le groupe des Verts, par exemple, la Commission et le Conseil veulent agir sans intervention du Parlement alors que l’accord menace les droits fondamentaux des citoyens. La Commission par la voix de Jacques Barrot s’en défend et souligne que l’accord envisagé est simplement temporaire et destiné à durer quelques mois. En fait, ce sont les Etats-Unis qui sont demandeurs d’un tel accord car le contexte a changé depuis que l’affaire Swift a éclaté : Swift aurait décidé de transférer dès l’automne ses banques de données aux Pays-Bas et en Suisse. Seul resterait aux Etats-Unis un serveur contenant uniquement les données américaines. Dès lors, si un accord n’est pas conclu avec l’UE, les Etats-Unis dépendraient du bon vouloir des différents pays membres de l’UE pour avoir accès à leurs informations.

     

    Passée la période temporaire, c’est bien la question de la protection des données privées qui devra faire l’objet de règles plus précises et nécessitera pour cela un accord UE/ Etats Unis. Et cela ne pourra se faire sans les eurodéputés, comme l’a d’ailleurs relevé le commissaire Barrot lord de son audition devant la commission parlementaire des Libertés civiles, le 23/07.

     

    En tant que représentant des citoyens, le Parlement demande depuis longtemps et avec insistance à être associé aux négociations avec les autorités nord américaines, sans grand succès. Mais, en session plénière le 16/09/2009, les représentants de la Commission européenne et du Conseil, seules institutions européennes parties prenantes aux négociations pour le moment, ont affirmé que l’accord actuellement en vigueur deviendrait caduc dans un an et que les nouvelles règles du traité de Lisbonne s’appliquant (si celui-ci est adopté d’ici là) le Parlement européen aura le dernier mot sur le nouvel accord. Si l’arrivée du Parlement dans un dossier jusque là géré par les états et la Commission peut a priori sembler rassurante, encore faudra-t-il que les mots de défense des droits ne soient pas une simple incantation. Car il est sans doute tentant pour les pays européens d’accepter que les Etats-Unis aient accès aux données de leurs citoyens… du moment qu’ils partageront avec eux l’information recueillie.

     

    Le 29/09, lors d’une audition devant les députés français membres de la Commission pour les affaires européennes, Alex Türk, Président de la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) a dit tout le mal qu’il pensait de cet échange de « bons procédés » entre l’Union et les Etats-Unis car «  il existe un fossé entre les conceptions américaine et européenne de la protection des données personnelles et de la vie privée » (remarque faite par Alex Turk après avoir pris la précaution de rappeler en préliminaire qu’il souscrit aux objectifs de la lutte contre le terrorisme). Entre autres morceaux choisis, je citerai celui-ci : « J’ai pour ma part mené des consultations à Paris auprès des banques et, à Bruxelles, auprès du groupe des 27 CNIL européennes, que je préside, ainsi que des ministères et de diverses autres autorités. Les autres CNIL ont fait de même dans leurs pays respectifs. Il est apparu que nous avions en réalité peu de garanties sur l’usage que faisaient de ces informations les autorités des Etats-Unis. Etaient-elles conservées exclusivement par les autorités chargées de la lutte contre le terrorisme, ou pouvaient-elles être communiquées à d’autres autorités américaines, intervenant notamment dans le domaine commercial ? Nous n’avons obtenu aucune information à ce propos et les bruits qui nous parvenaient n’avaient rien de rassurant. La même incertitude prévalait quant à la durée de conservation de ces informations ». Sur le système de garanties mis en place après la découverte du pot aux roses en 2006, et qui prévoit notamment un contrôle sur place par une « personnalité éminente » (le juge Bruguière) nommée par les institutions européennes, M.Türk ne s’est guère montré plus rassurant : « J'étais personnellement très satisfait de ce que je considérais alors comme une grande victoire des CNIL européennes, mais j’étais trop optimiste… » dit-il. Car le rapport rendu par le juge s’est avéré…fort curieux. C’est assez "savoureux", je cite donc intégralement : « Auditionné à son retour devant le groupe de l'article 29, réunissant les 27 CNIL européennes, à Bruxelles, il (le juge Bruguière) a déclaré en substance que tout allait très bien, que les autorités américaines étaient très efficaces dans leur lutte contre le terrorisme et que rien ne s'opposait à ce que le système soit maintenu en l'état. Il a toutefois déclaré aussi qu'il ne pouvait pas nous rendre son rapport, au motif que les autorités américaines avaient décidé de le classifier. Pour la première fois donc, à la grande surprise des CNIL européennes, un contrôlé classifiait le rapport du contrôleur ! Quatre mois après son audition, M. Bruguière ne nous a toujours pas fourni ce rapport. Auditionné à Paris devant la CNIL, il a accepté l’idée de nous remettre une note qui le synthétiserait. Après quatre rappels, je n'ai toujours pas reçu cette note.

    Dès lors, nous n'avons plus aucune garantie de la part du contrôleur européen que tout se passait conformément aux accords conclus entre l'Union européenne et les Etats-Unis. Cependant, sur la foi du rapport – inconnu – de M. Bruguière, la Commission européenne a considéré qu'il n'y avait plus de raison d'interdire aux Etats-Unis d'accéder aux données sur les transactions intra-européennes à partir du nouveau centre ». Et de conclure : « J'ai tenu à être auditionné par votre commission non seulement parce que cette question est de votre compétence, mais aussi parce que le débat devrait être rouvert avec la ratification du traité de Lisbonne. Il importe de préparer cette discussion globale, qui sera sans doute la dernière, pour tenter d'obtenir le respect des garanties évoquées ».

     

    La balle est dans le camp du Parlement européen qui aura un rôle accru dans la renégociation de l'accord. A lui de s’en saisir.

     

    Domaguil

  • Il était un vilain petit canard polonais

    Dans tout groupe, il existe un ou des  « vilains petits canards ». Cela s’applique aussi à l’Union européenne. Durant de longues années,  le rôle  a été tenu avec constance par le Royaume-Uni. Depuis son adhésion (et même un peu avant, si l’on se souvient des discussions finales ardues sur le traité constitutionnel), la Pologne semble une concurrente sérieuse au titre du pays le plus zélé à mettre des bâtons dans les roues déjà passablement bloquées de l’Union.

     

     

    Prenons l’exemple des droits fondamentaux.

     

     

    Premiers ballons d’essais

     

     

    Il y a quelques mois, la Pologne s’était signalée par une proposition qui avait tiré l’Union européenne de sa torpeur estivale. Il ne s’agissait pas moins que de rétablir la peine de mort pour les  meurtriers pédophiles. Initiée par des organisations et des partis ultraconservateurs et nationalistes, la proposition avait reçu le soutien appuyé du Président Lech Kaczynski  qui avait rappelé être depuis toujours partisan de la peine de mort. La réaction ne s’était pas faite attendre et les institutions européennes avaient rappelé à l’ordre le trublion en  soulignant «l’incompatibilité absolue entre l'Union européenne  et la peine de mort », selon les termes de la Commission (l’article 6 du traité sur l’Union européenne renvoie notamment à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales qui interdit la peine de mort).

     

     

    En février, un député européen polonais de la Ligue des familles, proche du Gouvernement, Maciej Giertych, provoquait émoi et consternation dans les sphères européennes pour avoir publié une brochure qualifiée d’antisémite par de nombreux hommes politiques. Le fait qu’elle portait le logo du Parlement européen et avait été, disait-on, financée sur les fonds qu’il met à la disposition des partis politiques qui y sont représentés, pouvait laissait penser que le Parlement cautionnait des idées pour le moins en contradiction avec les valeurs prônées par l’Union européenne. Finalement, les services de l’assemblée démentaient publiquement que l'institution ait financé cette brochure. Mais ils ne pouvaient nier que Maciej Giertych avait bien utilisé ses infrastructures pour sa conférence de presse de présentation et pour distribuer son livre. Le fin mot de l’histoire revint au Président polonais qui dans une déclaration du 22/02 condamnait l’ouvrage, poussé par « le tollé international causé par cette affaire », ainsi que l’écrivait  dans son blog le correspondant à Bruxelles du journal Libération, Jean Quatremer.

     

     

    Mais chassez le naturel…

     

     

    Voilà que la Pologne est à nouveau mise en cause par le Parlement européen pour le peu de cas qu’elle fait des libertés des individus et des droits politiques.

     

     

    "Chasse aux sorcières"

     

     

    Première cause de l’ire du Parlement : l’affaire Geremek. Bronislaw Geremek, figure historique de la lutte contre le communisme et ancien membre de Solidarnosc, est menacé d’être déchu de son mandat de député européen pour avoir refusé de se conformer à la nouvelle loi de "lustration" relative au  processus de décommunisation de cet Etat qui oblige les hauts fonctionnaires et d'autres corps de métier à déclarer par écrit s'ils ont ou non  collaboré avec la police  politique communiste, le refus entraînant la déchéance de toute responsabilité ou fonction publique. Sont ainsi visées, par un dispositif qui rappelle certains traits du maccarthysme aux Etats-Unis, des centaines de milliers de personnes, responsables politiques, magistrats, professeurs d'universités, directeurs d'écoles, gestionnaires des sociétés d'Etat, journalistes….menacés ainsi d’épuration, y compris au mépris de la légitimité donnée par un mandat électif après une élection démocratique, comme c’est le cas pour M.Geremek.  Dans une déclaration du 25/04/2007 lue devant ses collègues eurodéputés, celui-ci explique les raison de son refus fustigeant une loi qui « viole les règles morales, menace la liberté d’expression, l’indépendance des média et l’autonomie des universités ». « Elle engendre », poursuit-il, « une forme de « Ministère de la Vérité » et de « Police de la mémoire » et désarme le citoyen en face de campagnes de calomnies, en affaiblissant la protection légale de ses droits ». Au cours du débat, les représentants des trois plus grands groupes du Parlement européen ont soutenu leur collègue et évoqué la possibilité de sanctions contre la Pologne. Mais pour l’instant, le Président du Parlement européen (qui était récemment en visite à Varsovie) et les autres institutions européennes jouent la carte de l’attentisme prudent. La loi fait actuellement l’objet d’un recours devant la Cour constitutionnelle polonaise formé par la gauche sociale-démocrate. Si elle était invalidée (la décision devrait intervenir dans une semaine), la demande de retrait du mandat de M .Geremek n’aurait plus de fondement.

     

     

    Haro sur les homosexuels

     

     

    Deuxième grief du Parlement européen : l’annonce par le Ministre polonais de l'Education d’une proposition de loi permettant d'exclure les enseignants « ouvertement  homosexuels » de l'enseignement. Plus exactement, il s’agirait de prévoir  « le  renvoi, des amendes ou des peines d'emprisonnement pour les  directeurs d'école, les enseignants et les élèves exerçant des activités militantes pour la défense des droits des lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels dans les écoles ». Comme cela avait été le cas pour le projet de rétablissement de la pein de mort, le gouvernement polonais se montre soucieux de faire profiter les autres européens de ses bonnes idées et a exprimé « le souhait de promouvoir l'adoption de lois similaires au niveau européen ».

     

     

    Trop c’est trop, ont estimé les eurodéputés dans une résolution du 26/04/2007 qui cloue au pilori le gouvernement polonais et, de façon secondaire, des pays européens dans lesquels une recrudescence de l’homophobie a été observée. Le Parlement appelle les états membres à "proposer des dispositions visant à  mettre fin aux discriminations auxquelles sont confrontés les couples de même sexe". Il  demande également à la Commission de s'assurer que le "principe de reconnaissance mutuelle" des lois nationales soit appliqué dans ce domaine, "afin de garantir la libre circulation de toutes les personnes au sein de l'Union européenne, sans discrimination aucune". Enfin, il rappelle que la Commission est chargée "de traduire en justice les États membres en cas de violation de leurs obligations européennes". S’agissant de la Pologne plus particulièrement, la résolution « prie instamment les autorités  polonaises compétentes de se garder non seulement de proposer ou d'adopter toute loi dont le contenu correspondrait aux  propos tenus par le vice-premier ministre et le ministre de  l'Éducation polonais mais encore d'appliquer aucune mesure d'intimidation à l'encontre de la communauté GLBT » (ndlr : gay, lesbiennes,bisexuels, transsexuels). En outre, « les déclarations formulées par les dirigeants publics incitant à la discrimination et à la  haine pour des motifs d'orientation sexuelle » doivent être condamnées publiquement par le gouvernement polonais et sanctionnées, sous peine de violer l’article 6 du traité de l’Union européenne, sachant que la violation de cet article peut être suivie de sanctions à l’encontre de l’état en cause selon l’article 7 du Traité.

     

     

    Voilà  « le vilain petit canard » prié de se transformer en cygne. Faute de baguette magique, le droit communautaire pourrait remplir ce rôle.

     

     

    Domaguil