A Madrid, 22 états membres se mobilisent pour relancer le processus constitutionnel européen
Depuis plus d’un an, on n’a que trop parlé des pays qui ont voté non au traité constitutionnel européen et il est temps que ceux qui l’ont approuvé fassent entendre leur voix . C’est ainsi que l’on pourrait définir l’état d’esprit qui a motivé la réunion informelle, mais au caractère politique marqué, qui s’est tenue hier à Madrid entre les ministres et secrétaires d’état aux affaires étrangères des 18 pays ayant approuvé le traité constitutionnel européen, auxquel se sont joints ceux du Portugal et de l’Irlande, deux pays qui ont suspendu le processus de ratification.
L’Allemagne exerçant actuellement la Présidence de l’Union européenne et voulant conserver une certaine « neutralité » sur le sujet, était pour sa part représentée par son ambassadeur en Espagne. De même, le Danemark et la Suède s’étaient fait représenter par leurs ambassadeurs, pour manifester leur soutien à cette réunion destinée à relancer le processus constitutionnel.
Ceux qui ont choisi la devise « les Amis du traité constitutionnel : pour une Europe meilleure » se défendent de vouloir créer des divisions mais affirment vouloir proclamer leur soutien à la Présidence allemande dans le débat sur le traité constitutionnel, avec pour objectif de préserver la substance du texte. Une « feuille de route » présentée par le Secrétaire d’état espagnol aux affaires européennes, M. Navarro, qui, quelques jours avant la réunion, soulignait la nécessité pour les 18 pays ayant approuvé le traité constitutionnel de faire connaître clairement leur position aux états ayant rejeté le traité et à ceux qui ne l’ont pas encore ratifié. D’autant, ajoutait-il, qu’ils ont la légitimité pour le faire, puisqu’ils représentent plus de la moitié de la population de l’Union européenne et les 2/3 des états.
Pas question de morceler le traité, ni d’en retirer des parties : telle est la position défendue à Madrid et partagée par les autres pays, comme il ressort de la déclaration à la presse qui a clos la réunion.
Dans ce texte, les pays participants plaident pour une Europe politique qui puisse répondre aux défis du monde actuel, des institutions plus démocratiques et efficaces conformes aux attentes des citoyens et des poliques communes dans des domaines comme l’immigration, la sécurité intérieure et extérieure, l’énergie, ou encore le changement climatique. Ce pourrait être l’occasion d’un réexamen de la fameuse « partie III » du traité, afin de prendre en compte les préoccupations de la France, en particulier. Car la déclaration met également l’accent sur la nécessité de trouver un accord acceptable par tous, ce qui implique d’écouter « dans un esprit constructif » les propositions des autres états et de travailler avec eux afin de parvenir à un compromis qui « respecte la substance et l’équilibre » du traité constitutionnel. Dans le discours d’inauguration de la rencontre le Ministre des affaires étrangères espagnol , M.Miguel Angel Moratinos, a expliqué que la « substance » du texte ne se limite pas aux seules dispositions institutionnelles. Autrement dit, c’est bien l’ensemble de l’architecture du traité qui doit être préservée. Pour les "amis de la constitution", la solution à l’impasse actuelle est d’avoir de l’ambition et non de se contenter d’un accord « a minima »... ou d’un « mini traité » (cher à Nicolas Sarkozy).
Faute d’entente, la solution pourrait passer par le recours à des mécanismes d’intégration différenciée, ont dit les représentants espagnols, le Ministre des affaires étrangères et le Secrétaire d’état pour l'Union européenne. Car, ont-ils martelé, l’Europe ne peut pas se permettre de s’arrêter parce que certains ne veulent pas avancer et il faut que les pays ayant la volonté politique de renforcer l’intégration le puissent. Voila la France et les autres absents de la réunion de Madrid prévenus : libre à eux de ne pas vouloir poursuivre l’aventure, mais celle-ci pourrait continuer sans eux.
L’avenir seul dira ce qu’il en est. Un fait est certain, en revanche: l'Espagne a gagné le devant de la scène et s’affirme comme un nouveau moteur de l’Europe politique. Ainsi que le remarque Jean-Luis Fredet dans le Nouvel Observateur de cette semaine « le défi de Zapatero »), la réunion de Madrid a pour arrière plan une redistribution des cartes dans l’Union européenne, « la revanche du Sud sur le Nord, des nouveaux contre les anciens ». Forte de performances économiques qui font envie de ce côté des Pyrénées (comme le montrent la croissance de son PIB et la chute spectaculaire du taux de chômage), l’Espagne affirme avec éclat qu’il peut y avoir d’autres "locomotives" pour l’Europe. Ce qui est une bonne nouvelle.