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France - Page 9

  • A la veille du G8, la Commission européenne joue la fermeté

    Le sommet du G8, qui réunit les pays les plus industrialisés (Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Italie, Japon, Royaume-Uni et  Russie) ainsi que l’ Union européenne (représentée par le Président du Conseil européen et celui de la Commission) doit se dérouler du 6 au 8 juin à Heiligendamm, en Allemagne. Il a du pain sur la planche : lutte contre le réchauffement climatique, commerce mondial, aide au développement et notamment à l’Afrique, seront parmi les questions au programme, sur fond de tension entre les Etats-Unis et la Russie au sujet du bouclier antimissiles américain, et sous la surveillance des organisations altermondialistes présentes en nombre.

     

     

    Dans une déclaration du 04/06, le Président de la Commission européenne, Jose Manuel Barroso, a appelé le Sommet à prendre « de nouvelles mesures internationales urgentes en matière de changement climatique » en soulignant que cet engagement devait s'étendre aux économies émergentes à croissance  rapide, dont cinq des dirigeants assisteront à une partie du sommet (Afrique du Sud, Brésil, Chine, Inde, Mexique). Les engagements de Kyoto expirant en 2012, l’Union européenne propose de se mettre d'accord d'ici à 2009 sur un système mondial contraignant et modulable qui prendrait le relais et dont un pilier central serait le commerce des émissions de carbone.

     

     

    Quant aux négociations de Doha sur le commerce mondial, suspendues faute d’accord depuis juillet 2006, elles ne pourront se conclure en 2007, comme prévu en principe, qu’à la condition que d'autres suivent l'exemple européen et proposent à leur tour des concessions.

     

     

    Enfin, sur l’aide à l’Afrique, le Président de la Commission a rappelé que « l'allégement de la dette et l'aide sont indispensables » mais doivent s’inscrire dans un plan d’actions plus larges permettant de traiter des questions comme la façon d'améliorer les conditions de l'investissement, les droits de l'homme et l'État de droit, ou les moyens d'accélérer la lutte contre le VIH/sida, le paludisme et la tuberculose.

     

     

    Ces déclarations interviennent alors que la Commission européenne, qui travaille actuellement sur une réforme des instruments de défense commerciale de l’Union européenne, se voit accusée par les représentants de différents secteurs industriels de ne pas utiliser les instruments de défense anti-dumping pour le plus grand préjudice des produits européens confrontés à une concurrence extérieure déloyale.

    La charge contre « l’Europe passoire » n’est pas le fait des seuls industriels.

    On se souvient que Nicolas Sarkozy a récemment menacé de mettre son veto si les négociations commerciales à l’OMC n’aboutissent pas à un accord jugé équilibré par la France. Là encore, la Commission fait figure d’accusée, en la personne de son commissaire chargé du commerce, M.Mandelson qui négocie au nom de l’Union sur la base d’un mandat donné par le Conseil. Il a été mis en cause à plusieurs reprises par la France qui lui reproche de brader les intérêts européens, et en particulier d’avoir trop cédé sur la réduction des droits de douane applicables aux produits agricoles. D’où la menace de veto. D’un point de vue juridique, l’efficacité de cette menace dépend du contenu d’un accord éventuel à l’OMC, l’unanimité des états n’étant requise que pour certaines matières (Voir sur le site eurogersinfo, l’article : « Rien en va plus à l’OMC », pour la répartition des pouvoirs entre l’Union et les Etats en matière de politique commerciale extérieure).

    Domaguil

     

     
  • Application de la directive sur la responsabilité environnementale

    Adoptée le 21/04/2004, la directive 2004/35 sur la responsabilité environnementale qui organise la prévention et la réparation des dommages environnementaux devait être transposée dans les législations nationales au plus tard le 30/04. Or, le 27 avril, la Commission européenne annonçait que seules l'Italie, la Lettonie et la Lituanie l’ont fait. 

     

     

    Fâcheux…car la directive donne un contenu concret au «principe du pollueur payeur» établi dans le traité sur la Communauté européenne.

     

     

    Sont visés en particulier les dommages aux ressources en eau, aux habitats naturels, aux animaux et aux végétaux, ainsi que la pollution des sols causées par des activités professionnelles. La directive poursuit un double but : inciter fortement à prévenir les atteintes environnementales et permettre aux gouvernements d'obtenir réparation du coupable en cas de préjudice grave.

     

     

    Toutes les activités ne sont pas concernées au même degré par la directive qui cible en dans son annexe III des activités déjà identifiées par la législation communautaire comme présentant un risque réel ou potentiel pour la santé humaine ou l'environnement. Il s’agit, par exemple, de l'exploitation d’installations de fabrication de produits chimiques dangereux, des opérations de gestion des déchets, notamment le ramassage, le transport, la valorisation et l'élimination des déchets et des déchets dangereux, des rejets dans l’eau de métaux lourds, de la fabrication, l'utilisation, le stockage, le traitement, le conditionnement, le rejet dans l'environnement et le transport sur le site de substances dangereuses, de préparations dangereuses, de produits phytopharmaceutiques, de produits biocides, du transport par route, chemin de fer, voie de navigation intérieure, mer ou air de marchandises dangereuses ou de marchandises polluantes, de l’utilisation confinée, y compris du transport, de micro–organismes génétiquement modifiés, de la dissémination volontaire dans l'environnement, de tout transport ou mise sur le marché d'organismes génétiquement modifiés. Cependant, d'autres opérateurs économiques pourront  également être amenées à assumer les coûts de prévention ou de réparation des atteintes aux espèces protégées et aux habitats naturels, mais seulement si une faute ou une négligence peut leur être reprochée.

     

     

    Des exonérations de responsabilité sont prévues par la directive (par exemple, si l’exploitant  prouve qu’au moment où l’activité à l’origine du dommage a eu lieu, l’état des connaissances scientifiques et techniques ne permettait pas de la considérer comme étant susceptible de  causer un tel dommage).

     

     

    Les dommages environnementaux pris en compte par la directive doivent être causés par ou plusieurs pollueurs identifiables, avoir un caractère concret et mesurable, et un lien de causalité doit être établi entre le dommage et le ou les pollueurs identifiés. Sont exclus du champ d’application de la directive la pollution à caractère étendu et diffus (ce qui sera le cas par exemple, en général, de la pollution atmosphérique dans la mesure où elle ne peut être directement imputable à une activité donnée), les dommages corporels, les dommages aux biens privés, ou encore les pertes économiques, ce qui ne signifie pas que les droits résultant de ces catégories de dommages sont affectés mais qu’ils ne pourront pas s’exercer sur le fondement du principe pollueur défini par la directive, mais sur celui des régimes de responsabilité nationaux. Sont également exclus les dommages environnementaux produits lors de conflits armés, d’activités de défense nationale ou de cas de force majeure.

     

     

    Il incombe aux états de compléter la directive en édictant les règles  permettant de contraindre les opérateurs concernés à prendre ou à financer  les mesures de prévention ou de réparation qui s'imposent. Le principe de responsabilité pollueur  payeur implique que l’exploitant supporte les coûts des actions de prévention et de réparation et que l’autorité compétente qui en ferait l’avance les recouvrera  en principe auprès de lui (elle n’y est pas tenue, afin de tenir compte de certaines hypothèses comme celle dans laquelle le coût serait supérieur à l’enjeu ou encore celle dans laquelle l’exploitant ne peut être identifié).

     

     

    Les groupements d'intérêt public tels que les organisations non gouvernementales pourront demander aux autorités publiques d'intervenir, le cas échéant, et pourront contester la légalité de leurs décisions devant les tribunaux. Mais on le remarque, il n’y a pas de droit de recours direct contre l’opérateur responsable d’un dommage. Si des atteintes ou des menaces d'atteintes environnementales risquent de concerner plusieurs États membres, les États membres concernés doivent coopérer aux mesures de prévention ou de réparation.

     

     

    Enfin, la directive n’oblige pas les opérateurs à assurer les risques inhérents à leurs éventuelles responsabilités. Elle prévoit simplement que les États membres doivent « promouvoir » la mise en place de telles assurances et inciter les opérateurs à y recourir.

     

     

    Adoptée après des années de discussion et un lobbying actif des industriels, la directive apparaît de ce fait, comme souvent, en retrait par rapport aux propositions initiales (livre vert de 1993,  COM(93) 47 final, et  livre blanc de 2000, COM(2000) 66 final qui servit de base à la consultation publique préparatoire à la proposition de directive présentée par la Commission le 23/01/2002, COM/2002/0017 final) .

     

     

    Par exemple,  la rétroactivité demandée par les ONG de défense de l’environnement n’a pas été retenue : les dommages préexistants n’entent donc pas dans le champ d’application de la directive. De même sont exclus, on l’a vu, les dommages corporels et aux biens (la possibilité de les inclure étant pourtant présente dans le livre blanc). Il n’y pas de pas de présomption du lien de causalité entre les activités concernées et les dommages environnementaux qui en résultent. Enfin, la directive n’impose pas de  s’assurer ou de contribuer à un fonds de compensation. Mais cela n’empêche pas les états (au contraire, la directive les y encourage sur certains points comme celui de  l’assurance) à compléter les règles communautaires, afin de renforcer les obligations  de prévention et de réparation des dommages  environnementaux et d’étendre l’application de la directive à d’autres activités ou à d’autres responsables…

     

     

    La France pour sa part a déjà pris du retard dans la transposition puisque le projet de loi l’assurant a été déposé au Sénat…le 5 avril 2007. Autant dire qu’il n’est pas près d’être examiné compte tenu de la suspension des travaux de l’Assemblée nationale pour cause d’élections.

     

     

    En France, le principe du pollueur payeur est énoncé par l’article L110-1, 3° du code de l’environnement selon lequel « les frais résultant des mesures de prévention, de réduction de la pollution et de lutte contre celle-ci doivent être supportés par le pollueur » (la taxe de ramassage des ordures ménagères, par exemple,  en est une application concrète). La Charte de l’environnement, qui a valeur constitutionnelle depuis 2005  (Loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars 2005 consacre ce principe dans ses articles 3 et 4 : "Article 3. - Toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu'elle est susceptible de porter à l'environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences.

    Article 4. - Toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu'elle cause à l'environnement, dans les conditions définies par la loi".

     

     

    La transposition de la directive européenne est donc l’occasion de mettre en oeuvre ce principe, la directive impliquant  de compléter et d’étendre les règles actuelles en mettant en place un système de responsabilité objective sans faute, allant au delà de la réparation des seuls dommages causés aux tiers pour y ajouter ceux qui affectent l’environnement naturel, et en obligeant par exemple les opérateurs d'activités à risque à remettre les sites pollués en état.

     

     

    Mais les associations de défense de l’environnement n’y trouvent pas leur compte.

     

     

    Déjà accusée par Greenpeace notamment d’avoir « sabordé » la directive européenne,  voilà que la France est également critiquée pour avoir élaboré un projet de loi qui n’est « pas à la hauteur » des attentes, en effectuant une transposition « a minima » de la directive (dossier du 05/04/2007 sur le site www.infogm.org et menaçant le principe pollueur payeur selon un communiqué signé par diverses associations de défense de l’environnement le 06/04/2007 (Les Amis de la Terre, La Fondation Nicolas Hulot, le CNIID, France Nature Environnement, Greenpeace et WWF) et publié notamment sur le site du CNIID (Centre National  d’Information indépendante sur les Déchets). Principaux griefs : le texte prévoit « de nombreuses échappatoires à la responsabilité » qui sont  « un véritable cadeau aux pollueurs », par exemple, en excluant de la qualification d’exploitant (et donc du régime de responsabilité)  l’exploitant d’une activité de recherche (dossier du site infogm). Le projet de loi ne permet pas non plus « de manière claire » de remonter à l'actionnaire principal ou à la société mère  en cas d'insolvabilité du pollueur pour mettre  à sa charge l’obligation de remise en état (communiqué des associations de défense de l’environnement du 06/04). D’autres points sont également contestés : l’absence d’obligation d’assurance et de constitution de garanties financières, ou encore le fait que le projet de loi n'ait pas repris les dispositions de l’article 12 de la directive sur l’action des associations.

     

    Domaguil

  • Modification des droits de vote au sein de la Banque Centrale Européenne

    Une internaute m’a écrit pour me signaler un billet de Publius dans lequel l’auteur explique que l’entrée probable de Chypre et de Malte dans la zone euro le 01/01/2008 (voir la brève d’information : la Commission européenne propose de qualifier Chypre et Malte pour l’euro en 2008) s’accompagnera d’une modification du système de prise de décision qui conduira à lier le droit de vote dont disposent les pays au sein de la Banque Centrale Européenne (BCE) à la fois au PIB et au poids du secteur bancaire.

     

     

    Et de s’alarmer : comment une telle modification a-t-elle pu avoir lieu ? Est-ce qu’elle ne conduit pas, comme elle l’a lu, à conférer une prééminence à certains pays uniquement parce qu’ils sont des places bancaires (comme par exemple le Luxembourg) ? N’est-ce pas une atteinte à la démocratie, un nouveau coup porté à la France (moins avantagée par ce critère selon ses calculs), etc…

     

     

    Bien, bien. Voici donc une nouvelle occasion de faire un sort à une des innombrables rumeurs qui courent sur l’Union Européenne, ce qui est, je l’avoue, mon péché mignon. Même si en l’occurrence, il ne s’agit pas d’une rumeur infondée mais d’une information à préciser pour éviter d’en tirer des conclusions abusives.

     

     

    Tout d’abord, d’où vient cette modification des modalités de décision au sein de la BCE ? L’auteur de la note sur le blog Publius évoque la date de 2003. Il s’agit plus précisément d’une décision du Conseil  du 21/03/2003, prise sur la base de l’article 10.6 des statuts  de la BCE (protocole n°18 annexé au  traité instituant la Communauté européenne p. 261 de la dernière version consolidée des traités). Votée à l’unanimité des états, cette décision a été ensuite ratifiée dans les différents pays en France par la loi n° 2004-351 du 23 avril 2004,  JO n° 97 du 24 avril 2004) conformément aux procédures constitutionnelles ne vigueur. Elle doit s’appliquer dès que la zone euro comptera plus 15 membres (si le Conseil suit la proposition de la Commission d’intégrer Chypre et Malte en 2008, la zone euro comptera 15 membres, donc le système continuera encore de fonctionner comme aujourd’hui).

     

     

    La décision modifie  la procédure de vote du Conseil des gouverneurs de la BCE qui rassemble les six membres du Directoire et les différents gouverneurs des banques centrales nationales. Il a pour rôle de définir les orientations et de prendre les décisions nécessaires à l’accomplissement des missions confiées à l’Eurosystème, de définir la politique monétaire de la zone euro, y compris, le cas échéant, les décisions concernant les objectifs monétaires intermédiaires, les taux directeurs et l’approvisionnement en réserves au sein de l’Eurosystème et de fixer les orientations nécessaires à leur exécution. Actuellement, tous les membres du Conseil des gouverneurs ont en permanence chacun un droit de vote.

     

     

    La  décision du 21/03/2003 remet en cause ce principe en plafonnant à 15 l'ensemble des droits de vote dont disposent les gouverneurs des banques centrales nationales (les droits de vote des membres du Directoire demeurent inchangés). L’objectif de cette réforme est d’éviter que le nombre des gouverneurs disposant du droit de vote ne devienne trop important, ce qui paralyserait à terme  la prise de décision, au fil de l’élargissement de la zone euro.  Par conséquent, dès que plus de 15 pays participeront à la zone euro, le nombre des gouverneurs ayant le droit de vote devra être inférieur au nombre total des gouverneurs siégeant au conseil des gouverneurs. Les droits de vote seront donc exercés selon un système de rotation.

     

     

    Comment s’exerce cette rotation ? C’est là que cela se complique un peu.

     

     

    La décision du 21/03/2003 nous apprend que, pour veiller à ce que les décisions prises soient représentatives de l’économie de la zone euro dans son ensemble, les gouverneurs seront répartis en groupes qui se distinguent par la fréquence selon laquelle leurs membres disposent du droit de vote. Les gouverneurs des pays ayant le plus de poids dans l’économie de la zone euro feront partie du groupe qui vote le plus souvent. Le poids des pays sera mesuré en fonction de deux indicateurs : la part dans le  produit intérieur brut (PIB) de la zone l'euro, donc pour shématiser sa contribution à la production de biens et services marchands,  et la part dans le bilan agrégé des institutions financières monétaires (IFM) des états de la zone euro, autrement dit, la taille du secteur financier. Mais ce dernier indicateur est marginal par rapport au premier puisque le poids dans le PIB compte pour 5/6èmes dans la détermination du groupe auquel appartiendra un état (et donc de la fréquence à laquelle il prendra part au vote des décisions), et le poids du secteur financier pour le 1/6ème restant. Il donc inutile de s’alarmer du poids excessif que se verrait reconnaître un pays comme le Luxembourg en raison de son activité bancaire, au détriment d’un  « grand »   pays comme la France (en termes de population et de poids économique). Selon un rapport de l’Assemblée nationale, le nouveau système introduit « une certaine hiérarchie entre les différents pays. A la date d’aujourd’hui, le premier groupe (ndlr : celui des pays qui voteront le plus souvent)  serait constitué de l’Allemagne, de la France, de l’Italie, de l’Espagne et des Pays-Bas ». J’espère que la visiteuse inquiète est à présent un plus rassurée.

     

     

    Quant à l’argument selon lequel que la démocratie n’y trouverait pas son compte, car les droits de vote ne reflètent pas le poids démographique des pays, il n’a pas lieu d’être du moment que l’on a choisi de faire de la BCE une institution indépendante des états, pour éviter son instrumentalisation par les politiques (argument défendu avec succès par l’Allemagne qui en faisait une condition sine qua non à son acceptation de la création de la BCE). Les eurosceptiques qui poussent de hauts cris et s’en indignent auraient mieux fait de lire plus attentivement le projet de traité constitutionnel qu’ils ont tant combattu. Ils auraient constaté (à condition d’être un minimum honnêtes dans leurs analyses) qu’il introduisait  un contrepoids à la BCE par la reconnaissance de la réunion des états au sein de l'Eurogroupe, c’est-à-dire d'un gouvernement économique qui aurait pu faire pendant à la BCE. Mais il est vrai que présupposés idéologiques et réflexion ne font pas bon ménage. 

     

    Domaguil

     

     

  • Le monopole de distribution du Livret A contesté par la Commision européenne

    A la suite d’une plainte de plusieurs banques françaises, la Commission européenne avait ouvert une enquête en juin 2006 pour savoir si le monopole de distribution des livret A et bleu accordé en France à la Poste, aux Caisses d’Epargne et au Crédit mutuel constituait un avantage concurrentiel contraire aux règles du droit communautaire de la concurrence (pour plus de détails, voir la note que j’avais rédigée à l ‘époque:

     La Commission européenne enquête sur le livret A et le livret bleu ).

     

     

    L’annonce de l’ouverture de la procédure avait été accueillie avec satisfaction par les banques et de façon concomitante, par un concert de protestations des organismes HLM et de divers syndicats qui se disaient inquiets pour l’avenir du Livret A.

     

     

    La Commission européenne avait pourtant précisé que l’existence du  livret A (et celle du livret bleu) n’était pas menacée mais seul le droit exclusif de le distribuer. En d’autres termes, il n’était pas question de mettre à mal  l’exception française que constitue l’épargne administrée et de contester ses finalités sociales, mais de mettre fin au « privilège injustifié » (selon les banques plaignantes) dont bénéficieraient les organismes qui le distribuent. Mais comme le petit berger qui avait trop crié au loup pour être cru,  la Commission avait beau expliquer, elle n‘était pas entendue. Car, on nous le répète assez, les technocrates qui la composent n’ont qu’une obsession : détruire notre beau modèle social et toutes leurs dénégations sont autant de manipulations pour couvrir leurs sombres desseins (bien entendu, je plaisante : je précise pour ceux qui seraient tentés de prendre ces lignes au premier degré).

     

     

    Donc, dans ce climat de méfiance exacerbée, et après une campagne présidentielle très cocardière dans laquelle l’Europe a endossé une fois de plus le rôle du croquemitaine, voilà que la Commission européenne, à peine le nouveau Président élu et juste revenu de croisière, en « rajoute une couche » en annonçant le 10 mai, qu’elle donne neuf mois à la France pour supprimer le monopole de distribution des livrets A et bleu. Car, après examen, la Commission s’est avisée qu’effectivement, « les droits spéciaux de distribution en cause constituent une restriction incompatible avec le droit communautaire et ne sont pas indispensables pour assurer de manière satisfaisante les deux services d’intérêt économique général invoqués par les autorités françaises, à savoir le financement du logement social et l’accessibilité aux services bancaires de base ». Mais elle ajoute : « La modification demandée du mode de distribution des livrets A et bleu ne remet pas en cause les missions d’intérêt général qui y sont attachés et n’implique aucun changement défavorable dans le fonctionnement de ces livrets pour les particuliers ».

     

     

    Mon petit doigt me dit que cette précision n’empêchera pas que s’élèvent des cris d’indignation contre cette odieuse libéralisation qui porte un nouveau coup au système social, contre cette marchandisation à outrance qui va tondre les petits épargnants, contre cette Europe sans âme qui avantage les seuls financiers …Dans un appel à signature de septembre 2006, l' Intersyndicale du secteur semi-public économique et financier dénonçait déjà la « banalisation » de la distribution du livret A.

     

     

    Les syndicats font valoir que les banques ayant pour vocation de faire des bénéfices, elles se serviront du livret comme produit d’appel pour ensuite orienter les épargnants vers des placements maison plus rémunérateurs, ce qui sera certes plus avantageux pour les clients mais qui diminuera d’autant les fonds affectés au logement social. Pas du tout rétorquent les banques qui jurent que la libéralisation va au contraire relancer la construction des logements sociaux en multipliant les canaux de distribution du livret A.

     

     

    Pour sa part, la Caisse des dépôts et des consignations n’est pas convaincue par ces protestations. Cet établissement public centralise l’épargne collectée par le biais du livret moyennant le versement d’une commission aux établissements qui le distribuent. Il utilise ensuite les fonds pour prêter de l'argent aux organismes HLM Dans une note du 27/09/2006, la Caisse exprime sa préoccupation devant un risque de tarissement du financement du logement social et demande au Gouvernement « de faire tout ce qui est en son pouvoir » pour l’éviter. La question posée est de savoir si les politiques de construction de logements sociaux, faute de pouvoir s’adosser à l’épargne populaire, devraient à l’avenir se tourner soit vers l’impôt, soit vers l’emprunt avec dans ce dernier cas la perspective d’un renchérissement des coûts. Et il serait paradoxal que la construction de logements sociaux soit compromise alors que le droit au logement opposable récemment voté par le Parlement la confirme au contraire comme un objectif prioritaire. La question mérite donc d’être étudiée. Mais dénoncer l’ « ultimatum » de la Commission européenne n’est pas la réponse.

     

     

    Le second argument, étroitement lié au premier, avancé par les adversaires de la libéralisation est le risque de voir disparaître le dispositif de centralisation de l’épargne par la Caisse de consignation. Pourtant, la Commission européenne ne le met nullement en cause et l’état français pourra  imposer aux banques assurant la distribution du livret A la même obligation de centralisation intégrale des fonds collectés à la Caisse des dépôts (comme le rappelle le communiqué de la Commission).

     

     

    Enfin, les syndicats  soulignent que le Livret A est le refuge d’une clientèle aux ressources limitées et contribue ainsi à la cohésion sociale en évitant l’exclusion bancaire. Attendre des banquiers qu’ils s’acquittent spontanément de cette mission serait pour le moins irréaliste, c’est un fait. Mais qu’est ce qui empêchera l’état d’imposer des obligations de service public aux banques qui voudront distribuer les livrets, en contrepartie de cette possibilité ? Et notamment de les obliger à accepter tous les clients, sans discrimination, comme c'est le cas aujourd'hui à la Banque postale ?

     

     

    La fin du monopole de distribution du livret A n’aura pas inéluctablement les conséquences néfastes prédites par les cassandre syndicales. Tout dépendra de la façon dont les autorités français la mettront en œuvre, donc de choix politiques nationaux et non communautaires. En revanche, le sort de la Banque postale semble évidemment plus incertain car son activité dépend en grande partie du livret A.

     

     

    Quelle sera la position de Nicolas Sarkozy dans ce dossier? C’est la dernière question posée avec gourmandise par les medias.

     

     

    Le Ministère des finances du futur ex Gouvernement a, quant à lui, annoncé qu’un recours devant la Cour de Justice des Communautés européennes pour obtenir l'annulation de la décision de la Commission était prévisible. Il reste à savoir si cette annonce sera confirmée par ses successeurs.

     

    Domaguil