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arret - Page 2

  • Le Tribunal constitutionnel allemand donne un feu vert sous conditions à l'aide à la Grèce

     

    Soulagement dans certains medias, circonspection dans d'autres: la décision du Tribunal constitutionnel allemand qui a jugé les aides à la Grèce conformes à la Constitution allemande donne un répit (illusoire?) au plan de sauvetage concocté par les chefs d'état et de gouvernement de la zone euro et au Fonds européen de stabilité financière qui en est le principal instrument.

    Le Tribunal avait été saisi par un groupe d'économistes et de juristes eurosceptiques qui alléguaient que les mesures d'aides à la Grèce violaient le traité européen dans la mesure où celui-ci interdit à l’Union et à ses états membres de sauver un des leurs de la faillite (clause de non renflouement ou, en anglais, "no bail out", de l'article 125 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne).

    Dans sa décision d'aujourd'hui, le Tribunal rejette le recours et valide le premier paquet d'aides à la Grèce, ainsi que le Fonds européen de stabilisation financière (FESF) mis en place en 2010 pour aider la Grèce, et qui est également intervenu depuis pour soutenir le Portugal et l'Irlande.

    Mais le Tribunal précise que la Constitution exige que "le gouvernement fédéral doit obtenir l'approbation préalable de la Commission des budgets avant d'accorder des aides" dans le cadre du mécanisme européen. Il rappelle que la Constitution, ainsi que les règles démocratiques, impliquent que la décision relative aux recettes et aux dépenses publiques doit appartenir au parlement fédéral allemand : "en tant que représentants élus du peuple, les membres du Parlement doivent garder le controle des décisions budgétaires fondamentales, y compris dans un système intergouvernemental". Et, une fois l'aide autorisée, le Parlement doit exercer un droit de regard sur la façon dont les fonds qui ont été alloués sont utilisés.

    C'est donc une tutelle parlementaire sur le volet financier du plan de sauvetage qui est instaurée, ce qui s'avère conforme à la jurisprudence du Tribunal forgée dans l'arrêt du 30 juin 2009 sur le Traité de Lisbonne dans laquelle elle rappelait que l'Union européenne n'était pas un état fédéral, mais une communauté de droit, une union reposant sur la volonté d'états membres souverains.

    Mais à l'évidence, l'affirmation du pouvoir de décision, et donc de blocage éventuel du Parlement, ne va pas contribuer à accélérer la prise de décision. On a là une nouvelle illustration du "péché originel" de l'Union économique et monétaire: l'absence de procédures permettant de faire face à des situations de crise qui nécessitent des décisons rapides.

    Domaguil

     

  • Acces aux professions juridiques dans un autre état membre

    Afin de faciliter l’application des principes de libre circulation des travailleurs dans l’Union européenne (article 39 du traité de la Communauté européenne, devenu 45 du Traité sur le Fonctionnement de l’UE) ) et de libre établissement des professionnels dans le pays de leur choix (article 43 du traité CE, devenu article 49 du TFUE), il existe un système de reconnaissance des diplômes et des qualifications professionnelles entre les différents pays membres.  C’est l’objet des directive 2005/36 du 07/09/2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles et 2001/19 du 14 mai 2001 sur le système général de reconnaissance des diplômes d’enseignement supérieur. Cette dernière a refondu en une seule législation des dispositions générales et des textes qui réalisaient une harmonisation des conditions minimales de formation applicables à des professions déterminées : médecin, infirmier responsable de soins généraux, dentiste, vétérinaire, sagefemme, pharmacien et architecte. Quant aux  avocats  qui souhaitent travailler dans un autre état membre sous leur titre d'origine, ils  sont couverts par les directives 77/249  et 98/5 visant à faciliter l’exercice permanent de la profession d’avocat dans un état membre autre que celui où la qualification a été acquise.

    Dans une décision du 10/12/2009, la Cour de Justice de l’Union européenne a eu l’occasion de rappeler  que ces directives ne concernent que « l’avocat pleinement qualifié comme tel dans son État membre d’origine » (CJUE, 10/12/2009, aff. C-345/08 Krzysztof Peśla / Justizministerium Mecklenburg-Vorpom, considérant 23).

    La Cour avait été saisie d’un litige opposant un polonais, M. Peśla, au ministère de la Justice du Land de Mecklembourg-Poméranie-Occidentale au sujet du refus de ce dernier de l’admettre, sans passer un examen d’aptitude dans les matières juridiques qui sont obligatoires pour les épreuves dites du «erstes juristisches Staatsexamen» (examen d’État en droit), au stage de préparation aux professions juridiques en qualité de stagiaire en droit («Rechtsreferendar»). M. Peśla était titulaire d’une maîtrise en droit délivrée par la faculté de droit de l’université de Poznań, d’un «Master of German and Polish Law» et d’un titre de «Bachelor of German and Polish Law» délivrés par  la faculté de droit de l’université de Francfort-sur-l’Oder (Allemagne). Après avoir obtenu ces diplômes, il avait demandé à être admis au stage préparatoire aux professions juridiques du Land de Mecklembourg-Poméranie-Occidentale, faisant valoir ses titres qui selon lui, lui conféraient l’équivalence requise pour pouvoir accéder directement au stage. Il invoquait les dispositions des directives qui régissent la reconnaissance des diplômes et qualifications d’avocat entre états membres pour permettre la libre circulation. Suite au refus du Land de reconnaître cette équivalence, l’affaire avait finalement été portée devant la juridiction communautaire.

    Les questions qui lui étaient posées étaient, tout d’abord, de savoir quelles sont les connaissances à prendre comme élément de référence pour apprécier si l’auteur d’une demande d’admission directe, sans passer les épreuves prévues à cet effet, à un stage de préparation aux professions juridiques possède un niveau de connaissances équivalent à celui normalement requis pour accéder à un tel stage dans l’État membre concerné. Ensuite, il était demandé à la Cour si le droit communautaire exige que le niveau des connaissances du droit de l’État membre d’accueil requises pour être admis au stage et l’admission aux professions juridiques soit, dans une certaine mesure, diminué afin de promouvoir la libre circulation des personnes.

    A la première question, la Cour répond que l’exercice des activités de stagiaire en droit est conçu comme constituant la partie pratique de la formation nécessaire pour l’accès aux professions juridiques allemandes et est séparable des professions juridiques allemandes proprement dites, telles que celle d’avocat. Elle ne relève donc pas des dispositions des directives invoquées. « Cette activité », précise la Cour,  « ne peut être qualifiée de «profession réglementée» au sens de la directive 89/48 du 21 décembre 1988, relative à un système général de reconnaissance des diplômes d’enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d’une durée minimale de trois ans… telle que modifiée par la directive 2001/19… du 14 mai 2001». Par conséquent, « en l’absence d’harmonisation des conditions d’accès à une profession, les États membres sont en droit de définir les connaissances et qualifications nécessaires à l’exercice de cette profession et d’exiger la production d’un diplôme attestant la possession de ces connaissances et qualifications » (considérant 34) à condition toutefois que les dispositions nationales adoptées constituent pas  « une entrave injustifiée à l’exercice effectif des libertés fondamentales garanties par les articles 39 CE et 43 CE ». Cela implique que les autorités nationales doivent, lorsqu’elles examinent la demande d’un ressortissant d’un autre État membre d’obtenir l’accès à une période de formation pratique en vue de l’exercice ultérieur d’une profession réglementée, prendre en considération la qualification professionnelle de l’intéressé en procédant à une comparaison entre, d’une part, la qualification attestée par ses diplômes, certificats et autres titres ainsi que par son expérience professionnelle pertinente et, d’autre part, la qualification professionnelle exigée par la législation nationale. Si cette comparaison aboutit à la constatation que les connaissances et qualifications attestées par le diplôme étranger correspondent à celles exigées par les dispositions nationales, l’état membre est tenu d’admettre que ce diplôme remplit les conditions posées par celles-ci. Mais si la comparaison ne révèle qu’une « correspondance partielle entre ces connaissances et qualifications, l’État membre d’accueil est en droit d’exiger que l’intéressé démontre qu’il a acquis les connaissances et les qualifications manquantes » (considérant 40). Et il résulte d’une jurisprudence établie que les connaissances à prendre en considération sont celles attestées par la qualification exigée l’état d’accueil concerné et non se limiter aux études juridiques effectuées portant sur le droit d’un autre état membre. Le simple fait  que celles-ci soient considérées comme comparables du point de vue du niveau de la formation reçue, du temps et des efforts déployés à cet effet, aux études exigées par l’état d’accueil ne suffit pas.

    A la seconde question, la Cour répond par la négative : le principe de la libre circulation des personnes n’implique pas  d’abaisser, même légèrement, le niveau des connaissances requises du droit de l’état membre d’accueil. Le demandeur faisait valoir que l’article 39 CE serait vidé de son sens si l’État membre d’accueil pouvait exiger du candidat le même niveau de connaissances de son droit national que celui attesté par la qualification professionnelle requise dans cet État pour l’accès auxdites professions. Un argument rejeté par le juge communautaire qui  rappelle : « l’effet utile de l’article 39 CE n’impose pas que l’accès à une activité professionnelle dans un état membre soit soumis à des exigences inférieures à celles normalement requises des ressortissants de cet état » (considérant 50). Autrement dit, la liberté de circulation n’impose pas de nivellement par le bas des qualifications.

    Domaguil

  • Total confronté au principe pollueur-payeur

    La commune française de Mesquer peut être satisfaite.

    Victime de la pollution causée par le naufrage de l’Erika, Mesquer avait assigné l’affréteur du navire, Total, afin d’être indemnisée des frais de remise en état. L’affaire était arrivée devant la Cour de cassation qui, avant de trancher, avait renvoyé devant la Cour de justice des Communautés européennes pour interprétation de certaines dispositions communautaires relatives à la responsabilité au titre de dommages causés par des déchets résultant de la directive 75/442 (codifiée par la directive 2006/12 du 05/04/2006).

     

    Dans son arrêt du 24/06/2008, la Cour de Justice a adopté une position plus favorable à la commune de Mesquer que celle que lui avait suggéré l’avocat général dans ses conclusions du 13/03/2008.

     

    Après avoir confirmé que les hydrocarbures accidentellement déversés en mer constituaient bien des déchets au sens de la directive 75/442 dont les règles devaient dès lors s’appliquer, la Cour pose comme principe que, la règle du pollueur payeur exigeant une prise en charge financière du coût de l’élimination des déchets générés  par le naufrage d’un navire pétrolier, l’application de la directive peut conduire à ce que le producteur du produit générateur supporte le coût de l'élimination des déchets générés par le déversement accidentel d’hydrocarbures en mer.

     

    Ce faisant, elle s’écarte en partie de la solution proposée par l’avocat général.

     

    Conformément aux prévisions de l’article 15 de la directive 75/442, la commune de Mesquer demandait que le groupe Total  paie les coûts liés à l'élimination des  déchets respectivement en sa qualité de «détenteur antérieur» ou de «producteur du produit générateur» du fioul déversé, et ceci bien que le transport ait été assuré par un tiers (le transporteur maritime). L’avocat général avait tout d’abord, objecté que le principe de responsabilité énoncé par l’article 15 ne pouvait s’appliquer que dans la mesure où il était possible d’imputer aux  sociétés de Total « une contribution propre dans le déversement du fioul lourd ». Mais, bien plus, l’avocat général poursuivait son raisonnement en constatant que cet article devait être interprété en « évitant tout conflit » avec les règles posées par  la Convention sur la responsabilité civile qui met l’accent sur la responsabilité du propriétaire du bateau  et en tenant compte de la Convention FIPOL qui établit un fonds d’indemnisation complémentaire pour les victimes de dommages dus à la pollution, fonds  financé par les principales société pétrolières. Ce qui conduisait en pratique à « neutraliser » l’article 15 de la directive en permettant d’exclure la responsabilité de l’affréteur et du producteur et par là même la possibilité de dédommagement excédant ce qui était prévu dans le cadre du FIPOL.

     

    Cette interprétation favorable à Total est en partie rejetée par la Cour qui après avoir rappelé que la Communauté européenne n’est pas liée par les conventions internationales invoquées, dit pour droit : « s’il s’avère que les coûts liés à l’élimination des déchets générés par un déversement accidentel d’hydrocarbures en mer ne sont pas pris en charge par le FIPOL ou ne peuvent l’être en raison de l’épuisement du plafond d’indemnisation prévu pour ce sinistre et que, en application des limitations et/ou des exonérations de responsabilité prévues, le droit national d’un État membre, y compris celui issu de conventions internationales, empêche que ces coûts soient supportés par le propriétaire du navire et/ou l’affréteur de ce dernier, alors même que ceux-ci sont à considérer comme des «détenteurs» …un tel droit national devra alors permettre…que lesdits coûts soient supportés par le producteur du produit générateur des déchets ainsi répandus ».

    Voilà pourquoi cet arrêt a été salué par de nombreux commentateurs comme une victoire du « David » Mesquer contre le « Goliath » Total. De fait, il s’agit bien d’un revers pour le groupe pétrolier qui pourrait inspirer d’autres recours.

    Mais il reste néanmoins à remarquer que l’arrêt de la Cour de Justice ne résout pas, loin de là, les questions posées par le problème de l’indemnisation des dommages causés par la pollution par des déchets tels que le fioul échappé des « bateaux poubelles ».

    Tout d’abord, l’interprétation de la Cour laisse une place importante à la liberté d’appréciation de la Cour de cassation qui va avoir à présent à se prononcer sur le fond de l’affaire. Si la CJCE a indiqué, comme on l’a vu, qu’en vertu du droit communautaire, Total pourrait être tenu de payer les coûts de nettoyage des côtes de  Mesquer après le naufrage de l'Erika, c’est au juge français de vérifier que les conditions d’une telle responsabilité sont réunies. Et, sur ce point, la CJCE a repris les conditions proposées par l’avocat général : en vertu du principe pollueur-payeur, Total ne pourra être tenu de supporter les coûts que s’il « a contribué au risque de survenance de la pollution occasionnée par ce naufrage, en particulier s’il s’est abstenu de prendre les mesures visant à prévenir un tel événement telles que celles concernant le choix du navire ». Le maire de Mesquer,  Jean-Pierre Bernard se déclarait cependant optimiste quant à l’issue.

     

    Au delà du cas d’espèce,  les considérants de l’arrêt de la Cour laissent subsister bon nombre d’incertitudes. Tout d’abord,  la Cour admet qu’il puisse y avoir une exemption de responsabilité des affréteurs en considérant que leur contribution au risque de pollution est une condition à la reconnaissance de leur responsabilité, ce que ne prévoit pas l’article 15 de la directive. Ensuite,  tout en affirmant que la Communauté n’est pas liée par les conventions internationales en cause dans l’affaire Mesquer contre Total, la Cour admet que celles-ci puissent trouver à s’appliquer si l’indemnisation prévue au titre du FIPOL est suffisante, ce qui donne au principe de responsabilité posé dans  l’article 15 un caractère « subsidiaire » et réduit sa portée de même que celle du principe pollueur-payeur.

     

    Domaguil

     

  • Arrêts Viking et Laval (2)

    Quelques jours plus tard, la Cour de Justice reprend les principes développés dans l’affaire Viking dans son arrêt sur le cas Laval ( CJCE, 18/12/2007 , aff. C-341/05 , Laval un Partneri Ltd / Svenska Byggnadsarbetareförbundet e.a.).

     

    Là encore, la solution a, à la fois, de quoi satisfaire et de quoi inquiéter les syndicats. Satisfaire, car la Cour de Justice des Communautés ne se limite pas à confirmer que le droit de mener une action collective est un droit fondamental « faisant partie intégrante des principes généraux du droit communautaire »  (considérant 91) mais rappelle, comme elle l’avait fait dans son arrêt du 11, qu’en vertu de l’article 3 du traité sur la Communauté européenne, « l’action de la Communauté comporte non seulement un marché intérieur caractérisé par l’abolition, entre États membres, des obstacles à la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux, mais également une politique dans le domaine social » (considérant 104). Dès lors que la Communauté a « non seulement une finalité économique mais également une finalité sociale », poursuit la Cour , « les droits résultant des dispositions du traité relatives à libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux doivent être mis en balance avec les objectifs poursuivis par la politique sociale, parmi lesquels figurent, ainsi qu’il ressort de l’article 136 CE, notamment, l’amélioration des conditions de vie et de travail, permettant leur égalisation dans le progrès, une protection sociale adéquate et le dialogue social » (considérant 105). Tout comme elle l’avait fait dans son arrêt du 11, la Cour rappelle donc que « le droit de mener une action collective ayant pour but la protection des travailleurs de l’État d’accueil contre une éventuelle pratique de dumping social peut constituer une raison impérieuse d’intérêt général justifiant une restriction à l’une des libertés fondamentales garanties par le traité », en l’occurrence, la liberté de prestation de services (considérant 103). La Cour , enfin, légitime le blocus comme voie d’action collective en reconnaissant qu’il relève bien « de l’objectif de protection des travailleurs » (considérant 107). Ce faisant,  elle va plus loin que la jurisprudence française pour laquelle l’entrave à la liberté de travailler constitue une faute lourde.

     

     

    Mais l’application de ces principes généraux au cas d’espèce est moins favorable aux thèses des syndicats. En effet, la Cour juge que, dans l’affaire Laval, le blocus exercé n’était pas justifié, non pas parce qu’il ne répondait pas à l’objectif de protection des salariés, mais parce qu’il avait pour but de contraindre un prestataire de services étranger à adhérer à une convention collective sectorielle qui ne remplit pas les conditions prévues par la directive 96/71 sur le détachement de travailleurs  pour être opposable aux entreprises étrangères.

    Cette directive prévoit un ensemble de règles « impératives » de protection minimale que doivent respecter les employeurs qui détachent des salariés dans un Etat, dit pays d’accueil, en vue d’exécuter, à titre temporaire, une prestation dans cet Etat. Au nombre de ces règles figurent notamment, les taux de salaire minimal (article 3-1-c de la directive). L’article 3 de la directive dispose que ces règles sont fixées par « des dispositions législatives, réglementaires ou administratives et/ou par des conventions collectives ou sentences arbitrales déclarées d’application générale ». Le paragraphe 8 du même article précise ce qu’il faut entendre par conventions collectives d’application générale. Or, la convention collective suédoise à laquelle Laval était sommée de se conformer, ne remplit pas les conditions posées par ce paragraphe, juge la Cour. En Suède, la loi ne fixe pas de salaire minimal, laissant aux partenaires sociaux le soin de le déterminer dans les accords qu’ils passent. Mais les conventions collectives ne sont pas déclarées d’application générale. Cette difficulté aurait pu être levée si la Suède avait fait  usage de la possibilité laissée par la directive aux Etats de prendre pour base les conventions collectives ayant un effet général sur toutes les entreprises similaires appartenant au secteur concerné ou celles conclues par les organisations des partenaires sociaux les plus représentatives sur le plan national et qui sont appliquées sur l’ensemble du territoire. Mais elle ne l’a pas fait. Dès lors, la convention collective invoquée par les syndicats dans l’affaire Laval ne peut être prise en compte, d’autant, relève la Cour , que dans le secteur du bâtiment la négociation se fait au cas par cas, sur le lieu de travail, en tenant compte de la qualification et des fonctions des salariés concernés.

     

     

    Il en résulte pour l’entreprise prestataire une incertitude quant à l’étendue de ses obligations. Parce qu’elle s’inscrit  « dans un contexte national marqué par l’absence de dispositions, de quelque nature que ce soit, qui soient suffisamment précises et accessibles pour ne pas rendre, en pratique, impossible ou excessivement difficile la détermination, par une telle entreprise, des obligations qu’elle devrait respecter en termes de salaire minimal » (considérant 110), l’action du syndicat n’est donc pas de nature à justifier une restriction à la liberté de prestation de services.

     

     

    Il en aurait été autrement si la loi suédoise avait prévu un salaire minimal garanti ou si les conditions d’opposabilité des conventions collectives aux entreprises étrangères avaient été remplies.

    Les syndicats défendeurs ainsi que la CES se sont élevés contre ce qu’ils considèrent une interprétation trop étroite des dispositions de l’article 3 de la directive 96/71. De fait, il n’est pas inutile de rappeler que l’Avocat général avait adopté une position différente de celle  des juges dans ses conclusions. Celui-ci avait considéré que les syndicats peuvent, par des actions collectives contraindre un prestataire de services d’un autre état membre à souscrire à un taux de salaire prévu par une convention collective, même si celle-ci n’a pas été déclarée d’application générale, dans la mesure où elle est applicable de fait aux entreprises nationales du même secteur d’activités se trouvant dans une situation similaire. La Cour a donc choisi une conception plus restrictive, sur la base d’un raisonnement qui peut très bien se comprendre. Il est donc faux de conclure de ce cas d’espèce, comme on a pu le lire que la Cour « légitime le dumping social ».

     

     

    En réalité, les arrêts Viking et Laval  confortent, on l’a vu,  le droit syndical au niveau européen, mais le second met à mal le modèle suédois de négociation salariale.

    Domaguil