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quoi de neuf en europe - Page 69

  • L’état polonais se fait taper sur les doigts

    Il y a quelques jours, je rappelais les tentatives des gouvernants  polonais pour écorner les droits fondamentaux et évoquais notamment  le cas de l’eurodéputé Bronislaw Geremek, menacé d’être déchu de son mandat en vertu de la loi polonaise de lustration (voir la note du 4 mai ).

     

     

    L’opposition avait formé un recours contre cette loi devant le Tribunal constitutionnel polonais. Celui-ci a invalidé partiellement la loi le 11/05/2007 et l’a amputée de ses dispositions les plus emblématiques (et contestées), jugées contraires à la Constitution. L’arrêt est un véritable camouflet pour le Gouvernement et le Président polonais, qui avaient exercé de fortes pressions pour éviter de voir la loi censurée. La nécessité de la décommunisation n’est pas remise en cause, mais sa mise en œuvre et notamment le champ d’application trop large. L’obligation de déclaration imposée aux  journalistes, aux universitaires, ou encore aux dirigeants d'entreprises cotées en bourse est déclarée non conforme à la Constitution  par le tribunal.  Celui-ci juge également non conforme un article qui prévoyait la publication des noms des anciens collaborateurs de la police politique et impose comme condition de validité, une définition plus restrictive du  "collaborateur" qui s’applique aux seules personnes ayant réellement fourni des informations.

     

     

    Mais quel sera le sort de Bronislaw Geremek ? Il  reste aux juristes à examiner la décision dans le détail afin de savoir comment l’interpréter et quelles en sont les conséquences en l’espèce.  Mais la presse a fait état de la déclaration du Président du Tribunal  Jerzy Stepien selon lequel  «Un élu au suffrage universel ne peut pas perdre son  mandat pour avoir refusé de remplir la déclaration de collaboration ». On peut supposer, sans trop de risques d’erreur, qu’il sait de quoi il parle...

     

     

    Les autorités polonaises, pour qui le mois de mai est décidément loin d’être joli, ont subi un autre revers, devant la Cour européenne des droits de l’homme, cette fois. Celle-ci avait été saisie par des organisations militant en faveur des droits des homosexuels à la suite de l’interdiction par le maire de Varsovie  (Lech Kaczynski, devenu depuis Président de la république de Pologne) d’une marche pour l’égalité des droits. La Cour conclut à la violation des article 11 (liberté de réunion et d’association) de la Convention européenne des Droits de l’Homme, 13 (droit à un recours effectif) et 14 (interdiction de la discrimination) (arrêt du 03/05/2007, requête no 1543/06, Bączkowski et autres c. Pologne ).

     

     

    L'obstination des autorités polonaises à faire fi des règles de droit résultant aussi bien du droit interne que de leurs engagements internationaux les expose à d’autres déboires et à nourrir les recueils de jurisprudence, par exemple, si elles poursuivent leur projet d’exclusion des enseignants « ouvertement  homosexuels » de l'enseignement.

     

    Domaguil  

     

     

  • Rapport du Médiateur de l'Union européenne pour 2006

    Avec 3830 plaintes reçues et traités de citoyens, de sociétés, d’ONG et d’associations mettant en cause  le fonctionnement des institutions européennes en 2006, le Médiateur européen n’est pas prêt de s’ennuyer.

     

     

    Le nombre de plaintes se maintient à un niveau élevé comme les années précédentes, mais ce qui est plus nouveau, un plus grand nombre de plaintes est jugé fondé par le Médiateur et le conduit à clôturer ses enquêtes par des commentaires critiques lorsqu’il n’y a pas de résolution à l’amiable des affaires. Le Médiateur s’en inquiète, dans son rapport annuel rendu public le 03/05/2007, car cela révèle une dégradation des rapports entre les institutions de l’Union européenne et les citoyens.

     

     

    Bien plus, les institutions européennes ont moins tenu compte des observations du Médiateur (qui rappelons-le, peut seulement émettre des recommandations) . « Cette évolution devrait être une source de préoccupation pour tous ceux et celles qui aspirent à de meilleures relations entre l’Union européenne et ses citoyens », déplore le Médiateur dans son rapport, car «  Les plaintes offrent la possibilité de corriger une situation et de démontrer que l’institution ou l’agence concernée respecte le droit fondamental du citoyen à une bonne administration. Je ne pense pas que le citoyen puisse aisément concilier les déclarations fréquentes des institutions exprimant le désir d’être «plus proches du citoyen» avec l’incapacité fréquente de ces mêmes institutions à saisir l’occasion d’améliorer les relations que leur offre le Médiateur » (décidément, il est toujours rafraîchissant de se pencher sur l’action de ces organismes de contrôle que sont le Médiateur et le Contrôleur européen de la protection des données, car ceux-ci ignorent souvent la langue de bois ! ).

     

     

    Assez  fâché, semble-t-il, le Médiateur a annoncé qu’il publierait prochainement une étude sur les suites données par l'administration de l'Union européenne à ses commentaires critiques.

     

     

    En 2006, un quart des enquêtes a concerné le manque de transparence de l'administration de l'Union européenne, y compris le refus d'information. 66% des enquêtes ont concerné la Commission européenne, suivie par l'Office européen de sélection du personnel, le Parlement européen et le Conseil. Les plaintes émanaient majoritairement de particuliers,  et provenaient d’Espagne  (20 %), d’Allemagne (14 %), de France (9 %) et de Belgique (6 %).

     

    Domaguil

     
  • Le monopole de distribution du Livret A contesté par la Commision européenne

    A la suite d’une plainte de plusieurs banques françaises, la Commission européenne avait ouvert une enquête en juin 2006 pour savoir si le monopole de distribution des livret A et bleu accordé en France à la Poste, aux Caisses d’Epargne et au Crédit mutuel constituait un avantage concurrentiel contraire aux règles du droit communautaire de la concurrence (pour plus de détails, voir la note que j’avais rédigée à l ‘époque:

     La Commission européenne enquête sur le livret A et le livret bleu ).

     

     

    L’annonce de l’ouverture de la procédure avait été accueillie avec satisfaction par les banques et de façon concomitante, par un concert de protestations des organismes HLM et de divers syndicats qui se disaient inquiets pour l’avenir du Livret A.

     

     

    La Commission européenne avait pourtant précisé que l’existence du  livret A (et celle du livret bleu) n’était pas menacée mais seul le droit exclusif de le distribuer. En d’autres termes, il n’était pas question de mettre à mal  l’exception française que constitue l’épargne administrée et de contester ses finalités sociales, mais de mettre fin au « privilège injustifié » (selon les banques plaignantes) dont bénéficieraient les organismes qui le distribuent. Mais comme le petit berger qui avait trop crié au loup pour être cru,  la Commission avait beau expliquer, elle n‘était pas entendue. Car, on nous le répète assez, les technocrates qui la composent n’ont qu’une obsession : détruire notre beau modèle social et toutes leurs dénégations sont autant de manipulations pour couvrir leurs sombres desseins (bien entendu, je plaisante : je précise pour ceux qui seraient tentés de prendre ces lignes au premier degré).

     

     

    Donc, dans ce climat de méfiance exacerbée, et après une campagne présidentielle très cocardière dans laquelle l’Europe a endossé une fois de plus le rôle du croquemitaine, voilà que la Commission européenne, à peine le nouveau Président élu et juste revenu de croisière, en « rajoute une couche » en annonçant le 10 mai, qu’elle donne neuf mois à la France pour supprimer le monopole de distribution des livrets A et bleu. Car, après examen, la Commission s’est avisée qu’effectivement, « les droits spéciaux de distribution en cause constituent une restriction incompatible avec le droit communautaire et ne sont pas indispensables pour assurer de manière satisfaisante les deux services d’intérêt économique général invoqués par les autorités françaises, à savoir le financement du logement social et l’accessibilité aux services bancaires de base ». Mais elle ajoute : « La modification demandée du mode de distribution des livrets A et bleu ne remet pas en cause les missions d’intérêt général qui y sont attachés et n’implique aucun changement défavorable dans le fonctionnement de ces livrets pour les particuliers ».

     

     

    Mon petit doigt me dit que cette précision n’empêchera pas que s’élèvent des cris d’indignation contre cette odieuse libéralisation qui porte un nouveau coup au système social, contre cette marchandisation à outrance qui va tondre les petits épargnants, contre cette Europe sans âme qui avantage les seuls financiers …Dans un appel à signature de septembre 2006, l' Intersyndicale du secteur semi-public économique et financier dénonçait déjà la « banalisation » de la distribution du livret A.

     

     

    Les syndicats font valoir que les banques ayant pour vocation de faire des bénéfices, elles se serviront du livret comme produit d’appel pour ensuite orienter les épargnants vers des placements maison plus rémunérateurs, ce qui sera certes plus avantageux pour les clients mais qui diminuera d’autant les fonds affectés au logement social. Pas du tout rétorquent les banques qui jurent que la libéralisation va au contraire relancer la construction des logements sociaux en multipliant les canaux de distribution du livret A.

     

     

    Pour sa part, la Caisse des dépôts et des consignations n’est pas convaincue par ces protestations. Cet établissement public centralise l’épargne collectée par le biais du livret moyennant le versement d’une commission aux établissements qui le distribuent. Il utilise ensuite les fonds pour prêter de l'argent aux organismes HLM Dans une note du 27/09/2006, la Caisse exprime sa préoccupation devant un risque de tarissement du financement du logement social et demande au Gouvernement « de faire tout ce qui est en son pouvoir » pour l’éviter. La question posée est de savoir si les politiques de construction de logements sociaux, faute de pouvoir s’adosser à l’épargne populaire, devraient à l’avenir se tourner soit vers l’impôt, soit vers l’emprunt avec dans ce dernier cas la perspective d’un renchérissement des coûts. Et il serait paradoxal que la construction de logements sociaux soit compromise alors que le droit au logement opposable récemment voté par le Parlement la confirme au contraire comme un objectif prioritaire. La question mérite donc d’être étudiée. Mais dénoncer l’ « ultimatum » de la Commission européenne n’est pas la réponse.

     

     

    Le second argument, étroitement lié au premier, avancé par les adversaires de la libéralisation est le risque de voir disparaître le dispositif de centralisation de l’épargne par la Caisse de consignation. Pourtant, la Commission européenne ne le met nullement en cause et l’état français pourra  imposer aux banques assurant la distribution du livret A la même obligation de centralisation intégrale des fonds collectés à la Caisse des dépôts (comme le rappelle le communiqué de la Commission).

     

     

    Enfin, les syndicats  soulignent que le Livret A est le refuge d’une clientèle aux ressources limitées et contribue ainsi à la cohésion sociale en évitant l’exclusion bancaire. Attendre des banquiers qu’ils s’acquittent spontanément de cette mission serait pour le moins irréaliste, c’est un fait. Mais qu’est ce qui empêchera l’état d’imposer des obligations de service public aux banques qui voudront distribuer les livrets, en contrepartie de cette possibilité ? Et notamment de les obliger à accepter tous les clients, sans discrimination, comme c'est le cas aujourd'hui à la Banque postale ?

     

     

    La fin du monopole de distribution du livret A n’aura pas inéluctablement les conséquences néfastes prédites par les cassandre syndicales. Tout dépendra de la façon dont les autorités français la mettront en œuvre, donc de choix politiques nationaux et non communautaires. En revanche, le sort de la Banque postale semble évidemment plus incertain car son activité dépend en grande partie du livret A.

     

     

    Quelle sera la position de Nicolas Sarkozy dans ce dossier? C’est la dernière question posée avec gourmandise par les medias.

     

     

    Le Ministère des finances du futur ex Gouvernement a, quant à lui, annoncé qu’un recours devant la Cour de Justice des Communautés européennes pour obtenir l'annulation de la décision de la Commission était prévisible. Il reste à savoir si cette annonce sera confirmée par ses successeurs.

     

    Domaguil

     

     

  • Libertés publiques et coopération policière et judiciaire dans l Union européenne

    Le renforcement de la coopération policière et judiciaire entre les pays de l’Union européenne allié aux possibilités offertes par les nouvelles technologies est une menace potentielle pour les libertés individuelles. Le Contrôleur Européen de la Protection des Données le rappelle dans son nouvel avis (le troisième) du 27/04/2007 sur la proposition de décision cadre actuellement en cours d’examen au Conseil.

     

     

    Cette proposition a précisément pour objectif d’encadrer la protection des données à caractère personnel traitées dans le cadre de la coopération policière et judiciaire en matière pénale (une donnée à caractère personnel est une information relative à une personne physique identifiée ou qui peut être identifiée, directement ou indirectement, par référence à un numéro d'identification ou à un ou plusieurs éléments qui lui sont propres, et qui peut faire l’objet d’un traitement c’est à dire d’opérations telles que la collecte, l'enregistrement, l'organisation, la conservation, la modification, l'extraction, la consultation, l'utilisation, la communication par transmission, diffusion ou toute autre forme de mise à disposition, le rapprochement ou l'interconnexion, ainsi que le verrouillage, l'effacement ou la destruction…).

     

     

    L'abolition des frontières intérieures s’accompagne d’un développement des échanges d'information des services répressifs nationaux, portant des données sensibles, avec le risque qu’une utilisation abusive en soit faite. Or, la proposition de décision cadre est loin, de l’avis du CEPD, de prévoir les garanties nécessaires pour éviter ce risque et les droits des citoyens pourraient bien être sacrifiés sur l’autel de l'efficacité dans la coopération policière et judiciaire.

     

     

    La position du CEPD est résumée sans ambiguïté et de façon plutôt lapidaire dans le communiqué de presse rendu public le 30/04. On peut y lire : « le CEPD recommande fermement au Conseil de ne pas adopter la proposition actuelle, sauf améliorations significatives ». Plus avant, le  CEPD exprime « de graves

    préoccupations envers la tendance à aller vers le plus petit dénominateur commun ».

     

     

    La raison de cette sévérité?

     

     

    Selon le Contrôleur, de nombreux points du texte ne répondent pas aux exigences de la protection des données telles que définies par le Traité de l'Union européenne. Bien plus, certaines dispositions « sont même en dessous des standards fixés par la Convention 108 du Conseil de l'Europe (1981), qui a établi des principes de base de la protection des données en Europe ».

     

     

    C’est pourquoi, le CEPD appelle le Conseil à revoir la proposition sur les points suivants :

    • Celle-ci doit obliger les états (et non pas les « inviter ») à inclure dans le régime de protection les traitements de données "domestiques" c’est-à-dire internes,  afin que les citoyens ne  soient pas uniquement protégés de manière adéquate lors des échanges entre états membres.
    • Les finalités pour lesquelles les données personnelles peuvent être traitées doivent être limitées, dans le respect des principes de base de la Convention 108 qui dispose que les données personnelles sont « enregistrées pour des finalités déterminées et légitimes et ne sont pas utilisées de manière incompatible avec ces finalités » (article 5.b), les seules dérogations permises devant être prévues par la loi et constituer « une mesure nécessaire dans une société démocratique » ayant pour objet, par exemple, la répression des infractions pénales (article 9). Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, ces dérogations ne sont de surcroît admises qui si elles sont proportionnées au but, précises et  prévisibles. Or, la rédaction de la proposition de décision cadre est trop large et imprécise pour permettre le respect de ces conditions, estime le CEPD.
    • Le niveau de protection des données dans les échanges avec les pays tiers doit faire l’objet  d'une norme commune européenne.
    • La qualité des données doit être assurée conformément aux dispositions de l’article de l’article 5 de la Convention 108 qui impose notamment qu’elles soient « obtenues et traitées loyalement et licitement ». Une distinction doit être faite entre  les données factuelles et les autres données n’ayant pas ce caractère ( opinions ou témoignages, par exemple), ce qui n’est pas le cas dans la proposition de décision cadre. De même, la proposition ne permet pas de distinguer les catégories de personnes concernées par les renseignements échangés (coupables, suspects, victimes, témoins, etc…) et n’offre pas de garanties spécifiques sur les données relatives à des personnes qui ne sont pas mises en cause.
    • Les droits d’accès, de recours, etc…des citoyens doivent être améliorés.
    • Les échanges de données avec des autorités non-répressives et des entités privées doivent être soumis à des conditions strictes et spécifiques.

     

     

    Selon le CEPD, le parallèle doit être fait avec l’ouverture du marché intérieur qui s’est accompagné de la définition d’une législation protectrice des données personnelles  (la directive 95/46). De la même façon,  dit le CEPD, “l’espace commun  de liberté, de sécurité et de justice (ndlr : troisième pilier de l’Union européenne) dans lequel l’ information va circuler librement entre les autorités judiciaires … exige un haut niveau de protection des données personnelles dans tous les états membres ». Or, telle n’est pas l’orientation prise par les états.

     

     

    Mais en l’espèce seuls ces derniers sont  compétents pour décider sur une question qui relève du troisième pilier de l’Union européenne, celui de la coopération intergouvernementale et non du pilier communautaire dans lequel le Parlement européen est colégislateur et peut amender voire refuser les textes votés par le Conseil. Voilà comment les libertés individuelles risquent fort de se trouver écornées par la grâce du Conseil et comment l’Union européenne peut se trouver conduite à assurer une protection des individus à double vitesse : étendue dans le cadre de la Communauté européenne et du marché intérieur, plus limitée dans celui du troisième pilier.

    C’est pourquoi, ceux qui prônent l’Europe des nations fonctionnant sur une base intergouvernementale devraient préciser à ceux qui seraient tentés de les écouter qu’il s’agit là de la solution la moins démocratique qui soit.

     

    Domaguil