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  • Quand le droit communautaire vient au secours des syndicats de GDF

    Il y a quelques jours encore, la fusion Gaz De France-Suez avant la fin de l’année semblait une certitude à en croire les propos enthousiastes des Directions des deux entreprises et du Ministère des Finances français. Après l’aval donné par la Commission européenne au projet de fusion, rien ne semblait plus faire obstacle à ce mariage annoncé à grande pompe.

     

     

    Las ! Voilà que le comité d’entreprise européen de GDF gâche la fête promise et joue les trublions en obtenant le report de la fusion au motif que l’information des travailleurs n’a pas été correctement assurée par la Direction qui semblerait avoir un peu légèrement oublié ce « détail ».

     

     

    L’irruption de ce nouvel acteur dans le feuilleton qui se joue depuis plusieurs mois n’aurait pas été possible sans la directive européenne 94/45 du 22 septembre 1994 qui est l’acte fondateur des comités d’entreprise européens ( directive étendue au Royaume- Uni en 1997).

     

     

    Afin d'améliorer le droit à l'information et à la consultation des travailleurs dans les entreprises et les groupes d'entreprises de dimension communautaire, la directive prévoit la possibilité de créer  un comité d'entreprise européen ou une procédure d'information et de consultation. Les entreprises ou groupes concernés sont ceux  qui emploient 1 000 travailleurs au moins dans l'ensemble des états membres et, dans deux pays au moins, un minimum de 150 travailleurs dans chacun de ces pays. La décision de créer un comité résulte soit d’une initiative de la direction centrale soit d’une demande écrite de 100 salariés ou de leurs représentants relevant d'au moins deux entreprises présentes dans au moins deux états membres. Un groupe de négociation est désigné par les salariés afin de discuter avec la direction de l’accord qui déterminera le champ d'action, la composition, la compétence et la durée du mandat du  comité d'entreprise européen.

     

     

    L’information et la consultation prennent des formes diverses et au minimum obligent la direction à faire un rapport annuel sur l'évolution des activités du groupe ou de l’entreprise et ses perspectives : situation économique et financière, investissements, changements substantiels concernant l'organisation, introduction de nouvelles  méthodes de travail ou de nouveaux procédés de production, transferts de  production, réduction de la taille ou la fermeture d'entreprises, licenciements collectifs, fusions... Le rapport est discuté en réunion avec le comité d’entreprise européen. Celui-ci doit être également informé en cas de  « circonstances exceptionnelles » affectant « considérablement » les intérêts des travailleurs.

     

     

    Des accords de comités d'entreprise européens ont ainsi été conclus dans environ 700 sociétés ou groupes. Ils concernent quelques 11 millions de travailleurs et 10.000 de leurs représentants (selon les informations données par la Commission européenne).

     

     

    GDF, pour le malheur de sa Direction ( !) est doté d’un Comité d'entreprise européen.

     

     

    Réuni le 15 novembre 2006 pour donner son avis sur le projet de fusion GDF-Suez, celui-ci  a jugé insuffisantes les réponses de la Direction à ses questions sur les conséquences sociales de la fusion. Il a donc voté une résolution dénonçant « l’insuffisance flagrante d’informations » et demandant une expertise sociale sur le domaine de l'emploi. Et devant le refus de la Direction de reporter le Conseil d’administration du 22/11 qui devait entériner la fusion, il a saisi illico le juge des référés (procédure d’urgence)  pour obtenir le délai nécessaire à la réalisation de l’expertise et donc, le report de la réunion du Conseil d’administration.

     

     

     

    Le Comité se fondait notamment sur la  directive 94/45 ainsi que sur la directive 2002/14 du 11 mars 2002 établissant « un cadre général relatif à l'information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne ».

     

     

    Cette argumentation a convaincu le juge des référés qui a ordonné le report du Conseil d’administration de Gaz de France SA et interdit à la Société  de prendre toute décision relative au projet de fusion  tant que le comité d’entreprise européen n’aura pas donné son avis, sous peine d’astreinte de 100 000 euros. La décision a été ensuite confirmée, le 22/11,  par la Cour d’Appel de Paris devant laquelle la Direction de GDF avait formé un recours.

     

     

    En vertu de ces décisions, une nouvelle réunion du Comité d’Entreprise Européen de GDF devra être organisée après le dépôt du rapport d’expertise. Toute décision est gelée avant que le Comité n’ait été consulté sur la base d’informations complètes.

     

     

    Déçus par le vote de l’Assemblée nationale, peu suivis par les salariés, les syndicats reçoivent donc le renfort inattendu du droit communautaire et il est assez savoureux de voir la CGT, dont on connaît l’europhilie  très modérée, clamer sa satisfaction ( Déclaration du 23/11/2006 « Premier succès contre la fusion Suez-Gaz de France : un encouragement aux luttes »). Mais il est vrai qu’en experte de la langue de bois elle préfère évoquer « une victoire importante, émanant de la mobilisation des salariés »  plutôt que les textes européens !

     

     

    Du côté de la Direction de GDF on fait grise mine. Reporté, le projet de fusion semble fragilisé puisque les conditions imposées par la justice repoussent les délais à février ou mars prochain soit peu de temps avant l’élection présidentielle et avec le risque de voir ce dossier se politiser.

     

     

     

    Il reste encore une question : à quoi a servi l’aéropage d’avocats et d’éminents juristes d’affaires  penchés sur le berceau de la fusion et certainement grassement rétribués ?  Comment les obstacles juridiques n’ont-ils pas été anticipés? Je conseille, sans frais, à la Direction de GDF de négocier une baisse des honoraires !

     

    Domaguil

     
  • Consultation sur le droit du travail dans l’Union européenne

    Attendu depuis longtemps et retardé en raison notamment de l’opposition des représentants des employeurs (UNICE: Union des Industries de la Communauté européenne, le livre vert sur le droit du travail vient d’être rendu public par la Commission le 22/11/2006. Il sert de base à une consultation publique ouverte jusqu’au 21/03/2007.

    Contrairement à l’UNICE (est-ce réellement  surprenant ?) la Confédération Européenne des Syndicats -CES- qui militait pour l’ouverture d’un débat européen, se réjouit de le voir enfin lancé dans un communiqué du 22/11. 

    La question centrale posée est de savoir comment le droit du travail au niveau de l’Union européenne et au niveau national peut contribuer à rendre le marché du travail plus flexible tout en assurant aux travailleurs une sécurité maximale. C’est la notion de flexicurité, néologisme composé des termes de flexibilité et de sécurité pour décrire un modèle social qui compense une protection minimale contre le licenciement par un haut niveau de prestations pour les travailleurs privés d’emploi. Cette notion dont la Commission reconnaît qu’elle est très controversée, est au centre de la consultation. Les questions posées sont, par exemple :

    • 2. L'adaptation du droit du travail et des conventions collectives peut-elle contribuer à améliorer la flexibilité et la sécurité dans l'emploi et à réduire la segmentation du marché du travail? Si oui, comment?
    • 4. Comment faciliter le recrutement au moyen de contrats permanents et temporaires, que ce soit par la voie législative ou le biais de conventions collectives, de manière à accroître la souplesse de ces contrats tout en garantissant un niveau suffisant de sécurité dans l'emploi et de protection sociale?
    • 5. Cela vaudrait-il la peine d'envisager de combiner un assouplissement de la législation de protection de l'emploi à un système bien conçu de soutien aux chômeurs, sous la forme de compensations pour perte de revenu (politiques passives du marché du travail) mais aussi de politiques actives du marché du travail?
    • 8. Est-il nécessaire de prévoir un «socle de droits» relatif aux conditions de travail de tous les travailleurs, indépendamment de la forme de leur contrat de travail? Quelle serait, selon vous, l'incidence de ces obligations minimales sur la création d'emplois et la protection des travailleurs?
    • 12. Comment les droits du travail des travailleurs effectuant des prestations dans un contexte transnational, notamment des travailleurs frontaliers, peuvent-ils être garantis dans l'ensemble de la Communauté? Pensez-vous qu'il est nécessaire d'améliorer la cohérence des définitions du «travailleur» contenues dans les directives européennes, de manière à garantir que ces travailleurs puissent exercer leurs droits du travail, quel que soit l'État membre dans lequel ils travaillent? Ou bien estimez-vous que les États membres devraient garder une marge de manoeuvre dans ce domaine.

    L’UNICE soutient un concept déjà bien connu celui de « flexibilité » : c’est dans ce sens qu’elle conçoit la modernisation du droit du travail… La Commission européenne, pour sa part,  on l’a vu, préfère parler de flexicurité. Mais la pierre d’achoppement majeure pour l’UNICE est la compétence en matière de droit du travail. Selon elle, cette compétence doit rester nationale, ce qui exclut toute harmonisation communautaire. Enfin, une autre critique au livre vert est qu’il n’insiste pas suffisamment sur l’importance du travail indépendant pour développer l’esprit d’entreprise qui fait défaut, selon l’organisation, en Europe. En fait, comme l’exprime son Président, M.Seillière,  le livre vert inquiète l’UNICE car il lui semble trop centré sur la préservation de l’emploi et non sur les moyens de créer des emplois nouveaux.  L’UNICE reprend ainsi l’antienne bien connue pour demander plus de dérégulation (communiqué du 22/11/2006 « Reform of the labour market needs flexibility and national implementation”).

    Du côté de la CES, l’analyse est différente, on s’en doute. L’insécurité croissante des travailleurs résultant de l’évolution récente des législations nationales qui multiplient les recours à des contrats de travail précaire se conjugue à de nouvelles méthodes de production privilégiant l’externalisation des coûts (sous traitance), et la mobilité des travailleurs et des capitaux. Dans ce contexte d’ouverture, une réponse nationale n’est plus suffisante. Et c’est pourquoi, contrairement à l’UNICE, la CES attend du débat qui s’ouvre la définition de « normes de travail équitables et décentes dans toute l’UE » en soulignant qu’elles  sont  essentielles pour la bonne gestion d’un marché unique européen du travail en  pleine émergence. En clair, il faut lutter contre le dumping social dans une Europe communautaire disparate.

     

    Le débat commence. Il sera difficile. D’une part, on l’a vu, les positions des partenaires sociaux sont éloignées. D’autre part, les états eux-mêmes sont divisés et réticents à développer l’intervention de l’Union européenne en matière de droit du travail.

     

    Le livre vert et le questionnaire figurant sur la page de la Commission qui leur est dédiée.  

     

    Domaguil 

                 
  • Pétition européenne sur les services publics

    La Confédération Européenne des Syndicats tiendra, mardi 28 novembre, une conférence de presse pour lancer une pétition sur les services publics en Europe.

     

     

    La CES regroupe au niveau européen 81 confédérations nationales représentant plus de 60 millions de syndicalistes de différents secteurs, du journalisme et du divertissement à l’industrie chimique et métallurgique (pour la France :  CFDT Confédération française démocratique du travail ; CFTC Confédération française des travailleurs chrétiens ; CGT Confédération générale du travail ; FO Force ouvrière ; UNSA Union nationale des syndicats autonomes). Elle défend les intérêts des travailleurs et les représente devant les institutions européennes avec pour objectif de promouvoir la une dimension sociale de l’Union européenne,  garantissant le bien-être de l’ensemble de ses citoyens. Si le contenu de cette dimension fait l’objet d’appréciations différentes parmi les membres de la Confédération, il existe certainement un consensus sur l’objectif défendu mardi.

     

     

    La CES rappelle l’importance des services publics : « L’accès à des services fonctionnant correctement a une influence décisive sur la qualité de vie des citoyen(ne)s et, selon la CES, il s’agit même d’un droit social essentiel. Ces services –également connus sous le nom de services d’intérêt (économique) général- sont cruciaux pour le modèle social européen, pour le développement économique et la cohésion sociale et régionale dans l’UE ». Mais, constate la CES,  malgré les demandes faites par différents acteurs sociaux et politiques, il n'existe toujours pas de de législation européenne afin de définir et de protéger les services publics, de garantir les droits des travailleurs et des consommateurs et de faire en sorte que l’intérêt général prime sur la loi du marché.

     

     

    Telle est la raison de la pétition européenne pour des services accessibles et de haute qualité.

     

     

    Voila une excellente occasion pour les ex nonistes et ouistes de se retrouver autour d’une initiative concrète pour faire progresser l’Union européenne des peuples.

     

     

    Ce serait dommage de passer à côté. Récemment, la Commission européenne a proposé un règlement pour réglementer le commerce des fourrures de chiens et de chats. Cette initiative faisait suite à la mobilisation et aux pétitions des associations de défense des animaux.

     

     

    Sans vouloir dédaigner la cause de nos petits compagnons à quatre pattes, il me semble que le service public mérite bien une mobilisation encore plus forte.

     Domaguil

     

  • Suspense sur la suite des négociations d’adhésion de la Turquie à l’Union Européenne

    Les 14 et 15 décembre, le Conseil européen débattra de la suite à donner aux négociations d’adhésion de l’Union européenne avec la Turquie à la lumière du rapport d’étape  présenté par la Commission européenne le 8 novembre.

     

     

    Ce qui promet d’être un casse-tête car  les relations entre la Turquie et l’Union européenne traversent une zone de turbulences. Une des raisons en est que la Turquie refuse toujours de reconnaître la République de Chypre malgré la déclaration adoptée par les états membres de l’Union européenne le 21/09 /2006, en préalable à l’ouverture officielle des négociations d’adhésion le 3 octobre 2005. Cette déclaration  rappelait que « la reconnaissance  de tous les États membres est une composante nécessaire du processus d'adhésion » et appelait à « une normalisation aussi rapide que possible » entre la Turquie et tous les Etats membres. La déclaration est restée lettre morte, et bien que la Turquie ait signé le protocole additionnel de l’accord de l’union douanière au moment de l’ouverture des  négociations d’adhésion, ce qui l’oblige en principe  à ouvrir ses ports et ses aéroports aux bateaux et avions chypriotes grecs, elle s’y  refuse tant qu’aucune solution n’est apportée pour mettre fin à l’isolement des chypriotes turcs. A quoi s’ajoutent les diverses violations des droits de l’homme, dont la persécution de l’écrivain Orhan Pamuk est un exemple médiatisé,  la condition des femmes et la situation des minorités. Bref, le contentieux est profond.

     

     

    Sans surprise, le rapport de la Commission européenne sur les progrès réalisés par la Turquie pour remplir les critères d’adhésion est critique. Pêle mêle sont pointés la répression pénale de l’insulte contre la « turcité » qui permet de poursuivre en fait l’expression d’opinions, le manque d’indépendance de la justice, la corruption, l’influence politique de l’armée (« Des efforts supplémentaires doivent être consentis pour imposer l’autorité du pouvoir civil sur l’armée » précise la Commission), le déni des droits des minorités…et bien sûr le litige qui oppose la Turquie à Chypre. Après avoir rappelé que la Turquie doit prendre  « des mesures concrètes pour normaliser ses relations bilatérales avec tous les États membres de l'Union européenne le plus tôt possible », ce qui reprend la formulation de la déclaration du 21/09/2006, la Commission avertit, dans un communiqué du 8/11: « Si elle ne satisfait pas à la totalité de ses obligations, cela aura des répercussions sur le déroulement général des négociations. La Commission fera des recommandations appropriées avant le Conseil européen de décembre si la Turquie n'a pas satisfait à ses obligations ». A noter que le refus de reconnaître le génocide arménien ne fait pas partie des critères d’adhésion à l’Union européenne contrairement à ce que souhaitait le Parlement européen (qui a renoncé ensuite à en faire une condition). L’Union européenne a semblé d’ailleurs assez embarrassée par la proposition de loi votée par les députés français dans laquelle la négation du génocide arménien devient un délit au grand dam des historiens qui verraient, si cette proposition était finalement adoptée  (ce qui est peu vraisemblable) leurs travaux de recherches encadrés en se voyant imposer une vérité officielle sous peine de sanctions pénales.

     

     

    Le durcissement de ton de la Commission est dénoncé par les partisans de l’adhésion de la Turquie qui y voient une recherche d’alibis pour éloigner la candidature de ce pays. Certains dénoncent même un complot  pour « torpiller » la Turquie (voir l’article du Figaro du 20/11/2006, « qui veut torpiller la Turquie ?»).

     

     

    Mais s’il est vrai que « pacta sunt servanda » (les engagements doivent être respectés), cela s’applique aux deux partenaires et la Turquie doit également remplir sa part du contrat.

     

     

    On entend dire que certains des précédents candidats à l’adhésion sont entrés dans l’Union européenne  alors qu’ils n’étaient pas préparés et qu’il y aurait donc un traitement inégalitaire dont pâtirait la Turquie avec laquelle l’Union se montrerait plus intransigeante. N’ayant pas les moyens de savoir exactement ce qu’il en est, je me limiterai à remarquer que, quand bien même cette affirmation serait fondée (ce qui reste à démontrer), il n’y aurait aucune raison pour continuer à prendre des libertés avec les critères d’adhésion. Sinon, à quoi bon en avoir?

     

     

    Plusieurs responsables européens évoquent plus ou moins ouvertement la possibilité d’une suspension, totale ou  partielle, des négociations d'adhésion. Mais il n’y a pas d’unanimité sur ce point entre les états membres qui hésitent entre la fermeté et la crainte de prendre une décision dont les nationalistes turcs et l’armée pourrait se servir pour alimenter un rejet de la stratégie d’adhésion à l’Union européenne.

     

    Domaguil