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Quoi de neuf en Europe - Page 43

  • Fumée blanche et noirs pronostics

     

    Un article du Figaro l’affirme : « Si les Vingt-sept ont trouvé rapidement un consensus jeudi sur la désignation du premier président du Conseil européen et du Haut représentant de l'Union européenne aux affaires étrangères, leur double choix n'a pas convaincu la presse européenne ». Ah si la presse n’est pas convaincue…l’heure est grave. Du côté de politiques pro européens le choix du conclave passe mal aussi : "L'Europe a atteint le fond (...) après avoir nommé un président faible de la Commission européenne (José Manuel Barroso), les chefs d'Etat ont désormais nommé un président du Conseil falot et une Haute représentante insignifiante", a estimé l’eurodéputé vert Daniel Cohn-Bendit. Ah flute alors, si Cohn Bendit le dit… Ce ne sont que deux exemples, il y en d’autres de la même tonalité qui foisonnent actuellement dans les medias. Un véritable jeu de massacre. Dans cet unanimisme, tel qu’il apparaît dans les revues de presse d ‘aujourd’hui, y compris celles de la presse de nos voisins, je suis tentée de voir une illustration (de plus) de l’esprit moutonnier qui prévaut souvent dans les grands medias . « Terne », « falot », deux adjectifs répétés ad nauseam au long de la reprise de quelques dépêches AFP ou autres. Circulez, il n’y a rien de plus à voir…l’Europe politique est morte, bla bla bla.

    Moi qui ne suis pas dans le secret des dieux ni dans celui de la lecture du marc de café, je n’ai qu’un message, hélas bien raisonnable, à délivrer : « attendons de voir…. ». Comme le rappelle Thierry Chopin, directeur des études de la Fondation Robert Schuman , dans une interview au journal le point en ligne : « … il faut se souvenir que parfois dans l'histoire de la construction européenne, certaines personnalités ont été désignées et ne bénéficiaient pas, a priori, d'une forte "légitimité charismatique". C'est notamment le cas de Jacques Delors. Or, il s'est révélé être un excellent président de la Commission européenne et il s'est imposé en prenant des initiatives politiques fortes ».

    Pour patienter voici un petit rappel :

    Le Président du Conseil Européen

    Le traité de Lisbonne qui a repris sur ce point les dispositions du traité constitutionnel crée un « Président du Conseil Européen », ce que les médias (toujours eux)  ont appelé le « Président de l’Europe » pour mettre l’accent sur le fait que  l’Union européenne aura ainsi un « visage » plus facilement identifiable par les citoyens notamment. Réunion des chefs d'État des pays de l’Union, du président et du président de la Commission, le Conseil européen définit les orientations et les priorités politiques générales de l'Union.

    Le nouveau président est élu à la majorité qualifiée par le Conseil européen pour un mandat de deux ans et demi, renouvelables une fois. Jusqu’ici, la présidence du Conseil européenne était une présidence tournante (chaque pays assumait à tour de rôle la présidence de l’Union européenne et à ce titre celle du Conseil européen) et de durée limitée (six mois). Bien sur le Président du Conseil européen n’abandonnait pas pour autant son mandat national et avait donc une « double casquette ». Rien de tel pour le Président du Conseil européen : la fonction ne peut être cumulée avec un mandat national.

    Il assure la  représentation extérieure de l'Union européenne dans les sommets internationaux. Il  préside et anime les travaux du Conseil européen. Il « dialogue » avec les autres institutions. Autant de prérogatives qui peuvent rester honorifiques ou au contraire, permettre l’affirmation de l’institution, si son titulaire les exerce pleinement et parvient à s’imposer à la fois sur la scène internationale et sur l’échiquier institutionnel européen.

    Le Haut Représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune

    Il s’agit également d’une innovation du Traité de Lisbonne par rapport aux traités actuels. A la  dénomination – trop connotée -  de  Ministre des affaires étrangères de l'Union qui figurait dans le traité constitutionnel, le traité de Lisbonne a préféré celle de Haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Elle résulte de la fusion des deux postes actuels de Haut Représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune  et de Commissaire aux relations extérieures, cette fusion devant assurer la cohérence entre l’action extérieure de la Commission et celle du Conseil.

    Le Haut représentant est nommé pour cinq ans par un vote à la majorité qualifiée du Conseil européen en accord avec le Président de la Commission (il peut être démis de son mandat de la même façon). Il conduit la politique étrangère et de sécurité commune de l'Union, participe à son élaboration en présentant des propositions et l'exécute en tant que mandataire du Conseil (il agit de même pour la politique de sécurité et de défense commune). Il disposera d’un «service diplomatique» européen, une autre innovation du nouveau traité.

    Il préside le Conseil des affaires étrangères (formation qui réunit les  ministres des Affaires étrangères des états de l’Union européenne) et est l’un des vice-présidents de la Commission européenne.

    Les rapports avec le Président du Conseil européen et la hiérarchie entre les deux sont que le premier définira les grandes lignes de la politique extérieure (rôle du Conseil européen qu’il préside), et que le second l'exécutera. Mais la seule la pratique dira s’il y a empiètement sur les prérogatives de l’autre. Là encore, « rien n’est écrit »  et tout dépendra des personnalités exerçant ces fonctions. Attendre et voir venir donc…Mais si vous êtes impatients d’avoir des scenarii et êtes friands de pronostics, la presse est là pour vous en donner… quitte à ce qu’ils soient infirmés par la suite;-)

    Domaguil

  • Fumée blanche sur le Conseil européen?

     

    Tout a été dit sur la procédure, tout sauf transparente, de désignation des Président du Conseil de l’Union européenne et de Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. On ne peut guère dire qu’elle s’accorde avec la demande de démocratie européenne. Qui, en dehors des chancelleries et des coulisses du Conseil et de la Commission européenne sans doute, savait exactement qui étaient les candidats à ces fonctions éminentes ? Pas les citoyens en tout cas, ce qui est tout de même « fort de café ». Donc, aucun nom connu avec certitude, et a fortiori aucune information sur les programmes des postulants, leur vision de l’Europe communautaire et de la fonction à laquelle ils aspirent d’accéder. Broutilles que cela ??? Si on est porté à l'indulgence, on remarquera qu’il s’agit de la première fois que l’on nomme ces hauts personnages et qu’il faut aller vite car l’Union doit à présent avancer.


    Mais si l’Union européenne veut vraiment devenir politiquement adulte, il faudra bien renoncer à ces négociations feutrées et laisser les conclaves au Vatican. Car il s’agit de désigner ceux qui donnent enfin un visage à l’UE et à sa politique étrangère : cela ne peut se faire en catimini.


    Quant aux choix effectués par les états, ils ne sont pas encore annoncés officiellement à l’heure où j’écris. Mais il s’agirait du Premier ministre belge, Herman Van Rompuy, qui deviendrait le premier Président de l’Union européenne et de la britannique et travailliste Catherine Ashton qui deviendrait le « chef » de la diplomatie européenne. De l’avis de nombreux commentateurs M. Van Rompuy a fait la preuve de sa capacité de négociateur, ce qui est un atout dans la fonction délicate qui serait la sienne. La nomination probable de Madame Ashton est en revanche accueillie avec plus de circonspection, son manque d’expérience en matière de politique étrangère étant relevée.

     

    Domaguil

  • Des nouvelles de SWIFT

    Pour ceux qui s’intéressent au cas SWIFT déja évoqué sur ce blog et à ce qu’il révèle du grignotage progressif des libertés individuelles, voici les derniers rebondissements de cette curieuse affaire.

     

    Le 24/07/2009, le Conseil des Ministres de l’Union européenne a autorisé l’ouverture de négociations avec les Etats-Unis pour parvenir à un accord sur l’accès des autorités nord américaines aux informations du réseau Swift. Cette décision prend la forme d'un mandat de négociation confié à la Commission européenne. Selon le Commissaire Jacques Barrot, chargé de la Justice, de la Liberté et de la Sécurité, il ne s’agit pas pour autant de donner un chèque en blanc aux Etats-Unis, assurance qui a pour but de répondre aux critiques nombreuses exprimées notamment sur les bancs du Parlement Européen. Pour le groupe des Verts, par exemple, la Commission et le Conseil veulent agir sans intervention du Parlement alors que l’accord menace les droits fondamentaux des citoyens. La Commission par la voix de Jacques Barrot s’en défend et souligne que l’accord envisagé est simplement temporaire et destiné à durer quelques mois. En fait, ce sont les Etats-Unis qui sont demandeurs d’un tel accord car le contexte a changé depuis que l’affaire Swift a éclaté : Swift aurait décidé de transférer dès l’automne ses banques de données aux Pays-Bas et en Suisse. Seul resterait aux Etats-Unis un serveur contenant uniquement les données américaines. Dès lors, si un accord n’est pas conclu avec l’UE, les Etats-Unis dépendraient du bon vouloir des différents pays membres de l’UE pour avoir accès à leurs informations.

     

    Passée la période temporaire, c’est bien la question de la protection des données privées qui devra faire l’objet de règles plus précises et nécessitera pour cela un accord UE/ Etats Unis. Et cela ne pourra se faire sans les eurodéputés, comme l’a d’ailleurs relevé le commissaire Barrot lord de son audition devant la commission parlementaire des Libertés civiles, le 23/07.

     

    En tant que représentant des citoyens, le Parlement demande depuis longtemps et avec insistance à être associé aux négociations avec les autorités nord américaines, sans grand succès. Mais, en session plénière le 16/09/2009, les représentants de la Commission européenne et du Conseil, seules institutions européennes parties prenantes aux négociations pour le moment, ont affirmé que l’accord actuellement en vigueur deviendrait caduc dans un an et que les nouvelles règles du traité de Lisbonne s’appliquant (si celui-ci est adopté d’ici là) le Parlement européen aura le dernier mot sur le nouvel accord. Si l’arrivée du Parlement dans un dossier jusque là géré par les états et la Commission peut a priori sembler rassurante, encore faudra-t-il que les mots de défense des droits ne soient pas une simple incantation. Car il est sans doute tentant pour les pays européens d’accepter que les Etats-Unis aient accès aux données de leurs citoyens… du moment qu’ils partageront avec eux l’information recueillie.

     

    Le 29/09, lors d’une audition devant les députés français membres de la Commission pour les affaires européennes, Alex Türk, Président de la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) a dit tout le mal qu’il pensait de cet échange de « bons procédés » entre l’Union et les Etats-Unis car «  il existe un fossé entre les conceptions américaine et européenne de la protection des données personnelles et de la vie privée » (remarque faite par Alex Turk après avoir pris la précaution de rappeler en préliminaire qu’il souscrit aux objectifs de la lutte contre le terrorisme). Entre autres morceaux choisis, je citerai celui-ci : « J’ai pour ma part mené des consultations à Paris auprès des banques et, à Bruxelles, auprès du groupe des 27 CNIL européennes, que je préside, ainsi que des ministères et de diverses autres autorités. Les autres CNIL ont fait de même dans leurs pays respectifs. Il est apparu que nous avions en réalité peu de garanties sur l’usage que faisaient de ces informations les autorités des Etats-Unis. Etaient-elles conservées exclusivement par les autorités chargées de la lutte contre le terrorisme, ou pouvaient-elles être communiquées à d’autres autorités américaines, intervenant notamment dans le domaine commercial ? Nous n’avons obtenu aucune information à ce propos et les bruits qui nous parvenaient n’avaient rien de rassurant. La même incertitude prévalait quant à la durée de conservation de ces informations ». Sur le système de garanties mis en place après la découverte du pot aux roses en 2006, et qui prévoit notamment un contrôle sur place par une « personnalité éminente » (le juge Bruguière) nommée par les institutions européennes, M.Türk ne s’est guère montré plus rassurant : « J'étais personnellement très satisfait de ce que je considérais alors comme une grande victoire des CNIL européennes, mais j’étais trop optimiste… » dit-il. Car le rapport rendu par le juge s’est avéré…fort curieux. C’est assez "savoureux", je cite donc intégralement : « Auditionné à son retour devant le groupe de l'article 29, réunissant les 27 CNIL européennes, à Bruxelles, il (le juge Bruguière) a déclaré en substance que tout allait très bien, que les autorités américaines étaient très efficaces dans leur lutte contre le terrorisme et que rien ne s'opposait à ce que le système soit maintenu en l'état. Il a toutefois déclaré aussi qu'il ne pouvait pas nous rendre son rapport, au motif que les autorités américaines avaient décidé de le classifier. Pour la première fois donc, à la grande surprise des CNIL européennes, un contrôlé classifiait le rapport du contrôleur ! Quatre mois après son audition, M. Bruguière ne nous a toujours pas fourni ce rapport. Auditionné à Paris devant la CNIL, il a accepté l’idée de nous remettre une note qui le synthétiserait. Après quatre rappels, je n'ai toujours pas reçu cette note.

    Dès lors, nous n'avons plus aucune garantie de la part du contrôleur européen que tout se passait conformément aux accords conclus entre l'Union européenne et les Etats-Unis. Cependant, sur la foi du rapport – inconnu – de M. Bruguière, la Commission européenne a considéré qu'il n'y avait plus de raison d'interdire aux Etats-Unis d'accéder aux données sur les transactions intra-européennes à partir du nouveau centre ». Et de conclure : « J'ai tenu à être auditionné par votre commission non seulement parce que cette question est de votre compétence, mais aussi parce que le débat devrait être rouvert avec la ratification du traité de Lisbonne. Il importe de préparer cette discussion globale, qui sera sans doute la dernière, pour tenter d'obtenir le respect des garanties évoquées ».

     

    La balle est dans le camp du Parlement européen qui aura un rôle accru dans la renégociation de l'accord. A lui de s’en saisir.

     

    Domaguil

  • Rapport critique de la Cour des comptes européennes sur la gestion du marché du lait

     

    Alors que les projecteurs sont braqués sur les difficultés des producteurs laitiers, la Cour des Comptes européennes vient apporter sa contribution au débat sur les solutions à apporter dans un rapport qui fait le bilan de l’efficacité des instruments de gestion du marché du lait mis en oeuvre au niveau européen. 

    Lors de la présentation du rapport, le 15/10/2009, M. Molnár, membre de la Cour a pris soin de souligner que le rapport était le résultat d’un audit décidé il y a plus de deux ans c’est-à-dire à une époque où les medias ne parlaient pas encore de crise du secteur laitier.

     

    Il n’empêche que sa publication trouve un écho particulier du fait de l’actualité.

     

    Le rapport porte sur la performance des outils de gestion (quotas laitiers et mesures d’écoulement en premier lieu) au regard des objectifs qui avaient été fixés : équilibrer le marché, stabiliser les prix, assurer un niveau de vie équitable aux producteurs, et améliorer la compétitivité. La période étudiée couvre les années 1998 à 2008.

     

    Et les conclusions ne plaident pas pour la dérégulation dont la Commissaire à l’agriculture s’est faite le héraut.

     

    S’agissant des quotas laitiers, principal de thème de controverse entre les producteurs et la Commision européenne, le rapport, relève qu’ils ont permis d’encadrer la production, mais à un niveau trop élevé pour éviter la surproduction. Sur les prix, autre sujet de dissensions, « les prix à la production ont en fait constamment décru en termes réels, cependant que les prix à la consommation n’ont cessé d’augmenter » et « Le revenu moyen des producteurs de lait n’a pas pu se maintenir depuis dix ans qu’au prix d’une augmentation constante de la productivité, d’aides accrues, et d’une disparition d’un très grand nombre d’exploitations ».

     

    Dans un contexte de libéralisation le secteur laitier est confronté à trois risques majeurs, estime la Cour : l’instabilité des marchés, et la volatilité des prix, qui peuvent conduire à recréer rapidement des excédents importants ; l’accélération de la restructuration, avec le risque d’une concentration géographique toujours accrue de la production, et la disparition d’un très grand nombre de producteurs dans les zones rurales défavorisées ; la question de la compétitivité du secteur, qui dépend de sa capacité à s’adapter à la demande mondiale en termes de prix, mais surtout de qualité de ses produits.

     

    C’est pourquoi, entre autres recommandations, la Cour préconise :

    • « la nécessaire supervision par la Commission de l’évolution du marché, pour éviter en particulier la réapparition d’excédents massifs » (ce qui ne va pas dans le sens de l’augmentation des quotas et de leur suppression ultérieure voulue par la Commission) ;
    • le suivi du processus de formation des prix à la production et à la consommation dans le secteur laitier, compte tenu du poids des entreprises de transformation et de distribution (on a vu que des « réflexions » s’engageaient dans ce sens : voir l'article: Les mesures pour soutenir le secteur laitier toujours jugées insuffisantes );
    • l’orientation de la production d’abord vers la satisfaction du marché domestique et, sur le marché mondial, vers la production de produits à haute valeur ajoutée, comme les fromages (mesure qui semble dictée par le bon sens d’autant que la Cour observe que la compétitivité des produits laitiers européens sur le marché mondial n’est pas très bonne pour les produits de base - beurre, poudre de lait – en raison du faible niveau des prix mondiaux, mais que sur les produits « à haute valeur ajoutée », moins dépendants du niveau des prix, comme les fromages, cette compétitivité est « bien meilleure »).

    Il est douteux que ces recommandations soient du goût de la très libérale Commissaire à l’agriculture, mais elles donneront peut-être un peu de baume au cœur aux producteurs laitiers.

     

    Domaguil