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Social - Page 8

  • Libre circulation et soins de santé dans l’Union européenne

    La Commission européenne a annoncé, le 05/09/2006, qu’elle va lancer une consultation publique sur la création d’un « cadre communautaire des services de santé ». Selon le commissaire européen chargé de la santé et de la protection des consommateurs, M.Kyprianou, il s’agit de « mettre sur pied un cadre  communautaire garantissant la sécurité, la qualité et l'efficacité des services de santé ».

     

     

     

    L’objectif est de clarifier les règles du jeu applicables lorsqu’un ressortissant de l’Union européenne  va se faire soigner dans un autre pays membre que le sien. Ces règles sont posées par le règlement 1408/71 sur la coordination des régimes de sécurité sociale et par la jurisprudence qu’a bâtie la Cour de Justice des Communautés européennes dans l’interprétation de ce texte.

     

     

     

    La Cour a progressivement élargi le principe de la liberté pour les particuliers de se faire soigner dans le pays de leur choix en se faisant rembourser les frais par leur caisse d’affiliation. En particulier, elle a réduit la portée de l’article 22 du règlement qui dispose qu’avant d’aller se faire soigner dans un autre pays, le particulier doit obtenir l’autorisation de la caisse dont il relève (formulaire E-112), accord qui détermine la prise en charge du coût des soins (concrètement, la caisse du pays des soins se  fait directement rembourser les frais par la caisse du pays d’affiliation). L’article 22 précise que l’autorisation peut être refusée lorsque le traitement  est possible dans l’état membre de résidence, sauf s’il ne peut être dispensé dans un délai « normalement nécessaire » compte tenu de l’état de la maladie et de son évolution probable. Cette exception a été interprétée par la Cour dans un sens favorable aux patients et dans un arrêt récent elle a donné raison à une britannique qui était allée se faire poser une prothèse de hanche en France. Comme elle n’avait pas l’autorisation de la caisse d’assurance maladie, elle avait du s’acquitter du coût de l’opération et des soins et une fois revenue en Grande Bretagne en avait demandé  le remboursement à sa caisse d’assurance maladie qui avait rejeté sa demande. A tort, a estimé la Cour de Justice qui a jugé que le délai d’attente en Grande Bretagne était trop important, que l’autorisation ne pouvait donc pas être refusée et que la patiente était dans son droit (CJCE, 16/05/2006,  aff.C-372/04, The Queen, à la demande d'Yvonne Watts / Bedford Primary Care Trust and Secretary of State for Health).

    Car, rappelle la Cour, les soins de santé relèvent du champ d’application des règles communautaires sur la libre prestation des services et  tout obstacle à cette liberté non justifié (par l’intérêt général ou l’ordre public) doit être censuré. Peu importe le mode de fonctionnement du système national, et la disparité de coûts des traitement d’un état à l’autre. Il incombe, dit la Cour, au service national de santé « de prévoir des mécanismes de prise en charge financière de soins hospitaliers prodigués dans un autre État membre à des patients auxquels ledit service ne serait pas en mesure de fournir le traitement requis dans un délai médicalement acceptable » (point 122). Le patient qui a été autorisé à recevoir un traitement hospitalier dans un autre État membre ou qui a essuyé un refus d’autorisation non fondé,  "a droit à la prise en charge par l’institution compétente du coût du traitement selon les  dispositions de la législation de l’État de traitement, comme s’il relevait de ce dernier »(130).

     

     

     

    La jurisprudence de la Cour dont l’arrêt Watts est le dernier développement pose un certain nombre de questions sur ses implications pratiques. Car, on le voit, elle fait prévaloir le principe de liberté, ce qui conduit à réduire le système d’autorisation préalable à une peau de chagrin. Devant le risque que cette interprétation fait peser sur les caisses de sécurité sociale, les gouvernements et les députés européens ont demandé à la Commission de leur proposer une législation. Mais encore faut-il au préalable répondre à des questions diverses. Doit-on définir des normes ou droits minimaux communs sur lesquels les citoyens peuvent compter dans le domaine des soins de santé, quel que soit le pays de l’Union où les soins sont dispensés ? Quelles sont  les conditions d’octroi ou de refus des autorisations ? Comment concilier les droits individuels et les restrictions collectives, tant pour les patients (par exemple : cas où les soins à l’étranger sont soumis à autorisation) que pour les professionnels (par exemple : limitations de la liberté d’établissement, obligations professionnelles telles que la

    prescription de médicaments génériques) ? Comment les patients ou professionnels peuvent-ils trouver, comparer ou choisir des prestataires de soins dans d’autres pays ? Comment assurer la continuité des soins une fois le patient rentré chez lui? Faut-il créer des pôles d’excellence médicaux au niveau européen ?  Comment dédommager les malades victimes d’erreur médicale?

     

     

     

    D’où l’annonce d’une consultation publique pour permettre à chacun de donner son avis et ses propositions sur ce que pourrait être un futur  cadre communautaire.

     

     

     

    Dans un premier temps, les prestations de soins de santé avaient été incluses dans la proposition de directive sur la libéralisation des services dans le marché intérieur (ex proposition Bolkestein) (voir le dossier consacré à cette proposition sur le site eurogersinfo). On se souvient du tir de barrage opposé à cette proposition qui a conduit à la modifier profondément, une des modifications étant que les soins de santé ont été retirés  de son champ d’application. (article 2 de la dernière version de la proposition) . La Commission européenne avait alors annoncé qu’elle présenterait des communications spécifiques sur les services sociaux d’intérêt général (régimes légaux de protection sociale, logement….également retirés de la directive sur les services), ce qu’elle a fait le 26/04/2006  pour conclure qu’il n’y avait pas d’urgence à prendre une réglementation européenne en la matière, et sur les services de soins de santé objets de la consultation annoncée le 05/09/2006.

     

     

     

    On le constate, la Commission fait une distinction explicite entre les actes de soins et l’organisation des régimes de sécurité sociale qui restent hors de la compétence communautaire. Car les compétences en matière d’organisation et de financement des soins de santé appartiennent aux états membres. "L’accès des personnes aux soins relève naturellement de la responsabilité des États membres en matière de systèmes de soins et d’assurance santé. Les droits régis par le droit communautaire portent principalement sur le remboursement des soins de santé fournis dans un autre État membre », rappelle la Commission dans sa communication du 20/04/2003 sur la mobilité des patients et l'évolution des soins de santé dans l'Union européenne.

     

     

     

    Ce qui n’empêche pas certains de crier au loup, de s’inquiéter d’une menace sur les systèmes sociaux européens et de dénoncer une marchandisation de la santé . Et ceci de surcroît, à propos de l’annonce d’une simple consultation publique qui permettra de faire un point de la situation et aux citoyens de donner leur avis sur une éventuelle  future réglementation européenne en la matière.

     

     

    Le malentendu (ou l'intox) sur l’Union européenne n’est pas prête de disparaître.

     

     

     

    J’en veux pour preuve la campagne menée par Claude Reichman, défenseur de thèses ultra libérales et notamment adversaire du monopole de la sécurité sociale, contre lequel il mène une véritable croisade en prétendant  que le droit communautaire a fait disparaître ce monopole et que tout un chacun d’entre nous pourrait arrêter de payer ses cotisations à la sécu pour aller s’assurer ailleurs. Je reviendrai sur ce sujet dans un prochain billet.  

     

     Domaguil          

       

            

  • Droit à l’allocation de chômage et condition de résidence

    Dans un arrêt du 18/07/2006, la Cour de Justice des Communautés européennes juge qu’un état peut refuser le maintien au droit à une allocation de chômage si le bénéficiaire réside dans un autre état de l'Union européenne

    (CJCE, 18/07/2006, aff.C-406/04, Gérald De Cuyper / Office national de l'emploi).

     

    Une telle règle n’est pas automatiquement contraire au principe de libre circulation et au droit de séjour dont bénéficient les ressortissants de l’Union européenne dans tout état membre de celle-ci.

     

    En l’espèce, un salarié belge travaillant en Belgique avait perdu son emploi et bénéficiait des allocations de chômage. Il avait déclaré résider en Belgique, ce qu’un contrôle réalisé par  l'Office national de l'emploi avait révélé être faux, puisqu’il résidait en France. A la suite de quoi, il avait vu ses allocations supprimées ce qu’il avait contesté en justice arguant du fait que la condition de résidence était contraire aux règles du droit communautaire.

     

    Ce raisonnement est rejeté par la Cour de Justice qui rappelle que le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres de l'Europe communautaire, n’est pas absolu. Il est soumis à des limitations et des conditions prévues par le traité et par les dispositions prises pour son application. Or le règlement  n° 1408/71 qui organise la coordination des régimes nationaux de sécurité sociale prévoit seulement deux cas dans lesquels les états sont obligés de permettre aux bénéficiaires d’une allocation de chômage de résider sur le territoire d’un autre État membre, tout en maintenant leurs droits aux allocations. Le premier cas est celui du chômeur se rendant  dans un autre État membre «pour y chercher un emploi». Le second celui du chômeur qui, au cours de son dernier emploi, résidait sur le territoire d’un autre Etat membre.

     

    Aucun de ces cas ne correspondait à la situation du requérant.

     

    Dès lors, l’état pouvait imposer une condition de résidence au maintien du droit aux prestations de chômage car une telle condition se justifiait par la nécessité de contrôler la situation des chômeurs et s’assurer qu’elle n’avait pas changé. Selon la Cour, la condition de résidence est justifiée ainsi par des  considérations objectives, d’intérêt général, et non discriminatoires car elles sont indépendantes de la nationalité des personnes concernées . De plus, ajoute la Cour, les spécificités des contrôles en matière d'allocation de chômage justifient l’imposition de mécanismes plus contraignants que ceux imposés dans le contrôle d’autres prestations.

     

  • Toujours le désaccord sur la « directive temps de travail »

    La Commission européenne a présenté, le 22/09/2004, une proposition de modification de la directive européenne sur le temps de travail, révisée en mai 2005 pour tenir compte de certaines des critiques qui lui avaient été faites.

     

    Depuis, le texte divise les états qui, après maintes réunions (la dernière en date est celle du Conseil  du 1er juin) n’ont toujours pas réussi à se mettre d’accord. La raison de ce « très net échec » comme l’a dit le ministre autrichien qui assurait la présidence, est la clause d’opt out qui permet aux employeurs de négocier avec leurs salariés un dépassement de la durée hebdomadaire maximale de travail qui est plafonnée à 48 heures dans la directive. Cette possibilité de dérogation existe dans le cadre de la directive actuellement en vigueur : il suffit qu’un état demande à en bénéficier.

     

    Dans sa proposition, la  Commission européenne avait proposé de l’encadrer plus strictement, notamment quand il s’agit de dérogations individuelles (« négociées » entre l’employeur et le salarié en dehors de tout accord collectif). Le but était de protéger les salariés contre les abus que l’on constate là où elles sont en vigueur (au Royaume-Uni, en particulier).

     

    De même, la Commission avait proposé de mieux définir le temps de garde qui actuellement fait l’objet d’une jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes qui a conduit à l’annulation de réglementations nationales. La Cour considère en effet le temps de garde comme du temps de travail qui doit être décompté dans le calcul de la durée hebdomadaire du travail, ce qui a mis certains états hors-la-loi  par rapport à la législation européenne (pour un exemple, voir l’affaire Dellas qui concerne la France, sur ce blog : la justice européenne censure un décret français sur le temps de travail).

     

    Cette situation d’insécurité juridique devrait pousser les états à s’entendre. Le temps de garde serait considéré comme du temps de travail normal du moins si le Conseil suit la position du Parlement européen résultant de son vote en première lecture, les états gardant cependant une certaine liberté pour décompter les heures de garde dans certaines  hypothèses.

     

    Mais si un accord sur ce point semble possible, en revanche, deux camps s’opposent toujours au Conseil sur l’opt out : ceux qui, comme la France, la Suède et l'Espagne, veulent la suppression progressive de cette dérogation, et ceux qui, comme le Royaume-Uni, l’Allemagne et de la majorité des nouveaux états membres de l’est, veulent son maintien. Chaque camp ayant une minorité de blocage, la présidence autrichienne de l’Union a finalement « jeté l éponge » et transmis le dossier à la Finlande qui lui succèdera le 1er juillet. 

     
  • Le vieillissement de l’Union européenne, problème récurrent

    Le vieillissement de l’Union européenne a été le thème de deux études rendues publiques par la Commission européenne les 17 et 13/02 /2006.

    La première s’alarme de la dénatalité en Europe : alors que plus de la moitié des 30 000 personnes interrogées pour l’étude souhaitent au minimum deux enfants, beaucoup de couples restent en deçà  parce qu’ils craignent  pour l’avenir et qu’il est coûteux d’élever des enfants. Une tendance préoccupante pour le renouvellement des générations se dessine : le nombre d’enfants souhaité se situe désormais à moins de deux en Allemagne, en Italie, en Autriche, en Belgique et en République tchèque. D’où selon les conclusions de l’étude, la nécessité de mettre en oeuvre des politiques encourageant la natalité mais aussi d’une réflexion sur l’influence des comportements sociaux (regard sur les femmes au travail, rôle des personnes âgées…).

    La deuxième étude, qui est en fait un rapport,  contient de nouvelles projections détaillées des coûts économiques et budgétaires pour tous les États membres jusque 2050 dans un contexte de vieillissement rapide des populations. D’ici 2050, l’Union européenne comptera seulement deux personnes en âge de travailler, au lieu de quatre, pour chaque personne âgée, évolution résultant du départ à la retraite des « baby boomers » à partir de 2010 conjugué à l'augmentation continue de l’espérance de vie. Selon le rapport, avec des politiques inchangées, les taux de croissance potentiels de l'Union européenne  seront pratiquement réduits de moitié d'ici 2030 et « les finances publiques seront soumises à une pression sévère en raison de l’augmentation des dépenses consacrées à la retraite, à la santé et aux soins de longue durée ». Conclusion du rapport: des réformes des systèmes de retraites s’imposent. Elles peuvent s’inspirer des solutions déjà mises en œuvre dans certains pays de l’Union, par exemple en reculant l’âge de la retraite (des fiches , en anglais,  présentent l'incidence de ces réformes).  Pour la Commission, « la complaisance n'est pas de mise » et retarder ces réformes « ne les rendra que plus douloureuses ».

    Ce n'est pas la première fois que la Commission aborde le problème de la réforme des retraites. On peut lui reconnaître de la suite dans les idées, mais encore lui restera-til à convaincre sur une question loin d'être consensuelle.